Rappel des faits.
On est en juillet 2013. Un violent épisode de grêle met en danger les exploitations viticoles les plus fragiles. Un mouvement de solidarité se dessine et de généreux contributeurs essaient de venir en aide aux vignerons sinistrés, chacun envoie son chèque. Les syndicats d’appellations tentent d’organiser cette solidarité.
Seulement voilà.
Lisez le courrier sur la photo (cliquez pour agrandir).
Honteux, non ?
« Dans quel monde on vit ? » s'interroge l’ami écœuré, avec son chèque autour du cou, qui m’a adressé cette photo. (Où l’on apprend au passage que les dons sont taxés à 60 % et il se trouve encore des gens qui ne comprennent pas pourquoi tant de jeunes adultes choisissent l’exil) (bravo au syndicat de Pomerol qui balance la vérité avec ce courrier circulaire).
Si vous aussi, vous trouvez que ça suffit comme ça, que cette administration est complètement dépassée par la réalité, que la charité de l’État n’est pas réservée à une catégorie, que chacun a le droit d’être secouru quand les circonstances l’exigent, même un vigneron, dites-le en déposant un commentaire sur cette page. Attention, pas de grossièretés, vous vous croyez où ?
Mon commentaire à moi, ce serait de demander les noms des fonctionnaires, de leurs chefs, des chefs de leurs chefs, de ces gens qui ont le culot d’ânonner des réponses pareilles du fond de leurs bureaux, je voudrais que les pros de l’émotion indignée aillent faire une interview au service des impôts de Libourne (je suppose) et que les responsables argumentent leurs tristes décisions, qu’ils disent au nom de quel intérêt supérieur « l’administration fiscale n’a pas accepté de transiger ». N’a pas accepté de transiger. Énorme.
Et si c’est juste une vendetta locale, une querelle de clocher, une petite embrouille minable, qu’on le sache. Si ça se trouve, ils ont de bonnes raisons. Vous n’en croyez rien, mais ça vaut le coup de vérifier.
Moi, c’est ça que je voudrais. Savoir pourquoi c'est impossible d’aider les plus affaiblis dans ce pays prostré.
Et vous, que voulez-vous ?
Le blog de Nicolas de Rouyn
Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
jeudi 27 novembre 2014
mercredi 26 novembre 2014
Le site 1855 et Veuve-Clicquot, drôles d'histoires
On le sait, la morale et le droit n’ont rien à voir l’un avec l’autre ou, pour dire les choses autrement, « il y a une grande différence entre le sentiment de justice et l’application du droit. » D’où le énième épisode odieux des aventures de 1855.com, l’épouvantail du e-commerce. L’insupportable saga trouve sa légitimité dans les textes de lois et la réglementation qui les accompagne. Ce qu’on croyait plié depuis longtemps se révèle vivace encore. Mieux même, ils ont le droit de continuer en dédommageant la masse de clients avec beaucoup de petits vins au lieu de quelques grandes bouteilles. Comment ils calculent leurs clients, eux, un bonheur. Des poivrots pour l’Hermès du vin ? Pas top.
Rappeler encore et toujours que s’ils n’avaient pas du tout de vin à vendre, ils n’existeraient plus. Que les châteaux bordelais feraient bien d’exiger du négoce un tout petit peu d’éthique, que les margoulins ne pourront jamais se suffire du marché gris pour développer leurs mauvaises affaires.
C’est épuisant. Quand je vois Jim Budd, Mathieu Doumenge (Terre de Vins) ou Vincent Pousson, en attendant Jérôme Baudoin (RVF), qui reprennent tous vaillamment leurs claviers pour faire valoir un argumentaire déjà lu, déjà intégré, acquis, je me dis qu’il n’y a pas de « moralité publique » comme disait Georges (le chanteur, pas a girl, elle ne parle jamais vraiment de moralité ou alors elle fait dans le subtil). Je me dis aussi qu’il est temps de mettre en phase les textes de lois et les désirs ordinaires du public. Qu’enfin la loi défende la confiance dans ce fondement du monde moderne qu’est le commerce et sa plus récente excroissance, le e-commerce. Tant que les lois protègeront les malfrats, le monde marchera en boitant. Dire aussi qu’il ne suffit pas du tout de protéger les minorités, que la majorité aussi a besoin d’être à l’abri des malins et malhonnêtes de toute nature. Qu’un sujet aussi sensible soit encore motif à conversations, à indignations, est inacceptable.
Dans un registre différent (et encore, pas sûr), la CGT porte à nouveau un énorme scandale sur ses épaules dans un silence médiatique très ennuyeux (pour nos medias). Ça se passe en Champagne, chez Veuve-Clicquot, il s’agit de harcèlement de membres (féminins surtout, évidemment) du personnel non syndiqué par des délégués syndicaux, une ambiance de Nord-Corée sur les coteaux, je vous épargne les verbatims, on n’est pas dans Closer. Et il se trouve des esprits tordus pour chercher à laisser croire que la direction de Veuve-Clicquot est responsable des agissements desdits voyous (invirables du fait de leur statut de délégué, CGT muette sur le sujet, comme d’hab). Je crois même que la société Veuve-Clicquot est poursuivie pour ça. Après, on te dit « créez votre entreprise ».
C’est un cauchemar français.
La photo vient de l'excellent TumblR The Classy Issue
Rappeler encore et toujours que s’ils n’avaient pas du tout de vin à vendre, ils n’existeraient plus. Que les châteaux bordelais feraient bien d’exiger du négoce un tout petit peu d’éthique, que les margoulins ne pourront jamais se suffire du marché gris pour développer leurs mauvaises affaires.
C’est épuisant. Quand je vois Jim Budd, Mathieu Doumenge (Terre de Vins) ou Vincent Pousson, en attendant Jérôme Baudoin (RVF), qui reprennent tous vaillamment leurs claviers pour faire valoir un argumentaire déjà lu, déjà intégré, acquis, je me dis qu’il n’y a pas de « moralité publique » comme disait Georges (le chanteur, pas a girl, elle ne parle jamais vraiment de moralité ou alors elle fait dans le subtil). Je me dis aussi qu’il est temps de mettre en phase les textes de lois et les désirs ordinaires du public. Qu’enfin la loi défende la confiance dans ce fondement du monde moderne qu’est le commerce et sa plus récente excroissance, le e-commerce. Tant que les lois protègeront les malfrats, le monde marchera en boitant. Dire aussi qu’il ne suffit pas du tout de protéger les minorités, que la majorité aussi a besoin d’être à l’abri des malins et malhonnêtes de toute nature. Qu’un sujet aussi sensible soit encore motif à conversations, à indignations, est inacceptable.
Dans un registre différent (et encore, pas sûr), la CGT porte à nouveau un énorme scandale sur ses épaules dans un silence médiatique très ennuyeux (pour nos medias). Ça se passe en Champagne, chez Veuve-Clicquot, il s’agit de harcèlement de membres (féminins surtout, évidemment) du personnel non syndiqué par des délégués syndicaux, une ambiance de Nord-Corée sur les coteaux, je vous épargne les verbatims, on n’est pas dans Closer. Et il se trouve des esprits tordus pour chercher à laisser croire que la direction de Veuve-Clicquot est responsable des agissements desdits voyous (invirables du fait de leur statut de délégué, CGT muette sur le sujet, comme d’hab). Je crois même que la société Veuve-Clicquot est poursuivie pour ça. Après, on te dit « créez votre entreprise ».
C’est un cauchemar français.
La photo vient de l'excellent TumblR The Classy Issue
lundi 24 novembre 2014
Ils ont gagné une entrée au Grand Tasting
Ce n’était pas compliqué, il suffisait de laisser son nom et son mail en commentaire sur ce blog et, paf, on reçoit une invitation au Grand Tasting. Cool.
J’ai les noms, ils ont gagné, le bravo. Retenez bien leurs noms, vous allez les croiser au Grand Tasting, vendredi ou samedi prochain. (Quoi, déjà, à la fin de CETTE semaine ? Oui.)
Hubert de Castelbajac
Marion Vesque
Alain Gatuingt
Antoine Lafitte
Gregory Lasserre
Melissa Avril
Thierry Beze
Florian Beze
Bruno Duclos
et
Julie Rapet
Mais ces dix-là étaient onze, je n’ai pas résisté à une très tardive Giulietta, vous auriez fait pareil. Dans un ordre d’idées voisin, le sympathique Luc Javaux, fier animateur du forum La Passion du vin est beaucoup venu sur ce blog pendant le week-end, mais il n’a rien demandé. Je ne lui ai rien proposé non plus, d’ailleurs. (Vous auriez fait pareil ? C’est toujours délicat avec les gens connus, on est un peu timide.)
Voilà donc onze ravis qui vont pouvoir déguster les meilleurs vins de France et d’Italie. Par les temps qui courent, c’est un privilège. Et moi, pendant ce temps, je n’ai pu me rendre au petit salon que j’adore, celui de mon cher Fabrice Vinsurvin, installé sur une péniche. Il avait bien choisi sa météo, le Fabrice. C’était le Festival de Cannes, son truc. Le bravo aussi.
samedi 22 novembre 2014
Le Grand Tasting,
ses grands vins,
ses entrées gratuites
Comme l’an dernier, vous avez 10 secondes pour réagir. Dix entrées gratuites au dix premiers qui laissent leurs noms et adresses mail en commentaire de ce billet. Rassurez-vous, je ne publierai pas les mails, mais les noms des dix gagnants, oui.
Vous avez tout le week-end pour faire. Retrouvez les noms des victimes lundi matin sur ce blog. Le Grand Tasting vous attend.
Good luck, charm.
Vous avez tout le week-end pour faire. Retrouvez les noms des victimes lundi matin sur ce blog. Le Grand Tasting vous attend.
Good luck, charm.
mardi 18 novembre 2014
« Ils dilapident des fortunes pour m’emmerder »
Nouvelle intervention de Miss Pleurnich’ aka Isabelle Saporta et drôle de façon de parler des gens qui contestent ses accusations pour le moins sujettes à discussion. Cette fois, elle fait l’objet d’une interview en mode victime sur le site food Atabula.com. Je n’y connais rien en sites food et je n’ai aucun avis sur Atabula qui, sinon, a l’air sympa. Je n’en connais pas l’animateur. Et qu’il fasse dans le truc qui marche pour faire du clic n’a aucune importance, c’est très à la mode en ce moment, on va pas se gêner. De toute façon, je préfère les blogs food tenus par des filles, c’est plus drôle, toujours. Tapez Le Bout de ma langue ou L’Ornithorynque Chafouin, ça rigole bien dans des genres différents.
Bon, Saporta.
Je vous épargne l’analyse des pensées formatées de la dame, quelque chose de la Bibliothèque verte mâtinée de Cécile Duflot, on se marre pas. Si vous y tenez, j’ai mis le lien en bas de cette page.
J’ai juste relevé trois citations auxquelles je me permets de répondre.
Elle dit : « Il n’y a aucune attaque sur les faits présentés dans le livre puisque ceux-ci sont vrais, vérifiés et revérifiés. »
Si, il y a eu beaucoup d’attaques précises sur les blogs et dans la presse, dont une ici même. Dans le livre de la dame, j’ai relevé (clic) une grosse insinuation malveillante autant qu’infondée. Le sombre ragot, ni vérifié ni revérifié. Tout sauf de l’investigation. Ça commence mal parce que sa pauvre démonstration est toute articulée autour du mot magique. Investigation. Ah, ah, ah.
Elle dit : « Dans le monde du vin, critiquer c’est risquer de perdre son job. »
Oooh. Quelle grosse sottise. Quelle piètre estime du métier de journaliste (je croyais qu’elle était journaliste, moi). Quelle méconnaissance de ce monde du vin. Le plus sûr moyen d’être pris pour une quiche est, précisément, de ne pas critiquer. Le yes-man qui parcourt les châteaux en poussant des petits cris extatiques, il y en a, mais peu et sans grande réputation. La dame devrait quand même savoir que les plus grands châteaux ouvrent leurs portes aux blogueurs les plus libres et aux journalistes les moins dociles et, même, à elle. Et que ça ne pose de problème à personne. Madame l’auteure, il serait temps de passer la seconde, vous patinez. Le monde épouvantable que vous décrivez sort de votre imagination, il ne correspond pas à l’expérience des gens que je connais ou à la mienne. Votre logiciel date un peu, je crois.
Bon, allez, ça suffit.
Ou alors une petite dernière, pour la gourmandise ?
Elle dit : « Quand je bosse, je vais au fond des choses. »
Vous savez quoi, amis lecteurs ? Je suis sûr qu’elle le croit. Elle campe le décor. Elle est du côté du fond des choses, c’est du lourd, ça fait peur aux enfants. Nous, les marrants, on gratouille dans le superficiel, on bâille aux corneilles, rien de grave. Elle, elle bosse. Nous, on bricole.
(Pour la fatuité du propos, soyez charitables).
Au passage, je note que, dans cette interview, elle ne fait pas mention du documentaire qu’elle a diffusé sur une chaîne publique et du débat qui a suivi. C’est prudent, en effet.
Et puisqu’on a envie de rire, j’ai trouvé cette photo sur Twitter, j’en ris encore. Rien à voir avec ce qui précède, hein. Quoique.
Lire l'interview d'Isabelle Saporta sur Atabula (clic)
Have fun.
Bon, Saporta.
Je vous épargne l’analyse des pensées formatées de la dame, quelque chose de la Bibliothèque verte mâtinée de Cécile Duflot, on se marre pas. Si vous y tenez, j’ai mis le lien en bas de cette page.
J’ai juste relevé trois citations auxquelles je me permets de répondre.
Elle dit : « Il n’y a aucune attaque sur les faits présentés dans le livre puisque ceux-ci sont vrais, vérifiés et revérifiés. »
Si, il y a eu beaucoup d’attaques précises sur les blogs et dans la presse, dont une ici même. Dans le livre de la dame, j’ai relevé (clic) une grosse insinuation malveillante autant qu’infondée. Le sombre ragot, ni vérifié ni revérifié. Tout sauf de l’investigation. Ça commence mal parce que sa pauvre démonstration est toute articulée autour du mot magique. Investigation. Ah, ah, ah.
Elle dit : « Dans le monde du vin, critiquer c’est risquer de perdre son job. »
Oooh. Quelle grosse sottise. Quelle piètre estime du métier de journaliste (je croyais qu’elle était journaliste, moi). Quelle méconnaissance de ce monde du vin. Le plus sûr moyen d’être pris pour une quiche est, précisément, de ne pas critiquer. Le yes-man qui parcourt les châteaux en poussant des petits cris extatiques, il y en a, mais peu et sans grande réputation. La dame devrait quand même savoir que les plus grands châteaux ouvrent leurs portes aux blogueurs les plus libres et aux journalistes les moins dociles et, même, à elle. Et que ça ne pose de problème à personne. Madame l’auteure, il serait temps de passer la seconde, vous patinez. Le monde épouvantable que vous décrivez sort de votre imagination, il ne correspond pas à l’expérience des gens que je connais ou à la mienne. Votre logiciel date un peu, je crois.
Bon, allez, ça suffit.
Ou alors une petite dernière, pour la gourmandise ?
Elle dit : « Quand je bosse, je vais au fond des choses. »
Vous savez quoi, amis lecteurs ? Je suis sûr qu’elle le croit. Elle campe le décor. Elle est du côté du fond des choses, c’est du lourd, ça fait peur aux enfants. Nous, les marrants, on gratouille dans le superficiel, on bâille aux corneilles, rien de grave. Elle, elle bosse. Nous, on bricole.
(Pour la fatuité du propos, soyez charitables).
Au passage, je note que, dans cette interview, elle ne fait pas mention du documentaire qu’elle a diffusé sur une chaîne publique et du débat qui a suivi. C’est prudent, en effet.
Et puisqu’on a envie de rire, j’ai trouvé cette photo sur Twitter, j’en ris encore. Rien à voir avec ce qui précède, hein. Quoique.
Lire l'interview d'Isabelle Saporta sur Atabula (clic)
Have fun.
lundi 17 novembre 2014
Le dîner Bouchard (once again)
Ce micro-événement est vite devenu the place to be à Beaune, la veille de la vente des Hospices. Dans son château des remparts, Joseph Henriot, son épouse et son fils Thomas reçoivent une quarantaine de journalistes et d’importateurs du monde entier. On parle toutes les langues ce soir-là, chez Bouchard Père & Fils.
Pour donner un sens à chaque dîner chaque année, Joseph Henriot définit un thème. Samedi soir, c’était les Clos de la maison.
Ainsi se sont succédés :
- Deux blancs, le beaune premier-cru clos-saint-landry, très friand dans le beau, mais jeune millésime 2008, le chevalier-montrachet grand-cru la-cabotte 2003, une erreur de cadastre ne lui a pas permis d’être classé en montrachet, mais le vin est sublime dans ce millésime de soleil réputé « cramé ».
- Deux rouges, le beaune premier-cru clos-de-la-mousse 1990, un vin délicat issu d’un clos de 3,36 ha qualifié par Christophe Bouchard de « vin de confiance » parce qu’on l’attend tout le temps. À la vigne, au chai, en bouteille, ce vin se développe très tranquillement. Et le fabuleux beaune-grève premier-cru Vigne de l’Enfant-Jésus 1961, surtout connu pour sa rare délicatesse de texture qui sert admirablement une suavité et un raffinement hors-norme. Ce vin de grande origine (la parcelle avait été offerte aux carmélites par Anne d’Autriche pour le remercier de leurs prières à la naissance de Louis XIV) attaquait son deuxième cinquantenaire avec une belle insouciance, celle de la jeunesse.
Merveilleux dîner comme à la maison où soufflait l’esprit et pas seulement celui des grands vins. Cela dit, j’adore aller à Beaune au moment de la vente des Hospices. Beaune recevant le monde, c’est un spectacle impayable. Chaque fois, le joli bourg se prend les pieds dans le tapis. Cette année, pas assez de taxis, pas de navettes, l’organisation est misérable qui oblige touristes et dégustateurs à prendre le volant quand ils ne devraient sans doute pas. Et, pendant ce temps, la grande ville de Dijon engourdie dans son week-end de sommeil a des taxis qui ne travaillent pas ou peu, mais c’est une autre histoire, une histoire de réglementation typiquement française, c’est-à-dire affligeante.
Ainsi se sont succédés :
- Deux blancs, le beaune premier-cru clos-saint-landry, très friand dans le beau, mais jeune millésime 2008, le chevalier-montrachet grand-cru la-cabotte 2003, une erreur de cadastre ne lui a pas permis d’être classé en montrachet, mais le vin est sublime dans ce millésime de soleil réputé « cramé ».
- Deux rouges, le beaune premier-cru clos-de-la-mousse 1990, un vin délicat issu d’un clos de 3,36 ha qualifié par Christophe Bouchard de « vin de confiance » parce qu’on l’attend tout le temps. À la vigne, au chai, en bouteille, ce vin se développe très tranquillement. Et le fabuleux beaune-grève premier-cru Vigne de l’Enfant-Jésus 1961, surtout connu pour sa rare délicatesse de texture qui sert admirablement une suavité et un raffinement hors-norme. Ce vin de grande origine (la parcelle avait été offerte aux carmélites par Anne d’Autriche pour le remercier de leurs prières à la naissance de Louis XIV) attaquait son deuxième cinquantenaire avec une belle insouciance, celle de la jeunesse.
Merveilleux dîner comme à la maison où soufflait l’esprit et pas seulement celui des grands vins. Cela dit, j’adore aller à Beaune au moment de la vente des Hospices. Beaune recevant le monde, c’est un spectacle impayable. Chaque fois, le joli bourg se prend les pieds dans le tapis. Cette année, pas assez de taxis, pas de navettes, l’organisation est misérable qui oblige touristes et dégustateurs à prendre le volant quand ils ne devraient sans doute pas. Et, pendant ce temps, la grande ville de Dijon engourdie dans son week-end de sommeil a des taxis qui ne travaillent pas ou peu, mais c’est une autre histoire, une histoire de réglementation typiquement française, c’est-à-dire affligeante.
vendredi 14 novembre 2014
Grand Tasting number 9
C’est un peu comme un feu d’artifice au soir d’une journée formidable, le Grand Tasting ouvre ses portes pour la neuvième fois en neuf ans. Ce sera le vendredi 28 novembre, vers dix heures du matin.
Et comme chaque année, j’ai à peine pris part à l’organisation de l’événement, sidéré que je suis de voir avec quelle aisance les choses se font, c’est le côté obscur de la force du Grand T. L’expérience est irremplaçable.
Cette année, neuvième édition, donc.
Au menu :
- des Masterclass destinés aux petits et grands amateurs,
- des Ateliers Gourmets (gourmands, en fait),
- des Écoles des terroirs pour comprendre.
Comme l’année dernière ? Oui, on ne change pas les trucs qui passionnent tout le monde. D’ailleurs, certaines Masterclass sont déjà complètes, il n’y a pas une minute à perdre. Et ne vous racontez pas d’histoires sur les Master Class. Pas besoin de venir avec sa science, personne ne vous soumettra à la question. Mais pour découvrir des vins et écouter ce que les propriétaires et les experts de Bettane+Desseauve ont à dire, c’est parfait, on sort de là plus intelligent qu’en entrant, plus informé déjà. J’en suis plein. L’expérience est irremplaçable.
Le programme complet des Master Class se consulte et se réserve ici.
Cette année, neuvième édition, donc.
Au menu :
- des Masterclass destinés aux petits et grands amateurs,
- des Ateliers Gourmets (gourmands, en fait),
- des Écoles des terroirs pour comprendre.
Comme l’année dernière ? Oui, on ne change pas les trucs qui passionnent tout le monde. D’ailleurs, certaines Masterclass sont déjà complètes, il n’y a pas une minute à perdre. Et ne vous racontez pas d’histoires sur les Master Class. Pas besoin de venir avec sa science, personne ne vous soumettra à la question. Mais pour découvrir des vins et écouter ce que les propriétaires et les experts de Bettane+Desseauve ont à dire, c’est parfait, on sort de là plus intelligent qu’en entrant, plus informé déjà. J’en suis plein. L’expérience est irremplaçable.
Le programme complet des Master Class se consulte et se réserve ici.
lundi 10 novembre 2014
Les grands vins, ça va
La France va mal. Ce n’est même pas une information, chacun peut mesurer la cata à l’aune de ses propres préoccupations. Dans cette ambiance désastreuse, on se demande qui, quoi aurait le culot d’afficher une belle santé. La crise, déclenchée à la fin de l’été 2008 et dont on ne sait plus très bien si elle a cessé ou si elle est réservée aux seuls Hexagonaux, porte certainement la responsabilité de bien des déconvenues. Le monde du vin n’y échappe pas, qui y ajoute des épisodes météorologiques très inopportuns. La position prééminente du vin français dans le monde ne lui a pas épargné en effet les revers les plus brutaux depuis 2008. Le dernier trimestre de cette année-là et les deux premiers, au moins, de 2009 ont vu des marchés se fermer, des commandes s’annuler, des stocks s’accumuler.
Si l’amateur peut paradoxalement se réjouir de ces vins qui ne sont pas vendus et ne sont donc pas bus trop tôt, les patrons de domaines et leurs banquiers qui les scrutent et serrent les fesses (et, donc, les facilités de caisse) ont trouvé cela moins romantique. Dieu merci, 2009 et 2010 ont été des millésimes prodigieux qui ont réveillé les appétits des amateurs, des courtiers, des importateurs. On a pu croire un court instant que la légende du vin repartait de plus belle vers des sommets qu’elle n’aurait jamais du quitter. Hélas, l’embellie n’a pas duré. Les millésimes 2011, 2012 et 2013 ont connu une climatologie piteuse qui n’a pas permis de prétendre à la gloire des millésimes consacrés ; ils se sont singularisés en outre par des récoltes bien maigres. Mal jugés, les vins se sont mal vendus. Il y avait évidemment de belles réussites, mais pas partout et le chroniqueur endossant le rôle de Cassandre, le mal fut vite fait. Trois ans de suite, les campagnes Primeurs de Bordeaux n’ont pas rencontré toutes les attentes des professionnels de la filière. Et comme c’est Bordeaux qui donne la température du vignoble français, l’humeur était pour le moins morose.
Cela dit, à quelques exceptions près, les autres vignobles n’ont pas connu des millésimes faciles. En Bourgogne, par exemple, si 2012 a produit des vins admirables, il y en a très, très peu et les prix flambent. Tous vignobles français confondus, on estime le manque de volume à -50 % sur quatre ans (2010 à 2013), c’est une baisse considérable qui a valu à la France de reculer au classement des producteurs de vin. L’Italie est passée devant. Un piccolo piaccere de courte durée, 2014 est la pire année pour le vignoble italien depuis soixante ans et la France a repris les commandes. Enfin, dernier particularisme très français, une pression administrative de plus en plus compliquée, malgré les promesses, des menaces sans cesse renouvelées sur l’accès de la filière (vignerons, inter-professions, marchands, etc.) aux possibilités de communiquer sur l’internet, des projets d’alourdissement de la fiscalité qui, tels le serpent de mer, reviennent à intervalles réguliers sur le devant de la scène et l’on comprend qu’il est de plus en plus difficile de faire proprement son métier de vigneron, la tête dégagée des contingences et l’esprit tendu vers l’excellence.
Pour apocalyptique que cela puisse paraître, le faisceau de complications qui frappent le vignoble est battu en brèche par une actualité en pleine forme. Les grands vins de France ont des atouts et ils s’en servent.
Qu’on en juge.
D’abord, le grand vin de France est une icône et un modèle pour le monde. Robert Wilmers, patron de l’une des 20 plus grosses banques américaines et propriétaire à titre personnel du Château Haut-Bailly, fameux cru classé de Pessac-Léognan, confirmait l’autre jour que « Le vin français est une référence. En Californie, ils sont fiers d’avoir des vins de style bordelais, ils ont même inventé l’expression “bordeaux blend”, assemblage bordelais. » Tous les vignerons du monde, à l’instar des grands amateurs de tous les pays, ont le plus haut respect pour nos vins, nos méthodes, notre histoire. Partout, les vins français sont regardés comme l’alpha et l’oméga du produit de luxe et traités comme tel. Si les aléas des marchés, les taxes si différentes d’un pays à l’autre, les errements politiques ici et là ne facilitent rien, on est bien obligé d’admettre que même si une bouteille de lafite a perdu 20 % en deux ans dans les ventes aux enchères à Hong Kong, ce n’est pas grave. Le reste des grands vins français confirme partout sa position dominante et, en particulier, sur les marchés dits matures. Plus le consommateur est averti, plus il achète du vin français. Ainsi du marché américain dont chacun s’accorde à dire qu’il repart de plus belle. À Londres, c’est la même chose. Les grands cavistes historiques de la capitale anglaise regorgent des plus beaux vins français qui rencontrent là des amateurs dont l’engouement ne faiblit pas. La Chine, même si les lois « anti-extravagance » sont redoutables pour nos cognacs et grands crus, installe peu à peu une structure normale dans le commerce du vin. Les volumes importés trouvent des amateurs de plus en plus éclairés. Le succès des salons organisés par Bettane + Desseauve ou par Vinexpo à Hong Kong, Shanghai et Tokyo démontre que le niveau de connaissance du vin et la curiosité extrême des amateurs chinois augurent de beaux lendemains pour toute la filière Vin locale. Déjà, la Chine est au quatrième rang des pays producteurs, c’est venu très vite et l’amplification de ce mouvement devrait être spectaculaire.
La structure même de la production de vin en France est ainsi faite qu’elle est capable de résister aux vents mauvais avec un bel optimisme. La nature ayant horreur du vide, si l’un fait défaut, l’autre relève le gant, il y a toujours un nouveau venu fasciné par les mystères du vin et prêt à investir pour permettre à l’histoire de continuer. Familles de longue lignée ou grands groupes ultra-puissants, néo-vignerons motivés, coopératives indispensables, tout est en place pour, éternellement, faire vivre et revivre le paysage viticole, cet « entêtement de civilisation » comme l’a si joliment appelé Aubert de Villaine, gardien du temple bourguignon et co-propriétaire de la mythique Romanée-Conti. Certes, les années difficiles que les professionnels viennent de subir laisseront dans le sillage beaucoup de vignerons qui, trop fragiles ou incapables de s’adapter, seront dans l’obligation de vendre le domaine à défaut d’avoir su vendre leurs vins. Au moins, c’est un baume sur la plaie, ils partent avec un beau pécule. La vigne vaut de plus en plus d’argent, partout, et rien n’indique un fléchissement des prix du foncier, au contraire. Les plus récentes transactions bourguignonnes de haut de gamme dévoilent des acquéreurs qui sont de solides investisseurs : l’entrepreneur numérique californien Michael Baum a acheté le château de Pommard, l’homme d’affaires Jean-Jacques Frey a jeté son dévolu sur le château Corton-André. Tout en haut de l’échelle, une très récente transaction a porté le prix d’une ouvrée de montrachet à un million d’euros. Il faut 22 ouvrées pour faire un hectare, d’où l’on peut estimer le prix de l’hectare à 22 millions d’euros. On comprend mieux les prix stratosphériques de certains très grands vins.
On comprend aussi que se développe un grand souci de préservation, la conversion à l’agriculture biologique, voire biodynamique, est à l’ordre du jour partout ou presque, à la manière des vagues qui se succèdent, plus ou moins grosses, mais toujours recommencées. Qu’il s’agisse de préoccupations environnementales ou de recherche organoleptique, ce monde avance. Fidélité au passé et engagement dans l’avenir, tout est en place pour écrire encore de très beaux chapitres de l’histoire du vin. Les plus beaux sont à venir disent même les connaisseurs, forts de ce constat qui établit que jamais le vin n’a été aussi bon, grand millésime ou pas.
Enfin, dans tous les vignobles et chez (presque) tous les producteurs, l’heure est aux cuvées d’exception. Le grand vin est devenu un exercice largement répandu et le guide Bettane + Desseauve s’en fait l’illustration. Si ce phénomène se rencontre aussi dans les autres pays producteurs, nul doute que les grands vins français ont une longueur d’avance, à tous égards. Cette démarche d’excellence concerne l’immense majorité des vins français, un engagement qui trouve son aboutissement dans la reconnaissance des marchés. Sans cesse, dans les maisons de Champagne ou les châteaux bordelais, sur les côtes de Bourgogne ou du Rhône, dans le grand sud du Roussillon et de la Provence, on avance, on innove, on annonce de nouvelles cuvées. L’exemple de la Cuve 38 des champagnes Henriot est significative. Sur le principe de la solera, l’idée a été lancée par Joseph Henriot en 1990 et vient de donner lieu à la première mise sur le marché d’un champagne unique. Il est constitué des millésimes 1990 à 2007. Ces vins ont été conservés ensemble et, chaque année, quelques hectolitres du vin de l’année rejoignent ceux déjà assemblés des millésimes précédents. Le résultat est un champagne qui conjugue la tonicité des jeunes effervescents et la douceur très subtile des vieux champagnes, une sensation assez neuve, non ?
Ailleurs, on embouteille des cuvées dites parcellaires ou on cultive des cépages non autorisés par les cahiers des charges des AOC, ce qui contraint à sortir de l’appellation. Mais même si c’est parfois à contrecœur, les intéressés (Jérôme Bressy au Domaine Gourt de Mautens ou Éloi Dürrbach au Domaine de Trévallon) savourent la liberté retrouvée. Le succès de leurs cuvées montrent que tout est possible.
Le vin français bouillonne d’énergie et d’idées, explorent des pistes, s’enivre de sa propre créativité. Le public mondial suit, ravi et subjugué. Les mystères des grands vins ne sont pas près de s’éclaircir. Philippe de Rothschild, en son temps, rappelait que pour faire un grand vin, « ce sont les deux cents premières années qui comptent. Après, c’est facile. » L’envie de grands vins qui a saisi le monde ne montre aucun signe d’essoufflement. Partout, dans toutes les grandes villes du monde, des restaurants, des hôtels, des bars, à tous les étages de l’argent, mettent l’accent sur le vin comme jamais.
L’ouverture imminente d’un restaurant de haut de gamme dans la capitale mondiale du vin est le secret le moins bien gardé du monde. Bernard Magrez, flanqué de son cher complice et ami Joël Robuchon, va chercher trois étoiles dans Bordeaux intra-muros pour un établissement dont la cave promet de faire briller les yeux de plus d’un amateur. Dans le même esprit, la qualité de la verrerie disponible fait des progrès considérables. L’Autrichien Riedel mène la danse avec des verres de plus en plus désirables, de ces verres qui donnent toutes leurs chances à tous les vins imaginables ou presque. Et, ceci expliquant sans doute cela, les sommeliers ont pris le pouvoir dans les plus beaux restaurants parisiens. Au Cinq, c’est Éric Beaumard, un maître. Au Bristol, voilà Marco Pelletier, un Canadien qui trouve aussi le temps de faire sa cuvée très réussie dans le Bordelais. Chez Lasserre, c’est Antoine Pétrus, fameux dégustateur et membre de la dream-team Bettane+Desseauve, qui pilote la maison. Et, bien sûr, Philippe Bourguignon, le grand frère, l’âme du Laurent, membre éminent du Grand jury européen, spécialiste de la dégustation à l’aveugle, l’homme qui a fait de cet établissement des jardins des Champs-Élysées le QG de la gentry économico-politique de Paris, un type indispensable.
S’il fallait une dernière bonne nouvelle, la voici. Le millésime 2014 se présente très bien, partout. De quoi rendre le sourire à tout un métier.
Si l’amateur peut paradoxalement se réjouir de ces vins qui ne sont pas vendus et ne sont donc pas bus trop tôt, les patrons de domaines et leurs banquiers qui les scrutent et serrent les fesses (et, donc, les facilités de caisse) ont trouvé cela moins romantique. Dieu merci, 2009 et 2010 ont été des millésimes prodigieux qui ont réveillé les appétits des amateurs, des courtiers, des importateurs. On a pu croire un court instant que la légende du vin repartait de plus belle vers des sommets qu’elle n’aurait jamais du quitter. Hélas, l’embellie n’a pas duré. Les millésimes 2011, 2012 et 2013 ont connu une climatologie piteuse qui n’a pas permis de prétendre à la gloire des millésimes consacrés ; ils se sont singularisés en outre par des récoltes bien maigres. Mal jugés, les vins se sont mal vendus. Il y avait évidemment de belles réussites, mais pas partout et le chroniqueur endossant le rôle de Cassandre, le mal fut vite fait. Trois ans de suite, les campagnes Primeurs de Bordeaux n’ont pas rencontré toutes les attentes des professionnels de la filière. Et comme c’est Bordeaux qui donne la température du vignoble français, l’humeur était pour le moins morose.
Cela dit, à quelques exceptions près, les autres vignobles n’ont pas connu des millésimes faciles. En Bourgogne, par exemple, si 2012 a produit des vins admirables, il y en a très, très peu et les prix flambent. Tous vignobles français confondus, on estime le manque de volume à -50 % sur quatre ans (2010 à 2013), c’est une baisse considérable qui a valu à la France de reculer au classement des producteurs de vin. L’Italie est passée devant. Un piccolo piaccere de courte durée, 2014 est la pire année pour le vignoble italien depuis soixante ans et la France a repris les commandes. Enfin, dernier particularisme très français, une pression administrative de plus en plus compliquée, malgré les promesses, des menaces sans cesse renouvelées sur l’accès de la filière (vignerons, inter-professions, marchands, etc.) aux possibilités de communiquer sur l’internet, des projets d’alourdissement de la fiscalité qui, tels le serpent de mer, reviennent à intervalles réguliers sur le devant de la scène et l’on comprend qu’il est de plus en plus difficile de faire proprement son métier de vigneron, la tête dégagée des contingences et l’esprit tendu vers l’excellence.
Pour apocalyptique que cela puisse paraître, le faisceau de complications qui frappent le vignoble est battu en brèche par une actualité en pleine forme. Les grands vins de France ont des atouts et ils s’en servent.
Qu’on en juge.
D’abord, le grand vin de France est une icône et un modèle pour le monde. Robert Wilmers, patron de l’une des 20 plus grosses banques américaines et propriétaire à titre personnel du Château Haut-Bailly, fameux cru classé de Pessac-Léognan, confirmait l’autre jour que « Le vin français est une référence. En Californie, ils sont fiers d’avoir des vins de style bordelais, ils ont même inventé l’expression “bordeaux blend”, assemblage bordelais. » Tous les vignerons du monde, à l’instar des grands amateurs de tous les pays, ont le plus haut respect pour nos vins, nos méthodes, notre histoire. Partout, les vins français sont regardés comme l’alpha et l’oméga du produit de luxe et traités comme tel. Si les aléas des marchés, les taxes si différentes d’un pays à l’autre, les errements politiques ici et là ne facilitent rien, on est bien obligé d’admettre que même si une bouteille de lafite a perdu 20 % en deux ans dans les ventes aux enchères à Hong Kong, ce n’est pas grave. Le reste des grands vins français confirme partout sa position dominante et, en particulier, sur les marchés dits matures. Plus le consommateur est averti, plus il achète du vin français. Ainsi du marché américain dont chacun s’accorde à dire qu’il repart de plus belle. À Londres, c’est la même chose. Les grands cavistes historiques de la capitale anglaise regorgent des plus beaux vins français qui rencontrent là des amateurs dont l’engouement ne faiblit pas. La Chine, même si les lois « anti-extravagance » sont redoutables pour nos cognacs et grands crus, installe peu à peu une structure normale dans le commerce du vin. Les volumes importés trouvent des amateurs de plus en plus éclairés. Le succès des salons organisés par Bettane + Desseauve ou par Vinexpo à Hong Kong, Shanghai et Tokyo démontre que le niveau de connaissance du vin et la curiosité extrême des amateurs chinois augurent de beaux lendemains pour toute la filière Vin locale. Déjà, la Chine est au quatrième rang des pays producteurs, c’est venu très vite et l’amplification de ce mouvement devrait être spectaculaire.
La structure même de la production de vin en France est ainsi faite qu’elle est capable de résister aux vents mauvais avec un bel optimisme. La nature ayant horreur du vide, si l’un fait défaut, l’autre relève le gant, il y a toujours un nouveau venu fasciné par les mystères du vin et prêt à investir pour permettre à l’histoire de continuer. Familles de longue lignée ou grands groupes ultra-puissants, néo-vignerons motivés, coopératives indispensables, tout est en place pour, éternellement, faire vivre et revivre le paysage viticole, cet « entêtement de civilisation » comme l’a si joliment appelé Aubert de Villaine, gardien du temple bourguignon et co-propriétaire de la mythique Romanée-Conti. Certes, les années difficiles que les professionnels viennent de subir laisseront dans le sillage beaucoup de vignerons qui, trop fragiles ou incapables de s’adapter, seront dans l’obligation de vendre le domaine à défaut d’avoir su vendre leurs vins. Au moins, c’est un baume sur la plaie, ils partent avec un beau pécule. La vigne vaut de plus en plus d’argent, partout, et rien n’indique un fléchissement des prix du foncier, au contraire. Les plus récentes transactions bourguignonnes de haut de gamme dévoilent des acquéreurs qui sont de solides investisseurs : l’entrepreneur numérique californien Michael Baum a acheté le château de Pommard, l’homme d’affaires Jean-Jacques Frey a jeté son dévolu sur le château Corton-André. Tout en haut de l’échelle, une très récente transaction a porté le prix d’une ouvrée de montrachet à un million d’euros. Il faut 22 ouvrées pour faire un hectare, d’où l’on peut estimer le prix de l’hectare à 22 millions d’euros. On comprend mieux les prix stratosphériques de certains très grands vins.
On comprend aussi que se développe un grand souci de préservation, la conversion à l’agriculture biologique, voire biodynamique, est à l’ordre du jour partout ou presque, à la manière des vagues qui se succèdent, plus ou moins grosses, mais toujours recommencées. Qu’il s’agisse de préoccupations environnementales ou de recherche organoleptique, ce monde avance. Fidélité au passé et engagement dans l’avenir, tout est en place pour écrire encore de très beaux chapitres de l’histoire du vin. Les plus beaux sont à venir disent même les connaisseurs, forts de ce constat qui établit que jamais le vin n’a été aussi bon, grand millésime ou pas.
Enfin, dans tous les vignobles et chez (presque) tous les producteurs, l’heure est aux cuvées d’exception. Le grand vin est devenu un exercice largement répandu et le guide Bettane + Desseauve s’en fait l’illustration. Si ce phénomène se rencontre aussi dans les autres pays producteurs, nul doute que les grands vins français ont une longueur d’avance, à tous égards. Cette démarche d’excellence concerne l’immense majorité des vins français, un engagement qui trouve son aboutissement dans la reconnaissance des marchés. Sans cesse, dans les maisons de Champagne ou les châteaux bordelais, sur les côtes de Bourgogne ou du Rhône, dans le grand sud du Roussillon et de la Provence, on avance, on innove, on annonce de nouvelles cuvées. L’exemple de la Cuve 38 des champagnes Henriot est significative. Sur le principe de la solera, l’idée a été lancée par Joseph Henriot en 1990 et vient de donner lieu à la première mise sur le marché d’un champagne unique. Il est constitué des millésimes 1990 à 2007. Ces vins ont été conservés ensemble et, chaque année, quelques hectolitres du vin de l’année rejoignent ceux déjà assemblés des millésimes précédents. Le résultat est un champagne qui conjugue la tonicité des jeunes effervescents et la douceur très subtile des vieux champagnes, une sensation assez neuve, non ?
Ailleurs, on embouteille des cuvées dites parcellaires ou on cultive des cépages non autorisés par les cahiers des charges des AOC, ce qui contraint à sortir de l’appellation. Mais même si c’est parfois à contrecœur, les intéressés (Jérôme Bressy au Domaine Gourt de Mautens ou Éloi Dürrbach au Domaine de Trévallon) savourent la liberté retrouvée. Le succès de leurs cuvées montrent que tout est possible.
Le vin français bouillonne d’énergie et d’idées, explorent des pistes, s’enivre de sa propre créativité. Le public mondial suit, ravi et subjugué. Les mystères des grands vins ne sont pas près de s’éclaircir. Philippe de Rothschild, en son temps, rappelait que pour faire un grand vin, « ce sont les deux cents premières années qui comptent. Après, c’est facile. » L’envie de grands vins qui a saisi le monde ne montre aucun signe d’essoufflement. Partout, dans toutes les grandes villes du monde, des restaurants, des hôtels, des bars, à tous les étages de l’argent, mettent l’accent sur le vin comme jamais.
L’ouverture imminente d’un restaurant de haut de gamme dans la capitale mondiale du vin est le secret le moins bien gardé du monde. Bernard Magrez, flanqué de son cher complice et ami Joël Robuchon, va chercher trois étoiles dans Bordeaux intra-muros pour un établissement dont la cave promet de faire briller les yeux de plus d’un amateur. Dans le même esprit, la qualité de la verrerie disponible fait des progrès considérables. L’Autrichien Riedel mène la danse avec des verres de plus en plus désirables, de ces verres qui donnent toutes leurs chances à tous les vins imaginables ou presque. Et, ceci expliquant sans doute cela, les sommeliers ont pris le pouvoir dans les plus beaux restaurants parisiens. Au Cinq, c’est Éric Beaumard, un maître. Au Bristol, voilà Marco Pelletier, un Canadien qui trouve aussi le temps de faire sa cuvée très réussie dans le Bordelais. Chez Lasserre, c’est Antoine Pétrus, fameux dégustateur et membre de la dream-team Bettane+Desseauve, qui pilote la maison. Et, bien sûr, Philippe Bourguignon, le grand frère, l’âme du Laurent, membre éminent du Grand jury européen, spécialiste de la dégustation à l’aveugle, l’homme qui a fait de cet établissement des jardins des Champs-Élysées le QG de la gentry économico-politique de Paris, un type indispensable.
S’il fallait une dernière bonne nouvelle, la voici. Le millésime 2014 se présente très bien, partout. De quoi rendre le sourire à tout un métier.
samedi 1 novembre 2014
La non-affaire de Pontet-Canet
L’histoire du second vin de Pontet-Canet, les-hauts 2012, exclu de l’appellation pour de sombres raisons, est exemplaire d’un état de mauvais esprit, une fausse piste. Plutôt que de redire éternellement les choses, je préfère re-publier un commentaire laissé par un lecteur, une lectrice, sur le post qui racontait l’éviction de Jérôme Bressy de son appellation. Il se trouve que ce petit commentaire est un modèle du genre et c’est la raison pour laquelle je le porte à la connaissance du plus grand nombre. Le voilà :
« L’exclusion de l’excellence (pardon pour tous ces x dans le texte), est décidément un sport national. Les entreprises françaises se sont fait une expertise de chasser pour hérésie quiconque perce leur plafond trop bas. Combien de gens talentueux, au lieu d’être reçus comme une chance par les structures qui les ont vus éclore, sont poussés dehors par les dites structures ? Cette aberration présente du moins une session de rattrapage : les entreprises s’achètent ensuite à prix d’or ce qui leur était offert. Le talent, subversif à l’intérieur, devient délectable quand, passé à l’extérieur, il a muté en sacro-saint "think out of the box" et vaut beaucoup d’argent. Ça paraît absurde, économiquement ça l’est un peu, mais beaucoup moins que ce à quoi jouent les AOC. Au moins les entreprises peuvent-elles, en payant, profiter du meilleur, de l’innovation réussie.
Tandis que les AOC n’ont aucun moyen de rattraper le talent chassé. Appellation d’origine contrôlée. Pas appellation de règle, mais d’origine. Si l’origine peut offrir demain mieux qu’hier : plus de génie, d’innovation délicieuse, de chances économiques, l’origine a un avenir. Mais une fois le génie, l’innovation et la chance congédiés, l’AOC reste toute triste, toute terne, toute bête, bornée. L’étoile née ici le voudrait-elle que, même pour un pont d’or, elle ne pourrait plus rétroéclairer ce qui l’a aidée à éclore. Et si les AOC pratiquaient, au lieu du culte de leurs règlements, la loi de la nature, la réciprocité : je t’ai aidé à naître au grand jour, tu m’aides à monter au firmament en me montrant la voie de l’évolution de mes statuts ?
On peut toujours rêver en regardant filer les étoiles dans le ciel d’hiver où elles sont si rares. »
Merci, cher-chère anonyme. C’est très finement dit.
La photo : l’un des chevaux de Pontet-Canet, photographié par Mathieu Garçon
Pour comprendre ce qu'il se passe à Pontet-Canet, cliquez ici
« L’exclusion de l’excellence (pardon pour tous ces x dans le texte), est décidément un sport national. Les entreprises françaises se sont fait une expertise de chasser pour hérésie quiconque perce leur plafond trop bas. Combien de gens talentueux, au lieu d’être reçus comme une chance par les structures qui les ont vus éclore, sont poussés dehors par les dites structures ? Cette aberration présente du moins une session de rattrapage : les entreprises s’achètent ensuite à prix d’or ce qui leur était offert. Le talent, subversif à l’intérieur, devient délectable quand, passé à l’extérieur, il a muté en sacro-saint "think out of the box" et vaut beaucoup d’argent. Ça paraît absurde, économiquement ça l’est un peu, mais beaucoup moins que ce à quoi jouent les AOC. Au moins les entreprises peuvent-elles, en payant, profiter du meilleur, de l’innovation réussie.
Tandis que les AOC n’ont aucun moyen de rattraper le talent chassé. Appellation d’origine contrôlée. Pas appellation de règle, mais d’origine. Si l’origine peut offrir demain mieux qu’hier : plus de génie, d’innovation délicieuse, de chances économiques, l’origine a un avenir. Mais une fois le génie, l’innovation et la chance congédiés, l’AOC reste toute triste, toute terne, toute bête, bornée. L’étoile née ici le voudrait-elle que, même pour un pont d’or, elle ne pourrait plus rétroéclairer ce qui l’a aidée à éclore. Et si les AOC pratiquaient, au lieu du culte de leurs règlements, la loi de la nature, la réciprocité : je t’ai aidé à naître au grand jour, tu m’aides à monter au firmament en me montrant la voie de l’évolution de mes statuts ?
On peut toujours rêver en regardant filer les étoiles dans le ciel d’hiver où elles sont si rares. »
Merci, cher-chère anonyme. C’est très finement dit.
La photo : l’un des chevaux de Pontet-Canet, photographié par Mathieu Garçon
Pour comprendre ce qu'il se passe à Pontet-Canet, cliquez ici
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