Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 17 décembre 2019

Mes magnums (111)
Un champagne rosé pour Noël, c'est bien

Champagne Philippe Gonet, Brut rosé 



Pourquoi lui 
Il y a beaucoup de Gonet en Champagne. Eux, ce sont Chantal et son frère Pierre, la marque c'est Philippe Gonet. Il faut suivre la conversation.

On l’aime parce que 
Le Mesnil-sur-Oger est l'un des quelques villages vedettes de la Champagne. Là, le frère et la sœur élaborent des vins très accomplis qui font partie des best buy de l'appellation.

Combien et combien 
64 euros.
400 magnums.

Avec qui, avec quoi 
Si la plupart de leurs vins sont taillés pour la table, ce rosé est à son mieux à l'apéritif. Il donne faim, c'est exactement ce qu'on lui demande.

Il ressemble à quoi 
Au vrai bonheur du grand vin, le premier verre appelle le second et ainsi de suite.

La bonne heure du bonheur 
Là, maintenant, tout de suite, vous attendez quoi ?

Le hashtag 
#thisgonet

Le bug 
Est-ce assez cher ? Non, je rigole.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Nez de groseille, bouche coulante et élégante.


Cette chronique a été publiée dans EnMagnum #17 sous une forme différente.
Le numéro 18 est en vente chez votre marchand de journaux
.
Voilà la couverture de ce numéro 18, une vision de Noël inattendue.


vendredi 13 décembre 2019

La folle histoire d’un champagne de légende

Des centaines de milliers de bouteilles de champagnes, un trésor dissimulé pendant des années par un chef de cave passionné et amoureux du vin qu’il avait élaboré cette année-là. C’est la légende folle du Blanc des millénaires 1995, le grand champagne de Charles Heidsieck. Une histoire romanesque jusqu’à la démesure

Que s’est-il passé ? 
Daniel Thibault, le chef de cave, a décidé seul de mettre en bouteilles le Blanc des millénaires 1995 sans tenir compte de la demande de sa direction. La maison en voulait 180 000 flacons. Il en a tiré deux à cinq fois plus, selon les diverses sources qui ont bien voulu s’exprimer. La direction actuelle évoque 400 000 bouteilles, certains cadres qui ont quitté la maison parlent d’un million. La vérité se situe sans doute entre ces deux chiffres.

Daniel Thibault, chef de caves de 1974 à 2002. 
C’est lui qui a commis cet extraordinaire «forfait». 
Pour la plus grande gloire de la maison.



Pourquoi ? 
Notre homme venait d’élaborer les différents champagnes Charles Heidsieck et il est tombé fou amoureux de son grand vin, le Blanc des millénaires, la cuvée de prestige de la maison. À ses yeux, c’était une raison bien suffisante. Il va embouteiller tout ce qu’il peut de ce millésime pour en faire son grand œuvre. Il dissimule cette montagne de bouteilles dans la crayère 21, une cave gallo-romaine en forme de cône taillé dans la craie, de 25 mètres de haut. La maison Charles Heidsieck en possède 47 reliées entre elles par des boyaux sur (sous) la colline Saint-Nicaise à Reims. Un domaine souterrain fabuleux (qui se visite).


Stephen Leroux dans l'une des crayères de la maison.
Actuel directeur général de Charles Heidsieck.
il a remis la maison sur de bons rails.


Comment est-ce possible ?
On est en janvier 1996, les balbutiements de l’informatique de gestion. On peut penser que ces vénérables maisons rémoises n’étaient pas, alors, au sommet de la technologie numérique. Le lien entre les caves et la gestion de l’entreprise était assez distendu pour que Daniel Thibault fasse ce qu’il veut. Il est le seul maître après Dieu des kilomètres de galeries et de crayères qui constituent les caves de la maison et, donc, son stock. N’entre pas qui veut dans son pré carré, même le président. Le contrôleur de gestion n’aurait même pas osé demander la permission, il a juste vu passer et validé une commande de bouteilles vides, mettons 500 000, une paille. À l’époque, ceci représente un gros quart des volumes de vente de Charles Heidsieck, c’est énorme. Mais comme une grande maison de Champagne garde ses vins en cave de trois à dix ans, on peut croire que c’est assez difficile d’évaluer les besoins en bouteilles au jour le jour. C'est bien Daniel Thibault qui décidait du volume total de production, pas les services financiers, commerciaux ou marketing de la maison. En plus, les bouteilles sont stockées sans étiquette derrière de petits panneaux, les planchots, couverts de chiffres mystérieux connus du seul chef de cave et toutes les cuvées ont la même forme de bouteille. Si on ajoute le fait que Charles Heidsieck était la propriété des cognacs Rémy Martin et que la gestion générale se faisait à 500 kilomètres des crayères de monsieur Thibault, on commence à comprendre les souplesses d’un système. Il faut aussi se dire que le chef de cave porte sur ses épaules une responsabilité immense. Il est à la fois le garant de la qualité des vins de la maison et le gardien du style propre à cette maison. Ce qui donne une légitimité à une éventuelle rigueur, qui peut parfois tourner au despotisme.

Qui était Daniel Thibault ? 
Chef de cave de Charles Heidsieck, il est mort emporté par la maladie en 2002, je ne l'ai jamais rencontré. Son successeur, Régis Camus, raconte : « J’ai été son assistant pendant huit ans. J’étais le seul à le tutoyer. C’était un homme au caractère affirmé, c’est le moins qu’on puisse dire. Il avait le pouvoir extraordinaire que lui conférait le respect qu’il inspirait. Il avait aussi la confiance de nos patrons. Et, donc, l’incroyable possibilité de faire ce qu’il voulait. C’est Joseph Henriot, à l’époque président de la maison, qui l’a engagé en 1974 en lui disant “Vous commencez aujourd’hui à 14 heures et vous me prenez la cave en main”. À 14 h 05, il avait viré tout le monde. Derrière les coups de gueule et la mauvaise humeur, il y avait une grande humanité. Pas forcément gentil, mais sympathique. Avec son grand manteau noir en cuir, il faisait peur, mais il savait rassembler et mener une équipe. D’ailleurs, il était assez fier qu’on le quitte pour aller dans une autre maison. À ses yeux, c’était comme une reconnaissance de son talent de formateur. » Alexandra Rendall, ex-dircom de Charles Heidsieck, précise : « C’était un type bien. Il ne changeait jamais d’avis, mais réfléchissait tout le temps. Il a décidé qu’il fallait profiter du millésime. »

Régis Camus, le chef de caves multi-médaillé, était l’assistant 
de Daniel Thibault. 
Il lui a succédé en 2002.


Qu’est-il advenu du stock légendaire ? 
La mise sur le marché a eu lieu en 2005. Dix ans de caves est la règle pour le Blanc des millénaires. Au bout de deux ou trois ans, même si les ventes marchaient bien, on avait l’impression qu’il y en avait toujours. « Il y a eu des années où pas une seule bouteille n’était vendue, il n’était plus question que de déstockage », précise un ancien cadre. Jusqu’à l’acquisition de la marque en 2011 par Christopher Descours. « Le nouveau propriétaire a bien redressé la marque. Aujourd’hui, tout est en ordre. » Il en reste à peine quelques milliers qui font partie de la vinothèque de la maison. Elles serviront de mémoire pour les générations futures, de comparaison avec les nouveaux millésimes de la cuvée, ou encore seront dégustées par les grands clients et la presse mondiale.

Qui possède des crayères à Reims ? 
Seulement six maisons sont propriétaires de toutes les crayères de la colline Saint-Nicaise : Ruinart, Martel, Veuve-Clicquot, Taittinger, Charles Heidsieck et Vranken-Pommery.

Les millésimes du Blanc des millénaires À ce jour, il y en a eu cinq, 1983, 1985, 1990, 1995 et le dernier, 2004, en cours de commercialisation. Environ 170 euros


Cette histoire de fou a été publiée dans le supplément Vin de Paris-Match en juin 2018, sous une forme différente

mardi 10 décembre 2019

Mes magnums (110) Un bourgogne des Hospices et une légende

Joseph Drouhin, Hospices de Beaune, Cuvée Maurice Drouhin, beaune 1er cru 2017 



Pourquoi lui 
Une petite histoire qui s’inscrit dans la grande. Pendant l’Occupation, Maurice Drouhin, chef de la maison Joseph Drouhin, a été caché par les religieuses qui menaient les Hospices de Beaune. Dès 1947, reconnaissant, il a fait don d’un domaine de trois hectares aux Hospices. Pour fêter les 70 ans de cette donation, la maison a acquis toutes les pièces de cette cuvée.

On l’aime parce que 
Un assemblage de quelques très belles parcelles de la côte de Beaune, finement élaboré par Ludivine Griveaux, maître de chai du domaine des Hospices, c’est forcément un grand magnum.

Combien et combien 
84 magnums. 218 euros.

Avec qui, avec quoi 
Qui ? Un tour de table choisi parmi les meilleurs, en vin, de vos amis et relations. Quoi ? Le mieux, à la bourguignonne. Comprendre sans affèterie, des saveurs, des forces, des grands goûts.

Il ressemble à quoi 
Pile là où on l’attend, c’est un grand bourgogne, bien né et bien élevé. Ludivine, donc, pour l’accouchement et Véronique Drouhin pour l’éducation. Des fées.

La bonne heure du bonheur 
Donnez à ce flacon d’exception le temps d’arriver. Buvez des 2013 en attendant.

Le hashtag 
#grandetradition

Le bug 
Il n’y a vraiment pas beaucoup de magnums. Même celui de la photo est un factice, c’est dire.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Pas encore de commentaire.



Cette chronique a été publiée dans EnMagnum #17 sous une forme différente.
Le numéro 18 est en vente chez votre marchand de journaux
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Voilà la couverture de ce numéro 18, une vision de Noël inattendue.


 

vendredi 6 décembre 2019

Mes magnums (109)
Une merveille de blanc de Bordeaux

Clos des Lunes, Lune d’argent, bordeaux 2017




Pourquoi lui 
Olivier Bernard, le propriétaire (Domaine de Chevalier), ne reste jamais les deux pieds dans le même sabot. C'est l'un de ses talents. Il a acquis un sauternes en déshérence et en a fait le Clos des Lunes qui compte trois ou quatre cuvées de blanc et un sauternes de haut vol, plutôt d'une production confidentielle. Ce lune-d'argent est à un prix qui mérite qu'on s'y penche sérieusement.

On l’aime parce que 
Déjà, on l'aime parce que c'est lui, Olivier Bernard et sa vision pragmatique du marché. Ce ne serait pas suffisant et le vin est là, un exemple d'assemblage sémillon-sauvignon. C'est la forte proportion de sémillon (70 %) qui en fait un vin épatant. On lira dans ce même numéro l'excellent sujet de Michel Bettane sur ce cépage.

Combien et combien 
25 euros (ce n'est pas une faute de frappe).
3 600 magnums.

Avec qui, avec quoi 
Aucune raison d'attendre beaucoup plus longtemps. Quoique. Ce vin mérite qu'on lui donne dix ans, pour voir. Par palier, de deux ans en deux ans. C'est passionnant comme un feuilleton.

Il ressemble à quoi 
Tout, le vin, l'habillage, le goût, le prix, montre la voie. C'est bien pour l'avenir de Bordeaux. Standing ovation.

La bonne heure du bonheur 
De l'apéritif à la table. Comme c'est très bon, ça va avec tout.

Le hashtag 
#bonneaffaire

Le bug 
Si c'est pas assez cher pour vous, achetez-en deux

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Parfums discrets, c’est surtout en bouche qu’il séduit par son équilibre.





Cette chronique a été publiée dans EnMagnum #17 sous une forme différente.
Le numéro 18 est en vente chez votre marchand de journaux
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