Voilà encore une de ces belles histoires comme les instances viti-vini savent nous en fabriquer. Un petit goût de déjà vu, on pense à Éloi Dürrbach (Trévallon) et à Jérôme Bressy (Gourt de Mautens).
Notre homme s’appelle Loïc Pasquet, il est viticulteur près de Landiras dans le sud de la Gironde.
Jusqu’à présent, il produisait un vin en appellation Graves qui s’appelle Liber Pater. Avec l’accord des autorités en charge, il a planté son petit vignoble de poche à 20 000 pieds à l’hectare et a initié la réintroduction de cépages anciens. Il cherche à retrouver le goût du bordeaux d’avant 1855.
D’entrée, il a surpris tout le monde en vendant son liber-pater la modique somme de 3 000 euros la bouteille de 75 cl, le vin le plus cher de Bordeaux. Sourcils circonflexes dans la région, c’est quoi cette histoire, il se prend pour qui, le scandale couve.
Aujourd’hui, il commercialise son millésime 2007, 4 000 euros TTC, 2 500 bouteilles, 60 % cabernet-sauvignon, 40 % merlot et un liquoreux 2007 également, 100 % sémillon, au même prix, produit à 282 exemplaires.
Il est inculpé à deux titres.
On lui reproche d’avoir touché des subventions d’aide à l’export et de n’en avoir rien fait. Il se trouve qu’il a fait une tentative en Chine, qu’il est tombé sur un escroc et qu’il a remboursé sa subvention, ce côté double-peine. Mais on lui reproche aussi l'escroc.
On lui reproche de ne pas respecter le cahier des charges de l’appellation. Comme pour Bressy et Dürrbach. Au tribunal, ça s’appelle « tromperie ». Si on voit bien le caractère protecteur d’une telle disposition, on ne peut pas ignorer que la plantation de cépages anciens a été faite en plein accord avec l’INAO, ce côté kafkaïen. On lui reproche d’avoir planté ces cépages, mais le Parquet s’est étonné qu’ils ne figurent pas dans l’assemblage du millésime en cours de commercialisation (de quoi je me mêle ?). Ben non, banane, ils ont été plantés en 2010 et n’entreront dans l’assemblage qu’à partir du millésime 2015.
Une fois de plus, répétons que si l’appellation n’ouvre pas la porte à l’innovation, elle est morte. Rappelons que c’est la chance d’une appellation de nourrir en son sein des zozos assez passionnés pour explorer des voies nouvelles, en l’espèce des cépages historiques et oubliés. Redisons que ce travail de mémoire ampélographique est particulièrement important dans la séquence climatique que nous traversons. Regrettons à nouveau que le travail des appellations soit tourné vers l’uniformisation, le nivellement. N’oublions jamais que ce sont toujours les meilleurs des appellations qui sont montrés du doigt et sanctionnés, punis, ce côté soviétique.
À suivre.
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L'étiquette de Liber Pater fait tout le tour de la bouteille (cliquez sur l'étiquette pour la voir en grand) |
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Pour connaître les mauvais procès faits aux bons vignerons :
L’affaire Bressy,
ici
L’affaire Dürrbach,
ici (en vidéo)
L’affaire Tari à Bandol,
ici
Et l’affaire Marcel Richaud à Cairanne,
là