Le fait
La maison Bouey, important négociant bordelais, s’installe
dans le commerce 3.0 en offrant à sa clientèle l’opportunité d’acquérir des
crus classés 2021 via des NFT.
Qui ?
Bravo à Bernard Magrez (La Tour-Carnet, Pape-Clément) à
Laurent Fortin (Dauzac), à Laure Canu (Cantemerle), à Jean Merlaut
(Gruaud-Larose), à Matthieu Bordes (Lagrange), à Silvio Denz (Péby-Faugères,
Lafaurie-Peyraguey). Ils jouent le jeu avec un sens de l’opportunité contemporaine
qui les honore. Ensemble, ils sautent dans la grande piscine. Normal, l’eau est
bonne.
Pourquoi faire ?
Évidemment, dis comme ça, on ne saisit pas ce qui distingue
une vente sous NFT d’une vente classique puisque les vins ne sont disponibles
que deux ans après l’achat. L’intérêt d’être propriétaire d’un NFT au lieu
d’une simple facture comme preuve de propriété, c’est la capacité à le revendre
avant d’avoir reçu les vins. Le spéculateur gagne du temps. Et comme la
propriété touche un pourcentage sur chaque revente, la propriété commence très
vite à augmenter son chiffre d’affaires sur un vin déjà vendu et ça, c’est très
malin et une bonne façon de se prémunir contre les aléas du commerce. Pour les
vins qui connaissent de longues carrières aux enchères, c’est la garantie de
faire profiter le producteur de la spéculation, c'est assez moral. Avant, le vigneron voyait
passer les grosses marges en s’agaçant de ne pas y toucher. Une excellente
manière aussi de gérer ce qu’on appelle le marché gris en sachant toujours où
sont les bouteilles et qui en dispose.
Et pour l’amateur ?
L’avantage est triple. D’abord, c’est le dernier du jeu qui
échange ses NFT contre les bouteilles. Celles-ci n’ont pas fait trois fois le
tour de la planète avant d’être, enfin, ouvertes. Avantage induit, la garantie
de provenance. Puisque les bouteilles sont livrées par le château, l’amateur
est tranquille. Pas de risque de contrefaçon. Enfin, l’empreinte carbone est
réduite à son plus petit dégât. Un seul voyage du chai à la cave de l’amateur.
Et sautent les bouchons.
Pourquoi seulement six châteaux ?
Il se trouve que la maison Bouey est la première à se
déclarer. Bravo. Ne pas nous prendre pour des lapins de six semaines. On se
doute bien que chacun des acteurs importants – ou pas – du vignoble français
fourbit ses armes. Des Rothschild à Hervé Bizeul, tous les vignerons qui
disposent de neurones en bon état et des volumes nécessaires, même faibles,
nous préparent quelque chose. Il faudrait être singulièrement aveugle et sourd
pour ne pas comprendre la qualité des enjeux.