Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 28 février 2012

Michelin, deux étoiles pour Philippe Jamesse ?


Les aventures du Guide Michelin ne m’intéressent pas beaucoup. De loin en loin, je reconnais un cuisinier distingué par l'institution, mais pas plus. Ainsi de Philippe Mille, au Crayères à Reims. Il décroche une deuxième étoile. Je pense qu’elle est largement méritée, il a sorti l’admirable maison de l’impasse dans laquelle l’avait mené le précédent cuistot, jamais en phase avec sa clientèle ou avec le champagne. Souvenons-nous toujours qu’un cuisinier n’est jamais seul. Aux Crayères, moins qu’ailleurs. Il y a un propriétaire (Thierry Gardinier), un patron (Hervé Fort) et un sommelier. Là, il a bénéficié de la complicité intelligente de Philippe Jamesse, le sommelier, très éminent spécialiste du champagne. Compétent au point d’avoir créé une ligne de verres magnifique. Ce sont ses verres sur la photo, prise lors d’un déjeuner de présentation du dernier millésime de La Grande dame de Veuve-Clicquot, à l’hôtel du Marc finalement restauré. Un grand moment où l’on avait aussi découvert un vin hors-commerce, un côteaux-champenois (rouge tranquille) assemblage épatant de trois ou quatre millésimes du début des années 80. Un rouge de rêve. Merci Dominique Demarville de m’avoir fait ce plaisir-là.
Cette ligne de trois ou quatre verres d'une beauté et d’une légèreté inhabituelles donne toutes leurs chances à tous les champagnes, selon leur âge, leur assemblage, leurs caractéristiques. Pour faire bonne mesure, Philippe Jamesse a voulu des verres pas chers. À douze euros pièce, c’est réussi. Et Veuve-Clicquot n’est pas la seule maison de Champagne à avoir adopté les « Jamesse ». Charles Heidsieck avait ouvert le bal.

Pour savoir où trouver les verres de Jamesse, appelez les Crayères au 03 26 24 90 00 ou faites un tour sur le site.

lundi 27 février 2012

Un dimanche ordinaire

C’est les vacances de février, celles qui tombent entre les vacances de Noël et celles de Pâques. On était hier, l’après-midi traînait, la pluie menaçait. On suit les nouvelles du monde. Nicolas Sarkozy n’est pas passé, comme prévu d’abord, par le pavillon Vins du Salon de l’agriculture. Les gens en charge de cette représentation ont couru derrière lui, l’un d’eux a parlé avec lui. Il avait l’air content à la fin, mais bon, le candidat n’est pas venu sur le stand. C’est une erreur à plus d’un titre, mais il fait comme il veut. S’il lui manque 300 000 voix à la fin, il saura où les trouver pour la prochaine fois. De toute façon, c’est une habitude depuis 20 ans de tenir le mondovino pour quantité négligeable, limite hors-la-loi. L’autre, le candidat Hollande fait pareil « z’avez qu’à faire des télés de gastronomie » dit-il. J’adore quand on me méprise comme ça, pas vous ?
J’apprends sur Twitter et un peu tard, je lis pas assez la RVF ou son site, que Noël Pinguet a tiré sa révérence. Il n’est plus dans la maison qui a fait sa gloire (et inversement). Quarante ans, quarante millésimes, ça suffit, il a 67 ans, que des bonnes raisons. Mais on dit aussi qu’il part mécontent, à la suite d’un différend avec Anthony Hwang, le propriétaire majoritaire. Un bras de fer à en croire la gazette. Mais Jim Budd, un ami des choses bien à plat, veille. Lui, il pose la question à Pinguet. C’est pas sot, remarque. Tu te demandes un truc, tu poses la question à l’intéressé, il arrive que la vie soit simple. L’intéressé dément le circus annoncé, dit que les choses sont beaucoup plus calmes que ça. Jim publie sur son blog et les journalistes en sont, une fois de plus, pour leurs frais. Après, on s’étonne des résultats de l’étude Sowine qui place internet en forte progression dans les recherches d’infos Vin. Mais Jim creuse l’affaire pour arriver à peu près à des conclusions similaires qui contredisent à la fois la réponse de Pinguet et celle de la famille Hwang. Au fond, quelle importance que Pinguet et le propriétaire de Huet se cherchent des noises ou pas ? N’est-ce pas normal qu’ils s’expriment d’une seule voix quelle que soit la baston ? On jugera les vins, pas l’environnement relationnel dont on se fout et qui ne regarde personne s’agissant d’affaires privées où, à l’évidence, personne n’est lésé. Il est parti, voilà. Il détient un très important stock de vieux millésimes qu’il mettra sur le marché quand il voudra.


Comme tout ce non-évènement qui joue à l’actualité me fatigue, je vais faire un tour sur les blogs qui m’intéressent pour diverses raisons. Suis tombé sur un billet vulgaire*. L’image ci-dessus est dédiée à son auteure. Pour me remettre la tête dans les étoiles, j’ai suivi (pour une fois) le conseil de Lalau et j’ai été lire le beau blog de Vincent Pousson, Idées liquides et solides (colonne de droite, rubrique Tous ceux que j’aime). En fait, j’avais déjà lu ce billet. Il est pas mal, ce n’est pas celui que je préfère, j’ai bien vu ce qui plaît tant à Lalau, le côté petite marchande d’allumettes, le sanglot retenu. Du coup, j’ai lu d’autres billets du même (Vincent, pas Lalau). Et ça m’a fait mon dimanche. Surtout « Spinoza, la sodomie et le vin naturel ». Ce garçon sait parler de vin aux filles.

*et je ne confonds jamais grossièreté et vulgarité.

L'image : ce joli rappel aux fondamentaux est extrait du site TumblR de mon blog chouchou A girl called Georges (colonne de droite, etc.)

Un jour, j'ai passé un peu de temps avec Noël Pinguet. Son portrait, ici.

mercredi 22 février 2012

Lettre ouverte à Madame Le Pen, Monsieur Fèvre et au Président Antonin de VdV#43


Madame, messieurs,
Vous avez cru opportun de concentrer les efforts de communication de vos activités en prenant appui sur les chablis de la maison Henriot, commercialisés sous sa marque William Fèvre. Monsieur Fèvre, par provocation. Madame Le Pen, par clientélisme. Président Antonin, par calcul.
En vous servant comme d’un tremplin de ces vins fins, bénis, divins, vous n’ignoriez pas les dégâts collatéraux que vous pouviez causer, ce qui ne vous a pas arrêtés. Certes, les conséquences sont parfaitement anecdotiques, démontrant s'il en était besoin l’étendue de vos influences respectives, mais ici comme ailleurs, c’est l’intention qui compte.

Aujourd’hui, Président Antonin, tu convoques notre belle corporation de blogueurs et tu nous demandes de plancher sur les vins et les élections, d’élire le vin de notre meilleur choix, ce que tu as appelé les élections pinardentielles. Si le sujet est de saison, chacun sait que tu tentes d'accréditer, une fois encore, l'idée que le choix d’un vin est politique et que, pour dire les choses vite, un électeur de droite, ce crétin tout bouffi qu’il est de son importance, boit de grands crus et qu’une sensibilité de gauche, poète, légère et curieuse de tout, se délecte d’un vin inconnu, sans soufre de préférence, introuvable. La caricature est épaisse, banale et sans surprise. Vous voulez que nous buvions comme nous croyons, sans moi.


Pourtant, j’ai choisi de voter William Fèvre. Les chablis, naturellement. Par goût pour les vins de cette belle maison, leur finesse, leur tension, leur cristalline pureté, leur caractère, cette expression aboutie du terroir de Chablis, leur excellent rapport qualité-prix. Mais pas seulement. Je vote William Fèvre, les chablis, aussi pour dénoncer l’amalgame ridicule dont cette maison a été la victime. Pour supporter ceux qui, dans la maison, se dévouent corps et âme pour porter les vins au plus haut niveau et je pense particulièrement à Didier Séguier, dont la patience et l’humilité ont fait merveille sur ces terroirs complexes, suscitant l’admiration de tous les commentateurs. Il vient de signer une suite de millésimes épatants. Il prouve ainsi la prévalence du travail sur le discours, en quoi je le rejoins. Je pense enfin à ceux, chez William Fèvre, dont l’Histoire ne retiendra pas le nom et qui sont les infatigables artisans de l’excellence. Eux ne sont pas dégoûtés de travailler là, eux sont fiers de ce qu’ils produisent, eux ne confondent pas William Fèvre et William Fèvre.


Ceci est un billet destiné au Vendredi du vin #43, thème : 2012, l’année des élections pinardentielles.
Cliquez sur Vindicateur, le blog de Antonin Iommi-Amunategui-Président,
en charge de ce 43e Vendredi et pensionnaire à l'année de la colonne de droite de ce blog, rubrique Tous ceux que j’aime (chacun ses contradictions).

Pour le blog des Vendredis du Vin, c’est par ici


Les détails sur l'affaire Le Pen-Fèvre-Vindicateur, .

Des bordeaux dans un TupperWine


C’est la quarantième fois que Fabrice Le Glatin, prof d’anglais et blogueur réputé, anime l’un de ses TupperWine, séance de dégustation payante à l’usage du grand public, catégorie amateurs. Celui-ci était consacré aux vins de Bordeaux issus de la viticulture biologique. Fabrice attaque fort en se demandant à voix haute comment il a pu organiser une dégustation consacrée exclusivement aux bordeaux. Dans le gang des blogueurs, il est de bon ton de mépriser les bordeaux. Magnanime, il concède que des "progrès ont été accomplis". Je me marre, mais sous cape, pas question de gâcher la fête. Ah, il parlait de la gamme des vins dont le prix se situe entre 5 et 10 euros. Ce qui montre quand même une certaine méconnaissance de l’offre, mais passons.
La scène se passe dans le sous-sol d’un petit caviste spécialisé, meilleursvinsbio.com au 183, rue Legendre à Paris. Il a une très belle sélection de vins, plein d’envies en parcourant les rayons, prévoir d’y retourner. Grâce aux anathèmes lancés par l’impayable Patrick E., il y a beaucoup de monde, près d’une trentaine d’amateurs se pressent dans ce sous-sol exigu, dont une bande de cavistes bien équipés en certitudes, ce qui ne les empêche pas d’être sympathiques, Christophe Ligeron à Rennes et Bruno Besson à Ermont, entre autres.
Le premier vin est L'autrement 09 de Jacques Broustet au château Lamery dans l'Entre-deux-mers. C'est pas mal et à 7,50 euros, le prix est tout en haut de la fourchette du bon rapport qualité-prix. Suit falfas 08, limite fermé, de très belles promesses, un vin tannique et acide, beaucoup trop jeune, on le reverra dans cinq ans avec un grand plaisir, j’en suis sûr (13,40 euros).
Puis vient le tour de clos-puy-arnaud 08 de Thierry Valette, un côtes-de-castillon. Thierry est le fils de l'ancien propriétaire de Château Pavie. Un rebelle, celui-là ? Un vin dans la grande tradition des bordeaux comme on les aime, plutôt.


Le puy 07, côtes-de-francs, un vignoble historique, un chouchou des connaisseurs, l'agacant bouchage a la cire (c’est prétentieux, ça sert à rien, en l’ouvrant t’en fous partout y compris dans la bouteille), Bruno Besson a un joli mot pour le décrire, il dit que c'est le plus libre des vins, celui qui glisse le mieux en bouche, on dit buvabilité, la torchabilité n’est pas loin, tout le monde est d’accord et, dans la cave, l'ambiance se détend d’un coup.


Suit un clos-plince 09, mini-vignoble à Pomerol, propriété de la famille Techer (Gombaude-Guillot), des pionniers de la viticulture bio, un vin serré, beaucoup trop jeune, avec une belle profondeur, comme souvent les vins issus de sols bien menés. Voilà fonroque 07, grand cru classé de Saint-Émilion à Alain Moueix, l’idole des bios, des tannins un peu raides, un vin qui demande quelques temps encore pour donner son meilleur et, aussi, de belles promesses.


Et c’est fini. Pressé de le faire par quelques-uns, dont moi, et depuis un moment, Fabrice annonce que trois des vins dégustés sont disponibles à la vente avec une remise de 10 %. C’est bien, c’est raccord avec le concept en plus d’être un vrai service pour ceux qui, assistant à la dégustation, repartiraient bien avec quelques cols des vins qu’ils ont aimé. Mais comme ce n’est jamais simple, qu’il faudrait pas qu’on se trompe, Fabrice nous explique que ce n’est pas lui qui vend les vins, mais le caviste chez qui nous sommes pour un soir. Ouf, la déontologie est sauve. Était-elle seulement en cause ? Pas sûr. En effet, un Tupperwine coûte 25 euros par personne, ce sont les moins chers des cours de dégustation organisés à Paris. Personne ne trouverait à redire que Fabrice vende le vin à la sortie. Ainsi va le monde…
Étrange TupperWine où Fabrice a eu du mal à assurer le show comme il le fait si bien d’habitude, trop de monde dans pas assez de place, du coup ça rigole, les cavistes font le clan, le pâté a l'ail achève de plonger l’assistance dans un doux délire, de toute façon, il n’y avait pas assez de crachoirs…

Le blog de Fabrice, Vin sur vin.
Plus sur les Tupperwine, ici et .

lundi 20 février 2012

Fricote#6 est sorti. Du bonheur « lancé à la face de l’apocalypse »


Le moderne, il est où ? L’innovation, la longueur d’avance, la découverte, le jamais-vu, l’idée du jour ? C’est dans Fricote et ça fait un moment que ça dure, six numéros, un an et demi. Comment des gens qui font un magazine trimestriel arrivent-ils à garder la main sur la tendance avec une telle périodicité ? Et comment des blogueurs-gueuses de la gastrosphère qui peuvent publier en moins d’une heure n’y parviennent-ils pas ? C’est dans la tête que ça se passe. On peut se déguiser en Miss Zyva tant qu’on veut, si on a un mental de Miss PlanPlan ou de Miss PouPouf, c’est foutu parce que ça se voit.
Fricote#6 est dans les kiosques et, comme les numéros précédents, c’est juste un bonheur suave. Au minimum une idée par centimètre carré de page, tout ça drôle et très généreux, des infos partout, c’est tout ce que tu as envie de lire. Moi, en tous cas. Ce canard m’épate de plus en plus. Chaque numéro monte une marche. Je ne vois pas d’autre exemple dans la presse française, sauf, peut-être, certaines publications particulièrement glamour, Vogue ou Série limitée. Cette idée de jouer la surprise à chaque numéro, de ne pas s’enfermer dans une grille éditoriale trop visible (j’allais dire lisible), de renouveler le genre éternellement. Dans le même secteur, Grand Seigneur enfonce le clou et ringardise à fond tous les communicants de la bouffe. Les pauvres, c’est pas une vie d’être coincé entre Fricote et Grand Seigneur. Je me suis laissé dire que Fricote marche à fond. Pour Grand Seigneur, je ne sais pas, mais je le souhaite.

Fricote#6 est livré avec un supplément Flandres, plus petit format, couverture bleu layette pour faire pièce au rose layette de Fricote, et gratuit. Dans tous les kiosques qui se préoccupent encore des lecteurs, Fricote, l’épicurien urbain, 4,50 euros.

dimanche 19 février 2012

Des grands vins, de très grands, des petits


Un samedi d’après les gelées, un samedi qui ne dit pas encore le printemps, deux heures de train-corail, nous voici à Chateauroux, cette France qui existe encore, les rues basses et les petites maisons charmantes. Au bout de la promenade, Denis et Frédérique Hervier attendent leurs invités. Il est midi, c’est l’heure du déjeuner dans ces pays où les habitudes qui font les équilibres, celles qui ont à voir avec la course du soleil, n’ont pas encore lâché la rampe.


Ce qui est prévu, ce n’est pas n’importe quel déjeuner, c’est un rendez-vous de longue date, une affaire d’hiver, de truffes et de grands vins, de très grands même. Une réunion de gourmands, des vins dans les bras des uns, des truffes pour les autres. Nous étions neuf, avons ouvert treize bouteilles, repoussé une au motif d’un (petit) défaut, ces amateurs ont de l’exigence et le compte est bon.




Tout a commencé avec un Amour 02 de Deutz, la fine pétillance d’un joli blanc de blancs pour remettre les papilles en place et, très vite c’est un coulée-de-serrant 85, en dessous des attentes et diversement apprécié, mais meilleur le lendemain, suivi d’un Brézé 03 du Clos Rougeard. C’est ce dernier qui a pris le chemin du vinaigrier, une activité très suivie dans cette maison. Il a fait place à un Foudre, saumur 10 du château du Hureau, épatant, C'est lui qui a remporté la mise, à la fin, et qui a réconcilié tout le monde avec son verre.
Il était temps de passer à table.
Tout autour se répartissent les Hervier, Babeth et Pierre-Jean Pebeyre, professionnels de la truffe, Jean-Claude Berrouet, le grand homme de Petrus, son fils Jean-François, il s’occupe des domaines familiaux, et sa fiancée Diana, Espagnole et œnologue à Teynac en saint-julien et à Corconnac dans le Médoc, et nous.


L’ordre de service des vins et les accords est très vite tranché. À l’envers de ce qui se pratique généralement, on commencera par le plus vieux, un pétrus 82, monument de suavité et de longueur, un vin qui n’a pas fini d’enchanter ceux qui auront la chance d’y tremper leurs lèvres. Jean-Claude Berrouet est ravi de la qualité de cette bouteille, goûtée avec un foie gras très truffé. Il sera suivi d’un lafleur-petrus, puis d’un haut-bailly et d’un château-margaux, tous de 1988. De très grands vins qui partagent la table, chacun a sa préférence, j’ai eu un gros faible pour le margaux. Denis a sorti une rareté, le château-des-trois-chardons, petite propriété de trois hectares qui vient d’être acquise par Palmer, un vin d’excellence, malgré son très jeune âge (2010) et une curiosité. Au moins, ces nouveaux raisins qui entreront dans l’élaboration du grand palmer font un vin très fin.
Mais, en fait, la conversation n’a pas vraiment porté sur les vins que nous buvions, même si chacun y a été de son petit commentaire, en désordre et sans l’ambition de convaincre à tout prix, des bavardages de salon très agréables.



Et nous sommes passés aux blancs, un ordre de service traditionnel des tables bordelaises, puisque « blanc sur rouge, rien ne bouge ». Dans l’ordre, deux grands bourguignons, un clos-des-mouches Ouvrée des dames 05 et un chevalier-montrachet 09 domaine de chez Bouchard Père & Fils. Deux très grandes bouteilles, l’une plus évoluée que l’autre, tous les deux des monstres de complexité et de maîtrise, ils ont fait merveille sur une lotte parfaitement cuite et ensevelie sous une épaisse couche de truffe. Les fromages, un pouligny et un valençay (et des truffes, oui), se sont arrangés d’un splendide Silex 07 de Didier Dagueneau. Pour finir sur une note de fraîcheur (!), c’est un Première vendange de Marionnet qui est chargé de faire le boulot. Moi, j’aurais bien fini sur un vieux sauternes, mais bon, nous sommes dans la Loire, m’objecte-t-on. Dans ce cas… La prochaine fois, c’est promis, un quart-de-chaume sera au rendez-vous.


Voilà un déjeuner rare, splendide. Une approche des vins reposante, où il n’est jamais question que du plaisir que l’on se fait, où personne n’a fait le beau, un vrai déjeuner d’amateurs ponctué de rires et de silences inspirés, un grand moment simple où, même si chacun a une conscience très aigue du privilège qui est le sien, personne n’en fait des tonnes.

Pour info, Jean-Claude Berrouet a confié les rênes de Petrus à son fils Olivier et comme beaucoup de grands vinificateurs à la retraite, il a inauguré une nouvelle vie de consultant (pour La Conseillante à Pomerol, entre autres) et il épaule son fils Jean-François au Vieux Château Saint-André à Montagne.

mercredi 15 février 2012

Le nouveau verre Château Baccarat est-il magique ou juste utile ?


Voici que Baccarat vient jouer dans la cour des grands verres à vins. Le nouveau modèle « Château » a été conçu et dessiné par Bruno Quenioux, illustre spécialiste du goût des vins. Il y avait plus de quinze ans qu’une telle innovation n’était pas intervenue chez Baccarat. La cristallerie Baccarat, plus de deux siècles en Lorraine, longtemps propriété de la famille Taittinger et, aujourd’hui, du fonds Starwood, est très connue pour ses admirables créations de cristal, on pense surtout aux lustres et, particulièrement, à ceux en cristal noir créés par Philippe Starck. Dans le même ordre d’idées, les arts de la table occupent une place importante dans les créations de la maison. Mais les verres, aussi beaux et raffinés soient-ils, n’ont jamais été rien d’autre que des verres à eau. Ces verres à l’ouverture généreuse et à la forme en corolle masquent totalement les arômes des vins, on boit quelque chose qui ne sent rien, c’est ennuyeux. Le terrain du verre à vin vraiment fait pour goûter le vin est occupé depuis longtemps par les Autrichiens de Riedel, des Allemands, des Italiens. Depuis peu, la suprématie de Riedel est (un peu, très peu) entamée par de jeunes créatifs comme Philippe Jamesse, sommelier aux Crayère à Reims, ou Laurent Vialette, expert en vieux millésimes. Le premier a créé une ligne complète (rouge, blanc, champagne) et ses créations sont maintenant les verres de dégustation « officiels » de Charles Heidsieck et de Veuve Clicquot. Le second, un verre « tous terrains » qui équipe le Grand jury européen pour ses dégustations à l’aveugle.
Et voilà Baccarat qui vient se frotter à ce marché de passionnés.

Cliquez sur l'image pour mieux lire les commentaires de Bruno Quenioux

Pour Bruno Quenioux, les verres de dégustation habituels mettent surtout en lumière les défauts du vin. Ce qui, pour des verres de pro, semble bien légitime. Lui, il veut des verres qui boostent les qualités du vin. Et ils le font très bien. Nous avons testé les deux. À Baccarat, la finesse. À Riedel, l’intensité. Il est hors de doute qu’un amateur (celui qui aime) va vite préférer les Baccarat, pour ce qu’ils flattent le vin servi. Les connaisseurs continueront sans doute à accroître leur collection de Riedel qui donnent une image fidèle du vin. Non pas que les Baccarat trichent, mais ils masquent l’alcool au profit des arômes, ce qui est une façon de redessiner le profil d’un vin. En gommant les défauts, le Baccarat n’aide pas le dégustateur professionnel qui doit tout savoir d’un vin.
Il reste que l’expérience du verre « Château » de Baccarat est incroyablement convaincante. Oui, le vin apparaît plus fin. Oui, les arômes sont débarrassés du poids de l’alcool. Oui, le vin est transformé. Ce n’est pas forcément ce qu’on cherche.
Cela dit, cette gamme restera l’apanage de gens qui ont les moyens de ces plaisirs. 75 euros le verre et 280 euros la carafe. Pour mémoire, un verre Riedel, le modèle Chianti classico, coûte une quinzaine d’euros et, Baccarat ou pas, demeure un verre de dégustation très intéressant qui a de longues années devant lui. Nul doute, en plus, que la maison Riedel va réagir face à cette intrusion sur son terrain de jeu préféré. Tout ceci s’annonce passionnant.

Le marché du vin en Chine, pas si facile


Dans la campagne bordelaise, comme maintenant sur la côte de Bourgogne, on se frise les moustaches en évoquant le marché chinois. Il a permis aux meilleurs, aux plus entreprenants surtout, de passer les crises diverses qui se sont succédé depuis l’été 2008. De l’avis général, le Chinois aurait compris très vite que le vin de France est le meilleur, la référence, l’incontournable, comment faire sans ? Bref, le sourire inoxydable est de mise, les lendemains chantent, on commence à astiquer les calculettes pour les primeurs.
Oui, mais.
Les choses ne sont pas perçues avec autant d’angélisme par nos nouveaux amis chinois. L'affaire n'est pas pliée. Un signe est donné par cette dégustation organisée à Hong Kong par Jeannie Chow Lee MW (MW pour Master of Wine, un diplôme anglais considéré comme très valorisant). Il s’agissait d’une dégustation à l’aveugle de huit vins du monde composés en majorité de cabernet-sauvignon. Parmi ces huit vins, un seul français sur huit, dont six notés. Ce vin français finit 5e soit avant-dernier des notés. Les dégustateurs étaient des professionnels du vin de Hong Kong.
Sur son blog, elle en donne les résultats.
Que voici (en anglais) :

1. 2008 Vina Seña, Aconcagua, Chile.

Full-bodied, ripe, balanced red wine with lovely flavours and a long length. Opulent without heaviness. The wine has velvety tannins and a cedar, spicy finish. Fantastic wine and one of my favourites in a blind tasting lineup of wines sold at twice its price.(93)
2. 2007 Ridge Vineyard Monte Bello, Santa Cruz Mountains, California, USA.
Very elegant, gorgeous complex nose with lots of violets and roses. This is an elegant red wine that is medium in body with grace and lightness. Lovely wine that is young and will obviously age well. Though one can enjoy it now, it would be best to wait at least 2-4 more years. In this blind tasting lineup, it stood out with its elegance and wonderful floral perfume. (93)
3. 2006 Sloan Winery, Napa Valley, California, USA.

Very rich, ripe, mouth-filling wine with good depth and amazing concentration. Very powerful intense style with grip and intensity in the finish. This is a massive wine with power and depth but not a wine that can easily be enjoyed with a meal. Shows well in a tasting with good structure and depth. Excellent length. (91)
4. 2005 Sloan Winery, Napa Valley, California, USA.

Attractive nose of plums and violets with hint of chocolate. A medium rather than full-bodied style striving more towards elegance. Nicely balanced Napa Valley wine with ripe flavours coming through and good length. (90)


5. 2008 Château Ducru-Beaucaillou, saint-julien, Bordeaux, France.

Very intense blackberries, fresh and young - love its vibrancy. However, the flavours are very raw right now as though it is still a barrel sample. It shows good potential to age. Very young, closed at the moment. Wait 3-5 years before opening. (89)


6. 2009 Yao Ming Cabernet Sauvignon, Napa Valley, California, USA.

Plummy, ripe, full-bodied wine that has the friendliness of Californian fruit. The nose and front palate is open and friendly but the finish is slightly rough. Tannins are slightly coarse rather than fine and the finish moderate to short. This wine retails for US$ 289. (87)


7. 2005 Helan Qin Xue Winery Jiabeilan Cabernet Sauvignon, Helan Mountain, Ningxia, China.

Very spicy and herbal in flavour. Good balanced wine but unimpressive. Lacking in complexity and depth. On tasting after 5-10 minutes, found this bottle to be oxidised and flavour muted. (Not Rated)


8. 2005 Fisher Vineyards Coach Insignia, Napa Valley, California, USA.

Drying on the palate and fairly short. Not rated since the wine is musty/slightly corked. (Not Rated)

Bon, voilà. C’est pas gagné.
Il faudra encore longtemps faire le voyage et l’effort de l’explication, faire déguster sans relâche. Être présent sur tous les salons en Chine, à HK comme à Shanghaï, et convaincre par la démonstration, encore et encore. Croire le contraire est une erreur.
Le miracle n’a pas eu lieu.
Au passage, souvenons-nous que les USA sont, en 2011, le premier marché des vins français. « Les ventes de champagne y sont en hausse de plus de 12 % en volume et l’appellation enregistre une augmentation de près de 19 % du chiffre d'affaire », remarque Paul-François Vranken, président du groupe Vranken-Pommery-Monopole. Comme quoi…

Et il y a les vins chinois… Ici et .

lundi 13 février 2012

Bruno Quenioux et le vin "nature"

C’est sur Bruno Quenioux que c’est tombé. Le débat provoqué par l’émergence du vin « nature » dans le monde du vin et sa – relative – montée en puissance chez une génération de cavistes et de bars à vins qui mélangent allègrement écologie et vinification sans soufre ajouté pour suivre la « mode » m’a donné envie de demander leur avis à certaines fortes têtes du mondovino. L’occasion ? Une dégustation de verres organisée pour le lancement de la nouvelle gamme Château de Baccarat. Enfin des verres œnologiques chez Baccarat. Pour la faire courte, retenons que les Baccarat privilégient la finesse des vins et les autres, l’intensité. Les autres, ce sont les tenants du marché, Riedel en particulier. La différence est frappante (la différence de prix aussi, oui), nous y reviendrons ici.
Pour l’instant, voici en quelques minutes de vidéo un Bruno Quenioux en live. Il y en aura d’autres, choisis parmi ceux qui font autorité, les incontestables, les honnêtes, les bons. Il ne s’agit pas ici de stigmatiser tel ou tel, de dresser les villages gaulois les uns contre les autres. Non, voici simplement une contribution au débat.



Vous ne connaissez pas forcément Bruno Quenioux. Son portrait, ici.

vendredi 10 février 2012

C’est la Saint-Valentin, on s'en fout ?

Avertissement : c'est la Saint-Valentin dans deux jours et ça va se tortiller grave dans le bout de la blogosphère assemblé à 60 % bisounours et 40 % neu-neu. On va tout savoir des performances d'après-boire de Chéri ou d'Amour. Ça va être ridicule, mais bon, on va essayer de s'en sortir ;-)

La Saint-Valentin, c’est comme l’Orient Express de Paris à Venise. On sait exactement ce qu’on vient y chercher. Et le problème est précisément là. Puisqu’on attend beaucoup, on risque gros. La déception rôde dans son long manteau gris, la mine fermée, prête à tous les crocs-en-jambe, jamais avare d’un rappel à la réalité, le râteau en pleine poire. Que la jeune fille soit d’humeur contrastée, vite contrariée, qu’un rien la perturbe, qu’au plus petit grain de sable la bourgeoise se rebiffe et la catastrophe redoutée s’abat sur la table, sur la couchette du tchou-tchou, on est bien embêté avec nos rêves de bonheur à plein tarif. C’est toujours comme ça avec les fêtes à heure fixe, il ne faut pas rater la correspondance, « les trains n’attendent jamais, jamais ».
Pour parer au pire, il n’y a pas trente-six solutions, il y en a deux. La première consiste à empoigner le bras de la candidate et à emmancher résolument les sentiers battus ; la seconde, à en sortir la mèche au vent avec le regard tonique et désespéré de celui qui joue son va-tout.
Le premier choix est jouable, il s’agit de champagne rosé et de ce genre de babioles fortement connotées, tellement évident que le risque de rencontrer un mur de plein fouet est assez faible. L’homme prudent va tout droit vers un Billecart-Salmon rosé, en vente sur le nouveau site fiable Lot 18, c’est très bon, très garanti et la livraison aussi. L'amateur ne ratera pas un Charles Heidsieck rosé, chez Lavinia. Le branché adorera le Moët & Chandon rosé avec sa bouteille revue par André, fier graffeur.
Dans le second cas, il va falloir prendre des dispositions différentes, être un chouïa alternatif. Jouer du symbole, mais par le haut. Un joli cœur, oui, mais dans la densité, dans le concentré, le suave dans la profondeur. L’œil perçant, on se propulse d’un pas ferme vers un cœur du genre y en a pas deux comme ça. D’où le risque de déplaire sur lequel vous choisissez de vous asseoir avec un bon sourire. Évitez de diriger vos verres sous le goulot d’un saint-amour, votre beau-frère et sa maîtresse font pareil.

Le dîner se fera avec un saint-estèphe classé de haut vol, idéalement de l’âge de la gamine, jusqu’à 35 ans c’est délicieux, au-delà c’est aléatoire, tant pis, un signe de moins, n’abusons pas du sur-signifiant, c’est gâché. Choisissons un calon-ségur et poussons notre avantage. Si vous n’en avez pas de buvable dans votre cave (quinze ans minimum sauf en cas de millésime petit-petit), Lavinia en propose autour de 140 euros (un bras, mais elle le vaut bien même si vous ne le saurez qu’après). Un modèle plus âgé ne sera pas beaucoup plus cher, sauf très grand millésime comme 1961. L’étiquette arbore un cœur, c'est raccord, au motif qu’un marquis de Ségur d’autrefois, qui possédait aussi quelques grands châteaux des environs (Lafite, Latour et Mouton…), aurait déclaré que son cœur était à Calon. Tout est en ordre, chandelles, allumettes, grands verres à pied d’une forme qui honore le vin (c’est-à-dire pas ceux en cristal de Bohême de votre grand-mère, avec leur détestable forme en corolle, ils ne sont rien d’autre que des verres à eau, essayez donc ceux de la nouvelle gamme Château Baccarat qui font les vins si fins), nappe, musique. Bien sûr, vous vous sentez un peu ridicule dans le rôle, mais soyez un peu sérieux, il faut savoir ce que vous voulez.
Ce calon-ségur, donc. Mené d’une main ferme par une grande dame du Médoc, disparue l’an dernier, le domaine produit un vin enchanté. Une grande race (oui, il y en a de petites et, oui, je ne parle que de vin), de l’expression, des arômes nobles, le tout ne dévoile sa belle personnalité qu’après des années de vieillissement, le boire trop jeune serait fou, ça part dans tous les sens et c'est gai comme une porte de prison. Ce n’est pas le jour, Casanova. Avec un calon-ségur, vous allez devenir envisageable dans l’esprit très critique de la personne assise en face de vous, les autres filles présentes dans le restaurant vous regarderont avec des yeux mouillés, vous serez le héros d’un soir. Ce n'est pas si fréquent.

Si vous êtes du genre à fêter ces trucs-là au resto, un certain nombre d'entre eux propose du calon-ségur à cette occasion. À Paris, choisissez Laurent, le meilleur restaurant de Paris, le plus agréable, le mieux fréquenté (pas toujours, voir actu). En Alsace, l’Arnsbourg est une bonne adresse. Sur la Côte d’Azur, c’est la Réserve à Beaulieu qui s’y colle. Si vous êtes à Megève, allez aux Flocons de sel. Mais si vous êtes à Saint-Émilion, l’Hostellerie de Plaisance est un très bon plan. Et, surtout, réservez dès maintenant pour mardi.

Par le plus grand des hasards, mon cher ami et grand dégustateur Denis Hervier a choisi de sortir un billet sur Calon au même moment que moi, ce samedi après-midi. Son blog, ici. Comme toujours, c'est très érudit, donc passionnant

Aubert de Villaine et les climats de Bourgogne (live)


Aubert de Villaine n’est pas un orateur, il n’est pas un tribun. Il est un vigneron de la race des meilleurs et un homme austère. Dans son métier, il assemble une humilité certaine à beaucoup de travail. Il en ressort ce qu’on appelle le talent, en oubliant souvent un peu vite de quoi il se compose. À l’occasion de la réunion de l’Académie du vin (dont il est membre) à la Société de Géographie, il a prononcé un petit discours sur la candidature des climats de Bourgogne à l’inscription au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. Aubert de Villaine est le président de l’association qui a la charge de présenter ce dossier. Le discours que vous allez regarder attentivement dans la vidéo ci-dessous a été prononcé avant que l’État ne retienne la candidature des climats de Bourgogne, première étape indispensable à l’inscription finale. Ce petit film de 18 minutes requiert un peu d’attention et de concentration. Les propos d’Aubert de Villaine sont passionnants, on y apprend beaucoup sur l’histoire et la géographie de la Bourgogne viticole. Savoir ce qu’il dit est important pour votre culture générale. Mais ce n’est pas du Bernard Pivot ou du Erik Orsenna, ce n’est pas rigolo ou glamour, Aubert de Villaine n’est pas un professionnel du micro. Pas grave, cher lecteur, puisque ce ne sont pas les paillettes qui vous guident vers ce blog. Ça tombe bien…


Aubert de Villaine par BDTMedia

La photo : Aubert de Villaine pendant le Davos du vin 3, en novembre 2011. Photo Armand Borlant

lundi 6 février 2012

Un dîner de grands vins


Un immeuble haussmannien, un beau quartier. Paris, un soir d’hiver, sec et glacial, un grand appartement chaud et chaleureux. Nos hôtes sont drôles et sympas, très généreux avec leurs vins, le plaisir des grands amateurs réside dans le partage. Un samedi soir entre soi, puisque le samedi soir on ne « sort » pas. Une compagnie agréable, finance, médecine, vin, art, lettres. Des métiers qui vont très bien ensemble. Des connaisseurs, chacun entretient des caves de bon niveau, y consacre de l’argent, y passe du temps. Nous étions réunis pour boire de grandes choses et c’est ce qui s’est passé, sans exagération dans le grand.
Deux champagnes, quatre bourgognes grands crus, une curiosité de Corse et un sauternes autour d’un menu home-made et fait pour.
Deux champagnes
Ils n’avaient rien d’autre en commun que d’être parfaits, chacun dans son registre. Un Bollinger La grande année 2000 en magnum et un Taittinger Comtes de Champagne 1998 en bouteille. Un assemblage de cépages et un blanc de blancs, la terre et le ciel. Je suis bien incapable de dire une préférence tant ces deux grands vins étaient beaux. Bien sûr, j’ai toujours un faible pour les 100% chardonnay, mais là, le Bollinger était si suave, si éloigné de l’habitude que j’ai des champagnes de la marque, leur vinosité, qu’on en demeurait tout séduit.





Quatre bourgognes grands crus
Dans l’ordre, et après débat, grands-échezeaux 96 (Mongeard-Mugneret), la-romanée 00 (Comte Liger-Belair, chez Bouchard Père &Fils), bonnes-mares 03 (G. Roumier) et clos-saint-denis 03 (Dujac). Le grand-échezeaux n’était pas au mieux, une matière et une structure un peu brouillonne. La-romanée, trop jeune et le bonnes-mares, plus jeune encore, presque un crime, mais pour l’un comme pour l’autre, on voyait bien que les années à venir allaient tenir les promesses chuchotées. And the winner is le clos-saint-denis, hallucinant de fraîcheur et de fruit, une richesse d’arômes ultra-séduisante, la table subjuguée, le silence se fait, on goûte, l’œil dans les étoiles, oui, il n’y a qu’une bouteille, mais cette seule bouteille justifiait tout et nous l’avons bue à point nommé. Faut-il rappeler l’étonnement toujours devant autant d’expressions si différentes d’un seul cépage ? Pourtant, pas de débutant parmi les auteurs de ces vins, pas de terroir discutable, pas de climat approximatif. Que du grand cru et du meilleur. Et nous nous sommes félicités de les avoir bus dans cet ordre, plutôt que de commencer par les plus jeunes, comme cela se pratique souvent.
Une curiosité de Corse
Il s’agit d’un très rare vin blanc issu de vignes franches de pied, dans le sud de la Corse, une toute petite parcelle cultivée avec grand soin par Yves Canarelli, 500 bouteilles à la fin. Franchement, je n’ai pas été décoiffé par ce vin, que j’ai jugé un peu plat et pas à ce point étonnant. Il était pourtant à parfaite température, autour de 12°C, et à sa place sur le fromage. Mais bon, ce n’est pas si fréquent de goûter un « franc de pied ».


Un sauternes
On va me trouver de parti-pris et c’est vrai. J’ai une passion grandissante pour les vins liquoreux et ce gilette crème-de-tête 1950 m’a comblé d’aise. Le vin était d’une nuance d’acajou assez foncée, un caramel vieil or, quelque chose comme ça. Il avait digéré son sucre et tenait ses soixante ans passés avec une belle vigueur. Cette rare occasion de goûter un grand et vieux sauternes a confirmé ce goût particulier que j’ai et que j’ai bien raison d’avoir. C’est important de se rassurer sur ses choix, de temps en temps. On se trompe si souvent. J’ai fini la bouteille avec bonheur, les yeux mi-clos, pendant que la compagnie dissertait sur les mérites comparés de deux ou trois vieux cognacs. Rappelons que le château-gilette passe vingt ans en cuve béton avant commercialisation. Il n'y a pas d'autre exemple de cette pratique à Bordeaux. Que je sache.

Classement des blogs Vins : BonVivant, 3e


Grand rebattage des cartes ce mois-ci dans la bloglouglou. Olif s’empare de la tête à la faveur des froidures, c’est un habitué du glaçon. Œnos prend ma deuxième place. BonVivant reste sur le podium. Miss GlouGlou perd dix places (y a-t-il encore une morale ?). iDealWine progresse en 4. Berthomeau dévisse en 5. Du morgon dans les veines profite de sa position de président des Vendredis du vin pour accrocher une 6e place. Miss Vicky Wine ne doit qu’à son beau boulot d’être huitième. Et mon WinePaper préféré glisse jusqu’à la 10e place, dur, dur. Bref, les hiérarchies sont fragiles, ça monte et ça descend, on se croirait chez Marcel Campion et on aurait bien tort de tirer d’hâtives conclusions de ce classement. Cela dit, j’aurai bien progressé d’une place, moi. Mais bon, nous verrons cela une autre fois.

Le classement complet des cent premiers blogs Vins ici.
Ce classement publié le 6 février a été établi sur les performances du mois de janvier 2012.

jeudi 2 février 2012

Pourquoi aimer le vin ? Oui, pourquoi ?

Le grand amphi de la Société de géographie est plein. Des gens sérieux, les membres de l’Académie du vin, des personnalités. Les blogueurs WinePaper et L’Actu-du-vin font sévèrement chuter la moyenne d’âge. Sur les gradins, des visages connus. Alexandre de Lur-Saluces, Aubert de Villaine, Jean-Michel Cazes, Bernard Pivot, Eric Orsenna, Henry Marionnet, Jacques Puisais, Michel Bettane, la liste est plus longue que ça. Le président Pitte fait un discours d’introduction. D’emblée, il qualifie les vignerons de « bienfaiteurs de l’humanité », le ton est donné. On ne va pas faire assaut de politiquement correct dans cette enceinte, c’est aussi pour ça que je suis venu. Jean-Robert Pitte se moque gentiment des commentaires de dégustation de la RVF, Saverot est tout rouge. Pitte conclut « Le vin, c’est l’amour », ce type est enthousiasmant, on l’aime très vite. S’en suit une série de conférences à un rythme soutenu. Le vin et les trois monothéismes. Un Grand Rabbin, un prêtre, un orientaliste musulman. On s’entendra sur le caractère sacré du vin. L’un d’eux dira « quand le vin est absent, on a recours aux drogues ». Les saints hommes sont bien d’accord sur la nécessité de « sortir de soi ». S’éclater, quoi. Le père Alain de La Morandais précisera que « le vin, c’est le signe de la vie, le symbole du triomphe sur la mort ». Un ex-ambassadeur de France aux USA nous expliquera l’échec cuisant de la Prohibition des années 30. Pour éclairer notre lanterne, il expliquera le long cheminement qui a mené à ces treize années folles, le fond calviniste de l’âme américaine, la persécution au nom du Bien. Tiens, ça nous fait penser à des trucs proches de nous. On imagine comment le lobby prohibitionniste français pourrait parvenir à ses fins. On ne veut pas y croire. Puis vient le tour d’un recteur d’académie qui décrira les mécanismes de l’alcoolisme chez les plus jeunes. Le cancérologue David Khayat joue d’un peu de provocation « le vin est peut-être cancérigène, mais l’eau l’est sûrement ». Il parle de vérité scientifique, refuse de reconnaître qu’il défend le vin. Il remet en cause toutes les simili-études, il s’emporte un peu, très dans la maîtrise, l’homme a de l’expérience. Il est 12 h 30, nous n’avons pas bougé depuis quatre heures, une performance pour certains, dont moi.
Suite avec la présidente de Vin & Société, Marie-Christine Tarby-Maire, « plaisir et mesure sont compatibles ». Nous le savons bien, même si pour la mesure, comme pour le plaisir, nous n’avons pas tous la même aune. Et tant mieux. Vin & Société s’est battu pour le vin sur internet, avec succès. Merci et bravo. Contre l’imbécile principe de précaution qui interdit, elle propose la notion de gestion du risque qui responsabilise le citoyen. Une universitaire, Laurence Zigliara, nous livre un discours assez trapu sur l’initiation des jeunes au vin, elle propose l’éducation à l’alcool pour faire pièce à la barbarie du binge-drinking, assemble plaisir et culture, Un sénateur fait un vibrant plaidoyer, le vieux sage politique est une bête de scène, rompue à l’exercice, « la France piétine son héritage », l’adhésion de la petite foule est totale. Michel Bettane nous sert avec talent, c’est-à-dire assez vite, une conférence sur les contradictions apparentes entre la critique et l’expertise, « un métier schizophrène », il dit la part de morale du savoir nécessaire, l’indépendance obligatoire sans laquelle le serpent se mord la queue. Il parle de la modération dans les propos. Plus tard, Aubert de Villaine endossera son costume de porte-parole des Climats de Bourgogne, retenus par la France contre les paysages de Champagne, pour être présentés à l’UNESCO. Jacques Puisais donne une leçon à l’amphi, c’est clair, simple, compréhensible, l’eau, la terre, l’air, le soleil, l’homme, la plante, on comprend, on est pour. Tout y passe, il justifie les AOC (« l’authenticité, mieux que la diversité »), il fonce, il est lancé, les mâchoires se décrochent, l’assistance est baba, moi aussi. C’est Bernard Pivot, grand pro de l’exercice, qui conclura cette journée passionnante. Regardez la vidéo, vous allez adorer.


mercredi 1 février 2012

BourgogneLive en live (la chair, les os)


BourgogneLive est, sans doute, le plus important site "perso" dédié au vin, de Bourgogne déjà, mais pas que. Il a été créé il y a deux ans et, très vite, s’est imposé. Il avait tout pour. Un ton, une incroyable collec’ d’infos, une prolongation sur les réseaux sociaux sans équivalent, une qualité éditoriale que plus d’un pro devrait aller visiter ceci grâce aux photos et malgré une maquette un poil touffue (mais riche). François Desperriers (i do the talking) et son associé Aurélien Ibanez, (i do the pixes) ont tout compris dans le plus parfait angélisme. Chez eux, nulle bataille, pas de bagarre, les BL Boys ne se fritent avec personne. On n’est pas forcément d’accord, mais c’est reposant. On clique sur BourgogneLive pour l’info, pas pour l’opinion, ça existe et tant mieux. En allant le voir, j’avais vaguement l’impression de faire le voyage à Rome, d’aller chercher l’onction du Saint-Père, confesser mes péchés, j’étais comme le pèlerin, ravi et légèrement anxieux.

Tout commence au comptoir. Ici, le Café du Square à Beaune et sa vieille strato

François Desperriers est drôle
Comme j’allais à Beaune au moment de la Saint-Vincent Tournante (tourniquet en panne pour cause d’éclatement de l’événement), je l’ai branché pour dîner ensemble. Le baby-Davos du blog s’est tenu par une nuit glaciale et pure sur la côte de Beaune et sous une lune grelottante, dans le resto d’un de ses potes, le genre d’endroit béni où l’on peut apporter ses bouteilles. Il m’a raconté des choses très drôles ou très intéressantes ou les deux, j’ai beaucoup appris sur la bloglosphère du vin et sur lui. À l’âge où l’on fait ce genre de trucs, il avait un groupe de rock, ils enregistraient des disques dans une vraie maison de disques, les galettes se vendaient malgré les bugs, disque sorti le même jour qu’un hit planétaire de Michael Jackson, ça aide pas. À la fin, ils ont attrapé la 51e place du Top 50, pfff. Il en rit encore, il dit que c’est pour ça tous ces mois en indévissable number one au classement des blogs Wikio.




François Desperriers est joueur
Il sort de sa besace un moulin-à-vent 09 de Lilian Bauchet au château des Bachelards, le clos-des cèdres 01 du Domaine Lisson, le vin d’Iris Rutz-Rudel, deux stars des blogs et réseaux sociaux, d’autres que nous avons écarté et un morey-saint-denis premier-cru la-riotte 08 du domaine Taupenot-Merme. Il prévient, « j’y connais rien en vin ». Mais il connaît les gens et les petites bagarres sur internet, les chapelles et leurs curés. J’ai bien ri, nous n’en avons pas parlé. Le moulin-à-vent était vraiment bien, très belle matière, peut-être une pointe d’austérité, c’est un tout petit garçon, mais c’est un garçon, des épaules de garçon. Avec des promesses plein ses yeux, donc tu craques, faible que tu es. Le vin d’Iris était bouchonné, hélas. Dommage, ça me branchait bien de voir ce que ça donne avec dix ans dans le gilet. Une autre fois. Le morey-saint-denis était joyeux, nous aussi, nous nous en sommes bien occupé, il le méritait. J’étais venu avec un extra-brut 98, cuvée Celebris de Gosset, qui avait fait le boulot d’avant-boire, parfait dans sa tension arrondie par l’âge, c’est sûrement ça, l’élégance. Adorable aussi de m’offrir deux belles bouteilles de bourgogne, le journaliste repart toujours le coffre plein, c’est connu.

François Desperriers a du succès
Tout le monde aime François Desperriers. Il est tellement gentil dans son succès virtuel qu’il occupe avec talent le rôle de grand-frère de tous ces petits cons de blogueurs. Mais bienveillant, jamais une taloche, pas un coup de pied au cul. Toujours, il trouve un truc qui l’enchante sur tous les blogs, tout le temps. Et il le dit à tout le monde toute la journée, une sorte de répartiteur de trafic sur la blogosphère, vous file de gauche chez Olif, vous file de droite chez BonVivant, à l'écouter il voudrait mélanger les files, on a parlé de tout le monde. Pour un peu, on le voudrait en flic, mais version gardien de la paix, celui qui arrange tout le monde au carrefour, lui limite on l’aime, pas comme celui qui te demande d’un air glacial de souffler là, dans le tube, pas trop fort, en continu, tu sais que ta nuit est foutue, t’as payé l’hôtel, c’est la double peine. D’ailleurs, cet homme-là boit avec modération, quand il prend le volant, c’est avec un bon sourire.

Ces pré-dispositions assez rares ont fait merveille. Il a, en un temps record, propulsé BourgogneLive comme l’acteur majeur de l’internet du vin. L’un des, d’accord, mais au top. Assez fort pour se retirer du classement Wikio, histoire de faire de la place aux jeunes. La qualité des vidéos qu’Aurélien et lui ont mises en ligne a donné des idées aux producteurs de la côte, ils aiment bien la façon dont François et Aurélien parlent des gens. Ils ont pu, l’un et l’autre, abandonner sans se retourner leurs anciens boulots et ils sont en train de mettre un place une jolie réussite avec BourgogneLive Prod, la suite du blog. Ils vivent mieux, ils s’amusent plus. Ils ont créé leur métier, une boîte de production dédiée au vin dans un esprit d’ouverture et de refus des clivages qui leur fait honneur. Le secret ? Faire ce qu’on aime, aimer ceux avec qui on le fait, avoir le cœur de pousser ça très loin. Et hop, on transforme une passion en métier.
Bravo, les garçons.

Les photos : moi et mon NiPhone

Le site BourgogneLive : lien dans la colonne de droite de ce blog, rubrique Tous ceux que j'aime