On est toujours le résultat de
multiples influences, jamais une génération spontanée. Voilà les dix vins qui
ont marqué ma vie, formé mon goût. Comme souvent, ces dix sont douze
Le saint-joseph de Chave
Il y a une grosse dizaine
d’années, la lumière m’est apparue à la faveur d’un sublime saint-joseph de Jean-Louis
Chave. J’avais compris (un peu mieux) l’appellation et la syrah. Bien sûr, il y
a son hermitage, un sommet introuvable, hors de prix. Alors, oui, ce saint-jo.
Pour longtemps.
Le champagne Blanc des
Millénaires 1995 de Charles Heidsieck
Je suis tombé dedans aux
premiers jours de mon irruption dans le mondovino grâce aux bons offices
d’Alexandra Rendall, aujourd’hui patronne de Bettane+Desseauve Asia. Ce vin est
une légende que j’ai racontée une fois dans Paris-Match. Il a tout ce qu’on
aime chez Charles Heidsieck, dont ce côté viennoiserie assez intense et très
spécifique. Ici, l’étiquette originale. Oui, j’en ai encore.
Le Comtes de Champagne de Taittinger
Mon premier déjeuner en
Champagne, au château de la Marquetterie, avec Pierre-Emmanuel. J’ai
immédiatement adoré ce vin léger, d’une absolue finesse, il est un marqueur de
mes goûts depuis lors. Et puis, au milieu du déjeuner, un grand cru classé de
Bordeaux (lynch-bages dans un vieux millésime somptueux) pour relancer les
papilles. La classe, comme ils disent.
Le beaune-grèves premier cru Vigne
de l’Enfant-Jésus
de Bouchard Père & Fils
J’ai bu une variété
phénoménale de millésimes de ce beaune premier cru, du XIXe au XXIe
siècle, de 1865 à 2017, cette chance. Pas tous, bien sûr, juste beaucoup. Il
est sans doute ma référence en matière de pinots noirs. Mais bon, j’ai bu
beaucoup moins de musigny ou de romanée-conti.
L’hermitage la-chapelle
1991 de P. Jaboulet Aîné
Caroline
Frey avait convié le monde pour une verticale de son la-chapelle, l’hermitage
légendaire. Nous avions tout bu. Les mythiques 1961, 1978, 1985, 1990, d’autres
dont ce 1991 que j’avais préféré, ce soir-là. Immense syrah. Un souvenir pour
la vie et la preuve que le très grand vin existe. Il y a quelques jours,
Caroline m’a dit « C’est le vin auquel je consacre ma vie ». C’est
beau.
Le sauternes 2001 de Château
d’Yquem
Je pourrai écrire mille pages
sur les déjeuners, les dîners avec Pierre Lurton, ses cheval-blanc, ses yquems,
les grands rires, cette détente. Depuis tout petit, je considère le sauternes
comme un grand vin. Émotion aussi avec un guiraud 1942 dans sa bouteille bleue
des années de guerre. C’est une autre histoire.
Le château-chalon de Jean
Macle
Les grands blancs de Jean
Macle m’accompagnent depuis toujours. De vieilles histoires d’amitié qui ont
bercées nos vingt ans. Très vite, j’ai adoré le goût si particulier des blancs
du Jura, je n’ai jamais cessé. Aucune raison que tout ceci s’arrête puisque ça
vient de si loin.
Le blanc de Château Simone
Ce château du sud-est
d’Aix-en-Provence accompagne mes dîners depuis plus de quarante ans. C’est un
vin de grande garde, très supérieur au rouge du même château. J’en ai toujours acheté,
toujours conservé, je les bois au bout de quinze à vingt ans, faites pareil,
c’est sublime. Surtout avec une truffe blanche à la saison.
Le rouge de Trévallon
Je m’y suis plongé comme on
entre en religion. Des adorateurs m’avaient converti. Et j’ai rencontré Éloi et
Floriane Dürrbach, les inventeurs de Trévallon. La religion s’est transformée
en rigolades, la foi est restée, intense, forte, cette idée du rouge unique, un
modèle pour le (nouveau) monde avec son blend international cabernet-syrah.
Le rosé, effervescent
ou tranquille
C’est dom-pérignon rosé 2003,
commenté par Richard Geoffroy, qui m’a précipité dans une vague de champagne
rosé dans laquelle je m’ébats avec délice depuis lors, une dizaine d'années. C’est la
découverte des rosés de garde, même de courte garde, qui m’a convaincu qu’un
rosé est un vin avec un goût adorable. Parfois, la vie est facile.
Le teroldego de Foradori
Comment
faire sans l’Italie ? J’ai commencé par Sassicaia qui valait cent francs à
peine aux Caves Augé, j’ai rencontré Angelo Gaja chez lui, d’autres du Piémont,
de Toscane, de Sicile. Et je suis tombé sur une bouteille d’Elisabetta
Foradori, coup de foudre. Un cépage local, le teroldego. Je n’ai pas fait le voyage
des Dolomites. J’ai le temps, maintenant.
Les
pinots noirs des Zusslin
Une
dégustation au fond d’une cave du Marais, une petite foule qui se bouscule sans
hâte. Et paf. Moi, les quatre fers en l’air ; la révélation ; le
pinot noir, c’est ça ; c’est qui, ces gens ; où suis-je ? Je les
bois en magnum, y’en a pas assez dans une bouteille.
Les
bordeaux de mon père
Il
ne buvait que du bordeaux. Une époque où l’on était bordeaux ou bourgogne comme
on était Peugeot ou Simca. En plus, il ne buvait que des médocs. Sans doute ce
qui a construit mon goût pour la Rive droite, mon intense curiosité et,
partant, ma cave très éclectique.