Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 30 mars 2016

Les trois 2015 de Caroline Frey

Chargée de l’œnologie des vignobles de sa famille et directrice des domaines sauf en Champagne, Caroline Frey a l’opportunité unique d’intervenir à Bordeaux (Château La Lagune), dans le Rhône (Paul Jaboulet Aîné) et sur la colline des Cortons (Château Corton C, ex-Corton-André) pour une première expérience bourguignonne.
Elle a ainsi une vision élargie du millésime et nous livre rapidement quelques clés pour comprendre 2015 avant de s’échapper. Direction le Rhône supérieur, peut-être ?



La rumeur veut que le 2015 soit un grand millésime toutes régions confondues. Qu’en dites-vous ?
Toutes régions confondues, on est sur un millésime avec un profil « année sèche, chaude et particulièrement ensoleillée » donc une climatologie favorable, au moins jusqu’à la fin juillet. À partir d’août, sur les trois régions reviennent des températures fraîches avec des épisodes pluvieux qui atténuent la sensation d’un millésime très chaud, voire caniculaire, comme en 2003 et 2009. À Bordeaux, nous sommes sur un profil de grand millésime. Et, comme souvent, chacun annonce le grandissime, l’exceptionnel. Mais, d’après ce que je lis ici ou là, je crains que le profil du millésime soit déformé par certains commentateurs. J’ai l’impression qu’on attend quelque chose de très large, très volumineux et, finalement, je trouve ce millésime remarquable par son allonge et sa texture élancée. Les pluies du mois d’août sont arrivées un peu tard pour les merlots, mais elles ont été très favorables aux cabernets, qui ont une texture fantastique.

Et la colline de l’Hermitage ?
Je crois, ce qui semble partagé par les autres vignerons de l’Hermitage, que c’est là que le millésime est le plus réussi et oui, particulièrement le Rhône-Nord. Marcel Guigal compare ce millésime à un 1947 ou un 1961. Le terroir s’est exprimé et il y a une dimension inhabituelle dans les syrahs, une profondeur, une race dans le vin.

Y aura-t-il une petite-chapelle ? 
Il y en aura forcément une. La petite-chapelle est élaborée avec les parcelles à l’est de la colline où l’on a des sols plus profonds. Il y aura surtout une très belle la-chapelle.

Et sur la colline des Cortons ?
C’est notre premier millésime, on pose les fondations, on découvre, on a la chance de commencer avec un millésime qui nous a beaucoup aidé. Il y a, malgré tout, du travail dans la vigne, il faut retravailler les sols et reprendre la taille. Pour l’instant, nous avons fait 15 % de complantation et replanté 8 000 pieds. À l’approche des vendanges, nous avons essayé de garder notre sang froid, nous avions le souvenir d’épisodes de grêle et nous nous sommes donc un peu précipités pour vendanger avant les pluies de mi-septembre. Pour une première année, on peut dire qu’on a plutôt assuré et c’est une première belle expérience.

Là, vous n’achetez pas de vins ni de raisins ?
Nous allons essayer de privilégier le domaine, de rester sur les sept hectares.


La photo : est signée Mathieu Garçon 


lundi 21 mars 2016

Mes magnums (6)

Champagne Lanson Vintage Collection 1998 



Ce qu’il fait là 
Lanson fait partie des maisons de Champagne en plein essor, reprise après avoir touché le fond. Le nouveau président ne ménage rien pour arriver à remettre cette grande dame de l’histoire champenoise sur les bons rails. Et il y parvient.

Pourquoi on l’aime 
La bouteille est belle, mais ce qu’on aime surtout, c’est cette mode nouvelle qui consiste à replacer l’amateur au centre du jeu, ouvrir ses caves et mettre en marché les trésors détenus. Il y a là une forme de respect de ceux qui aiment le champagne pour de vrai. Nous ne ferions pas autrement.

Avec qui et avec quoi 
Ne choisisssez pas des gens qui se demandent si le champagne vieillit bien ou mal, ou alors c’est purement pédagogique et c’est tout à votre honneur. Mais quand même, privilégiez le grand amateur, vieux routier de la bulle et branchez-le sur la fraîcheur inattendue de ce lanson 98 qui n’a pas « fait sa malo ». Succès garanti.

La bonne heure du bonheur 
L’avantage des vieux champagnes, c’est que leur heure sonne au moment où vous le décidez.

Combien et combien 
Nombre de magnums tenu secret, 270 euros le magnum.

Il ressemble à quoi ? 
Il ressemble à une passation de pouvoir, ce qui est arrivé il y a peu quand ce cher monsieur Gandon, l’emblématique chef de caves de la maison touché par la retraite a confié les clefs de la cave (du pouvoir) à Hervé Dantan, la génération d’après, avec tout ce que cela comporte de promesses et d’inconnues. Il ressemble aussi à une preuve des capacités du champagne à vieillir en beauté, s’il en fallait une.

Le bug
Je cherche encore. Dès que j'en vois un, je vous le dis.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Servi en magnum, ce beau champagne vineux affiche véritablement la personnalité des grands lansons : superbe vinosité, dimension aromatique brillante avec un acidulé de petits fruits rouges, profondeur svelte, grande jeunesse. Magnifique champagne. 18,5/20


Ce texte a été publié sous une forme différente dans EN MAGNUM numéro 2 (en vente chez votre marchand de journaux). Il fait partie d'une série de dix "interviews de magnums".


 

vendredi 18 mars 2016

Mes magnums (5)

Champagne Veuve Clicquot, Cave privée rosé 1979



Ce qu’il fait là 
Étant donné le très petit nombre de vins notés 20/20 par Bettane+Desseauve, c’est peu de dire qu’il est légitime dans le cortège, même surtout à 36 ans.

Pourquoi on l’aime 
Pourquoi aime-t-on les chansons, pourquoi aime-t-on les jolies filles fleurs, pourquoi aime-t-on les matins clairs ou les ciels immenses ? C’est une réponse ?

Avec qui et avec quoi 
Avec les plus fins de vos meilleurs amis, sans être distraits par un match de rugby, une musique amplifiée ou un plat, aussi appétissant qu’il soit. Un champagne rosé de cette grandeur se boit recueilli et rassuré par le bon sourire des gens bienveillants qui vous entourent.

La bonne heure du bonheur 
L’importance d’être prêt à découvrir impose une préparation, mieux : un entraînement. Goûtez plusieurs autres rosés les jours qui précèdent. Vous comprendrez, alors.

Combien et combien 
150 magnums, 250 euros le magnum.

Il ressemble à quoi ? 
Aux plus beaux des mystères de la vie. Et de la vie des champagnes pour commencer.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Une des années généreuses de la fin des années soixante-dix (11 000 kg/ha), vendange démarrée début octobre (9,9°, 8 grammes d’acidité). Fraîcheur délicate, onctuosité raffinée, délicatesse ultime, floral raffiné, allonge tendre et persistante. La perfection du rosé champenois, tant par sa maturité et sa plénitude que par sa gourmandise aérienne. 20/20

Le bug 
Il n’y en aura bientôt plus et ça, c’est très triste.



Ce texte a été publié sous une forme différente dans EN MAGNUM numéro 2 (en vente chez votre marchand de journaux). Il fait partie d'une série de dix "interviews de magnums".

lundi 14 mars 2016

Mes magnums (4)

Château Quintus, saint-émilion grand cru 2012 

Ce qu’il fait là
Un garçon, fût-il le prince Robert de Luxembourg, qui réunit deux crus classés de Saint-Émilion (Tertre-Daugay et L’Arrosée) pour n’en faire qu’un seul sous un autre nom (Quintus) et qui, du coup, perd le classement en toute connaissance de cause, mérite qu’on s’intéresse à ce qu’il fait.

Pourquoi on l’aime
Quand le propriétaire de Haut-Brion et de La Mission-Haut-Brion dépense quelques sous pour créer un saint-émilion, on peut s’attendre à un niveau d’exigence très, très, très élevé. La propriété est l’un des terroirs les plus qualitatifs de Saint-Émilion. Du haut du tertre, la vue à 360° n’a pas d’équivalent à Bordeaux. Sauf, peut-être, de la terrasse de Bellevue, un matin de brume légère ou de celle de l’adorable Clos Saint-Martin. Un aussi beau décor ne peut donner naissance qu’à un vin élégant. Sans compter les quatre expositions du vignoble, un vrai plus.

Avec qui et avec quoi 
Avec des amateurs, des esthètes plus préoccupés par le vin que par l’étiquette, pour l’instant inconnue. Des curieux à qui vous servirez, en plus, la belle histoire.

La bonne heure du bonheur 
Le soir, quand on se raconte des histoires. Par exemple, celle de Pierre Lurton qui gratifie les sables du pied de côte de Quintus de « toutes, toutes petites graves ». J’adore.

Combien et combien 
790 magnums, 186 euros le magnum.

Il ressemble à quoi ?
Il a décidé de prendre les traits d’un dragon ailé. C’est l’emblème de l’étiquette (posé sur une tour de guet #tertredaugay), c’est la statue dans le parc, c’est complètement créatif et décalé, donc drôle.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Tannin crémeux avec une allonge soyeuse et une réelle plénitude. 16/20

Le bug 
Je cherche encore (genre je l'aurai, un jour, je l'aurai).



Ce texte a été publié sous une forme différente dans EN MAGNUM numéro 2 (en vente chez votre marchand de journaux). Il fait partie d'une série de dix "interviews de magnums".

vendredi 11 mars 2016

Mes magnums (3)

Château Gruaud-Larose, grand cru classé en 1855, saint-julien 2001


Ce qu’il fait là 
« Le vin, c’est un voyage. On est content de partir visiter des vins inconnus et on est content de revenir au bordeaux. » C’est Silvio Denz qui dit ça et il sait de quoi il parle avec ses saint-émilion et son sauternes, mais aussi ses vins espagnols et italiens. Oui, un très grand classique – ce saint-julien classé 1855 du château Gruaud-Larose en est un – est accueillant comme une maison retrouvée.

Pourquoi on l’aime 
Le 2001, maltraité par son glorieux prédécesseur, le 2000 du millenium, est un grand millésime. Qu’il ait vécu à l’ombre du 2000 est une bonne nouvelle pour l’amateur, les prix n’ont jamais dérapé, on en trouve encore et c’est super bon. Il y a un coté zéro-faute qui nous enchante.

Avec qui et avec quoi 
À table. Avec tout ce que vous mangez d’habitude quand vous buvez du bordeaux et des convives qui ne vous feront pas une crise de nerfs parce que vous ne buvez pas de vin « nature ».

Combien et combien 
500 magnums, 150 euros le magnum 2001

Il ressemble à quoi ? 
Un bon souvenir, quel qu’il soit, a toujours une belle gueule.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Net, agréable. 15/20

Le bug 
Forcément, des 2001, il n’y en a pas des millions de cols. Ne pas traîner en route. Si vous ratez le coche, encavez le millésime 2013 du même à 120 euros le magnum.


Ce texte a été publié sous une forme différente dans EN MAGNUM numéro 2 (en vente chez votre marchand de journaux). Il fait partie d'une série de dix "interviews de magnums".

mardi 8 mars 2016

Mes magnums (2)


Beaune-grèves, Vigne de l’Enfant-Jésus 2013, Bouchard Père et Fils



Ce qu’il fait là
Parmi les quelques 130 étiquettes bourguignonnes de la maison Bouchard Père & Fils, c’est le plus émouvant. Je n’ai pas dit le meilleur ou le plus rare. Et ce rappel bienvenu aux racines de notre histoire et à celles de la viticulture de Bourgogne semble très opportun.

Pourquoi je l’aime
Pas seulement à cause de l’étiquette, mais aussi pour sa constance, sa délicatesse, son raffinement, sa race qui en font l’un des best-buys des coteaux. Même à ce prix, on est encore loin des altitudes de certains grands crus à qui il pourrait en remontrer sans effort. Oui, même dans un millésime plus souple comme 2013.

Avec qui et avec quoi
Avec le meilleur monde, les chouchous de votre vie, les plus chics de vos amis.

La bonne heure du bonheur
Réglez votre iPhone sur 2020. Rien avant.

Combien et combien
1 200 magnums, 160 euros le magnum

Il ressemble à quoi ?
La subtilité, vous avez une photo ? Moi non plus. La subtilité est un souffle, presque une buée. La subtilité, c’est tout ce qu’il faut comprendre sans qu’on vous l’explique. Un challenge.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve
Robe délicate, beaucoup de tendresse en attaque, finesse du fruit, tannin fin et précis, allonge souple et longue, finale pure. 17/20

Le bug
Je n'en ai pas trouvé.


Ce texte a été publié sous une forme différente dans EN MAGNUM numéro 2 (en vente chez votre marchand de journaux). Il fait partie d'une série de dix "interviews de magnums".


 

dimanche 6 mars 2016

Mes magnums (1)

Nuits-saint-georges premier-cru aux-perdrix, Les Huit ouvrées 2013,
Domaine des Perdrix 




Ce qu’il fait là
C’est un vin rare, issu des plus vieilles vignes du premier cru « Aux perdrix », soit une superficie de huit ouvrées. L’ouvrée est le nom de l’unité de mesure utilisée pour la vigne en Bourgogne. Elle représentait à l’époque la surface qui pouvait être bêchée par un vigneron en une journée et correspond à 4,28 ares. Donc 428 m2 x 8 = 3 424 m2, un tiers d’hectare. Rien de trop.

Pourquoi je l’aime
Mille raisons. On aime la Bourgogne, le pinot noir est un grand cépage, le grand talus, les moines cisterciens, etc. La vraie bonne raison de plus ? Plonger le nez dans un panier de cerises et de framboises est un moment fort et, même, inoubliable.

Avec qui et avec quoi 
On ne le boit pas. Pas tout de suite. On le laisse vieillir tout son soûl, il en a sous le pied. En cas d’urgence, avec des viandes goûteuses et des fromages forts. Et un ou deux amis. Pas plus, c’est un magnum, pas un jéroboam.

La bonne heure du bonheur
Vin du soir, espoir. Vin du jour ? Oui, aussi. Sous réserve d’avoir l’après-midi devant soi.

Combien et combien
100 magnums, 177 euros le magnum

Il ressemble à quoi ?
Le contraire de l’évidence, s’il avait un visage. Ce vin est délicat quand on le croit épaulé. Et on le boit frais (14°C) dans sa jeunesse. Deux degrés de plus à partir de dix ans.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve
Un sommet de cave, noblement aromatique, étoffé, complexe, splendide rétro-olfaction. Bravo.

Le bug
100 magnums, pas un de plus. La Bourgogne, c’est ça.



Ce texte a été publié sous une forme différente dans EN MAGNUM numéro 2 (en vente chez votre marchand de journaux). Il fait partie d'une série de dix "interviews de magnums".


mercredi 2 mars 2016

Une info de rien du tout, mais quand même

Vous lisez pas ces trucs-là, vous. Je comprends, c’est assez anxiogène, les serpents dans les cauchemars, la ride sur le front, l’agacerie qui fait grincer les dents, ce barnum. C’est un cauchemar.

2015 (c’est pas vieux) a vu le record des importations françaises de vin toucher un nouveau maximum. On se dit, ah chouette, les vins italiens de Jean-Emmanuel Simond ont pété un score, on est content pour lui, pour Elisabetta Foradori, Laura di Collobiano, Pepe, Morandini, pour tous les très bons qu’il représente ici (un boulot de fond difficile à égaler, ne vous laissez pas avoir par les margoulins qui font comme si en surjouant la sacro-sainte émotion, les yeux blancs, les petits cris, les dollars espérés, la connexion internet à fond).
Oui, mais non.
Nous, la France, royaume du vin, du bon vin, modèle pour le monde, on importe 7,16 millions d’hectolitres de bibine improbable en provenance à 75 % d’Espagne, du vin sans indication d’origine géographique, le niveau zéro du vin, peut-on encore dire vin ? Il n’y a que les Allemands qui en importent plus.

Et où va-t-il tout ce machin, remplir quelles bouteilles, au bénéfice de qui, de quoi ? Et il va atterrir dans quel pauvre cabas, pour étancher quelle soif, pour maquiller quelle misère ? Et, au fait, pourquoi faut-il importer tout ça ? Ah oui, on a cassé le jouet il y a déjà un moment. C’est pour ça.

Alors, évidemment, dans la pétaudière de l’actu du moment, c’est une info de rien du tout. Ce n’est pas une raison pour ne pas s’en trouver fâché.