Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



dimanche 28 avril 2013

Pendant que j’y pense #11

Des bouteilles adorables et quelques considérations du dimanche.



1 Un déjeuner à l’Astrance, triple étoilé parisien, autour d’Anne-Marie Chabbert, l’infatigable œnologue qui assure la promotion de l’idée du champagne à table. On n’est pas obligé d’être pour. C’est amusant de loin en loin, mais ne boire que du champagne aussi grand soit il ne fera jamais un grand repas. La bouche (la mienne, d’accord) a besoin de l’effet apaisant des tanins veloutés d’un beau rouge, même si celui-ci n’a d’autre fonction que de faire le trou normand. Je n’étais pas seul à ce déjeuner. Il y avait aussi l’un des meilleurs orateurs de la Champagne, Charles Philipponnat, qui présentait son excellente cuvée 1522, millésime 2004. Il y avait Alexandra Rendall, cette Anglaise qui parle le chinois, l’une des meilleures dégustatrices que j’ai jamais croisé et son piper-heidsieck 2004 qui confirmait les grands progrès réalisés par la marque et il y avait un vigneron et son champagne Pierre Launay, joli blanc de blancs dosé à deux grammes (de sucre par litre) et millésimé, mais pas sur l’étiquette. Pourquoi ? Mystère.



2 Autre champagne, à Chouilly, dans la petite maison Lenoble dont le blanc de noirs 06 m’avait proprement bouleversé même si la maison est très
« chardonnay ». Nous étions réunis pour une dégustation comparative de vins clairs de diverses provenances et âges. Le vin clair est le champagne avant qu’il ait effectué sa prise de mousse. C’est amusant de goûter les vins clairs, on tombe souvent sur de grands vins qu’on trouve presque dommage de transformer en champagne. Une fois cet exercice de style achevé, nous avons déjeuné avec de vieux champagnes de 1996 à 1973. Histoire de se souvenir que le champagne est sans doute le vin qui, avec les liquoreux, vieillit le mieux. Le 73 était un délice de miel et d’abricot à la fine pétillance.



3 Déjeuner chez Ma Cocotte, restaurant à la mode du marché aux Puces, pour y boire des chantegrives de divers millésimes et établir le constat d’une très nette progression depuis quelques années. On le savait déjà. Ce que j’ignorais c’est le degré de ridicule que les restaurants à la mode sont capables d’atteindre, toute honte bue. Je ne parle pas de l’assiette d’une banalité sans surprise. En entrant dans ce genre d’endroit, vous savez ce que vous allez manger, le niveau et le genre clignote au néon sur la façade. Je ne dirai rien du service aussi familier qu'approximatif ou de la chaleur épouvantable qui régnait dans l'endroit. Non, ce qui m’a tué, c’est le déjeuner dédié au vin avec d’épais verres à eau, sans grâce ni efficacité. Quand je pense à certain boui-boui de village dans le Piémont et sa verrerie impeccable. Et ses barolos parfaits à 10 euros le pichet, mais c’est une autre histoire.



4 Autre déjeuner un tout petit peu plus privé dans un restaurant secret du ventre de Paris doté d’une carte des vins admirables. Passé le joli aligoté pour s’ouvrir les papilles, place à deux millésimes de gourt-de-mautens, 01 et 03. C’est un rasteau cultivé et vinifié par l’un de ces sorciers dont le Rhône abrite quelques spécimens. Lui, il s’appelle Jérôme Bressy et ses vins font le bonheur des amateurs et provoquent aussi quelques aigreurs chez ses voisins d’appellation, au point qu’on a vu récemment l’une de ses cuvées se faire déclasser en vin de table. L’histoire, ici.
Des deux, bien sûr, j’ai préféré le 2001, un grand vin calmé, complexe et bavard, d’une puissance maîtrisée, la longueur voyageuse. Le 03, lui, était encore dans l’exubérance de ses jeunes années, braillard, klaxon italien. Excellent aussi, mais ce n’est pas la même excellence.



5 L’avantage d’avoir une cave un rien bordélique, c’est qu’on est tenté parfois de la ranger. Et qu’on y fait alors des rencontres stupéfiantes. Ainsi, ce la-fleur-de-boüard 2001. Bien sûr, il en avait encore sous le pied, mais j’en ai d’autres. Déjà, il exprimait toute l’élégance bordelaise quand elle est finement jouée. Ce vin nous a enchanté autant par la classe de ses arômes que par son soyeux et ce que Michel Bettane appelle ses qualités tactiles.
Du coup, je ne peux pas m’empêcher de penser au de Boüard-bashing dont Hubert fait l’objet depuis la publication du classement de Saint-Émilion. Voici Pauline Vauthier (Château-Ausone) qui s’indigne de la promotion du château Angélus. On se demande bien au nom de quoi, sinon pour préserver ses acquis. Pas super-élégant. Voilà Pierre-Olivier Clouet (Château Cheval-Blanc) qui, pour les mêmes raisons que Mademoiselle Vauthier, donne son avis sur le terroir d’Angelus, le jugeant peu digne de son nouveau rang. Mais enfin, si le terroir d’Angelus était la terre à betteraves décrite, Hubert de Boüard serait un sorcier. Qu’il n’est pas. Il a certainement énormément de talent et d’expérience, mais ce n’est pas un magicien. Je le connais, c’est un type normal, plutôt plus drôle et plus sympa que ses détracteurs. Voilà enfin un sentencieux journaliste qui   
« refuse de cautionner » le prix d’angélus 2012 sans réaliser que personne ne le lui demande. Et que personne ne s’émeut de ses propos. Même les trois châteaux qui n’ont pas été promus par le classement 2012 le mettent en cause dans leur action en justice en oubliant trop vite que pour faire du bon vin, il vaut mieux payer les factures d’un bon consultant que celles d’un bon avocat. Ce qu’a fait la famille Lignac du Château Guadet, aujourd’hui intégré dans les grands crus classés. Et si je ne parle pas des excès de langage de blogueurs aussi impérieux qu’outranciers, c’est par pure charité confraternelle.
Qu’ont-ils tous avec Hubert de Boüard et Angélus ?
Si tous ces gens avaient raison, comment expliquer le succès des vins d’Hubert de Boüard sur les marchés ? Le monde entier aurait ce très mauvais goût qui le pousse à ingurgiter des dizaines de milliers de vins produits ou conseillés par de Boüard ? Soyons sérieux.
Tiens, je vais de ce pas commander deux caisses de la-fleur-de-boüard 2012 avant que des Américains enthousiastes, des Anglais connaisseurs ou des Chinois découvreurs aient tout acheté.

samedi 27 avril 2013

« J’avoue que j’ai vécu »

Ce mot de Pablo Neruda est le titre d’un chapitre du dernier bouquin de Jacques Dupont que je viens de finir. Une charge contre la loi Évin argumentée et très documentée, du beau travail. Il rappelle tout, l’historique des ligues anti-alcooliques, l’histoire du vin en France, l’exemple américain et celui de l’Europe du nord, l’hégémonie médicaliste. Il pourfend les faux discours, dénonce les menteries pseudo-scientifiques, détricote les statistiques manipulées, les faiblesses d’État, le jmenfoutisme gauche-droite mélangées, les confusions soigneusement entretenues entre les alcools durs et le vin. Il démontre l’inefficacité de la loi Évin et de ses coûteux thuriféraires, les lobbies prohibitionnistes dont les liens avec l’industrie pharmaceutique ne devraient plus tarder à être mis au jour.
Mais Dupont n’est jamais meilleur que lorsqu’il range sa kalach’ et enfourche le grand oiseau blanc qui l’emmène planer sur les rivières et sur les monts, les vignes et les coteaux, quand il nous fait rêver comme à la fin de ce petit bouquin que je ne vais pas vous raconter. On monte dans son train avec infiniment de gourmandise, on acquiesce, mieux on en redemande.



Jacques Dupont est journaliste, il a la charge des pages Vin de l’hebdomadaire Le Point. Il s’était fait remarquer en septembre 2011 par un éditorial bien envoyé que j’avais salué, ici.

Invignez-vous ! de Jacques Dupont, chez Grasset, 140 pages, 9,90 euros. Oui, le titre n'est pas terrible, mais bon, nobody's perfect

Oui, merci à Jacques Dupont de ne pas abandonner la bagarre indispensable

vendredi 26 avril 2013

Les prix des primeurs 2012, trois bonnes affaires



Après un premier tir nourri et précoce, les sorties des prix des primeurs 2012 marque une pause. Profitons-en pour nous intéresser à trois bonnes affaires.

Climens, 46,90 euros.
Pourquoi ? Parce que, jeune ou vénérable, c’est très bon (tout le temps) et pas cher du tout (cette année).

La Dauphine, 11,50 euros.
Pourquoi ? Parce qu’un fronsac, c’est une grande appellation méconnue et qu’à ce prix-là, La Dauphine va chercher des noises à nombre de ses voisins de Pomerol et Saint-Émilion.

Pibarnon, 18 euros.
Pourquoi ? Pour changer des bordeaux, le grand bandol affiche un prix qui fait très envie. Quiconque a bu pibarnon 2001 sait de quoi je parle.

Tous ces prix s’entendent hors-taxes et proviennent de Lavinia.
D'autres prix et d'autres recommandations, ici, ici et

La photo : après tous ces primeurs, on a bien mérité un verre de champagne pour se refaire le palais. Cette photo a été prise par mes soins chez Lanson, cet hiver.

jeudi 25 avril 2013

Primeurs 2012,
les prix de ceux dont j'ai envie et pourquoi



La-fleur-de-boüard, lalande-de-pomerol, en magnum, 39,60 euros, chez Legrand.
Pourquoi ? Parce que j’ai bu un sublime 2001 du même la semaine dernière et que je veux en avoir pour longtemps.

Labégorce, margaux, en magnum, 31,02 euros, chez Lavinia.
Pourquoi ? Même raison, j’ai bu beaucoup de labégorces dans des millésimes divers, ce vin s’épanouit à merveille, y compris dans des millésimes réputés difficiles. Et le 2012 a fait un gros, gros carton pendant les dégustations de la Semaine des primeurs.

Plus de vins à venir très vite


mercredi 24 avril 2013

Primeurs 2012,
les prix de quatre vins qui font envie



Au rythme lent de l’arrivée des prix des bordeaux primeurs 2012, difficile de trouver pour aujourd’hui plus de quatre vins qui fassent vraiment envie. Les voilà.

- Trois vins de Lynch- Bages. Le blanc, sobrement appelé Le blanc de Lynch-Bages, est une magnifique exécution du sauvignon marié au sémillon et à la muscadelle, loin des exubérances, élégant. Le second vin, Echo de Lynch-Bages est un beau pauillac produit à partir des jeunes vignes du domaine et qui représnete de 25 à 40 % de la production du vignoble. Et, enfin, le grand vin sur lequel il est inutile de s’étendre. Une cave bien tenue a forcément quelques quilles de lynch-bages, voilà tout.
Les prix ? Dans l’ordre : 24,70 euros, 24,70 aussi et 69 euros.

- Les-carmes-haut-brion. Propriété reprise il y a peu par un passionné qui a débauché un très bon chez Chapoutier, Guillaume Pouthier (ça ne s’invente pas). Le vin a fait en 2012 un saut qualitatif époustouflant et le prix, non. Très bien goûté par Thierry Desseauve. 34,50 euros.

Prix HT et, une fois encore, à la Vinothèque de Bordeaux (dot com, of course).

dimanche 21 avril 2013

Les vignes de Côte-Rôtie et de Condrieu
entrent en résistance



Comme souvent, c’est la presse régionale que vous ne lisez pas assez qui sonne le tocsin. En l’occurrence, voilà Lyon Capitale qui donne un peu d’ampleur à l’action entreprise par un grand vigneron, Marcel Guigal, le patron des AOC à l’INAO et président d'Inter-Rhône, Christian Paly et le député du Rhône, Georges Fenech.
De quoi s’agit-il ?
Une fois de plus, des vignobles sont menacés par un projet d’aménagement du territoire. On pense aussitôt à l’antenne de la colline de l’Hermitage. On n’est jamais tranquille. Il se trouve toujours un fonctionnaire fou, un ministre inconséquent, un lobbyiste habile pour s’en prendre aux joyaux de la couronne viticole française.
Là, c’est le projet de contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise qui menace les vignes de Côte-rôtie et de Condrieu. Rien que ça. Il se trouve que l’idée de génie enverrait trois cents trains par jour, d’une longueur de 1 000 mètres chacun, au pied du vignoble, ce que Guigal et ses complices ne supportent pas bien. On peut les comprendre. Lyon Capitale rapporte une ligne de Guigal assez imagée : « c’est un peu comme une voie ferrée sur les Champs-Élysées ». Bien vu. Le ministre des Transports, un certain Cuvillier, n’y voit aucun inconvénient et refuse de recevoir le député. Du coup, le député bat le rappel des élus et voilà une grosse centaine de députés et sénateurs qui signe une lettre ouverte au Premier ministre et au Gouvernement.
Que croyez-vous qu’il se passe ?
Rien, c’est la marque de ce gouvernement. Rappelons toutefois que ce projet dingue a été accepté par le secrétaire d’État aux Transports du gouvernement d’avant, Dominique Bussereau. Du coup, on ne comprend plus. D’habitude, ils se jettent sur la moindre occasion de défaire ce qu’avait entrepris le gouvernement Fillon. Alors, quoi ?

Ce n’est pas sans une immense lassitude que nous constatons que la filière Vin est également méprisée par tous les gouvernements, de droite et de gauche, réunis dans un œcuménisme inhabituel et exclusivement réservé à la dite filière toujours traitée avec le plus parfait mépris. Je publie ci-dessous la lettre ouverte de nos cent élus. Elle contient quelques belles vérités qu’il est bon de garder en tête. Je la reproduis telle dans sa rédaction pataude et ces virgules approximatives, mais je vous épargne la liste des cent signataires. C’est un blog, pas un annuaire.

« Lettre ouverte à Monsieur le Premier Ministre, à Monsieur le Ministre des transports et à Monsieur le Ministre de l’Agriculture

Nous soussignés, sommes des parlementaires attachés à l’excellence de la viticulture française et à son rayonnement dans le monde. C’est pourquoi, en soutien à l’initiative de notre collègue Georges Fenech, député du Rhône, nous lançons un cri d’alarme pour sauver la Côte-Rôtie et le Condrieu, deux fleurons de sa circonscription qui participe à la renommée de toute une région et de notre pays dans le monde.
Nous ne pouvons en effet, accepter que ce patrimoine national soit sacrifié au profit du Contournement Ferroviaire de l’Agglomération Lyonnaise (CFAL), programmé pour faire passer l’ensemble du fret européen Nord-Sud au pied des vignes alors que des alternatives crédibles et moins nuisibles à l’environnement existent, notamment celle d’un raccordement à la ligne LGV existante. C’est pourquoi nous ne pouvons accepter que soient abimées la qualité et la réputation mondiale de ces crus de la vallée du Rhône par un défilé quotidien d’environ 300 trains d’une longueur de 1 km qui leur porterait à coup sûr un coup mortel.
En défendant ces grands crus de la vallée du Rhône, nous voulons également préserver une filière viticole qui représente, rappelons-le, la deuxième ressource de devises de notre pays, après l’aéronautique. Premier producteur de vin mondial, la France peut s’enorgueillir de sa filière qui s’impose comme un acteur économique de poids, puisque qu’elle rapporte chaque année au budget de l’Etat plus d’un milliard d’euros et a généré 6.5 milliards d’euros d’excédent commercial en 2011.
Patrimoine culturel unique, la vigne et le vignoble sont présents dans 66 départements français. La viticulture participe ainsi à l’aménagement du territoire, à l’entretien des paysages et au maintien du tissu rural. La France est une des destinations touristiques la plus prisée du monde et ses vignobles, dont ceux de la vallée du Rhône, attirent plus de 7.5 millions de visiteurs tous les ans, dont 2.5 millions d’étrangers. Le vin et la gastronomie de nos régions sont déterminants pour le choix de séjour d’un touriste sur trois.
D’ailleurs les acteurs de la filière touristique en ont pris conscience et depuis quelques années, avec nos vignerons ils se sont mobilisés pour construire et promouvoir des offres touristiques variées autour du vin. Ils ont ainsi développé des circuits de découverte oenologique, où nos vignerons assurent un accueil primordial dans l’art de la dégustation ainsi que celui de la table, éléments indiscutables de l’art de vivre à la française.
La culture du vin, fait donc partie de notre patrimoine plus que bimillénaire, en termes culturel, paysager et économique, et nos vignerons soucieux de préserver cet héritage exceptionnel le protègent et le transmettent de générations en générations. Pour ces raisons d’évidence, nous vous demandons, Monsieur le Premier Ministre, Messieurs les Ministres, de nous faire part des décisions que vous comptez prendre pour empêcher l’irrémédiable. »

L’affaire de l’antenne sur la colline de l’Hermitage, c'était ici l’été dernier. 
L’article de Lyon Capitale,   
La photo : elle vient de chez Guigal. Regardez-moi cette merveille de vignoble, c’est Condrieu.

jeudi 18 avril 2013

Primeurs 2012, les premiers prix tombent un à un



Cette année, on ne va pas attendre la fin juin pour avoir une idée du profil financier de la campagne des primeurs 2012. De château-marjosse à mouton, les premiers prix arrivent en rafale.

Parmi une première liste communiquée par l’excellente Vinothèque de Bordeaux, j’ai retenu ceci :

- Marjosse, donc, la propriété familiale de Pierre Lurton, l’un des coups de cœur cette année pour Thierry Desseauve. À 5,50 euros HT, c’est mieux qu’une affaire et après réception des vins, on ne l'attendra guère plus de six mois, histoire de lui laisser juste le temps de se remettre des fatigues du voyage.

- Le château-larrivaux est un cru bourgeois du Haut-Médoc, propriété de la femme de Basile Tesseron (Lafon-Rochet à Saint-Estèphe). J’en ai bu quelques bouteilles dans plusieurs millésimes, on achète sans attendre, il n’y en a pas des masses et à 7,60 euros HT, c’est aussi une bonne affaire. On veillera à l’attendre au moins deux ou trois ans et cinq ans, c’est encore mieux.

- J’aime aussi beaucoup le château-bellevue que j’ai bu souvent. Millésimé 2012, il sort à 9,80 euros HT, ce n’est pas bien cher pour tout ce qu’il donne.

- Un très beau rauzan-ségla à Margaux, très, très bien noté par Bettane+Desseauve, à 41,50 euros HT, en forte baisse par rapport à 2011. Voilà un vin qui vaut la peine d’être encavé pour un bon moment et qui fera un très joli vin le moment venu.

- Et, pour les grands amateurs, une grosse note B+D pour mouton-rothschild 2012 à 282 euros HT, soit un repli de plus de 30 % par rapport à 2011.

C’est une première trie, comme on dit à Sauternes et à Barsac. Il y en aura d’autres au gré des sorties, comme on dit quai des Chartrons. Et pour les notes des bordeaux en primeurs du millésime 2012, ça commence lundi matin sur MyBettaneDesseauve.fr


Pour info, la Vinothèque de Bordeaux fait partie des quelques sites dont la fiabilité est reconnue et que je recommande. Avec Millesima, Lavinia, Legrand et très peu d’autres.

lundi 15 avril 2013

Et si la loi Evin n’était qu’une petite combine
au bénéfice de Cahuzac ?

C’est un tweet de Bernard Burtschy qui m’a mis sur la piste du petit développement qui suit. Où il est question de comptes en Suisse, de concordances de dates, de l’industrie pharmaceutique. Et de Jérôme Cahuzac.
Et d’un conditionnel prudent, l’erreur est toujours possible.
Voyons cela.
L’aigrefin s’est beaucoup vanté d’avoir été le rédacteur de la loi dite Evin. C’est-à-dire que sur l’impulsion et les idées générales de son ministre, il en a assuré la philosophie, les tenants, les aboutissants et l’écriture au nom de la santé publique. Il est l'auteur du flou législatif qui a permis aux prohibitionnistes de s'engouffrer dans la brèche. La scène se passe en 1991, époque où le monsieur a ouvert son compte bancaire en Suisse.
Le monsieur est un chirurgien esthétique, il gagne assez bien sa vie pour avoir le temps de passer à la vitesse supérieure via la politique, c’est pratique. Deux choses passionnantes à mettre en parallèle. D’une part, le croisement des courbes de consommation de vin et d’anxiolytiques en France. La première s’écroule, la seconde grimpe en flèche. D’autre part, le fait que de gros acteurs de l’industrie pharmaceutiques seraient devenus clients de la société de conseil de Cahuzac à partir de cette époque. Et hop, la boucle est bouclée.
Pourquoi s’empêcher de conclure, même au conditionnel, que la loi qui brisait les reins de la viticulture française a été mise en place au profit des labos pharmaceutiques, lesquels ont récompensé l’auteur de la loi à hauteur du service rendu ? On a parlé dans la presse ces jours derniers d’une quinzaine de millions d’euros. Le pourboire est infime en regard du chiffre d'affaires développé, mais quand même, pas si mal.
Aujourd’hui, quelques élus du vignoble se sont réunis pour envisager une refonte de la loi Evin. De l’aveu même de l’un d’entre eux, les chances de réussite de cette démarche sont minces. S’agissant d’un pan majeur de l’économie française, on peut le croire, le pouvoir en place se moque de l’économie française. En revanche, si la provenance des fonds exilés de Cahuzac était enfin connue, ce serait la moindre des choses que d’abroger immédiatement cette loi entachée.




dimanche 14 avril 2013

Pendant que j'y pense #10



1 Retrouvé ces deux bouteilles. Un côtes-de-provence 2003, Rocher rouge du Château Calissanne et un minervois 2001, Circus de l’Ostal Cazes, la propriété languedocienne de Jean-Michel Cazes (Lynch-Bages à Pauillac). Je ne connais pas encore l'Ostal Cazes, mais cette parcelle de Calissanne, toute petite et plantée au pied d'une incroyable falaise de roche rouge qui claque au soleil de Provence vaut le détour.
Deux vins du sud, le soleil en bandoulière, le chaud et l’alcool, des vins d’une certaine âpreté dans leur prime jeunesse, ce qui m’avait incité à les oublier à fond de cave. Dix ans après (ten years after), ils ont donné tout le plaisir que le vin est censé délivrer sans rien perdre de leur caractéristiques régionales, ils ont gagné de l’amabilité, ils se sont civilisés. Tous les vins gagnent à vieillir, parfois même un an seulement. Les rosés, par exemple, sont faits pour être bus dans l’année, mais non, ils sont bien meilleurs l’été d’après. Essayez, vous verrez.

2 Grosse surprise à mon retour de la Semaine des primeurs que j’ai passée pour l’essentiel à Saint-Émilion avec une rapide incartade en Médoc. On s’est ému ici et là des propos que j’ai pu tenir sur les vins en primeurs que j’ai traités de « décoctions affreuses » en ajoutant qu’une poignée seulement de dégustateurs professionnels étaient capables de les goûter pour en déterminer leur rang dans l’échelle des millésimes récents et la qualité de leur avenir. Je ne fais pas partie de cette poignée de grands pros pour lesquels j’ai le plus grand respect, c’est leur métier, ce n’est pas le mien. J’ai quand même essayé d’entrevoir quelque chose dans ces baby-wines. Je confirme, je n’y comprends rien et je trouve ça imbuvable. Les arômes et les saveurs rauques d’un vin en primeur ne font pas partie de la gamme sensorielle qui m’émeut.
On peut boire des vins très jeunes et leur trouver des qualités, mais là, ce ne sont même pas des vins. Surtout ces bordeaux taillés pour durer dont chacun sait qu’il leur faut du temps pour justifier l’engouement qu’ils provoquent. Michel Bettane le rappelait ici, les échantillons proposés sont tellement évolutifs que, pour en avoir une idée à peu près éclairée, il faut les déguster plusieurs fois au cours de la Semaine des primeurs, ce que très, très peu de dégustateurs font, bien sûr. J’ai entendu que plusieurs milliers de professionnels du monde entier sont venus à Bordeaux à cette occasion. J’ai ri. C’est très bien pour l’économie bordelaise, mais qu’ont-ils appris vraiment sur le millésime 2012 ?



3 À propos de vins jeunes, j’ai bu un lagrein (cépage local), la cuvée Joseph de la maison Hofstätter dans le Haut-Adige (nord Italie). Il aurait été grandiose dans six, sept ans, il était déjà très aimable. C’était dans le restaurant Divinamente italiano, en face du Saturne, le restaurant « nature » préféré des gens qui mangent proprement, dont on lira avec profit ce que Vincent Pousson en pense sans rater, surtout, le fil de commentaires qui transforme le dit Saturne en vache sacrée. La pensée unique fait des ravages. C'est .

jeudi 11 avril 2013

Les primeurs 2012 (4 et fin)

Comme chaque jour, la Semaine des primeurs est une longue route, de châteaux en dégustations. On retrouve les amis et on s’en fait de nouveaux. La vie, quoi.

J’ai retrouvé un bel endroit que j’aime bien, le château Montlabert. Une jolie maison, un petit parc, les vignes. De Montlabert, on voit très bien Cheval Blanc et La Dominique avec leurs chais spectaculaire ou en devenir. En attendant que la propriété soit dotée à son tour d’un nouveau chai signé Patrick Jouin. Saint-Émilion en parc architectural contemporain, c’est demain et ce n’est pas dommage. Propriété du Groupe Castel, Montlabert est aussi son étendard, sa vitrine. Dans le grand virage sur l’aile que prend le groupe pour aller vers plus de qualité, Montlabert est l’éclaireur à tous égards et le millésime 2012 est qualifié par le dégustateur B+D Denis Hervier « de meilleur vin jamais produit par la propriété ». L’avenir est rose. Enfin, si j’ose dire.




J’ai déjeuné au château La Couspaude, à Saint-Émilion qui fait un vin d’une belle régularité, millésime après millésime. C’est le flagship du groupe Aubert, présent dans presque toutes les appellations de la Rive droite et capable d’entrées de gamme de très bonne qualité, comme le château-labesse, bu et approuvé. La nouvelle génération prend peu à peu les commandes, trois cousins-cousines déterminés et, me semble-t-il, compétents.




J’ai dîné au château Lassègue, fief libournais de la famille Jackson et de la famille Seillan. Tout le monde était là, dans les salles à manger de cette belle maison, plantée sur la pente au milieu de son vignoble, l’un des plus beaux endroits de la région. À l’œil nu, on se dit que ces coteaux, ces combes et ces vallons sont fait pour les vignes. D’ailleurs, il n’y a guère de ratés sur cette côte bénie des dieux. Bien sûr, toute la production Jackson-Seillan était présentée en primeurs. Lassègue, Tenuta di Arceno en Toscane et Vérité en Sonoma. Mon préféré, c’est Le Désir que j’ai toujours pris pour le grand vin de Vérité. Pierre Seillan plaide pour les autres aussi, arguant du fait que certains assemblages mettent plus de temps à révéler leur potentiel, ce qu’on peut croire. Mais il y a une constante de vinification chez Seillan qui fait les tanins assez doux pour des primeurs et qui rendent la dégustation de ces bébés vins plutôt agréable. Lassègue, c’est comme une succursale de l’Amérique. On dîne tôt, on s’en va tôt, c’est reposant.




J’ai rencontré une icône du vignoble mondial, Peter Sisseck (Pingus). Grand pote de Silvio Denz (Château Faugères), ils se sont associés pour créer un nouveau vignoble à Saint-Émilion, Château Rocheyron. Sept hectares, premier millésime 2010. Un vin à la Sisseck, d’une précision infernale, d’un soyeux fou, d’une longueur interminable. Pour moi, c’est la grosse découverte de ces primeurs 2012.




J’ai changé de rive, enfin. Direction La Lagune, sa belle chartreuse et sa cuisine où il fait bon déjeuner. Pas de la-lagune à table, mais un la-chapelle 91 bien à sa place de star et un cornas 01 que j’ai adoré dans son élégance et son apogée. Ils sont arrivés, précédés par un chevalier-de-sterimberg, l’hermitage blanc de la même maison Jaboulet, autre propriété de la famille menée aussi par Caroline Frey, l’œnologue et la patronne de ces deux vignobles. Elle a eu l'occasion de rappeler à qui voulait bien l'entendre enfin : « C'est moi qui fait le vin ». Ce que je savais déjà, mais pas tout le monde. Un doisy-daene, beau barsac, a mis un terme à mes aventures en primeurs.

J’ai remercié chaque nuit la providence et la préfecture pour n’avoir pas barré ma route d’un alcootest vengeur. J’ai remercié chaque jour les attaché(e)s de presse (voir classement de la RVF) qui ont si bien organisé mon happy tour bordelais. Et je suis parti avec la perspective d'une diète sévère après ces jours très exagérés.



Le portrait de Pierre Seillan, ici 
Le portrait de Caroline Frey,

Mes autres commentaires sur la Semaine des primeurs, ici, et  

mardi 9 avril 2013

La Semaine des primeurs, j’adore (3)



J’ai dîné à Angélus avec les copains, en tout petit comité autour d’Hubert de Boüard et d’Emmanuelle, sa compagne. L’occasion de s’apercevoir que les travaux du nouveau chai sont encore loin d’être finis. Je crois que l’exigence de perfection est telle qu’elle entraîne des délais supplémentaires, malgré la très grande compétence des compagnons en charge de cette belle pièce d’architecture traditionnelle. Après un très beau saint-aubin premier-cru En Remilly de Marc Colin, les angélus 07 et 05 nous ont permis de constater à quel point les petits millésimes sont indispensables pour attendre tranquillement les grands. 07 plus souple que 05, on le savait déjà, mais c’est mieux en les comparant à table. Un moment d’intense émotion avec un angélus 1953, soixante ans au fond d’un verre, histoire de prouver l’excellence du terroir. Ceux qui en doutent devraient faire comme nous, ce 53 était très démonstratif, il nous a expliqué les fondamentaux d’un grand vin, celui qu’on retrouve, qui vous accompagne sans cesse tout au long d'une vie.



J’ai exploré chaque pouce de terrain du plateau de Pomerol avant de finir par débusquer Olivier Techer en son fief agricole de Gombaude-Guillot. Il présentait son 2012 comme tout le monde agrémenté d’une verticale vertigineuse de vingt vintages. Comme souvent, j’ai goûté les petits, 93, 94, 99, 02. Magnifique 93 et très beau 99 qui finira mieux que 93 ou encore ce 96 éclatant, mais ce n’est pas un petit millésime. Goûté aussi le 2011 juste avant la mise en bouteille, un vin suave et gourmand pile comme je les aime. Olivier, balance un bon de commande, j’ai un peu d'argent à dépenser, tout d'un coup.

J’ai croisé à Gombaude-Guillot le dégustateur suisse Yves Beck dit le Beckustator, très diminué par une sale blessure, faisait le boulot sans barguigner, c’est beau l’abnégation. Les Suisses auront les infos en temps et en heure.

J’ai pensé à Catherine. L’ambiance est assez triste et recueillie sur la Rive droite. Les obsèques de Catherine Péré-Vergé, c’est aujourd’hui dans le nord de la France. La nouvelle de son décès s’est répandue à toute allure, laissant à chacun un pli d’amertume au coin du verre. Cette grande dame de Pomerol entraîne dans son sillage une longue houle de regrets et un fort sentiment d’injustice. La mort, cette emmerdeuse. À ses enfants qui, semble-t-il, ont l’intention de reprendre ses vignobles bordelais et argentins, nous adressons tous nos vœux de réussite.

Ma Semaine des primeurs, tous les détails ici et

lundi 8 avril 2013

Les Primeurs à Saint-Émilion, j'adore (2)

L'Hostellerie de Plaisance vue de ma fenêtre


La Semaine des primeurs, c’est comme Vinexpo. L’intéressant est tout autour
(à un rythme soutenu).
Depuis qu’on s’est parlé, j’ai :

dîné à l’Hostellerie de Plaisance, l’hôtel de Gérard et Chantal Perse. En fait, c’est elle la patronne de ce très bel établissement. Où il est clair qu’ils ont décidé que Saint-Émilion était fait pour le haut de gamme, décision assumée à tous les étages de l’investissement considérable qu’ils ont consenti pour redresser cette demeure historique et sublime, les Perse font énormément pour la renommée mondiale de ce merveilleux village. C’est un dîner désormais annuel qui réunit quelques dizaines de professionnels du monde entier autour des Perse et de Michel Rolland, l’homme derrière Gérard. Un dîner au cordeau sous la houlette du cuisinier Philippe Etchebest (dans Etchebest, il n’y a pas que Etche et ce n’est pas par hasard). Et une belle suite de grands vins, monbousquet blanc, pavie-decesse 98, pavie 00, 03 et 05. Il va de soi que pavie 2000 est un vin immense d’une beauté formelle parfaite et qui durera toute la vie, la mienne en tous cas. J’ai eu le plaisir d’y retrouver quelques pointures du Grand jury européen, Jacques Perrin, Abi Dhur, Marie von Ahm et le désormais célèbre internaute laurentg, l’homme qui a bu tous les vins du monde et qui tient des fiches à jour. Un type pareil, c’est l’honneur d’un métier. J’étais assis entre Michel Rolland et Rodolphe Wartel (Terres de vin) et c’est peu de dire qu’on s’est bien marré. Fin des hostilités autour d’un champagne de Selosse avec ma copine la blogueuse Marthe Henry et Laurent Courtial, attaché de presse lyonnais et très, très sympathique.

déjeuné à la table de Bernard Magrez à Fombrauge, son grand cru classé de Saint-Émilion. Là, c’est Joël Robuchon qui a réussi un déjeuner à la fois copieux et léger, l’assiette généreuse est le secret du bonheur gastronomique. C’était ce qu’on appelle un grand déjeuner, pas moins de 300 convives avec une grosse ambiance et Bernard Magrez qui porte beau ses 76 ans, pleine pêche et des projets. Ce garçon m’épate.

croisé Valmy Nicolas, quasiment un pote maintenant, raisonnablement à l’aise dans son nouveau costume de co-gérant de Figeac. Il faut dire qu’il est bien appuyé dans cette mission par son expérience réussie dans le vignoble familial (Château La Conseillante) qu’il a joliment boosté depuis 2006. Il est sans doute plus facile de travailler avec des « clients » qu’avec sa propre famille. L’objectif est clair, Figeac, premier cru classé A dans dix ans. Le temps du vin est long, Valmy est jeune, tout est en ordre.

Le château Figeac


découvert Figeac. Je n’avais jamais mis les pieds dans cette propriété admirable et très atypique. C’est un endroit d’une belle élégance, avec des bois, des prairies, un grand étang et, oui aussi, des vignes. Dans cet environnement viticole à la limite du stakhanoviste, c’est une respiration bienvenue. Il paraît même qu’on dit que Figeac est le poumon vert de Saint-Émilion. Ça me semble un peu exagéré, mais pourquoi pas ?

retrouvé avec toujours la même émotion la belle chartreuse de Faugères que j'ai connu il y a près de vingt ans dans des circonstances pour le moins difficiles. C’est un endroit rare, tout au bout de la côte, un décor magique, vallonné, boisé, en limite est de l’appellation.

Ce soir, dîner à Angélus et sans doute encore quelques vins très élégants au programme.
Les détails sur ce blog dès demain.

Le portrait de Bernard Magrez, ici
Le début de ma Semaine des primeurs,

dimanche 7 avril 2013

La Semaine des primeurs à Bordeaux, j’adore
(la preuve en images)



La Semaine des primeurs à Bordeaux commence très bien. Ces vins ont été dégustés en deux occasions.
Samedi soir, dîner privé chez une éminente tonnelière et son mari mérandier. En plus des deux vins de Rouget, échezeaux et vosne-romanée, il y avait un sancerre blanc admirable et un pétillant de chez Huet, fin, pur, vibrant et, quand même, un beau pavie-macquin 97. Une table composée de trois Bourguignons nouvelle génération (deux vignerons et un tonnelier), la rejetonne d’une illustre et très ancienne famille de vignerons de la Loire, une œnologue de réputation, une fameuse journaliste-photographe et quelques autres soiffards du même acabit, le meilleur monde. S’agissant d’un dîner privé, no names. Juste un mot. Quand on m’a demandé où j’allais déguster les primeurs 2012, j’ai expliqué que je n’étais pas ici pour déguster des vins auxquels je ne comprenais rien, que je refusais de me mêler à une foule d’incompétents dont je me demande vraiment ce qu’ils foutent à goûter ces affreuses décoctions, que c’est le travail réservé d’une poignée de professionnels. J’ai avancé le nombre de 30 dégustateurs capables de goûter les vins en primeurs et d’en tirer des indications sur leur avenir. Ce qui a provoqué une moue sceptique chez l’œnologue qui, elle, dirait plutôt moins de 20. « Et encore… ». Bon, on était d'accord, une belle soirée.

Les trois autres étiquettes ont fait la gloire du déjeuner, aujourd'hui au château Monbousquet. Bravo et merci à Gérard Perse d’avoir eu l’élégance de servir autre chose que ses propres vins, aussi beaux soient-ils. Convenons qu’on ne boit pas si souvent les grands champagnes de Francis Égly et les merveilleux hermitages la-chapelle de Paul Jaboulet Aîné. Nous sommes sortis de table ravis, évidemment. Suite du programme ce soir avec le grand dîner annuel du même Gérard Perse dans son Hostellerie de Plaisance. Au menu ? Pavie, bien sûr. 2000, 2003, 2005. Là, on ne rigole plus, on tape dans le sérieux.
Les détails sur ce blog demain matin.


Le portrait de Gérard Perse, ici
La suite de ma Semaine des primeurs,  



Pendant que j’y pense (9)

1 C’est l’infatigable Vincent Pousson, sur son blog, qui sort l’info qualifiant justement l’outrage de « terrorisme vinicole ». Le domaine Jones en Languedoc a été victime de vandales qui ont ouvert les vannes de deux cuves de blanc 2012, leur production annuelle. Pour le couple aux commandes, c’est une catastrophe et pour les amateurs de ce joli vin d’artisans, aussi. Au delà des raisons, quelque querelle ou malentendu sans intérêt, c’est surtout le signe d’une propagation de cette sale méthode de voyous. À ma connaissance, c’est la troisième du genre, mais j’ai lu des commentaires de Christophe Bousquet qui laissent penser qu’il y en a eu d’autres. Voir ici et , les deux précédentes. Les chais bunkerisés, c’est maintenant.  


Mathieu Kauffmann (merci Le Blog du champagne pour la photo)

2 Le chef de caves des champagnes Bollinger a démissionné. Il s’appelle Mathieu Kauffmann et c’est un bon. Il portait depuis douze ans le style vineux, très pinot noir, des vins de la maison, il a fait partie de ceux qui ont préparé l’arrivée de la nouvelle bouteille, intelligemment appelée « petit magnum » pour ses qualités sur lesquelles nous ne reviendrons pas (voir les détails ici).
Gloser sur les raisons de ce départ n’a pas d’autre intérêt que de dresser les uns contre les autres, faire du journalisme de poubelle, aviver les aigreurs. En revanche, savoir où il va est très intéressant puisque c’est un bon.
Il y a en Champagne des chefs de caves qui, dans des délais rapprochés, feront valoir leurs droits à la retraite. Compter quand même deux ou trois ans, le temps du champagne est interminable. Je pense à Jean-Paul Gandon chez Lanson ou à Régis Camus chez Charles Heidsieck. Ces deux maisons ont des défis à relever, des volumes de nature à éveiller l’intérêt d’un Kauffmann, des moyens et des ambitions. Il y a aussi des lancements de maisons en cours. C’est amusant de lancer une maison. Pourquoi pas ?
On peut aussi se demander qui d’autre a quitté Bollinger ces derniers temps et suivre cette piste (ces pistes). Seulement voilà, comme rien ne transpire, il ne reste qu’à prendre des paris. Jusqu’à plus ample informé.




3 Deux jours à Dublin pour commencer à connaître les particularités des whiskeys irlandais. J’y reviendrai. D’ici là, mentionner l’existence de fameux restaurants dotés de cartes des vins adorables dans leur ampleur et leur diversité. Et leurs prix. Nous avons descendu de belles choses dont un valmaggiore, un nebbiolo de chez Luciano Sandrone et deux vins de chez Paul Draper à Ridge, winery emblématique de la Californie au sud de San Francisco. Il s’agissait d’un lytton-springs et d’un geyserville, les deux sont des assemblages de zinfandel, de syrah et de carignan dans des proportions différentes. Le premier était beaucoup trop jeune (2010) et le second commençait à parler (2007). Les trois étaient des vins inattendus dans cette circonstance.
Vive Dublin.




4 Encore de vieux millésimes qui font les frais d’un rangement de cave. Là, c’était un lascombes 1986 en pleine forme, un pavie 87 surprenant de qualités malgré le petit millésime et un croizet-bages 1990 d’une suavité parfaite. Encore un grand moment et encore une preuve qu’un grand terroir (comme Pavie, par exemple) se sort très bien des petits millésimes.


Quand j’écris "Lascombes" sur mon iPhone, le correcteur automatique me propose "Lascives". C’est sûrement lui qui finit les verres.



samedi 6 avril 2013

La disparition de Catherine Péré-Vergé



La mort n’arrive jamais à point nommé, toute disparition est prématurée. Ainsi de Catherine Péré-Vergé, décédée hier en fin d’après-midi, terrassée par une de ces maladies qui cette fois a eu le dessus.
Catherine Péré-Vergé était, cet imparfait détestable, la propriétaire des châteaux Le Gay, Montviel et La Violette à Pomerol. Elle était aussi une des sept du Clos de Los Siete à Mendoza, la grande finca créée de toutes pièces pour inventer un beau vin mondial, aventure initiée avec le succès que l'on sait par Michel Rolland.
Catherine Péré-Vergé était une personne exigeante, rigoureuse et ambitieuse. Son premier pomerol, château-montviel, avait arraché un vague « pas mal » à Michel Bettane qui n’est pas connu pour être un flatteur. Ce « pas mal » ne suffisait pas à Catherine qui voulait l’excellence. L’acquisition rapide de Le Gay était liée à ce désir de faire très bien. Elle finit par arriver au sommet avec La Violette, tout petit vignoble épatant.
Je m’entendais bien avec Catherine.
Un matin de printemps, le photographe Mathieu Garçon et moi roulions vers Pomerol dans la campagne bordelaise, nous avions pris le chemin des écoliers en venant de Sauternes, par l’Entre-deux-mers, c’est un beau décor. Dans la jolie lumière du début du jour, mon portable sonne, ma mère, en deux mots, m’apprend la mort de mon père. Un dénouement attendu depuis des mois, nous le savions, nous étions préparés à défaut d’être prêts. Pas de pathos, je décidai de ne rien changer à mon programme et passais une partie de la journée avec Catherine qui, je l’appris plus tard, revenait d’enterrer son frère la veille.
Sans le savoir, nous avons porté ensemble à bout de bras cette idée optimiste :
la vie continue.


Voir aussi le beau texte de Thierry Desseauve sur MyBettaneDesseauve.

mercredi 3 avril 2013

Quelle est la différence entre un bon vin
et un grand vin ?

Là, c’est un peu l’Himalaya en tongs comme question, le vertige me prend. Ami lecteur, ne crois surtout pas que je vais y répondre, des gens beaucoup plus compétents que moi s'y sont déjà perdus. Mais bon, voilà comme une tentative.
L’occasion m’a été fournie par un dîner où j’ai servi l’un après l’autre un château-la-nerthe, châteauneuf-du-pape 1995 et un château-rayas, châteauneuf-du-pape 1996. Ils suivaient de près un magnifique champagne rosé, cuvée Elizabeth Salmon 2002 de Billecart-Salmon, qui nous avait mis en condition de la plus parfaite des façons (légèreté, délicatesse, intensité). Ces trois vins ont été ouverts trois heures avant. Les rouges étaient servis frais (entre 16 et 18°C).



Où il apparaît que, en commençant par la-nerthe, nous sommes devant un beau vin du Rhône sud pas très évolué avec ses dix-sept ans, d’une constitution assez dense et d’une bonne couleur. En bouche, on est dans une vision d’un châteauneuf-du-pape assez épicée, solaire, d’une persistance plutôt sérieuse.
Voilà un bon vin.
Bien sûr, le passage au château-rayas est une sorte de promenade spatio-temporelle. On change non seulement de monde, mais de planète, on a déménagé. Couleur pas bien dense à la manière d’un bourgogne de haut vol. Là, le soyeux, l’ampleur de la bouche et une finesse de texture comme d’arômes qu’on croyait perdue l’emportent sur toute autre considération.
Voilà un très grand vin.
De la-nerthe à rayas, on a changé de registre. Mais, au fond, l’impression est personnelle, même si les visages des convives qui goûtent ce vin se transforment. Il se passe quelque chose, bien sûr.
J’ai trouvé d’infinies qualités à ce rayas que je n’ai pas distinguées dans le la-nerthe. Je me suis souvenu que le grand nombre de cépages (intelligemment) autorisé par l’appellation donnait lieu à toutes les interprétations possibles, c'est aussi ça la capacité de développement d'une appellation.
Je me suis souvenu aussi que, malgré de nombreux essais, j’avais du mal avec les autres productions d’Emmanuel Reynaud, Fonsalette, les Tours, Pignan, La Pialade, etc. Plus exactement, si je pouvais boire ses vins avec un certain plaisir, je ne comprenais pas l’engouement qu’ils provoquaient. Pourtant, je les buvais toujours après un minimum de dix ans, mais bon, je n’y comprenais rien et ce ne sont pas les développements des uns et des autres sur la maîtrise de la vinification oxydative qui m’aidaient beaucoup.
Avec ce rayas 96, disons que j’ai allumé la lumière dans le couloir et que je vais repartir chez mon caviste d’Auray avec un peu plus d’entrain pour ces vins. Mieux, ce rayas m’a fait toucher du doigt cette idée du grand vin considéré comme une émotion immense. Il y a eu de ça, c’est énorme.