Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 24 février 2020

Daniel Benharros est mort un dimanche

Mais qui est Daniel Benharros ?
Un grand professionnel du vin, un homme d’influence.
Son métier ?
Régisseur. C’est lui qui apportait un chiffre d’affaire publicitaire au journal qu’il représentait, Le Figaro, l’obligeant ainsi à créer un environnement rédactionnel favorable. Il a été le premier à inventer la publicité du vin et les suppléments vin de la grande presse, c’est lui qui a sorti le vin des pages de la seule presse spécialisée. Après un début de carrière orienté gastronomie (Gault et Millau, Cuisine et vins de France), il crée en 1986 le Guide des routes du vin où il nomme Antoine Gerbelle à la rédaction en chef. Les grands noms du vin de l’époque s’y succèdent, Michel Smith, Christian Flacelière, Bernard Burtschy et un petit jeune qui fera la carrière qu’on sait, Thierry Desseauve.

En 1991, Daniel inaugure les pages Vin du Figaro qui durent toujours. C’est lui et lui seul qui a imposé le vin comme un sujet récurrent dans un grand groupe de presse national. Il commence avec Le Figaro Magazine, continue avec le quotidien. Contre vents et marées et, particulièrement, contre la sourde opposition d’une partie de la rédaction, il réussit à rendre hebdomadaire la page vin du quotidien. Une très jolie façon de donner de l’air à toute la filière, reprise en un chœur touchant par toute la presse française. Belle façon aussi de faire valoir la culture du vin, son caractère immuable, son origine si ancienne. Sa connaissance très exhaustive des arcanes du mondovino français lui vaut plus que jamais la confiance de tous les grands décideurs et lui permet ainsi d’asseoir son influence.

Après avoir traversé un épisode santé très difficile avec un courage et une opiniâtreté qui ont forcé l’admiration de tous, il était toujours le premier de son métier et c’est encore lui qui donnait au vin la médiatisation papier la plus importante et la plus régulière. Il a pesé très lourd, mais toujours avec légèreté, dans les décisions éditoriales et, donc, dans la place faite au vin et ce, malgré les visites régulières à l’hôpital et les périodes de faiblesse qui suivaient et que ce travailleur acharné supportait mal.
Il y a peu, il me disait, vibrant de fierté, qu’il avait gagné dix ans de vie, que c’était dix ans d’échec pour la maladie. Elle a gagné à la fin, comme souvent.

Pour qu’aucun doute ne subsiste, je dois à Daniel Benharros d’avoir intégré ce métier formidable. Il m’a toujours soutenu avec une fidélité sans faille, c’est un luxe et un confort. Je ne suis pas le seul. Un très grand nombre de ceux qui occupent aujourd’hui une position dans la presse du vin lui doivent entre beaucoup et énormément. Je sais que chacun, au fond de lui-même, est dévoré de tristesse. Ce sont les souvenirs de Daniel qui nous rendent le sourire et qui nous donnent, ce matin, la force de continuer. Tous ensemble, nous perdons un grand ami, un grand supporter. Nos prochaines rencontres sous le signe des grands vins et de la franche rigolade seront bien plombées par son absence.

Daniel Benharros

mardi 18 février 2020

Mes magnums (116) Un châteauneuf-du-pape
d'une délicatesse folle

Domaine de la Solitude, Le Vin de la Solitude, châteauneuf-du-pape 2017 



Pourquoi lui 
Le nom, la Solitude, ne justifie pas tout. Quoique. L’histoire familiale qui remonte au Moyen-Âge et à une famille toscane qui donna un pape à Avignon, non plus. Non, c’est le vin, l’important.

On l’aime parce que 
La finesse à Châteauneuf-du-Pape est une qualité. Nouvelle ? Relativement. Il fait partie des vins qu’on a envie de boire ces jours-ci. Goûtez-le.

Combien et combien 
96 euros. 150 magnums.

Avec qui, avec quoi 
Avec ceux de votre entourage que vous estimez capable d’envisager un châteauneuf avec d’autres yeux que ceux de l’amateur de gibier, classique et fatigant. 

Il ressemble à quoi 
Dentelle et délicatesse, ça vous dit quelque chose ? oui ? Alors, voilà le vin qui va vous transporter vers d’autres horizons. Le Rhône sud, c’est aussi ça.

La bonne heure du bonheur 
Cinq ans d’attente minimum. Minimum. Les vrais amateurs compteront sept à huit ans. Êtes-vous un vrai amateur ?

Le hashtag 
#areyoulonesometonight

Le bug 
Le commun des mortels pourrait confondre ce vin avec un châteauneuf ordinaire. C’est une erreur.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Bouquet original et fin. Bouche en dentelle, résultat des 80 jours de macération. Délicatesse évidente qui réconcilie n’importe quel amateur de vins fins avec l’appellation. 17/20



Cette chronique a été publiée dans EnMagnum sous une forme différente.
Le numéro 18 est en vente chez votre marchand de journaux
jusqu'en mars.
Voilà la couverture de ce numéro 18, une vision
inattendue de la saison.



 

mercredi 12 février 2020

Mes magnums (115)
Un côte-rôtie comme on les adore

Domaine Pierre-Jean Villa, Fongeant, côte-rôtie 2016 



Pourquoi lui 
Parce que Pierre-Jean Villa, parce qu’il est doué en plus d’être éminemment sympathique. Parce que c’est un bosseur sans état d’âme, parce qu’il est tout entier dédié à son vignoble, à ses vins. Parce que lui. 

On l’aime parce que 
« Un côte-rôtie, c’est branché » dirait Michel Bettane. Pas seulement. C’est une sorte de concentré de tout ce qu’on a envie de trouver dans un vin aujourd’hui. La finesse, l’énergie, les épices, la longueur. Tout. D’où l’engouement du monde pour cette appellation en pointe. Et malgré les prix qui s’envolent. 

Combien et combien 
185 euros. 180 magnums. 

Avec qui, avec quoi 
Peu importe avec qui, tout le monde aime les côte-rôtie. Ce magnum issu d’un parcellaire depuis deux millésimes mérite sans doute de filtrer un peu plus les convives. Un sauté de veau aux olives noires et tomates confites lui fera une compagnie très acceptable. 

Il ressemble à quoi 
À toutes ces grandes syrahs pour lesquelles on se damnerait sans discuter. Le Rhône nord est le royaume d’élection de ces grands vins. Des syrahs qui n’ont pas d’équivalent ailleurs dans le monde. J’exagère ? Sans doute. Tant mieux, puisque j’y crois. 

La bonne heure du bonheur 
Doucement. Vous entretenez une cave de beaux magnums, il n’y a pas d’urgence. D’autres, parmi votre collection, sont déjà prêts. Donnez-lui un minimum de cinq ans. 

Le hashtag 
#sotrendy 

Le bug 
Peu de magnums, peu de revendeurs, il n’y en a plus au domaine. Bonne chance. 

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Un tannin velouté et soyeux en tous points splendide, une texture moelleuse et un fruité frais qui persiste jusqu’en finale. Grand raffinement. Grande fraîcheur. 18/20 



Cette chronique a été publiée dans EnMagnum #17 sous une forme différente.
Le numéro 18 est en vente chez votre marchand de journaux
jusqu'en mars.
Voilà la couverture de ce numéro 18, une vision
inattendue de la saison.


 

lundi 3 février 2020

Michael Huang, d'après lui

Il a 47 ans. Il est Chinois, de Pékin. Il a acquis le Château Bonnange, à Blaye, pour sa retraite. Mais c'était un vignoble et la vigne n'attend pas. Que dit-il ? 


Le château Bonnange, à Blaye

« J'ai acheté ce château, il y a quatre ans. J'ai commencé à boire du vin vers l'âge de 30 ans. Ce qui me plaisait bien. Rien de comparable avec la passion qui m'anime maintenant. Au début, je venais un peu l'été, un peu l'hiver, en vacances. J'ai fini par comprendre qu'un vignoble exigeait un engagement énorme. Je me suis impliqué à la chinoise, c'est-à-dire à toute vitesse. Je voulais redresser ce vignoble en deux ans. Mais la vigne ne l'entend pas de cette oreille. C'est ce qui est beau. Mais ce n'est pas facile de devenir un propriétaire responsable. Michel Bettane m'avait prévenu. J'ai suivi le conseil »


« Je me suis mis à apprendre le vin en assistant à de multiples dégustations. J'ai commencé à définir mon goût, à comprendre des choses sur le vin. C'est long, c'est passionnant, c'est indispensable. Je commence à avoir une vision plus précise et du plaisir à faire le vin. Mes objectifs du début ont évolué. Avec Paul-Emmanuel Boulmé, notre maître de chai, nous expérimentons. Nous avons planté du pinot noir, pour voir. Nous cherchons à nous différencier, à apporter aux amateurs une expérience nouvelle. Et puis, il y a ici, à Bonnange, quelque chose d'un peu mystique qui me va bien, une qualité qui flotte dans l'air. Bien sûr, Blaye est une appellation sous-estimée, mais je vois son potentiel dans des vins d'artiste, pas des vins économiques. Dans cette esprit, je veux pousser le malbec, un cépage historique de la région. Et faire du rosé. On a commencé avec un vin nommé "rosé de province". C'était drôle, ce nom. Hélas, ça n'a pas plu du tout aux Provençaux et j'ai été obligé d'arrêter. L'humour, vous savez. »

Michael Huang

« Nos vins sont riches et puissants, concentrés et aromatiques. Ils sont bons tout de suite et pour longtemps. 20 ans, 30 ans, selon les millésimes. Tous nos vins, les malbecs comme les merlots, les blancs comme les rosés, ont une couleur soutenue. Ils ont une certaine consistance, cohérente avec le goût. Et quand nous aurons notre pinot noir, dans trois ans, il partagera le caractère de nos autres vins. À la différence des pinots noirs classiques. » 

« J'aime l'idée du contrepied. Je ne veux pas suivre une voie toute tracée, une mode, je veux faire des vins que j'ai envie de boire. Mais je ne suis pas vigneron, je suis un entrepreneur, je réfléchis beaucoup à l'avenir de mon entreprise. Même si j'aime beaucoup ce que monsieur Bonnange a fait ici, il faut mériter le lieu. L'argent ne suffit pas. »



« Nous avons décidé d'appeler cette cuvée Clos de Bonnange en discret hommage à Claude Bonnange, l'homme qui m'a vendu son château. Hélas, d'obscures raisons administratives m'ont contraint à abandonner ce nom. »

Le domaine s'appelait Clos des Roberts.
Claude Bonnange a préféré lui donner son nom. Ce qui peut se comprendre


Photos Mathieu Garçon


Cette chronique a été publiée dans EnMagnum #17 sous une forme différente.
Le numéro 18 est en vente chez votre marchand de journaux
jusqu'en mars.
Voilà la couverture de ce numéro 18, une vision
inattendue de la saison.