Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 26 mai 2021

Les habits neufs de Pierre Gattaz

La bonne route, pour comprendre cette Provence-là, pour bien la regarder, s’en imprégner, l’adorer, c’est d’enfiler la vallée du Lubéron et d’obliquer vers le sud, à Bonnieux, pour dévaler la combe de Lourmarin et se retrouver sur l’adret du grand massif, côté Durance, lunettes de soleil et bon sourire en évidence. Pas loin, vous vous retrouvez au château de Sannes, vous avez laissé à droite La Cavale et à gauche le château de La Verrerie. Installé depuis peu à Sannes, Pierre Gattaz n’est pas le premier grand patron à avoir choisi cette Provence rurale pour s’investir (le mot est faible) dans une grande exploitation agricole. Avant lui, la famille Descours, puis Paul Dubrule ont emprunté le même chemin avec, sans doute, les mêmes espoirs et, sûrement, les mêmes difficultés. Pour les Descours, comme pour Dubrule, le parcours a été long avant que les vins ne commencent à avoir l’intérêt requis dans un monde où l’excellence prime. Pierre Gattaz en a une précise conscience, mais : « Ces gens ont créé de belles entreprises, voire des empires. D’un seul coup, ils ont décidé de s’enraciner. C’était aussi mon cas. Le retour à la nature et au terroir, s’arrêter de voyager dans tous les sens, calmer – un peu – le jeu. Plus notre époque devient numérique, plus le besoin de s’enraciner devient fort. Mais ce n’est pas un enracinement sur une chaise longue ou dans une piscine, on cherche à bâtir de nouveaux projets parce que, profondément, nous sommes des entrepreneurs. » On commence à comprendre. Lui, il considère qu’il n’a pas le temps d’attendre des siècles pour avoir des vins performants. Dans cette aventure, il a entraîné sa femme et aussi ses enfants. Ils ont entre 25 et 35 ans et le premier confinement, en mars et avril 2020, a agi comme un révélateur. Ils ont commencé à travailler, à inventer, à s’intéresser au grand œuvre de Papa. Pour le plus grand bonheur du dernier nommé.
Pierre Gattaz est l’ancien président du Medef, le patron des patrons, l’homme qui avait promis un million d’emplois, pari tenu. Avec infiniment d’humilité, le voilà agriculteur et, bien sûr, il embauche. « J’ai créé huit emplois », dit-il l’œil vif. Ce domaine qui entoure le château de Sannes, ce n’est pas seulement de la vigne. Il y a aussi des oliviers, des cerisiers, des lavandes et des hectares de blés anciens, « des blés peu chargés en gluten, une variété très demandée par les boulangers responsables et les consommateurs soucieux de leur équilibre ». Le marché est d’accord, ouf. Il y a aussi un projet de potager partagé à la disposition des salariés du domaine. Le tout est mené en agriculture biologique. Première année certifiée, 2020. La bio-dynamie se profile à l’horizon. Pierre Gattaz s’applique à cocher toutes les cases, comme dans une recherche de rédemption. Il parle de la planète et des gens qui travaillent dans les champs, dans les vignes. Pour mener à bien toute cette nouveauté dans sa vie, il s’est attaché les services de la célèbre consultante Laurence Berlemont, œnologue qui a créé il y a plus de vingt ans le Cabinet d’Agronomie provençale à Brignoles, un peu plus au sud, dans le Var. Pour être œnologue, elle a vite compris qu’il fallait aussi s’intéresser aux oliviers et à l’agriculture au sens le plus large possible. Ainsi, elle est capable d’accompagner les projets les plus vertueux. Très vite, un chai contemporain sort de terre, il n’y manque rien pour faire au mieux. Un caveau vient compléter le tableau, l’œnotourisme est un vrai sujet ici, en Provence. Bientôt, des chambres d’hôtes. Retour sur le vin. « La Provence est une terre de rouges et de blancs, ce qui n’empêche pas de faire des rosés. Pour l’instant, la production se répartit entre une moitié de rosé et l’autre moitié en rouge et en blanc à parts à peu près égales. » 20 000 bouteilles en 2019, trois fois plus en 2020, le rythme est donné. Très vite, Gattaz a compris que le rosé, vite vendu, vite bu, était indispensable à l’équilibre économique de sa nouvelle propriété. Il fait un peu de marketing, pas trop. Les cuvées, comme ailleurs, reprennent les fondamentaux de la propriété, son histoire. 1603, dans les trois couleurs, est une gamme qui rappelle l’année de fondation de la propriété, un pavillon de chasse pour commencer, la chapelle et les agrandissements attendront le milieu du XVIIe siècle et le début du suivant. Terre de Sannes en rouge, Le Grand blanc de Sannes, on est dans le ton. Il a raison, les lieux méritent le plus grand classicisme.
Sannes n’est pas à proprement parler un château comme on l’entend plus au nord de la France. Il s’agit plutôt d’une grande bastide, flanquée d’une chapelle édifiée en 1661. L’ensemble montre l’austérité des demeures seigneuriales de Provence, très adoucie par un parc exceptionnel dans ses proportions comme dans son dessin. Sur la terrasse qui prolonge l’entrée, au sud, sous les platanes gigantesques posés là pour l’ombre bienvenue l’été, le regard porte vers la pièce d’eau qui précède des jardins à la française et, plus loin, une piscine créée par la précédente propriétaire, une Américaine dont on perçoit tout de suite les inspirations à la Hearst Castle, en plus sobre et, donc, plus chic. Sur la droite, à quelques centaines de mètres au bord des vignes, un vieux moulin, le projet est de le remettre en fonction. Les installations techniques, pas très distantes, sont pourtant hors de vue, comme la piscine. Tout ceci respire la félicité et la Provence historique et éternelle, c’est un bijou du genre. La prochaine étape, qui occupe les esprits et les agendas, c’est la montée en gamme des vins de Pierre Gattaz. Il y tient beaucoup.


Les photos sont signées Mathieu Garçon. Dans l'ordre, Pierre Gattaz et Laurence Berlemont, consultante ; l'allée qui mène au château ; les grands cèdres du parc.

lundi 17 mai 2021

L'autre homme de Terrebrune à Bandol

Jean d’Arthuys a 52 ans. Il est un Bordelais reconverti, sa famille est du Gers. Il adore les grands vins de Bordeaux, il avoue une faiblesse pour les cigales et le soleil de la Méditerranée. Il a toujours passé ses vacances sur la Côte. Quand l'occasion s'est présentée, il a volé au secours de la famille Delille et acquis la moitié des parts du domaine de terrebrune, grandissime bandol. Pas le plus connnu.
Vous n’êtes pas le premier grand patron à vous vous intéresser au vignoble français. D’où vous vient ce goût pour le vin ?
Moi, c’est mon père. Il nous a toujours fait goûter des grands vins en nous disant que c’était un peu de la France, de son terroir, du travail des hommes. J’ai toujours vu le vin comme un sujet quotidien pour les hommes et les femmes. Cela contribue au bien-être de la vie et au génie français. C’est ce qui lui donne, plus que jamais, son ivresse nécessaire. J’ai sillonné la France, la Bourgogne, le Bordelais. J’ai visité plus d’une centaine de domaines et j’ai toujours rêvé d’apprendre aux côtés des vignerons à faire des grands vins. Quand je dirigeais les Girondins de Bordeaux, je vivais quotidiennement avec des grands hommes du vignoble comme Jean-Louis Triaud ou Jean-Michel Cazes. Je me suis aussi promené dans d’autres régions comme le Beaujolais, la Corse ou la Savoie et je suis tombé amoureux du mourvèdre, de la Provence. Bandol est exceptionnel. Un choc aromatique pour moi. Un vin de terroir, c’est la traduction du goût de la terre et de l’endroit, du goût du lieu. À Terrebrune et dans d’autres domaines de Bandol, le mourvèdre traduit très bien ce lieu et cette Provence extraordinaire. Il y a les notes de garrigue, le vin est animal, sanguin. J’ai beaucoup apprécié cet endroit et, petit à petit, j’ai discuté avec la famille Delille. Le père était un pionnier arrivé en 1960. Il a construit des restanques et planté du mourvèdre. Son fils Reynald a pris la suite et a fait de très grands vins pendant trente ans. C’est lui qui m’a accueilli quand la situation a obligé la famille à vouloir transmettre. Depuis, il m’apprend à travailler le mourvèdre dans l’optique d’en faire d’un grand vin rouge de garde.
La Provence pour les vacances ?
Je suis un grand amateur de vins et j’ai préféré choisir un terroir moins médiatisé que ceux du Bordelais ou de la Bourgogne. Je préfère être sur le podium d’un terroir moins connu plutôt que d’essayer de survivre au milieu de cinq ou six mille propriétés dans une grande appellation. Bandol a de grands domaines et de grands ambassadeurs. Ce qui est intéressant à Terrebrune, c’est le travail de cette famille. Le domaine est en bio depuis 20 ans et a su développer un écosystème très poussé. Il y a une vérité dans cet endroit. À une époque où beaucoup de gens ne comprennent pas cette notion du temps long, le domaine respecte l’authenticité du lieu et du vin. Faire un grand vin demande une application de tous les jours dans le respect de la nature. On n’imagine pas le travail d’artisan qu’il y a derrière les vins. Pour ces raisons, j’ai un immense respect et beaucoup d’admiration pour les vignerons. Je n’investis pas dans un vignoble à cause d’une piscine.
Vous avez toujours un vrai métier ?
J’ai toujours des activités à Paris. Les revenus dégagés par le domaine sont modestes. Si on me pose la question de savoir si c’est un bon placement, la réponse est non. Avec Reynald, nous souhaitons faire des grands vins, on ne lésine pas sur les moyens humains et sur les outils de production. On se donne les moyens tout en espérant continuer à se développer. On avance. Le domaine est à la conquête du monde et des grands amateurs. Nous sommes engagés dans une exigence de qualité totale avec des vendanges à la main et des petits rendements. La vision de la famille a toujours été de proposer un Terrebrune unique, qui doit être le meilleur pour tout le monde et le plus accessible.
Vous avez navigué aux côtés d’Olivier de Kersauson, c’est prudent ?
Il est comme le vin, il donne un peu d’ivresse à la vie. Il était comme ça, il pouvait partir brutalement, à cinq ou six sur son trimaran, pour tenter de battre le record de la traversée de l’Atlantique, parce qu’il sentait que tout le monde était en forme et voulait y aller. Et à bord, il y avait une caisse de château-la-lagune 1966. Il m’a appris que la vie devait être à la fois prise très au sérieux et que, même quand elle est une grande comédie, une grande pièce de théâtre, on doit la vivre avec panache. La philosophie de Kersauson, c’était ça. Il savait s’entourer de gens qui voulaient vivre pleinement. C’est un grand chef, un grand meneur d’homme, un grand visionnaire aussi sur les grands challenges des marins. C’était quelqu’un qui savait rester humble. Il a beaucoup appris dans sa vie et il a eu la chance d’être le second de Tabarly pendant vingt ans. C’était un homme de goût qui avait bien compris l’essentiel de la vie. En mer, c’était des caisses de la-lagune. Fallait emmener l’essentiel.


Photo Mathieu Garçon prise au restaurant Le Petit Sommelier, à Paris

mercredi 12 mai 2021

Le mystérieux magnum

Qu’est-ce que c’est que cette cuvée « hors-ligne » ? Le Château de Chamirey aurait une production cachée ? Imaginez un peu la belle histoire. Voilà un critique de vins qui franchit un jour les grilles du château et demande à la famille Devillard s’il lui serait possible de vinifier une parcelle de l’un ou l’autre de ses premiers crus de mercurey. La famille, comme toutes les familles du vignoble, a l’habitude de ces journalistes qui se répandent en conseils définitifs sur le délicat sujet de l’élaboration des vins. Mais c’est la première fois qu’ils doivent faire face à une telle requête. On se réunit avec le maître de chai des domaines qui fronce les sourcils, on se demande si, on tergiverse, on biaise. Déjà, un premier cru, non. En revanche, il y a une belle parcelle de pied de côte en amphithéâtre, 1,15 hectare qui entre d’ordinaire dans le grand vin. Elle fera l’affaire. Notre critique s’en contente sans barguigner. Le maître de chai, rétif, écoute les idées de notre critique qui lui demande 50 % de vendange entière et 30 % de chardonnay dans le pinot noir. Eh, oh, on n’est pas en côte-rôtie. L’affaire est mal engagée, mais le maître de chai se laisse faire en traînant vaguement les pieds. Il est sur place, pas notre critique et le maitre de chai sait bien qu’à la fin, il fera ce qu’il voudra. Ce qu’il fait. Il n’y aura que 30 % de vendange entière dans la cuvée et pas plus de 10 % de chardonnay. Notre critique surveille de loin l’évolution de l’affaire ; il passe toutes les trois semaines. Il est content, le bébé se porte bien et les promesses qu’il dégage l’enchantent. L’élevage durera onze mois sous bois, dont 25 % de fûts neufs, suivi d’un affinage de trois mois en cuve avant la mise. Aujourd’hui, la famille a jugé le vin réussi, « Très bon, même » dit Aurore Devillard. Décision a été prise de ne mettre le vin qu’en magnums, 1 336 en tout. Bertrand Devillard choisit de baptiser cette cuvée « Hors-ligne », une référence à d’anciens classements des vins de Bourgogne mis en lumière dans l’ouvrage du docteur Lavalle de 1855.
Au fait ? Qui est ce critique winemaker d'un jour (ou deux) ? Michel Bettane, pardi. Un vieil ami de Bertrand Devillard. Tout s'explique.

mardi 4 mai 2021

Un petit voyage au pied de la Côte-Rôtie

 

La Côte-Rôtie, des falaises de vignes

Cest un de ces voyages que Mathieu Garçon, le photographe, et moi aimons décider à la dernière minute, avec la météo pour bon prétexte, ce côté on the road again, juste après le premier confinement. Évidemment, nous avons adoré chaque minute et tous ceux que nous avons croisé au pied de ces falaises de vignes dinguissimes. Une suite de portraits courts, tous font des côte-rôtie merveilleux. Certains d'entre eux ont fait lobjet darticles plus longs dans EnMagnum, je vous renvoie à la collection.

 

Agnès Levet

Agnès Levet
Chez les Levet, l’histoire a commencé en 1929, le grand-père d’Agnès qui, elle, a repris le domaine des mains de son père en 2004. Michel Bettane qualifie les Levet de « héros secrets de la Côte-Rôtie ». Il fallait rencontrer Agnès, sa discrétion, son humilité, pour comprendre. Elle dit : « On prenait mon père pour un fou parce qu’il binait tout à la main », c’est clair. Elle mentionne à peine le fait que ce sont « des vignes difficiles », qu’il y a « des murs à remonter » (un travail de titan). Décidément, il faut croire que le grand vin justifie tout et les sacrifices. Oui, Agnès Levet produit de grands vins et moins chers que son entourage immédiat. En plus d’être des héros de la Côte, les Levet sont la chance de l’amateur.

Stéphane Ogier
Les Ogier étaient d’importants producteurs de fruits. Un peu de légumes aussi, de la vigne. Stéphane est la septième génération des Ogier d’Ampuis. La seconde qui fait son vin. « Je ne suis pas éloigné du style de mon père. » Il a bien fait si l’on considère l’immense succès qu’il connaît dans le monde entier, ami des stars, producteurs de cuvées parcellaires aux tarifs stratosphériques, réclamé partout. Le succès le plus total et le chai ultra-moderne qui va avec. Treize hectares en côte-rôtie, c’est un très beau patrimoine et il reste lucide quand il se souvient que « C’est l’arrivée des désherbants chimiques qui a permis le développement du vignoble ». Lui, il a été l’un des tout premiers à travailler les sols. Avec un cheval, même.

Aurélien Chatagnier
Nous voilà sur le plateau, tout en haut. On imagine le lieu les jours de grand mistral. Aurélien travaille dans une sorte de grand garage des cuvées de finesse qui font la joie des grands amateurs. « J’ai démarré avec un hectare d’une vigne louée. » Aujourd’hui, il a 40 ans et en exploite huit. Ne lui dites pas qu’il est connu, il se vit comme un agriculteur. « Il y a longtemps que je travaille en bio » explique ce curieux de tout ce qui peut améliorer son vin. S’il y a quelque chance que vous ne trouviez pas son côte-rôtie (mille bouteilles, c’est très peu), tentez votre chance avec son impeccable saint-joseph, ce n’est pas déchoir. Et il vient d’acquérir une belle parcelle de poiriers, « Pour essayer de faire une belle gnôle ». Prem’s.

Christine Vernay
La fille de Georges Vernay, l’homme qui a sauvé l’appellation condrieu, a un avis tranché sur le travail du sol. « Je trouve que la pioche, c’est de l’esclavage donc on utilise aussi le treuil, la motobineuse et le cheval à certains endroits. » Avec 25 hectares dont 70 % en coteau de raide à très raide, on voit bien la somme de travail pour les 40 salariés du domaine. Pour réduire la pénibilité du travail, « Pour que ces coteaux continuent à vivre », elle revoit l’idée de l’enherbement, du couvert végétal, « c’est aussi ça la biodiversité ». Pourtant, elle regarde ses coteaux hallucinants sans jamais oublier que « Dans les années 60, personne n’imaginait qu’on reviendrait un jour sur les coteaux ». Vu d’en bas, déjà, on y croit à peine.

Christophe Blanc
Si l’on peut admettre que celui qui est né et a grandi ici, dans une famille de vignerons ancrée sur ses pentes depuis des générations, s’accommode de cette viticulture de folie, que vient faire cet étranger ? Christophe Blanc est arrivé en 2009, issu d’un autre monde, le BTP et après trois ans d’études viti-œno et de stages. Il s’entend bien avec ses voisins, des copains, « La force dans la région, c’est qu’on échange beaucoup entre nous ». S’il n’a que dix vendanges derrière lui, il a déjà sept hectares sur quatre appellations. Il découvre tous les jours la vigne, le vin, les murets à redresser et l’administration avec laquelle il faut composer, « Nous faisons du vin dans quatre départements, c’est donc quatre réglementations différentes ». Il a tous les courages.

Pierre-Jean Villa
Son père était un footballeur espagnol qui, le mercato aidant, est arrivé dans la région où il a rencontré sa mère. « Je voulais faire pareil, je n’avais pas le même talent. Je me suis retrouvé dans une banque. Ce n’était pas pour moi. J’ai rejoint mon copain d’enfance Yves Cuilleron dans les vignes et ça m’a plu. » C’est facile, la vie. Il devient chef des ventes au Clos de Tart à Morey-Saint-Denis et c’est Sylvain Pitiot qui lui donne envie de faire son vin. Retour dans le Rhône. On est en 2002 et la belle histoire commence. Aujourd’hui, il est un pilier de l’appellation et l’un de ses plus remarquables interprètes. Précis, sensible, curieux, ouvert à tout et à tous, il mène son vignoble « au feeling » et c’est très bien comme ça. Ses vins le prouvent. 

 

Graeme et Julie Bott

 

Graeme et Julie Bott
Ils se sont rencontrés chez Stéphane Ogier où ils ont passé dix ans. En toute logique, après leur mariage, ils ont décidé de créer leur propre domaine et, contre toute attente, un tourbillon de bienveillance et quelques bonnes fées opportunes se sont penchées sur le projet qui est devenu réalité. Aujourd’hui, à force de travail et de savoir-faire, les Kiwis d’Ampuis sont à la tête de 6,5 hectares dans les trois appellations et Seyssuel, la bombe à retardement des grands vins à venir. De la tenue des vignes à l’ergonomie du site internet, tout est éblouissant d’intelligence et de talent. Vins compris qui arrachent des oh et des ah aux dégustateurs du monde entier. Avec, pour couronner la perfection de l’histoire, un bébé qui vient de naître. 


Paul Amsellem
Ce pianiste doué est aussi le mari de Christine Vernay. Il a la charge de la commercialisation des vins du domaine. Une responsabilité majeure, c’est l’autre métier du vin sans lequel ceux qui le font n’existent pas. D’une certaine manière et vu de l’extérieur, il est le parrain de l’appellation. Il parle avec tous, aide l’un, conseille l’autre, disponible, présent, drôle, sensible. Ils le disent tous et tous l’adorent. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, il a créé un groupe de rock, finement nommé Grapeful Dead, avec Yves Gangloff, Pierre-jean Villa et d’autres venus d’autres vignobles ou d’autres horizons. Et avec autant d’humour que de modestie distante. Autrefois, on aurait dit de lui qu’il est un type bien.

Michaël Gerin
Si son père est un célèbre vigneron de la Côte-Rôtie, Michaël est le président de l’appellation. Bien entouré par une fine équipe, Elsa Gangloff et Guillaume Clusel-Roch, le rôle lui permet d’avoir une vision intéressante. Il dit « Avec 323 hectares revendiqués, l’appellation revient à son niveau d’avant le phylloxéra. Le vignoble est partagé entre 70 domaines. C’est une diversité exceptionnelle. Celui qui ne trouve pas un côte-rôtie à son goût, c’est qu’il n’aime pas la syrah. Et il y en a tous les prix. ». Il est aussi aux premières loges du vignoble familial avec une vision modernisée de ce que l’époque impose, la conversion en bio notamment, entamée cette année. Et la nouveauté, c’est la côte-bodin, un parcellaire isolé pour la première fois. Impatience de goûter.

 

Romain Decelle

Romain Decelle
Ce garçon a une âme d’artiste et c’est une bonne nouvelle dans le vignoble. De parents propriétaires de vignobles à Bordeaux, dans le Roussillon, en Bourgogne et, donc, ici au domaine de Boysset, il a appris le doute et le travail, « Je suis dans les vignes », il y ajoute de l’enthousiasme. Pour les vignerons qui l’entourent, surtout la jeune garde évidemment. Pour la variété des terroirs, des opportunités de vinification. Pour le cépage : « Le plaisir de la syrah est dans l’aromatique et dans la simplicité. Je veux surtout éviter les dérives de surmaturité, de concentration et d’élevages poussifs. » Déjà trois millésimes dans ce domaine où tout est à construire, « Les anciens propriétaires vendaient tout aux particuliers ». À suivre de près.

 

 

Ce sujet a été publié dans EnMagnum n°21 sous une forme différente
Photos Mathieu Garçon