Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 13 avril 2015

2014, un millésime sans
(sans Robert Parker)



Donc, il n’est pas venu et peut-être ne viendra-t-il plus. Contre toute attente, ce n’était pas vraiment un sujet de conversation dans les déjeuners, les dîners, les dégustations. À croire que ça ne faisait ni chaud ni froid à la petite foule qui se pressaient dans les chais et les châteaux.
Il avait dépêché un collaborateur, un type charmant et très fin dégustateur, qui s’appelle Neal Martin. C’est lui qui déguste pour The Wine Advocate, la revue que Parker a vendu à des investisseurs singapouriens. C’est peu de dire que tout le monde s’en fout. Il rendra ses notes, Parker les relira, elles seront publiées et voilà tout. Et plus personne n’attendra la fatidique publication des notes pour sortir son prix.
La fin d’un monde ? Certainement. La fin du monde ? Non.
Tout change et, visiblement, ce n’est un stress pour personne. Au contraire, même. De l’aveu même d’un newcomer dans le grand barnum bordelais, Jacky Lorenzetti pour Château Pédesclaux, « Le jeu va s’ouvrir ». Comprendre que de n’avoir plus une autorité univoque va rendre un peu de liberté à tous. Pour un jeune négociant très au fait des usages, Mathieu Chadronnier pour CVBG, « Il fallait s’y attendre, depuis le temps ». Là encore, guère d’émotion, il s'y attendait, tout est en place. Courtiers et négociants vont retrouver le sens premier de leur métier qui commence par la recommandation. Déguster, se faire un avis et en informer ses clients. De l’avis général, personne ne retrouvera l’emprise incroyable de Parker sur la réputation d’un château, ses prix, son avenir. Même Michel Rolland est très détendu sur le sujet, sans rien renier de ce qui fît sa gloire à lui aussi.
Ici ou là, on avance des noms. Mais personne, à Bordeaux, ne connaît vraiment Antonio Galloni et les autres Américains à part quelques aficionados très mondialisés. Il faut rappeler que ce qui avait fait le pouvoir de Robert, sa touche, ce style très riche, extrait, puissant, mûr jusqu’à l’excès est en perte de vitesse depuis un bon moment déjà, ce n’est plus un modèle. Que son initiateur et son héraut s’efface est finalement très logique. Le vin, comme la mode, est fait de mille mondes qui se côtoient et plus personne ne prend l’ascendant. Aujourd’hui que le monde cherche plus de finesse, plus d’équilibre, plus de fraîcheur, on peut s’attendre à une agrégation des avis, à des moyennes de notes émanant de quelques critiques émérites et dont sortiront de nouvelles gloires. On peut souhaiter que la démocratie internet ne rendra pas tout ça inaudible, mais ce n’est pas exclu. On peut espérer que toute une bande de bons faiseurs vont enfin trouver la notoriété et le succès qu’ils méritent.
C’est le sens du nouveau concept de Thierry Desseauve quand il évoque les « Super-Bordeaux » et qu’on sent se presser une meute d’affamés dont les vins valent plus que largement le détour et qui vont bientôt sortir du long isolement qui a été leur quotidien ces années-ci.
« Le jeu va s’ouvrir », mais d’abord, il va changer de règles. Un peu ou beaucoup, nous verrons bien, mais la roue tourne. Il est temps.


La photo vient du site anglophone The Drinks Business

8 commentaires:

  1. Parker absent, la fin de la pensée unique, une bonne chose pour tous et l'uniformisation du gout. Amusant cette notion de Super Bordeaux, cela ressemble beaucoup au concept chez Quarin des "Outsiders"!

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    1. Je ne connais pas les concepts de JM Quarin, mais si vous le dites.

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  2. … et des "sleepers" habituels de Robert Parker :-)

    Est-ce que Neal Martin continuera cette section ? va savoir, Charles …

    En attente aussi des commentaires d'Antonio Galloni qui est là depuis plusieurs jours.

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    1. Le sujet, François, est de savoir si quelqu'un va prendre le pouvoir sur les intentions d'achat des consommateurs américains, immense marché. Si c'est personne, il va y avoir un problème.

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  3. Il est évident que personne n'aura en ce sens le pouvoir qu'a eu Parker et, eu égard à la dispersion des avis (Neal Martin, Antonio Galloni, Wine Spectator, Suckling et autres), la seule façon d'avoir une idée sur qui va pouvoir "bouger les stocks" sera de constater quel (s) nom 's) sera (seront) utilisé (s) par les distributeurs pour la promotion des vins qu'ils auront acheté.
    A lire les réactions sur le forum Squires, il est patent qu'il n'y aura pas de vague massive d'achat sauf à constater que les prix proposés peuvent se comparer avantageusement à ce qu'on trouve encore dans d'anciens millésimes.
    Et en sus, il y a l'image connue des millésimes finissant en 2/3/4 précédant un glorieux 5… ce qui veut dire que 2015 sera le sommet de cette trilogie !

    Ah, ces américains ! De si grands enfants :-)

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    1. Pour le constat, c'est foutu. Les deux premiers sortis sont 8 et 9 % plus cher qu'en 2013.

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  4. Parker avait l avantage d'etre seul et sur une gamme de vin resseré. Aujourd'hui, un petit vin est noté 95pts comme un grand bourgogne par 10 personnes différentes. Aujourd'hui, on est à 400 Bordeaux se tenant dans un écart de 13 points, noté par 50 personnes. C'est encore pire que 5 prof de philo qui notent la même copie, ca devient aléatoire.

    Il faut avant tout parler du vin pour le vendre et former nos distributeurs à en parler.( distributeurs qui sont aujourd'hui devenu des Wine Geek, plus pointu tu meurs) Et puis le plus important, le faire boire. Parker au même tire qu'un M. Lichine, a aidé les américains à ne plus avoir peur de Bordeaux en les incitant à les boire.
    La clé c'est qui donnera envie de boire Bordeaux, et pas de l'acheter pour faire une plus value. Ca passe surement par autre chose que des notes aujourd'hui.

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    1. Brillant commentaire. Je pense que vous avez parfaitement raison sur l'analyse et sur "la clef". Le caractère "n'importe quoi" de la multitude de dégustateurs auto-patentés est effrayant. Et, en effet, qui donnera envie de boire du bordeaux ? Nous nous y attachons avec passion. Mais ce n'est sans doute pas suffisant.

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