Le blog de Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
mercredi 26 mai 2021
Les habits neufs de Pierre Gattaz
Les photos sont signées Mathieu Garçon. Dans l'ordre, Pierre Gattaz et Laurence Berlemont, consultante ; l'allée qui mène au château ; les grands cèdres du parc.
lundi 17 mai 2021
L'autre homme de Terrebrune à Bandol
Moi, c’est mon père. Il nous a toujours fait goûter des grands vins en nous disant que c’était un peu de la France, de son terroir, du travail des hommes. J’ai toujours vu le vin comme un sujet quotidien pour les hommes et les femmes. Cela contribue au bien-être de la vie et au génie français. C’est ce qui lui donne, plus que jamais, son ivresse nécessaire. J’ai sillonné la France, la Bourgogne, le Bordelais. J’ai visité plus d’une centaine de domaines et j’ai toujours rêvé d’apprendre aux côtés des vignerons à faire des grands vins. Quand je dirigeais les Girondins de Bordeaux, je vivais quotidiennement avec des grands hommes du vignoble comme Jean-Louis Triaud ou Jean-Michel Cazes. Je me suis aussi promené dans d’autres régions comme le Beaujolais, la Corse ou la Savoie et je suis tombé amoureux du mourvèdre, de la Provence. Bandol est exceptionnel. Un choc aromatique pour moi. Un vin de terroir, c’est la traduction du goût de la terre et de l’endroit, du goût du lieu. À Terrebrune et dans d’autres domaines de Bandol, le mourvèdre traduit très bien ce lieu et cette Provence extraordinaire. Il y a les notes de garrigue, le vin est animal, sanguin. J’ai beaucoup apprécié cet endroit et, petit à petit, j’ai discuté avec la famille Delille. Le père était un pionnier arrivé en 1960. Il a construit des restanques et planté du mourvèdre. Son fils Reynald a pris la suite et a fait de très grands vins pendant trente ans. C’est lui qui m’a accueilli quand la situation a obligé la famille à vouloir transmettre. Depuis, il m’apprend à travailler le mourvèdre dans l’optique d’en faire d’un grand vin rouge de garde.
La Provence pour les vacances ?
Je suis un grand amateur de vins et j’ai préféré choisir un terroir moins médiatisé que ceux du Bordelais ou de la Bourgogne. Je préfère être sur le podium d’un terroir moins connu plutôt que d’essayer de survivre au milieu de cinq ou six mille propriétés dans une grande appellation. Bandol a de grands domaines et de grands ambassadeurs. Ce qui est intéressant à Terrebrune, c’est le travail de cette famille. Le domaine est en bio depuis 20 ans et a su développer un écosystème très poussé. Il y a une vérité dans cet endroit. À une époque où beaucoup de gens ne comprennent pas cette notion du temps long, le domaine respecte l’authenticité du lieu et du vin. Faire un grand vin demande une application de tous les jours dans le respect de la nature. On n’imagine pas le travail d’artisan qu’il y a derrière les vins. Pour ces raisons, j’ai un immense respect et beaucoup d’admiration pour les vignerons. Je n’investis pas dans un vignoble à cause d’une piscine.
Vous avez toujours un vrai métier ?
J’ai toujours des activités à Paris. Les revenus dégagés par le domaine sont modestes. Si on me pose la question de savoir si c’est un bon placement, la réponse est non. Avec Reynald, nous souhaitons faire des grands vins, on ne lésine pas sur les moyens humains et sur les outils de production. On se donne les moyens tout en espérant continuer à se développer. On avance. Le domaine est à la conquête du monde et des grands amateurs. Nous sommes engagés dans une exigence de qualité totale avec des vendanges à la main et des petits rendements. La vision de la famille a toujours été de proposer un Terrebrune unique, qui doit être le meilleur pour tout le monde et le plus accessible.
Vous avez navigué aux côtés d’Olivier de Kersauson, c’est prudent ?
Il est comme le vin, il donne un peu d’ivresse à la vie. Il était comme ça, il pouvait partir brutalement, à cinq ou six sur son trimaran, pour tenter de battre le record de la traversée de l’Atlantique, parce qu’il sentait que tout le monde était en forme et voulait y aller. Et à bord, il y avait une caisse de château-la-lagune 1966. Il m’a appris que la vie devait être à la fois prise très au sérieux et que, même quand elle est une grande comédie, une grande pièce de théâtre, on doit la vivre avec panache. La philosophie de Kersauson, c’était ça. Il savait s’entourer de gens qui voulaient vivre pleinement. C’est un grand chef, un grand meneur d’homme, un grand visionnaire aussi sur les grands challenges des marins. C’était quelqu’un qui savait rester humble. Il a beaucoup appris dans sa vie et il a eu la chance d’être le second de Tabarly pendant vingt ans. C’était un homme de goût qui avait bien compris l’essentiel de la vie. En mer, c’était des caisses de la-lagune. Fallait emmener l’essentiel.
Photo Mathieu Garçon prise au restaurant Le Petit Sommelier, à Paris
mercredi 12 mai 2021
Le mystérieux magnum
Au fait ? Qui est ce critique winemaker d'un jour (ou deux) ? Michel Bettane, pardi. Un vieil ami de Bertrand Devillard. Tout s'explique.
mardi 4 mai 2021
Un petit voyage au pied de la Côte-Rôtie
La Côte-Rôtie, des falaises de vignes
C’est un de ces voyages que Mathieu Garçon, le photographe, et moi aimons décider à la dernière minute, avec la météo pour bon prétexte, ce côté on the road again, juste après le premier confinement. Évidemment, nous avons adoré chaque minute et tous ceux que nous avons croisé au pied de ces falaises de vignes dinguissimes. Une suite de portraits courts, tous font des côte-rôtie merveilleux. Certains d'entre eux ont fait l’objet d’articles plus longs dans EnMagnum, je vous renvoie à la collection.
Agnès Levet |
Agnès Levet
Chez les Levet, l’histoire a commencé en 1929, le grand-père d’Agnès qui, elle, a repris le domaine des mains de son père en 2004. Michel Bettane qualifie les Levet de « héros secrets de la Côte-Rôtie ». Il fallait rencontrer Agnès, sa discrétion, son humilité, pour comprendre. Elle dit : « On prenait mon père pour un fou parce qu’il binait tout à la main », c’est clair. Elle mentionne à peine le fait que ce sont « des vignes difficiles », qu’il y a « des murs à remonter » (un travail de titan). Décidément, il faut croire que le grand vin justifie tout et les sacrifices. Oui, Agnès Levet produit de grands vins et moins chers que son entourage immédiat. En plus d’être des héros de la Côte, les Levet sont la chance de l’amateur.
Stéphane Ogier
Les Ogier étaient d’importants producteurs de fruits. Un peu
de légumes aussi, de la vigne. Stéphane est la septième génération des Ogier
d’Ampuis. La seconde qui fait son vin. « Je ne suis pas éloigné du
style de mon père. » Il a bien fait si l’on considère l’immense succès
qu’il connaît dans le monde entier, ami des stars, producteurs de cuvées
parcellaires aux tarifs stratosphériques, réclamé partout. Le succès le plus
total et le chai ultra-moderne qui va avec. Treize hectares en côte-rôtie, c’est
un très beau patrimoine et il reste lucide quand il se souvient que « C’est
l’arrivée des désherbants chimiques qui a permis le développement du
vignoble ». Lui, il a été l’un des tout premiers à travailler les sols.
Avec un cheval, même.
Aurélien Chatagnier
Nous voilà sur le plateau, tout en haut. On imagine le lieu
les jours de grand mistral. Aurélien travaille dans une sorte de grand garage
des cuvées de finesse qui font la joie des grands amateurs. « J’ai
démarré avec un hectare d’une vigne louée. » Aujourd’hui, il a 40 ans
et en exploite huit. Ne lui dites pas qu’il est connu, il se vit comme un
agriculteur. « Il y a longtemps que je travaille en bio »
explique ce curieux de tout ce qui peut améliorer son vin. S’il y a quelque
chance que vous ne trouviez pas son côte-rôtie (mille bouteilles, c’est très
peu), tentez votre chance avec son impeccable saint-joseph, ce n’est pas
déchoir. Et il vient d’acquérir une belle parcelle de poiriers, « Pour
essayer de faire une belle gnôle ». Prem’s.
Christine Vernay
La fille de Georges Vernay, l’homme qui a sauvé
l’appellation condrieu, a un avis tranché sur le travail du sol. « Je
trouve que la pioche, c’est de l’esclavage donc on utilise aussi le treuil, la
motobineuse et le cheval à certains endroits. » Avec 25 hectares dont
70 % en coteau de raide à très raide, on voit bien la somme de travail pour les 40 salariés du domaine. Pour
réduire la pénibilité du travail, « Pour que ces coteaux continuent à
vivre », elle revoit l’idée de l’enherbement, du couvert végétal, « c’est
aussi ça la biodiversité ». Pourtant, elle regarde ses coteaux
hallucinants sans jamais oublier que « Dans les années 60, personne
n’imaginait qu’on reviendrait un jour sur les coteaux ». Vu d’en bas,
déjà, on y croit à peine.
Christophe Blanc
Si l’on peut admettre que celui qui est né et a grandi ici,
dans une famille de vignerons ancrée sur ses pentes depuis des générations,
s’accommode de cette viticulture de folie, que vient faire cet étranger ?
Christophe Blanc est arrivé en 2009, issu d’un autre monde, le BTP et après
trois ans d’études viti-œno et de stages. Il s’entend bien avec ses voisins,
des copains, « La force dans la région, c’est qu’on échange beaucoup
entre nous ». S’il n’a que dix vendanges derrière lui, il a déjà sept
hectares sur quatre appellations. Il découvre tous les jours la vigne, le vin,
les murets à redresser et l’administration avec laquelle il faut composer, « Nous
faisons du vin dans quatre départements, c’est donc quatre réglementations
différentes ». Il a tous les courages.
Pierre-Jean Villa
Son père était un footballeur espagnol qui, le mercato
aidant, est arrivé dans la région où il a rencontré sa mère. « Je
voulais faire pareil, je n’avais pas le même talent. Je me suis retrouvé dans
une banque. Ce n’était pas pour moi. J’ai rejoint mon copain d’enfance Yves
Cuilleron dans les vignes et ça m’a plu. » C’est facile, la vie. Il
devient chef des ventes au Clos de Tart à Morey-Saint-Denis et c’est Sylvain
Pitiot qui lui donne envie de faire son vin. Retour dans le Rhône. On est en
2002 et la belle histoire commence. Aujourd’hui, il est un pilier de
l’appellation et l’un de ses plus remarquables interprètes. Précis, sensible,
curieux, ouvert à tout et à tous, il mène son vignoble « au
feeling » et c’est très bien comme ça. Ses vins le prouvent.
Graeme et Julie Bott
Ils se sont rencontrés chez Stéphane Ogier où ils ont passé
dix ans. En toute logique, après leur mariage, ils ont décidé de créer leur
propre domaine et, contre toute attente, un tourbillon de bienveillance et
quelques bonnes fées opportunes se sont penchées sur le projet qui est devenu
réalité. Aujourd’hui, à force de travail et de savoir-faire, les Kiwis d’Ampuis
sont à la tête de 6,5 hectares dans les trois appellations et Seyssuel, la
bombe à retardement des grands vins à venir. De la tenue des vignes à
l’ergonomie du site internet, tout est éblouissant d’intelligence et de talent.
Vins compris qui arrachent des oh et des ah aux dégustateurs du monde entier.
Avec, pour couronner la perfection de l’histoire, un bébé qui vient de naître.
Paul Amsellem
Ce pianiste doué est aussi le mari de Christine Vernay. Il a
la charge de la commercialisation des vins du domaine. Une responsabilité
majeure, c’est l’autre métier du vin sans lequel ceux qui le font n’existent
pas. D’une certaine manière et vu de l’extérieur, il est le parrain de
l’appellation. Il parle avec tous, aide l’un, conseille l’autre, disponible,
présent, drôle, sensible. Ils le disent tous et tous l’adorent. Et comme un
bonheur ne vient jamais seul, il a créé un groupe de rock, finement nommé
Grapeful Dead, avec Yves Gangloff, Pierre-jean Villa et d’autres venus d’autres
vignobles ou d’autres horizons. Et avec autant d’humour que de modestie
distante. Autrefois, on aurait dit de lui qu’il est un type bien.
Michaël Gerin
Si son père est un célèbre vigneron de la Côte-Rôtie,
Michaël est le président de l’appellation. Bien entouré par une fine équipe,
Elsa Gangloff et Guillaume Clusel-Roch, le rôle lui permet d’avoir une vision
intéressante. Il dit « Avec 323 hectares revendiqués, l’appellation
revient à son niveau d’avant le phylloxéra. Le vignoble est partagé entre 70
domaines. C’est une diversité exceptionnelle. Celui qui ne trouve pas un
côte-rôtie à son goût, c’est qu’il n’aime pas la syrah. Et il y en a tous les
prix. ». Il est aussi aux premières loges du vignoble familial avec
une vision modernisée de ce que l’époque impose, la conversion en bio
notamment, entamée cette année. Et la nouveauté, c’est la côte-bodin, un
parcellaire isolé pour la première fois. Impatience de goûter.
Romain Decelle
Romain Decelle
Ce garçon a une âme d’artiste et c’est une bonne nouvelle
dans le vignoble. De parents propriétaires de vignobles à Bordeaux, dans le
Roussillon, en Bourgogne et, donc, ici au domaine de Boysset, il a appris le
doute et le travail, « Je suis dans les vignes », il y ajoute de
l’enthousiasme. Pour les vignerons qui l’entourent, surtout la jeune garde
évidemment. Pour la variété des terroirs, des opportunités de vinification.
Pour le cépage : « Le plaisir de la syrah est dans l’aromatique et
dans la simplicité. Je veux surtout éviter les dérives de surmaturité, de
concentration et d’élevages poussifs. » Déjà trois millésimes dans ce
domaine où tout est à construire, « Les anciens propriétaires vendaient
tout aux particuliers ». À suivre de près.
Ce sujet a été publié dans EnMagnum n°21 sous une forme différente
Photos Mathieu Garçon