Tout ceci le même jour. Le lendemain d’une journée consacrée à Saint-Émilion, au château La Dominique (à moins que ce ne soit le contraire) dont un 2005 de toute beauté sur la Terrasse Rouge. Le rooftop du chai de Jean Nouvel, c’est la bonne idée du plateau de Pomerol.
Mais voilà, le vin est multiple et il est impossible de se concentrer sur une seule région au risque de passer pour un fumiste ou, pire, pour un spécialiste.
Les bourgognes étaient ceux de la maison Chanzy. Reprise par un fonds d’investissement, cette maison créée dans les années 70 est désormais pilotée par la famille Jessiaume dont la maison familiale a été vendue à un Écossais en 2006 pour payer les droits de succession. Douce France. Les frères Jessiaume se sont rangés derrière le jeune (25 yo) Jean-Baptiste, fils de l’un et neveu de l’autre. Ce garçon a la tête sur les épaules, le goût du vin et celui de l’effort. Il a aussi encore quelques idéaux et il se passionne pour des choses étranges, la vinification au son de morceaux choisis de Mozart en est une. Ne dites rien et laissez-le faire, ça ne risque pas d’abîmer les vins. Nous avons goûté une dizaine de vins choisis dans une gamme qui va du bouzeron aux grands crus de la côte de Nuits dans le millésime 2013, son premier essai. Sans parler forcément de coup de maître, il s’agit de vins intéressants, de bonnes expressions des terroirs. Les côte-chalonnaise sont fruités et pleins (on n’est jamais déçu par un côte-chalonnaise, n’est-ce pas), les grands crus valaient franchement le détour et il faudra regoûter les blancs, franchement très, très jeunes.
Les vins d’Italie étaient rassemblés par Millesima dans l’Hôtel des Arts et Métiers, avenue d’Iéna à Paris. La veille, nous nous étions penchés avec application sur un Scrio 2008 du producteur référent de Bolgheri, Le Macchiole. Comme nous avions trouvé ce vin lourd, puissant, tannique et somme toute pas très aimable et que nous avions été incapables de finir la bouteille à quatre, j’ai cherché des finesses et des légèretés parmi tous les vins présentés. J’en ai trouvé. Le premier, c’était facile, il est très connu, c’est un brunello-di-montalcino, le fameux Poggio-di-Sotto applaudi pour sa délicatesse, un vin pâle comme certains pinots de Bourgogne, il laisse l’impression qu’on peut en boire des litres. Le second est l'un de mes
all-time favorites, Tenuta di Valgiano 2011 à Laura di Collobiano, au-dessus de Lucques au nord de la Toscane et assez au-dessus du lot, également. Et le troisième, un autre toscan, mais plus au sud. Il s’appelle Caiarossa, il est fait par un Français et appartient à un Hollandais, aussi propriétaire du Château Le Tertre à Margaux. J’aime beaucoup le vin et le garçon qui fait ça, Dominique Génot, est assez exemplaire dans le genre winemaker (
clic). Et aussi Tignanello, un super-toscan à forte proportion de sangiovese, mais ça, vous le saviez déjà. Ou encore Ampeleia, le toscan de la maison d’Elisabetta Foradori (Alto-Adige), il a les pré-requis, mais je ne l’ai pas super bien goûté cet après-midi. On y retournera une autre fois sur un millésime plus amorti.
Les vins suisses étaient servis à table et au Bristol à l’occasion d’un dîner organisé par l’épatant François Mauss et sous la houlette bienveillante de Marco Pelletier (
clic), chef sommelier de cet établissement de la rue du Faubourg Saint-Honoré. Je ne sais rien ou à peu près rien des vins suisses. Ce ne sont pas un après-midi et un dîner consacrés aux vins du Lavaux, à Lausanne ou les souvenirs terrorrisés de fendants éprouvants qui m’avaient rendu beaucoup plus cultivé sur le sujet. Le vin est un long chemin. J’étais donc content de franchir cette troisième étape. Troisième et demi, en fait. J’ai aussi bu, extatique, un verre de liquoreux de chez Christophe Abbet, un vigneron du Valais avec une cote énorme, j’en ai deux magnums achetés pour un prix déraisonnable (#coteénorme) qui attendent leur heure. Et me voilà assis à côté de Gilles Besse, vigneron du domaine Germanier, une affaire familiale. Nous avons passé en revue quelques spécialités. C’est comme ça que les Suisses appellent les vins issus de cépages rares, oubliés ou juste indigènes ou qui sortent des sentiers battus par l’appellation. En blanc, un heida à la finale de jus de pamplemousse pressé, une petite arvine et un armigne-de-vétroz en vendange tardive. Très bien tout ça, mais j’ai trouvé que la grande histoire de Gilles Besse, c’était les rouges. Cayas, sa cuvée 100 % syrah en 2009, puis 2006, un vin très pur et changeant, un nez de poivre fin au début qui disparaît pour laisser place aux fruits noirs, une bouche précise, on était ravi jusqu’à ce que toutes ces beautés soient comme effacées par un 100 % cornalin encore plus pur, un vin miraculeux, 3 000 bouteilles, il n’y en aura jamais assez. Gilles Besse, qui s’appelle Gilles parce que son père aimait beaucoup le gin Gilbeys, est un type drôle et brillant, on s’est bien entendu, cette impression de déconner avec ton moniteur de ski (l’accent alpin) et d’autant plus qu’il est copain avec Fredi Torres (
clic). Bon, je ne vais pas développer, mais cool, ce Valaisan.
Une pleine journée sans un grand bordeaux, c’est possible. Dont acte. Mais demain, on va descendre quelques millésimes du Domaine de Chevalier. Ah.