Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



dimanche 31 janvier 2016

Si je m'appelais Guide Michelin

- J'aurais mis trois étoiles à Joël Robuchon à la Grande Maison. Parce que ce ne serait que justice plus d'un an après l'ouverture du plus bel établissement de Bordeaux. Rappelons que Alleno chez Ledoyen a eu trois étoiles en six mois à peine. Le guide des pneus, comme dirait Pousson, devrait être équitable au lieu d'être maladroitement politique. 

- J'aurais distingué Alain Pégouret au merveilleux Laurent, best location in Parisse. Pourquoi ? Vous avez vu l'assiette ? Vous avez vu le niveau de service ? La qualité de la sommellerie ? On me dit que le Laurent fait "trop" de couverts chaque jour pour être éligible à la récompense suprême (enfin "suprême" pour le moment). Ce qui signifie donc que le Michelin est contre le succès ? C'est intéressant. 

- Je cesserais d'oublier Alain Dutournier chaque année. Ce chef de grand talent, parfait accordeur de mets et de vins, vaut mieux qu'une étoile dans chaque poche. 

La liste des revendications est longue. Tous les amateurs de belles tables se plaignent des sévices infligés à toute une corporation par les avis du Michelin. On peut aussi décider de ne plus s'en servir de référence. Moi, c'est fait. Il me sert à caler une étagère au bureau. 

L'annonce du palmarès aura lieu demain lundi. Ce qui précède est donc une manière de commenter les rumeurs. ;-)


La collection d'Emmanuel Renaut au Flocons de sel, triple-étoilé à Megève

dimanche 17 janvier 2016

Buveur d’étiquettes




Sur le podium des champagnes croisés ces jours-ci. Très bon, très fin, très classieux. En plus, la parcelle s’appelle La Croisette, hein. Faut-il le boire avant un La-Rochelle du Château du Moulin-à-Vent ?



Sottement ouvert deux ans trop tôt. Au moins. Une parcelle plantée il y a plus d'un siècle et demi. Franc de pied, donc. Romorantin, c’est le cépage. Pucelle ? Je ne sais pas. C’est Thierry Desseauve qui a trouvé le nom m’a raconté Henry Marionnet. Qu’en conclure ? ;-)



Ce Brim’ extra-brut est dosé à deux grammes/litre. C’est très bon, comme toujours.
(i had a brim, mais là, il est vide) (private joke).



En magnum. Il s’appelle Mosaïque parce qu’il est le résultat d’un assemblage bien fait d’une multitude de parcelles. Un rosé très aromatique bien composé issu de la coopération.



Ce clos-liebenberg est un effervescent d'une grande élégance et finesse issu de raisins cultivés en bio-dynamie par une famille présente sur les coteaux d’Orschwihr depuis des générations. Ma deuxième bouteille, une deuxième merveille. Il faut aussi que je vous raconte un magnum de pinot noir par le même Zusslin. Une autre fois.



En magnum. Il vient des vignes du domaine Faiveley, grande maison de négoce nuitonne. Très grande bouteille dans un grand millésime (2002), belle émotion.



À quoi reconnaît-on un grand vin ? Entre autres, au fait qu’il est meilleur le lendemain. C’était le cas de cette cuvée dite de prestige issue de la coopération. Esprit couture ? Sûrement  :-)



Beau doisy-daëne offert par une amie chère dans un millésime qu’on voit rarement passer. Très bon moment. Bue sur quatre ou cinq jours. Indispensable sauternes.


vendredi 15 janvier 2016

Après Trévallon et Gourt de Mautens,
c'est le tour de Liber Pater



Voilà encore une de ces belles histoires comme les instances viti-vini savent nous en fabriquer. Un petit goût de déjà vu, on pense à Éloi Dürrbach (Trévallon) et à Jérôme Bressy (Gourt de Mautens). Notre homme s’appelle Loïc Pasquet, il est viticulteur près de Landiras dans le sud de la Gironde.
Jusqu’à présent, il produisait un vin en appellation Graves qui s’appelle Liber Pater. Avec l’accord des autorités en charge, il a planté son petit vignoble de poche à 20 000 pieds à l’hectare et a initié la réintroduction de cépages anciens. Il cherche à retrouver le goût du bordeaux d’avant 1855.
D’entrée, il a surpris tout le monde en vendant son liber-pater la modique somme de 3 000 euros la bouteille de 75 cl, le vin le plus cher de Bordeaux. Sourcils circonflexes dans la région, c’est quoi cette histoire, il se prend pour qui, le scandale couve.
Aujourd’hui, il commercialise son millésime 2007, 4 000 euros TTC, 2 500 bouteilles, 60 % cabernet-sauvignon, 40 % merlot et un liquoreux 2007 également, 100 % sémillon, au même prix, produit à 282 exemplaires.
Il est inculpé à deux titres.
On lui reproche d’avoir touché des subventions d’aide à l’export et de n’en avoir rien fait. Il se trouve qu’il a fait une tentative en Chine, qu’il est tombé sur un escroc et qu’il a remboursé sa subvention, ce côté double-peine. Mais on lui reproche aussi l'escroc.
On lui reproche de ne pas respecter le cahier des charges de l’appellation. Comme pour Bressy et Dürrbach. Au tribunal, ça s’appelle « tromperie ». Si on voit bien le caractère protecteur d’une telle disposition, on ne peut pas ignorer que la plantation de cépages anciens a été faite en plein accord avec l’INAO, ce côté kafkaïen. On lui reproche d’avoir planté ces cépages, mais le Parquet s’est étonné qu’ils ne figurent pas dans l’assemblage du millésime en cours de commercialisation (de quoi je me mêle ?). Ben non, banane, ils ont été plantés en 2010 et n’entreront dans l’assemblage qu’à partir du millésime 2015.

Une fois de plus, répétons que si l’appellation n’ouvre pas la porte à l’innovation, elle est morte. Rappelons que c’est la chance d’une appellation de nourrir en son sein des zozos assez passionnés pour explorer des voies nouvelles, en l’espèce des cépages historiques et oubliés. Redisons que ce travail de mémoire ampélographique est particulièrement important dans la séquence climatique que nous traversons. Regrettons à nouveau que le travail des appellations soit tourné vers l’uniformisation, le nivellement. N’oublions jamais que ce sont toujours les meilleurs des appellations qui sont montrés du doigt et sanctionnés, punis, ce côté soviétique.

À suivre.

L'étiquette de Liber Pater fait tout le tour de la bouteille
(cliquez sur l'étiquette pour la voir en grand)



Pour connaître les mauvais procès faits aux bons vignerons :
L’affaire Bressy, ici
L’affaire Dürrbach, ici (en vidéo)
L’affaire Tari à Bandol, ici 
Et l’affaire Marcel Richaud à Cairanne,

dimanche 10 janvier 2016

Anabelle et Corbin, les hortensias et les vins





Anabelle Cruse est l’une des rares propriétaires de grand cru classé à vivre toute l’année dans son château avec ses trois enfants et son mari, tout en étant l’œnologue responsable des vins que son château produit. Ce choix, elle l’a fait il y a longtemps. Elle trouve que « C’est dommage, ces campagnes qui se vident alors que les villes deviennent folles ». Et ce n’est pas l’agitation de Saint-Émilion et les humeurs liées au classement qui risquent de la concerner, son Château Corbin qu’elle aime tant « est classé depuis toujours ».
Mais tout n’a pas été linéaire. « Après mes études d’œnologie, puis de gestion, j’ai passé deux ans en stage au château Branaire à Saint-Julien. C’est là que j’ai tout appris. Une envie de rompre avec mon quotidien bordelais m’a emmenée me promener jusqu’en Inde, à Calcutta, où j’ai passé six mois à travailler aux côtés de Mère Teresa. J’adore ce genre de modèles, on en manque
aujourd’hui. »
Comme nombre de ses pairs, reprendre le château était une priorité quasiment vitale même s’il fallait remettre de l’ordre dans tous les compartiments du jeu, ce qu’elle a entrepris avec méthode, rigueur et passion. D’un mot, elle vous fait tout comprendre, « Mes enfants et Corbin, c’est primordial », tout est dit. Pendant que les enfants sont à l’école, pas loin de Saint-Émilion, Corbin avance. Déjà, 35 % du vignoble a été replanté, le bâti a connu une longue période de travaux, près de quinze ans. Reste maintenant à moderniser l’outil, reconsidérer le chai au plus près du parcellaire de Corbin, c’est-à-dire passer de treize à vingt cuves, plus petites. Là, le défi est technique et assez ambitieux, puisque l’objectif est de tirer ce qu’elle appelle « la quintessence du terroir de Corbin ». Elle y arrivera parce qu’elle est comme ça, n’imagine pas le contraire, elle a le temps, aussi. Et du talent assemblé à des convictions, bien assez pour porter son très joli saint-émilion au plus près des étoiles.




La photo : iPhone and me     #womendowine

Cet article a été publié sous une forme différente
dans le supplément Vin de Paris-Match, début septembre 2015.