Les commissaires politiques, main dans la main avec la
police des mœurs, nous ont fourni un bel exemple d’indignation sélective en
même temps qu’une bonne tranche de rire, le week-end dernier
Ce vendredi, déjeuner aimable avec une longue jeune fille
émouvante. On boit une bouteille de gevrey de chez Trapet, puis le patron du
restaurant nous propose un verre de chenin du château de Fosse-Sèche.
Ce vin était mort, faute d’avoir été protégé. De mauvais
arômes de pomme blette sur un jus gazeux. Agacé par ce vin sottement foutu, je
m’en ouvre d’un tweet repris sur Facebook.
Seulement voilà. Le vigneron fait partie de cette mouvance
politiquement correcte très en vogue sur les réseaux sociaux. Touche pas à mon
dogme.
Là, les indignés de service s’en sont donné à cœur joie, arguant du fait qu’il
est littéralement interdit de mal juger un vin « naturel » (je mets
des guillemets à « naturel » pour faire valoir le hold-up sémantique)
(comme si les autres étaient en plastique ou que sais-je).
Pour faire bonne mesure, le vigneron s’en est mêlé,
expliquant au monde comme il travaillait beaucoup et à moi, quel culot j’avais
de n’en tenir aucun compte, laissant entendre que vu du fauteuil de mon bureau,
c’était pas comme un coucher de soleil sur les vignes au soir d’une longue
journée de travail.
J’adore ces gens qui croient toujours être les seuls à
travailler, comme les livreurs qui bouchent les rues en hurlant « Je travaille, moi ! ».
Le travail, aussi important soit-il, ne justifie rien sauf, peut-être, la
réussite. Ce n’était pas le cas. Vous, je ne sais pas, mais moi, si le résultat
d’heures de travail débouche sur un résultat moyen, ce qui peut arriver
évidemment, je recommence en tirant profit de la leçon, de l’expérience. Lui,
nan. Bon. Il oublie juste que quiconque développe une activité qui requiert
l’adhésion du public s’expose à des rejets.
Sur les réseaux sociaux, les petits inquisiteurs se
permettent de vomir sur les plus grands vins produits par les meilleurs
vignerons du monde, des vins qu’ils ne boivent jamais évidemment.
N’importe quel ahuri doté d’une connexion internet peut se répandre et
expliquer au monde quel mauvais angélus – cheval – haut-brion il a bu (il y a
longtemps). Mais se plaindre d’un blanc raté par un naturiste, non. On m’a expliqué
que j’étais le plus mauvais dégustateur du monde, que je m’étais trompé, que je
n’avais pas reconnu la pépite sous sa gangue de merde. J’ai cru rêver.
Pas besoin d’être grand clerc pour reconnaître des arômes de pomme blette,
n’importe quel enfant de huit ans ayant passé quinze jours à la campagne avec
sa grand-mère sait les reconnaître. Pour le gaz dans la boisson gazeuse,
pareil.
Et je ne prends pas pour normal qu’un vin sans soufre ajouté
se barre dans tous les sens. Ça pose un énorme problème de respect du
consommateur, de l’acheteur. Et un problème de savoir-faire, bien sûr. Jouer
avec le soufre et avec succès demande un doigté et une technique qui n’est,
visiblement, pas l’apanage de tous.
Le plus violent, comme toujours, c’est l’innommable Papy
Zinzin qui, sur son blog pourri, m’insulte gravement parce que j’ai esquissé
l’ombre d’un jeu de mots sur le patronyme dudit vigneron. Il s’appelle Pire.
Je conseille à l’odieux vieillard de relire ses logorrhées et se souvenir
enfin, avant de l’ouvrir, de ce qu’il fait depuis des mois, sinon des années,
de mon patronyme à moi. Et si ce monsieur Pire a, comme moi, traversé des
années de cour de récré, il est largement vacciné contre ce genre d’humour,
comme moi. Rien de grave, en somme.
Et pour finir sur une note sérieuse, voici un extrait d’un
mail reçu hier d’un ami du vignoble : « Grace
a toi j'ai appris que le décès d'un père excuse la commercialisation d'un vin
mauvais. Je regrette de ne pas l'avoir su à l'époque des obsèques du mien. Je
n'ai pas pu en profiter.
(…) jouer sur les sentiments avec des arguments
qui n'ont rien a voir avec le problème. Et avec le fait qu'il faut tout
pardonner dans la médiocrité. Pendant ce temps, il occulte les vraies questions
de fond. »
Merci de ton soutien, l’ami.
Mais la question reste pendante. Peut-on critiquer un vin
adoubé par la patrouille du PC* ? Faut-il ne critiquer que les vins
produits par de grands domaines riches ? Et, si oui, riches comment ?
Plus riches que qui ? L’absence de soufre dans un vin cloue-t-elle automatiquement le bec du commentateur ? Le mot « naturel » est-il une garantie de qualité et, si oui, de quel droit ?
Bref, il y a de quoi débattre.
Enfin, j’adresse ce message personnel à cette
population qui défend la pensée unique avec de telles œillères :
*PC : Politiquement Correct