Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



jeudi 29 janvier 2009

Petits bordeaux et grand ministre

Aujourd’hui, 29 janvier 2009, jour de grande grève, Paris est paisible comme autrefois au mois d’août. Chez Ledoyen, une cinquantaine de journalistes sont réunis pour déguster les bordeaux et bordeaux supérieurs 2006. L’organisation professionnelle en charge en profite pour décerner un prix au journaliste qui a le mieux parlé du vin. Cette année, il est double, Denis Saverot et Benoist Simmat pour « In vino satanas », excellent bouquin qui décortique les raisons de la lente descente aux enfers du vin dans notre pays. Dans son petit discours de remerciements, Saverot rappelle notamment que la France a troqué sa place de premier pays consommateur de vin pour celle de premier pays consommateur d’anti-dépresseurs et conclut drôlement en disant que « chaque fois qu’un bistrot ferme, une pharmacie ouvre ». Dans le livre, il explique aussi qu’il faut être aveugle pour ne pas y voir la patte des lobbies de l’industrie pharmaceutique. Lisez-le.
Mais cela ne serait qu’une énième petite colère entre nous si le ministre Darcos n’avait pas été là. Le discours de Saverot s’adressait, en priorité, à lui. Le patron de l’Education nationale a repris le micro sans se faire prier et après quelques développements sur le ton patelin de l’élu en campagne permanente, il déclara : « c’est notre devoir de transmettre la culture du vin ». De vous à moi, c’est une banalité de plus. Mais dans l’environnement paranoïaque qu’ont créé les lobbies hygiénistes, cette phrase déclencha un tonnerre d’applaudissements. D’autant qu’ayant pris soin de déclarer qu’il ne parlait pas en son nom personnel mais es-fonctions, chacun y alla de son compliment, louant son courage. Pour vous et moi, bien sûr, il n’a fait que son travail, celui pour lequel il est nommé. Mais bon, c’est déjà ça de pris. Et les bordeaux sup ? Ah oui, the winner is la Ronde des Ormes, il vaut 9 euros. Moi je l’avais classé troisième, nobody’s perfect. Mon voisin de table, un très jeune vigneron qui fait un bon petit bordeaux à 4,60 euros port compris (Château Majoureau à Caudrot), m’a dit qu’il n’aimait pas Sarkozy. Et pourquoi, s'il vous plaît ? « Il n’est pas assez rural »…

mardi 27 janvier 2009

Avec Enrico


C’est de Enrico Bernardo qu’il s’agit. Il recevait le propriétaire du Domaine Changarnier, six hectares à Monthélie (prononcez Mont’li). Ce monsieur Changarnier a décidé de reprendre un domaine - familial depuis deux siècles - sans quitter ses fonctions de vice-président administratif et financier « monde » de Microsoft (chez les mega-mergers, monde veut dire reste du monde et ne compte pas les USA). A ce moment de son vignoble, il a bien fait… Et donc, il a repris les rênes de l’affaire et s’est adjoint les services d’un certain Laurent Goillot. Celui-là il revendique ce qu’il a fait, à savoir les millésimes 07 et 08 du domaine. Et c’est plutôt pas mal du tout, beaucoup mieux que les millésimes précédents. Ce n’est pas la grande histoire du siècle mais à13 euros le monthélie blanc 07 et 15 euros le rouge 07, c’est un parfait rapport qualité-prix comme on dit dans la RVF. Ce serait dommage de le rater. On ne le conservera pas en cave pendant 107 ans, mais trois à cinq, oui. Et nous étions chez Il Vino, le restaurant chic du wonder-boy de la sommellerie mondiale, Enrico Bernardo, meilleur sommelier du monde (USA compris cette fois) 2004. Après un passage par le George-V, Aix-en Pro puis Cassis, il a ouvert Il Vino il y a un an et quelques avec plein d’idées dans la tête, dont certaines ont affolé les critiques gastro (le menu à 1000 euros). Assez pour se faire mal voir. Ce qui ne l’empêche nullement de travailler et de travailler bien. Entouré d’une fine équipe de fidèles, Enrico mène sa barque intelligemment. Il Vino est une adresse agréable de fine gastronomie. Comme tous ces endroits en accélération, il pêche par une certaine inconstance. Il faut du temps pour se caler, beaucoup moins pour se faire éreinter. Nous, nous ne crions pas haro sur le baudet, chaque fois que nous y allons c’est mieux que la fois d’avant. C'est une bonne raison pour y retourner.

La photo : Enrico Bernardo, photographié à Cassis par Mathieu Garçon

lundi 26 janvier 2009

Pauillac et tempête


Jamais en retard d’une idée pour vendre, les Bernard père & fils (Millesima) ont convoqué à Bordeaux leurs clients (des particuliers) et quelques représentants de la presse pinardière (nous étions huit) pour goûter deux ou trois millésimes de tous les pauillacs qu’ils commercialisent. C’est clair, il n’y avait pas tout le monde. Aucun premier cru, en particulier. Comme il faut que personne n’ignore la somme impressionnante de caisses stockées par Millesima, nous avons dégusté dans le chai. Il y faisait un petit 11°. Les vins étaient à 11°, d’accord ? En cette veille de tempête historique, nous sommes arrivés à l’heure sous une pluie battante, en même temps que les propriétaires ou leurs représentants, chacun s’affairant à ouvrir les bouteilles avant de remplir nos verres. Bref, vraiment pas des conditions idéales pour une dégustation : des vins pas aérés et glacés. Même chez vous, vous faites mieux alors que personne ne vous regarde. Cela dit, on ne peut pas en vouloir à Patrick Bernard de nous montrer ses chais, c’est ce qui fait sa différence avec un certain nombre d’opérateurs du marché qui vendent à découvert, c’est-à-dire des vins qu’ils n’ont pas. Lui, il les a, les vins sont chez lui, livrables, disponibles pour de vrai. Pas si mal par les temps qui courent.
Parmi les 44 vins (seize propriétés) soumis à notre appréciation, on a vu des écarts qualitatifs incroyables. Ce n’était pourtant que du pauillac et rien d’autre. Où l’on se dit que les tenants de l’appellation feraient bien de faire un peu de ménage pour niveler par le haut. Le haut, puisqu’on en parle, c’est sans aucun doute les vins de Pontet-Canet. Dans une dégustation, on recrache tout sous peine de se faire beaucoup de mal. Mais le pontet-canet 2004, je l’ai bu. Deux gorgées même. Et le second vin, les hauts de pontet-canet, est dans le sillage du premier vin. Le genre de second vin qui dépassait de la tête et des épaules bon nombre de premiers vins dégustés ce soir-là. Juste derrière pontet-canet 2004 (mais derrière) venaient lynch-bages 1999, un nez merveilleux, Pichon Baron 2003 pour sa longueur et batailley 2004 pour sa bouche très bavarde.
Le lendemain, TGV retour vers Paris. Bien rentrés, merci. La tempête a frappé le soir même avec les dégâts que l’on sait. Si quelques châteaux bordelais y ont laissé des plumes (des tuiles, en fait), le vignoble (végétatif) n’a sans doute pas souffert des forts vents. Les palissages, peut-être ?

Pour info, 2004 chez Pontet-Canet, c’est le premier millésime en biodynamie. Et Pontet-Canet est la première propriété bordelaise à traiter en biodynamie un grand cru classé en 1855. Bravo Alfred Tesseron, c'est du beau travail.

La photo : Alfred Tesseron, propriétaire de Pontet-Canet, photographié par Mathieu Garçon