Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 27 mai 2015

La critique d’une seule voix


Les commissaires politiques, main dans la main avec la police des mœurs, nous ont fourni un bel exemple d’indignation sélective en même temps qu’une bonne tranche de rire, le week-end dernier
Ce vendredi, déjeuner aimable avec une longue jeune fille émouvante. On boit une bouteille de gevrey de chez Trapet, puis le patron du restaurant nous propose un verre de chenin du château de Fosse-Sèche. 



Ce vin était mort, faute d’avoir été protégé. De mauvais arômes de pomme blette sur un jus gazeux. Agacé par ce vin sottement foutu, je m’en ouvre d’un tweet repris sur Facebook.
Seulement voilà. Le vigneron fait partie de cette mouvance politiquement correcte très en vogue sur les réseaux sociaux. Touche pas à mon dogme.
Là, les indignés de service s’en sont donné à cœur joie, arguant du fait qu’il est littéralement interdit de mal juger un vin « naturel » (je mets des guillemets à « naturel » pour faire valoir le hold-up sémantique) (comme si les autres étaient en plastique ou que sais-je).
Pour faire bonne mesure, le vigneron s’en est mêlé, expliquant au monde comme il travaillait beaucoup et à moi, quel culot j’avais de n’en tenir aucun compte, laissant entendre que vu du fauteuil de mon bureau, c’était pas comme un coucher de soleil sur les vignes au soir d’une longue journée de travail.
J’adore ces gens qui croient toujours être les seuls à travailler, comme les livreurs qui bouchent les rues en hurlant « Je travaille, moi ! ». Le travail, aussi important soit-il, ne justifie rien sauf, peut-être, la réussite. Ce n’était pas le cas. Vous, je ne sais pas, mais moi, si le résultat d’heures de travail débouche sur un résultat moyen, ce qui peut arriver évidemment, je recommence en tirant profit de la leçon, de l’expérience. Lui, nan. Bon. Il oublie juste que quiconque développe une activité qui requiert l’adhésion du public s’expose à des rejets.

Sur les réseaux sociaux, les petits inquisiteurs se permettent de vomir sur les plus grands vins produits par les meilleurs vignerons du monde, des vins qu’ils ne boivent jamais évidemment. N’importe quel ahuri doté d’une connexion internet peut se répandre et expliquer au monde quel mauvais angélus – cheval – haut-brion il a bu (il y a longtemps). Mais se plaindre d’un blanc raté par un naturiste, non. On m’a expliqué que j’étais le plus mauvais dégustateur du monde, que je m’étais trompé, que je n’avais pas reconnu la pépite sous sa gangue de merde. J’ai cru rêver.
Pas besoin d’être grand clerc pour reconnaître des arômes de pomme blette, n’importe quel enfant de huit ans ayant passé quinze jours à la campagne avec sa grand-mère sait les reconnaître. Pour le gaz dans la boisson gazeuse, pareil.
Et je ne prends pas pour normal qu’un vin sans soufre ajouté se barre dans tous les sens. Ça pose un énorme problème de respect du consommateur, de l’acheteur. Et un problème de savoir-faire, bien sûr. Jouer avec le soufre et avec succès demande un doigté et une technique qui n’est, visiblement, pas l’apanage de tous.

Le plus violent, comme toujours, c’est l’innommable Papy Zinzin qui, sur son blog pourri, m’insulte gravement parce que j’ai esquissé l’ombre d’un jeu de mots sur le patronyme dudit vigneron. Il s’appelle Pire.
Je conseille à l’odieux vieillard de relire ses logorrhées et se souvenir enfin, avant de l’ouvrir, de ce qu’il fait depuis des mois, sinon des années, de mon patronyme à moi. Et si ce monsieur Pire a, comme moi, traversé des années de cour de récré, il est largement vacciné contre ce genre d’humour, comme moi. Rien de grave, en somme.

Et pour finir sur une note sérieuse, voici un extrait d’un mail reçu hier d’un ami du vignoble : « Grace a toi j'ai appris que le décès d'un père excuse la commercialisation d'un vin mauvais. Je regrette de ne pas l'avoir su à l'époque des obsèques du mien. Je n'ai pas pu en profiter.
(…) jouer sur les sentiments avec des arguments qui n'ont rien a voir avec le problème. Et avec le fait qu'il faut tout pardonner dans la médiocrité. Pendant ce temps, il occulte les vraies questions de fond. »

Merci de ton soutien, l’ami.
Mais la question reste pendante. Peut-on critiquer un vin adoubé par la patrouille du PC* ? Faut-il ne critiquer que les vins produits par de grands domaines riches ? Et, si oui, riches comment ? Plus riches que qui ? L’absence de soufre dans un vin cloue-t-elle automatiquement le bec du commentateur ? Le mot « naturel » est-il une garantie de qualité et, si oui, de quel droit ?
Bref, il y a de quoi débattre.

Enfin, j’adresse ce message personnel à cette population qui défend la pensée unique avec de telles œillères :








*PC : Politiquement Correct

21 commentaires:

  1. Un jour j’ai eu un soucis avec un chenin avec peu de soufre…J’en ai parler à un ami caviste qui en vend et au vigneron…Je pense qu’il n’a pas supporté un mauvais conditionnement..Cela sentait l’acétone….

    Est-si ce que vous avez goûté, était le fruit d’une seule bouteille ou d’un mauvais conditionnement?

    Ensuite je pense qu’il y a deux grands styles de vins les classiques et les natures…et vous préférez les classiques…C’est votre droit…

    Ensuite il n’y a pas que des bons vins natures, c’est pourquoi il faut une école de vinification de vins natures…

    je dis toujours : il n’y a pas de vins parfaits mais des goûts favoris…

    faire une guerre entre blogue voisin sur notre goût favori est une hérésie…faire une guerre contre les sodas et la mal bouffe qui encouragent nos jeunes à être abstème serait plus audacieux….



    Cordialement

    Jean-Charles Botte www.vinpur.com

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    1. un peu d'humour pour détendre l'atmosphère Jean-Charles (vous avez déjà dû le lire) http://www.glougueule.fr/2015/05/mimi-fifi-glouglou-pur-et-dur/

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    2. Cette guerre que vous évoquez à la fin de votre commentaire est déjà déclarée, monsieur Botte. Et, à des degrés divers, nous sommes nombreux y être attentifs.

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    3. Et effectivement, cette guéguerre est stupide, contre-productive. Une guéguerre co-alimentée par des aigris qui croient trouver là un moyen d'exister et des petits commerçants qui déroulent leur marketing du pire. Sans jeu de mots, je vous en prie, à "pire"…

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    4. On parlait de la guerre contre la malbouffe et l'hégémonie des sodas. La guerre entre blogueurs n'intéresse personne. D'ailleurs, elle n'existe pas.

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  2. Ne cherchons pas la petite bête : le courroux du maître des lieux est totalement justifié, tant il est vrai qu'en France, cette maladie du "politiquement correct" se répand dans tous les secteurs.

    Ou un vin est bon (et là le dégustateur nous donne l'amplitude à donner au mot "bon") ou le vin a des défauts évidents, et là, je ne vois vraiment pas au nom de quel principe on ne pourrait pas le dire et en termes vertement choisis.

    Si, Monsieur Botte, si : il y a des vins frisant une certaine perfection et qui sont reconnus comme tels par une vaste majorité de professionnels. Et oui, dans l'autre sens, il y a bien des gens capables de dire que la blette, ce n'est pas vraiment ce qu'on attend d'un vin.
    Doit-on pour autant avoir plus de mansuétude pour un vigneron qui essaie, qui cherche, qui peut se planter sur un millésime, un cru ? Absolument oui. Mais quand c'est un vigneron qui le prend de haut, avec des arguments à la con, je ne vois vraiment pas pourquoi on devrait dire amen en s'agenouillant.
    Un critique est là pour le consommateur, pas pour le producteur : une situation française malheureusement bien trop étendue !

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    1. J'ai dit par ailleurs ce que je pensais de cette mise au point de Nicolas. Je ne déteste rien de plus que celles et ceux qui au nom de tel ou tel principe vaseux veulent limiter, encadrer, contrôler la critique. La critique est aussi un art, avec ses règles et ses risques de chute.
      Nicolas exprime son avis, ce n'est pas exactement le même que le mien mais je ne vois pourquoi il lui serait interdit de l'exprimer, même vertement. ce que je retiens en revanche, c'est cette phrase qui résume à l'époque du grand mélange des genres entre journalisme, RP, évènementiel, commerce, etc, merci François Mauss d'avoir si clairement rappelé le principe fondamental:
      "Un critique est là pour le consommateur, pas pour le producteur"
      Tout est dit.

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    2. En même temps, François, le jour où tu verras un gars dire avec simplicité "oui, j'ai merdé" suivi de quelques explications techniques, fait une capture d'écran.

      Et Vincent, oui. Absolument. C'est le credo number one de Bettane et de Desseauve. Une exigence qui simplifie la vie, tu n'imagines pas. Enfin, si, tu imagines.

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    3. comme François. J'ai fait sulfiter fort les raisins de 2005 au seul titre de leur forte teneur en sucres. Je n'ai pas tenu compte du pH à l'époque. Aujourd'hui je ne fais plus sulfiter avant la fin de la malo. L'expérience a servi.

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  3. :-) Tu peux capturer mon dernier billet où je "merde" sérieux sur la question vaseuse et "sable mouvant" sur les notations relatives et absolues.
    De quoi je me mêle ? Comme disait le Général : la vieillesse, c'est un naufrage.
    On n'est pas sorti de l'auberge ! :-)

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  4. "Ce vin était mort, faute d’avoir été protégé."

    Ce serait joli de s'en tenir là, un vin se protège.

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  5. Oui le "sans -soufre" dans les blancs c'est n'importe quoi.
    Mais ce que vous ne nous dites pas: l'age de ce vin?
    En tout cas la pomme blete dans un vin jeune (moins de 3-4 ans), c'est une erreur de vinification. C'est injustifiable.
    Puisqu'on critique: je suis tombe un Puligny PC oxyde chez Leflaive...

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    1. Oui, le premox (oxydation prématurée) est un problème en cours de solution.

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  6. Si je puis me permettre d'intervenir dans ce débat d'experts (...), je pense que la réaction du vigneron vient du fait qu'on parle d'un vin (ou plutôt d'une cuvée) à partir d'une bouteille défectueuse. On sous-entend donc que le vigneron a fait une mise avec un jus oxydé (peu crédible) ou que la (trop) faible protection impose des conditions de conservation non respectées par le revendeur. C'est pas si différent d'une bouteille bouchonnée, si?
    Benjamin

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    1. La différence est majeure, cher Benjamin.
      Une mise avec un jus oxydé ou trop peu protégé est une intention délibérée du vigneron qui y met toute son idéologie, son cœur, sa pratique.

      En revanche, une bouteille bouchonnée est un accident qu'on ne peut pas imputer au vigneron, mais au bouchonnier (en général portugais) qui n'a pas fait le boulot à fond.

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    2. Et, à la fin, on peut ergoter des heures, mais je n'en connais que trois capables de faire des vins sans soufre ajouté à la mise. Marionnet le grand initiateur du sans-soufre, Gérard Bertrand et Roagna en Piémont.

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  7. Sincèrement vous dites n'en connaître que 3 capables de faire des vins sans soufre ajouté à la mise? Pardonnez mon étonnement ...
    Vous ne connaissez donc pas Richard Leroy,Jean François Ganevat ou pour parler de vin italien le domaine Massa Vecchia? Je pourrais en citer encore beaucoup et pourtant en toute humilité je ne suis qu'un simple consommateur.
    Marionnet le grand initiateur du sans soufre,vous m'apprenez une chose...
    Je pensais que Jules Chauvet en était le précurseur et Marcel Lapierre un des ses disciples.
    À priori il va donc falloir que je revois mes manuels...

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    1. Je connais un peu Ganevat, pas Leroy ni MassaVecchia (déjà goûtés les deux, aucun souvenir).
      Marionnet fait des vins sans soufre depuis des lustres et ses vins sont toujours impecs. Une production de 60 000 cols/an, on parle pas d'une cuvée confidentielle, hein.
      Loin de moi l'idée de remettre en cause l'importance de Chauvet, mais j'ai toujours bu les morgons de Lapierre avec plus de plaisir quand ils étaient légèrement sulfités que ceux qui ne l'étaient pas du tout.

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    2. Sans vouloir m'immiscer dans ce débat d'experts, deux remarques.
      1°) Le chaînon manquant dans la transmission de "l'héritage" de Jules Chauvet, c'est Jacques Néauport.
      2°) Jules Chauvet, éminent chimiste, souhaitait réduire les doses de SO2 "quand c'était possible", et surtout par rapport à une époque où l'on bastonnait avec les sulfites. Mais ce n'était pas une religion, sa vraie religion, c'était le nez du vin, que le vin lui évoque un bouquet de roses, sa fleur-fétiche. Il était même quand on le lit assez à cheval sur les déviances olfactives.

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  8. Eh bien j'espère que vous goûterez ces vins prochainenement!
    Personnellement je n'ai jamais eu une seule émotion avec les vins de Marionnet (soufre ou pas), j'ai d'ailleurs beaucoup de mal à comparer Roagna avec les 2 autres! Pour moi c'est juste pas le même monde.
    Quant aux morgons de Lapierre sulfités ou pas,et pour avoir très souvent comparé les 2 cuvées à l'aveugle,il s'est souvent avéré que la cuvée sans soufre avait ce petit supplément d'âme...

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