Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 28 février 2023

Le Guide Michelin fait sa pub
sur le dos de Guy Savoy

 

Guy Savoy dans sa tenue quotidienne
 

Le Michelin fait sa chochotte en retirant une étoile à Guy Savoy. Sérieux ? Ils n’ont pas été déjeuner chez Savoy ? Le gars, l’inspecteur avait le covid, plus de goût, plus d’odorat ? Il lui faut quoi de plus au Michelin ? Voilà un restaurant d’exception dans un lieu de grand prestige, une déco Wilmotte à la pointe, une assiette hors normes, une sommellerie de premier ordre, un chef présent à tous les services qui accueille lui-même ses clients, des salons de grand confort pour les clients. Alors, quoi ? Il lui faut Guy Savoy en tutu qui récite le catéchisme woke ?  
Non, ceux du Michelin retirent une étoile au chef encensé par toute la planète food uniquement pour faire les malins, pour faire le buzz, pour que la sortie du Guide soit l’objet d’une controverse propice à la diffusion de l’opus annuel. C’est leur lancement à eux, ils sont pitoyables. Et, bien sûr, ce faisant, ils garantissent à l’adorable Guy Savoy l’affection éternelle de sa clientèle. Il y a déjà longtemps qu’on s’en fout du nombre d’étoiles. Ce ne sont pas ces étoiles-là qui nous guident dans le ciel gastronomique.

 

 

dimanche 26 février 2023

Ma bande de chouchous
(deuxième livraison, 2 de 4)

 

Voilà les neuf suivants dune sélection de 35 vins. Tout ceux que jai adoré ces temps derniers. À suivre très vite sur ce blog. 

 


Christian Gosset
Champagne A01 rosé grand cru
Ce Gosset-là vient de la famille Gosset-Brabant. Avec ses cinq hectares et son indépendance, le voilà néo-vigneron à 50 ans. Pas tellement néo, en fait. Un talent fou et le savoir-faire. Ce rosé issu d’une petite parcelle est une réussite cinglante. Le plaisir est au bout du verre. Et, pour lui, du rêve.

 

 

Le Clos du Caillou
Le bouquet des garrigues, côtes-du-rhône 2017
D’un domaine surtout connu pour ses sublimes châteauneuf-du-pape, ce côtes-du-rhône joue de sa finesse, d’une belle élégance. Une expression du grenache (majoritaire dans l’assemblage) qui privilégie la fraîcheur. On en rêve tous.

 

 


Jean-Luc Colombo
Le Pavillon des courtisanes, cairanne 2019
L’homme est surtout connu pour ses admirables cornas, son appellation chérie. Il intervient aussi tout autour de chez lui et jusqu’au bord de la Méditerranée. Même s’il est déjà bon, ce cairanne profitera pleinement de quelques années (deux ou trois, pas plus) de repos à fond de cave.

 

 

 

Domaine de l’A
Bordeaux blanc 2017
J’ai découvert ce vin à l'aveugle, penché sur un verre de blanc. Au nez, extase immédiate. C’est un chardonnay d’une qualité incroyable. D’où ? Personne n’a su le dire. De Bordeaux, chère madame. Surprise et joie. Sur la Rive droite, ils sont quelques-uns (peu nombreux) à nous émouvoir avec leurs chardonnays. Dont les Derenoncourt.

 

 
Domaine Decelle & Fils

Beaune premier cru Les Teurons 2018
Un jour, Thierry Desseauve arrive au bureau en se félicitant à grands cris d’avoir bu cette bouteille. De superlatifs en superlatifs, il n’avait pas de mots trop forts, la conviction gagne. J’ai fait pareil à toute allure. J’ai adoré. C’est à vous, maintenant.

 

Chante Cocotte
La Cocotte Rose 2015, La Cocotte Blanche 2013
Régis Franc n’est pas un vigneron, pas plus un vinificateur. C’est un auteur de vins bien entouré et doté d’un sixième sens pour dénicher des parcelles incroyables qui produisent des vins de belle garde, même en rosé. Il fait aussi plusieurs rouges et même un clairet parfait, à tous les étages de l’argent.

 


Drouhin Oregon
Roserock, pinot noir 2014
L’autre propriété de la famille Drouhin en Oregon et mon préféré. Un pinot noir tout en ciselures, d’une finesse peu commune. Un terroir de fou planté sur un coteau abrupt en face de la chaîne des volcans. Le grand vin à vue d’œil. Il laisse dans le sillage plein d’autres pinots noirs. Leçon. Existe aussi en blanc.

 



Champagne Henriot
L’Inattendue, blanc de blancs grand cru 2016
Voilà que le président de la maison Henriot (avec la nouvelle chef de caves) décide de produire une cuvée hors gamme bien à lui. L’Inattendue arrive sur le marché. Un blanc de blancs grand cru, faiblement dosé, aussi réussi que le reste de la production avec une personnalité différente. C’était l’idée.

 


Famille Brunier
Piedlong, châteauneuf-du-pape 2014
Piedlong est le nom d’une parcelle, proche de Pignan dont quelques raisins complètent l’assemblage. C’est l’aristocratie, ou l’une des, de Châteauneuf-du-Pape. Et voilà un grenache très pur, infusé, aux tanins polis comme un galet roulé, la finesse en bandoulière. Tout s’explique.

 

dimanche 19 février 2023

Ma bande de chouchous (1 de 4)

Voilà les six premiers dune sélection de 35 vins. Pas les plus grands, juste tout ceux que jai adoré ces temps derniers. À suivre très vite sur ce blog. 

 

Château Climens
Asphodèle 2019
Blanc sec de Barsac
Impossible de faire vivre une propriété du Sauternais sans un blanc sec. Bérénice Lurton n’échappe pas à la règle et s’en sort avec les honneurs et cet Asphodèle 100 % sémillon, rondeur et suavité hors-norme, un modèle de vin aimable, l
avantage du sémillon. Et puis, Bérénice a vendu Climens…

 

Clos des Fées
Œil-de-perdrix,
rosé de pinot noir 2020
Hervé Bizeul a fait du rosé par hasard. Une cuve de pinot noir qui vit sa vie dans un coin et bim, voilà du rosé. C’est un raccourci, mais le résultat est là, c’est très bon. Il s’appelle Œil-de-perdrix, un nom ancien pour désigner la couleur du vin, plutôt très élégante. Le hasard fait bien les choses.

 

Graeme et Julie Bott

Kamaka

Terroir de Seyssuel 2018

Le premier tirage de la syrah plantée sur le terroir de Seyssuel, nouvelle star du nord de Vienne, une terrasse en surplomb du Rhône bientôt en AOP, par Graeme et Julie Bott.
700 bouteilles hors commerce, acquises par ceux qui ont aidé Graeme et Julie à acquérir le matériel pour planter. Oui, il y a des gens comme ça.

 

 

 

Boris Champy

Coteaux-bourguignons 2019
Ma première bouteille signée Boris Champy. Ce coteaux-bourguignons issu du gamay, tonique, précis, parfait. Après une belle carrière (son interview dans EnMagnum n°28), il a repris le domaine Montchovet, pionnier historique du bio en Bourgogne. Reste une gamme à découvrir, j’ai déjà commencé.

 

 


Château de Chamirey

Clos du Roi, mercurey 2019

La Bourgogne, c’est le sujet de ce numéro. La côte-chalonnaise, la valeur refuge pour tous les amateurs de bourgognes. Et ce clos-du-roi de l’excellent château de Chamirey, une chance inouïe de boire un grand pinot noir au prix d’un petit, un peu plus au nord de cette même Bourgogne.

 

 


Hubert de Boüard
Chardonnay 2018
Hubert de Boüard s’intéresse à tout, dont le chardonnay qu’il plante sur ses terres de Lalande-de-Pomerol. Ce vin est très réussi avec son aromatique chantante, ses complexités et sa persistance interminable. C’est très beau. Cette passion fait plaisir à voir et à boire, déjà. 

 

 

La liste complète a été publiée dans EnMagnum n°29 sous une forme différente.

mardi 14 février 2023

Caroline Frey n'arrête jamais (+ un scoop)

Caroline Frey photographiée tout en haut de la colline de l'Hermitage

 


 

Vous faites votre première vinification chez Denis Dubourdieu en 2002. Deux ans plus tard, vous prenez les commandes d’un grand cru classé en haut-médoc, le château La Lagune. Quel est votre état d’esprit à ce moment-là ?

Avec le recul, je me dis que j’étais complètement inconsciente. J’étais jeune, je n’ai pas réalisé les enjeux, c’est sûrement pour ça que tout s’est très bien passé. L’enthousiasme avait pris le pas sur le reste. J’ai géré les vinifications de A à Z, ce ne sont que d’excellents souvenirs. Denis Dubourdieu, qui savait ce qui m’attendait, m’avait bien préparé à cette prise de fonctions. Il consultait pour La Lagune à ce moment-là.

En 2006, votre père acquiert Paul Jaboulet Aîné. Avec seulement deux ans d’expérience et en plus du château La Lagune, vous dirigez ce grand négociant du Rhône avec un patrimoine de vignes important.

En arrivant au pied de la colline de l’Hermitage, j’ai ressenti une certaine intimidation, j’étais mieux consciente de l’enjeu qu’en 2004. Un univers de vignes et de cépages dont j’ignorais tout. Comme toujours, j’étais motivée par l’envie de bien faire, de me rapprocher des vignerons locaux, l’écoute et le respect. Les changements n’ont jamais été rapides ou brutaux, je préfère laisser le temps. Je n’étais pas seule, j’ai toujours gardé le lien avec Denis et il m’a rejoint dès le début.

Pourtant Denis Dubourdieu n’a pas été très bien accueilli sur les collines de l’Hermitage.

Oui. À l’époque, on nous reprochait de faire des syrahs trop bordelaises. Je me rappelle même ce que Michel Bettane, sur une de ses vidéos de dégustation, avait dit de notre hermitage : « C’est merveilleux, il y a presque cette classe bordelaise ». Sans doute, mais un très grand vin n’a pas vraiment de frontière. Denis le savait et m’a appris ce qu’est un très grand vin. À partir du moment où j’ai eu cet objectif, je savais où j’allais et c’était bien plus facile de chercher cette excellence.

En 2013, je me souviens que vous aviez reçu Jancis Robinson et qu’elle avait commis dans le Financial Times un article désagréable sur la-chapelle. Vous m’aviez accordé une interview pour lui répondre. Vous ne compreniez pas la manière dont elle envisageait la-chapelle, vous aviez le sentiment qu’un changement de style s’était doucement opéré d’un millésime à l’autre. Et pas elle.

C’est vrai. Je suis habituée à ce genre de situation, maintenant. Ça arrive, rien de grave. Cela fait un certain nombre d’années que je suis là, je m’approprie ce terroir, je déguste régulièrement les vieux millésimes, je m’imprègne de ce vin, de ce terroir, de cet univers et, tous les ans, je cherche le petit détail pour faire toujours mieux. Discuter du rendu pour des questions de goût, je peux le comprendre. Mais on ne peut pas me reprocher de ne pas tout faire pour la-chapelle. J’ai un gros degré d’exigence et je pense être une des personnes qui connaît le mieux ce vin et ce terroir. J’y consacre ma vie. Ce vin est le projet de ma vie.

À propos d’exigence, je me souviens que vous n’aviez pas millésimé 2008. Il n’était pas à la hauteur d’excellence que vous voulez pour cette cuvée.

Oui. Aujourd’hui, nous sommes très respectueux de ce terroir. Moi, je n’ai pas eu besoin de faire une demande d’irrigation malgré l’intensité de la sécheresse en 2022. Nous travaillons en biodynamie depuis un moment, pas sur les raisins de négoce, c’est impossible, mais sur l’ensemble de notre vignoble. Nous sommes sans cesse en train d’apprendre. Cette philosophie de la biodynamie me plaît, elle s’attache aux sols et aux plantes, c’est-à-dire sur le travail en amont avant de devoir intervenir mécaniquement. Cette approche fonctionne ; vous auriez dû voir Le Méal (une parcelle de l’Hermitage, NDLR) cette année : la vigne y est belle et verdoyante alors que c’est une parcelle plantée sur un coteau de cailloux plein sud et qu’elle a subi cette année une chaleur infernale sans une goutte d’eau. Les raisins sont beaux et pas flétris – une preuve que l’on commence à comprendre comment faire fonctionner le terroir à son optimum.

Quelques années plus tard, en 2015, vous arrivez en Bourgogne.

Et comme à chaque fois que j’ai changé de région, je suis arrivée avec une étiquette.  Aucune importance, je sais où je veux aller et je cherche une fois de plus à faire ce qu’il y a de mieux. Il y avait beaucoup de travail, la vigne n’avait pas été très travaillée et il fallait remettre une partie du vignoble en ordre. Sur les sept hectares dont nous disposons, nous avons dû replanter l’équivalent d’un hectare. C’est considérable et cela prend du temps ; il ne faut pas être pressé.

Parlez-moi de votre jardin secret dans le Valais. D’où vous est venue cette idée folle ?

J’y ai fait mon premier millésime en 2016. J’avais besoin de retrouver cette proximité avec la vigne. Les choses, mon travail, ont beaucoup évolué depuis mes débuts à La Lagune. Je ne peux plus ouvrir et fermer la cave tous les jours comme je le faisais à Bordeaux. Il y a aussi Jaboulet et Corton. Je ne peux plus assurer toute la partie représentation et commerciale qui est gérée par une équipe qui s’en occupe très bien. Je travaille quotidiennement avec mes équipes techniques, mais le vignoble a pris une dimension qui a complètement bousculé mon rapport à la vigne et au vin, et j’avais besoin de me dire que j’allais retailler, et faire tous ces travaux inhérents à la vigne. Et puis il y a la petite arvine. Denis aimait beaucoup ce cépage, on en buvait ensemble et il en parlait comme un des plus grands cépages au monde. Dans un des derniers échanges que nous avons eus, il m’a félicité pour ce courage que j’avais de tout reprendre à zéro. Ce même courage m’a permis de me rapprocher énormément de mes équipes. Seule sur ma montagne, je peux faire des tests et trouver ce qu’il y a de mieux pour mes raisins. Ainsi, le fait d’essayer de nouvelles techniques me permet d’avoir des réponses aux questions et des solutions pour la mise en œuvre. Je suis venue au vin parce que j’aime être dehors, travailler la terre, me promener en forêt, courir en montagne. Ces choses me constituent, cette vigne me permet de m’y retrouver.

Cela fait 18 ans que vous produisez les vins de grands vignobles, vous êtes encore très jeune. Ça va durer longtemps ? Vous allez faire du vin toute votre vie ?

J’ai bien l’impression, oui. Je ne peux pas imaginer de mon vivant qu’il y ait un millésime à La Lagune, à Corton ou à La Chapelle qui me soit étranger.

Un projet de plus à venir ?

C’est possible. Un projet affectif. La magie des réseaux sociaux permet aussi de belles rencontres et c’est ainsi que j’ai discuté avec un historien du vin du Val d’Aoste. J’ai encore de la famille là-bas, et je sais que mon arrière-arrière-grand-père y avait un restaurant ainsi qu’une vigne. En tant qu’historien, il a accès aux archives. Il me propose d’effectuer des recherches. C’était la famille Joris qui était en fait assez connue et avait eu un tas de médailles, ce qui faisait d’eux une famille de vignerons assez réputée à l’époque. Nous sommes en train de creuser un peu plus cette histoire et nous cherchons à retrouver l’emplacement des vignes. Je vais bientôt aller dans le Val d’Aoste et, bien sûr, si nous trouvons la vigne de l’arrière-arrière-grand-père, je ne résisterai pas. En plus, c’est un très beau terroir pour le nebbiolo. Encore un cépage à découvrir.

 

Cet entretien a été publié dans le supplément vin du JDD, fin 2022, sous une forme différente. La photo est signée Mathieu Garçon.

vendredi 10 février 2023

Les dix vins de ma vie

On est toujours le résultat de multiples influences, jamais une génération spontanée. Voilà les dix vins qui ont marqué ma vie, formé mon goût. Comme souvent, ces dix sont douze

 

 

 

Le saint-joseph de Chave

Il y a une grosse dizaine d’années, la lumière m’est apparue à la faveur d’un sublime saint-joseph de Jean-Louis Chave. J’avais compris (un peu mieux) l’appellation et la syrah. Bien sûr, il y a son hermitage, un sommet introuvable, hors de prix. Alors, oui, ce saint-jo. Pour longtemps.

 

 

 

Le champagne Blanc des Millénaires 1995 de Charles Heidsieck

Je suis tombé dedans aux premiers jours de mon irruption dans le mondovino grâce aux bons offices d’Alexandra Rendall, aujourd’hui patronne de Bettane+Desseauve Asia. Ce vin est une légende que j’ai racontée une fois dans Paris-Match. Il a tout ce qu’on aime chez Charles Heidsieck, dont ce côté viennoiserie assez intense et très spécifique. Ici, l’étiquette originale. Oui, j’en ai encore.

 

 

 

Le Comtes de Champagne de Taittinger

Mon premier déjeuner en Champagne, au château de la Marquetterie, avec Pierre-Emmanuel. J’ai immédiatement adoré ce vin léger, d’une absolue finesse, il est un marqueur de mes goûts depuis lors. Et puis, au milieu du déjeuner, un grand cru classé de Bordeaux (lynch-bages dans un vieux millésime somptueux) pour relancer les papilles. La classe, comme ils disent.

 

 

Le beaune-grèves premier cru Vigne de l’Enfant-Jésus
de Bouchard Père & Fils

J’ai bu une variété phénoménale de millésimes de ce beaune premier cru, du XIXe au XXIe siècle, de 1865 à 2017, cette chance. Pas tous, bien sûr, juste beaucoup. Il est sans doute ma référence en matière de pinots noirs. Mais bon, j’ai bu beaucoup moins de musigny ou de romanée-conti. 

 

 

 

L’hermitage la-chapelle 1991 de P. Jaboulet Aîné

Caroline Frey avait convié le monde pour une verticale de son la-chapelle, l’hermitage légendaire. Nous avions tout bu. Les mythiques 1961, 1978, 1985, 1990, d’autres dont ce 1991 que j’avais préféré, ce soir-là. Immense syrah. Un souvenir pour la vie et la preuve que le très grand vin existe. Il y a quelques jours, Caroline m’a dit « C’est le vin auquel je consacre ma vie ». C’est beau.

 

 

 

Le sauternes 2001 de Château d’Yquem

Je pourrai écrire mille pages sur les déjeuners, les dîners avec Pierre Lurton, ses cheval-blanc, ses yquems, les grands rires, cette détente. Depuis tout petit, je considère le sauternes comme un grand vin. Émotion aussi avec un guiraud 1942 dans sa bouteille bleue des années de guerre. C’est une autre histoire.

 


 

Le château-chalon de Jean Macle

Les grands blancs de Jean Macle m’accompagnent depuis toujours. De vieilles histoires d’amitié qui ont bercées nos vingt ans. Très vite, j’ai adoré le goût si particulier des blancs du Jura, je n’ai jamais cessé. Aucune raison que tout ceci s’arrête puisque ça vient de si loin.

 

 

Le blanc de Château Simone

Ce château du sud-est d’Aix-en-Provence accompagne mes dîners depuis plus de quarante ans. C’est un vin de grande garde, très supérieur au rouge du même château. J’en ai toujours acheté, toujours conservé, je les bois au bout de quinze à vingt ans, faites pareil, c’est sublime. Surtout avec une truffe blanche à la saison.

 

 

 

Le rouge de Trévallon

Je m’y suis plongé comme on entre en religion. Des adorateurs m’avaient converti. Et j’ai rencontré Éloi et Floriane Dürrbach, les inventeurs de Trévallon. La religion s’est transformée en rigolades, la foi est restée, intense, forte, cette idée du rouge unique, un modèle pour le (nouveau) monde avec son blend international cabernet-syrah.

 

 

 

Le rosé, effervescent ou tranquille

C’est dom-pérignon rosé 2003, commenté par Richard Geoffroy, qui m’a précipité dans une vague de champagne rosé dans laquelle je m’ébats avec délice depuis lors, une dizaine d'années. C’est la découverte des rosés de garde, même de courte garde, qui m’a convaincu qu’un rosé est un vin avec un goût adorable. Parfois, la vie est facile.

 


 

Le teroldego de Foradori

Comment faire sans l’Italie ? J’ai commencé par Sassicaia qui valait cent francs à peine aux Caves Augé, j’ai rencontré Angelo Gaja chez lui, d’autres du Piémont, de Toscane, de Sicile. Et je suis tombé sur une bouteille d’Elisabetta Foradori, coup de foudre. Un cépage local, le teroldego. Je n’ai pas fait le voyage des Dolomites. Jai le temps, maintenant.

 

 

 

Les pinots noirs des Zusslin

Une dégustation au fond d’une cave du Marais, une petite foule qui se bouscule sans hâte. Et paf. Moi, les quatre fers en l’air ; la révélation ; le pinot noir, c’est ça ; c’est qui, ces gens ; où suis-je ? Je les bois en magnum, y’en a pas assez dans une bouteille.



 

Les bordeaux de mon père

Il ne buvait que du bordeaux. Une époque où l’on était bordeaux ou bourgogne comme on était Peugeot ou Simca. En plus, il ne buvait que des médocs. Sans doute ce qui a construit mon goût pour la Rive droite, mon intense curiosité et, partant, ma cave très éclectique. 

 

 

lundi 6 février 2023

« Si Michel te fait confiance, on te fait confiance »

 

Qui succède à Michel Rolland ? C’est lui, c’est Julien Viaud le nouveau président des laboratoires Rolland & Associés. Il s’inscrit dans le sillage formé depuis si longtemps par Dany et Michel Rolland. Ceci après seize années de vie commune, si l’on peut dire. Comment est-ce possible ? C’est ce que nous lui avons demandé. Les réponses sont passionnantes. Il a 43 ans, il est fin prêt.

 

Il y a un début à cette histoire. Dites-nous.

Je travaille avec Michel Rolland depuis le 4 septembre 2006. Après des études à l’école de SupAgro à Montpellier, j’ai commencé ma carrière dans le sud, auprès d’un vigneron catalan dans une propriété près de Perpignan. La viticulture dans le Roussillon était alors compliquée, il y avait peu d’argent et un climat difficile à maîtriser. Je suis donc devenu régisseur de cette propriété de cinquante hectares. Lourde tâche, il n’y avait aucune main d’œuvre à disposition. Du tracteur à la commercialisation en passant par la vinification, j’ai donc rapidement mis la main à la pâte. Bonne école et mission difficile que j’ai tenue pendant cinq ans, avant de retourner à Bordeaux, la capitale mondiale du vin.

Là je rencontre Michel et Dany Rolland et ils m’engagent. J’hérite alors du Médoc. Je commence par déguster avec Michel, une expérience très formatrice qu’il faut pousser loin pour faire sa place et arriver à lui conseiller les meilleurs vins qui lui permettent les plus beaux assemblages. J’y apprends une méthode, je m’inspire de son travail et, peu à peu, je fais les choses à sa place en essayant de faire mieux. Aujourd’hui, les réglages se font à deux, nous sommes vraiment dans un échange bienveillant. Rejoints ensuite par Mikael Laizet et Jean-Philippe Fort, nous partageons ces séances avec un goût propre à chacun et une rigueur de travail que nous avons hérité de Michel.

 

Que comptez-vous faire du style Michel Rolland, le conserver, lui donner un nouveau visage ?

Si je fais du Michel Rolland, je vais le faire mal. Et puis Michel Rolland ne fait pas son vin, il répond seulement à une demande de son client. Comme lui, je remets en cause l’idée qu’il y a un style Rolland. Il a son goût qu’il exprime au travers de ses propriétés, mais le style Rolland n’existe pas. Il m’a enseigné aussi une certaine psychologie. Il faut être solide en face de propriétaires puissants et influents comme Bernard Magrez, par exemple. Pas le droit à l’erreur dans ces moments. C’est d’ailleurs dans son bureau que j’ai découvert une citation qui lui ressemble : « La confiance est comme une allumette, elle ne s’allume qu’une fois ».

 

Vous vous êtes porté acquéreur, mais qu’achetez-vous ? Une liste de clients ?

Les clients ne nous appartiennent pas, ils nous font confiance, ils ont un projet. Ils ne sont pas à vendre. Mon projet d’entrepreneur, je l’ai présenté à Michel. Ce n’était pas mon unique interlocuteur, il a fallu que Dany et leurs enfants acceptent ma candidature. J’achète un laboratoire et une liberté de travail. En tant que salarié, je savais que je ne pourrais pas faire aboutir toutes mes idées et c’est pourquoi j’ai voulu passer par la case entrepreneuriat.

 

Vous auriez pu vivre cette aventure entrepreneuriale autrement.

Je n’avais pas envie de perdre du temps. Consultant est un métier compliqué. Il faut créer la demande et le besoin. J’achète aussi une histoire et l’aventure internationale qui va avec. Il y a une mémoire des épisodes de consultance à travers le monde et une confiance qui se crée sur la longueur. Une confiance que Michel a largement construite au fil des années avec la famille Antinori, confiance reconduite lorsque j’ai repris cette propriété avec ces simples mots : « Si Michel te fait confiance, on te fait confiance ».

 

À l’inverse, est-il difficile d’aller au-delà de cette relation intuitu personae ?

Toutes les propriétés m’ont vu grandir. Je les consulte avec Michel depuis quinze ans, le passage de témoin est assez naturel. Certains en profitent pour aller voir ailleurs, ce n’est jamais agréable d’en perdre, mais on en gagne toujours de nouveaux.

Aujourd’hui, le laboratoire compte un peu plus de 250 clients, et j’en ai une soixantaine dans mon portefeuille. Les gens nous font confiance, j’ai récupéré Léoville-Poyferré, la famille Cuvelier m’a donc accepté, tout comme la famille Tesseron. La transmission est fluide, même si je suis conscient qu’il ne faut pas que je me repose sur mes lauriers, quelque chose que j’ai hérité de Michel. J’ai eu l’occasion de l’accompagner dans son fief, en Argentine, il me montrait les terres qui, vingt ans avant, étaient vierges et qui, maintenant, prospèrent grâce à la vigne. J’apprends chaque jour un peu plus du regard novateur de cet homme, que l’on n’arrive jamais en terrain conquis, qu’il faut toujours rester concentré. C’est une force d’être à ses côtés, on garde les pieds sur terre et le sourire pour envisager l’avenir.

 

 

Julien Viaud, successeur de Michel Rolland

 

 

 

 

 La photo est signée Mathieu Garçon