Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 28 juillet 2020

Gwendeline Lucas, la nouvelle baby-fayat

La nouvelle directrice des vignobles Fayat aligne déjà dix ans de maison. Elle y a fait presque tous les métiers, elle dit qu’elle est un « bébé Fayat ». On comprend mieux la confiance que Jean-Claude Fayat a placé en elle. Et elle en parle très bien

Gwendeline Lucas (photo Leif Carlsson)


Je viens d’un petit village du Chablisien
« Je suis passionnée par le vin depuis toujours. J’étais au collège à Chablis. On n’allait pas fumer des clopes en se cachant dans le gymnase, on allait plutôt boire du bourru pour rigoler. C’est du raisin qui pétille et qui commence à être un peu alcoolisé. Je suis passée par l’école de commerce de Dijon et j’ai fait le master commerce international des vins et spiritueux en 2008. J’ai 34 ans. J’ai fait un stage de fin d’études chez CVBG, au service export. Je voulais comprendre le fonctionnement du système bordelais avec son négoce, sa place, les courtiers, etc. Depuis la Bourgogne, je ne le comprenais pas. C’est un système unique et assez compliqué. Et puis Bordeaux m’attirait énormément. Il y a une magie ici. Je voulais m’en imprégner et y vivre une véritable expérience. J’ai rencontré Clément Fayat. Il a trouvé ma vision de la vie assez proche de la sienne. Il a apprécié mon parcours à l’étranger. Huit mois en Australie dans la région de McLaren, avant de partir en Nouvelle-Zélande à côté de Blenheim. J’ai aussi fait des vinifications de vins effervescents en Bourgogne. Je voulais mettre toutes les cartes de mon côté pour être crédible et avoir des connaissances techniques. J’ai travaillé avec Yannick Evenou pendant quatre ans. »

Au début, je m’occupais de développer les ventes
« Je m’occupais aussi de la relation sur le terrain avec les négociants. Je voyageais 120 jours par an et je faisais jusqu’à 15 pays par an. Aujourd’hui, deux personnes font ça à ma place. Le groupe place sa confiance dans les gens qu’il a envie de faire grandir et de garder. On est tous très proche. C’est une relation particulière. J’essaye aussi de favoriser ce mode de promotion avec mes équipes. L’implication, c’est croire à ce qu’on fait en ayant envie de le faire. Aujourd’hui, je suis très heureuse de dire que j’adore mon travail, que j’aime beaucoup les propriétés et la famille pour lesquelles je travaille. J’ai une équipe en or. C’est un bonheur de travailler avec elle. J’ai remis l’humain au cœur de cette entreprise. Depuis que j’ai pris les rênes, le groupe a fait l’acquisition de propriétés, dont le château Aney et ses quatorze hectares en Haut-Médoc qui entrent dans l’assemblage de clément-pichon. On a 44 hectares en Haut-Médoc. Le nouveau directeur technique, Yann Monties, vient de Château Haut-Bailly. Il est arrivé pour améliorer la qualité des vins. C’est un défi qui lui plaît. Je suis assez fière de l’avoir recruter. Les trois propriétés du groupe représentent 350 000 bouteilles à commercialiser. On travaille avec la place de Bordeaux. »

Le château La Dominique et son chai signé Jean Nouvel, à Saint-Émilion


J’ai toujours eu la conviction qu’on pouvait aller plus loin 
« Surtout avec les outils dont on dispose aujourd’hui à La Dominique et ses 29 hectares. Michel Rolland est le consultant des vignobles Fayat depuis 44 ans. Dans son équipe, il y a des gens formidables comme Julien Viaud. Ça fait deux ans et demi que je suis directrice. Maintenant, on a l’équipe qu’il faut pour amener La Dominique au plus haut. Je mettrais tout en œuvre pour y arriver. On veut aller vite et bien. Je ne le cache pas, le prochain classement est notre objectif, et on veut essayer de monter d’un cran, classé B, et continuer à faire briller La Dominique. 2017 est mon premier millésime en tant que directrice. Deux ans plus tard, 2019 est vraiment à la hauteur. C’est aussi le 50e millésime de la propriété. Il me tient vraiment à cœur. »

Le château Fayat, à Pomerol


Château Fayat existe depuis dix ans
« Une force et une faiblesse. La propriété poursuit son ascension sur quatorze hectares à Pomerol. C’est la réunion de trois propriétés acquises par la famille dans les années 1990 - 2000. On a plus de 40 parcelles différentes qui entrent dans l’assemblage de château-fayat et de son second vin promesses-de-château-fayat. C’est un vin formidable qui manque de notoriété alors qu’il joue dans la cour des grands en dégustation. »



Le château Clément-Pichon, en haut-médoc



J’ai la chance d’avoir une gamme qui correspond aux attentes des amateurs
« Clément-pichon pour son côté gourmand, facile à boire, accessible. Fayat pour son élégance et son raffinement. La-dominique pour sa complexité, sa précision, son style aérien. Un beau terrain de jeu, non ? Si je devais pousser la famille à faire l’acquisition d’une propriété, ça serait en Italie, dans le Piémont. C’est la Bourguignonne qui parle. Le nebbiolo se rapproche du pinot noir. »


mercredi 22 juillet 2020

Il y a la France et qui pourrait s’en passer

Sur le noble front du monde en marche, le tableau est un peu noirci. La conjoncture, dit-on. Dieu merci, il nous reste un très beau marché national. Il est temps de s’en souvenir



 Dans les allées de Vinexpo, ce salon professionnel désormais parisien, avant la grande dépression. Le président d’une belle maison de Champagne me souffle à l’oreille que l’ambiance est morose. En cause une conjonction de soucis qu’on appelle la conjoncture. Par exemple, dans la phrase : « La conjoncture est mauvaise ». Les menées de la justice américaine, commencées en 2004, ont abouti à une augmentation des droits de douane US de 25 % ad valorem, c’est moins sûr aujourd’hui dit-on, un peu plus de confusion. Le Brexit plonge dans le noir la vision des exportateurs français. La situation politique à Hong Kong rend difficile les projections des mêmes sur cette plaque tournante du commerce mondial du vin. L’épidémie du coronavirus partie de Chine continentale complique encore l’affaire. Oui, il y a de quoi couiner. D’autant que certains chiffres indiquent une baisse déjà nette des exportations. Tentons de ré-éclairer la scène en bougeant un peu l’abat-jour.

 Aux États-Unis, la taxe à 100 % est abandonnée. Satisfaction. Il semble aussi que le président américain cherche à calmer le jeu en raison, notamment, d’une levée de boucliers de la filière Vin locale. Que le président français fasse preuve du minimum de diplomatie que requiert la fonction et nous pourrions faire un grand pas en avant, puisque nous ne sommes pas au bord du gouffre. Le Royaume-Uni entre dans sa nouvelle souveraineté à pas comptés et on sait déjà que rien ne changera pendant un an au moins. Et rien n’indique qu’une catastrophe douanière s’annonce. Au pire, ce sont les exportateurs suisses qui joueront le rôle de passeurs de vin. Hong Kong jouit d’une sorte de statut de port franc pour le plus grand profit de la Chine. Même si un million de contestataires s’offusque à raison des visées hégémoniques du pouvoir central, on voit mal le PolitBuro pékinois se priver des avantages considérables d’une telle place de marché mondiale. Et pas seulement pour le vin. Cela dit, les nouvelles les plus récentes sont pour le moins alarmantes. Reste le virus. Personne ne peut dire quand et comment les choses vont s’apaiser. Pourtant, nous pouvons faire confiance aux scientifiques mondiaux lancés dans une recherche effrénée, ils vont forcément trouver une parade, un vaccin, une idée. Sinon, la catastrophe sera mondiale (l’est déjà ?) et nous allons tous mourir en finissant nos dernières bouteilles. Non, ça n’arrivera pas puisqu’on ne veut pas.

 Rien dans ce sombre tableau n’indique un désamour soudain pour le vin français. Il est, chacun le sait, un modèle pour le monde et personne ne pourrait s’en passer. Ni à New-York, ni à Londres, ni à Shanghai. Les constitutions de stocks élargis ici et là, en attendant des jours plus lisibles, en sont la meilleure preuve. Et il y a ce pays qui aime tellement nos vins, ce peuple réfractaire qui est prêt à absorber de belles parts de notre production, la France. Sous réserve, naturellement, qu’on le laisse assouvir cette passion joyeuse et ancienne. Ainsi, la batterie de lois et règlements qui entravent son expansion naturelle auprès de consommateurs dédiés feraient bien d’être revus de fond en comble et c’est bien ça le vrai combat à mener, mieux qu’une énième demande de subventions ou autre fond de soutien, ce réflexe victimaire ridicule. Qu’on cesse d’entraver les producteurs dans leur légitime désir d’être plus et mieux connus en approchant plus facilement leur public. Que les multiples administrations et leurs différentes panoplies de règlements coercitifs la jouent simplificatrices au lieu d’ajouter chaque fois une couche de plus au millefeuille des contraintes. Que, pour faciliter l’exportation, les services concernés aident l’exportateur de vins et spiritueux au lieu de lui mettre mille bâtons dans les roues. Qu’enfin on traite le producteur en ami de l’humanité et non plus en dealer de drogue comme voudrait nous le faire croire les déconstructeurs prohibitionnistes de l’ANPAA et consorts.

 Forts de quoi, notre ami le vignoble pourra se pencher sans arrière-pensée sur une nécessaire remise en cause de ses pratiques. Commencer à s’intéresser au marché national au lieu de le traiter par-dessus la jambe. Je me souviens de ce négociant bordelais qui expliquait à quelques journalistes rassemblés pour la Semaine des primeurs que ce millésime (le 2005) n’était pas pour les Français tant il était réussi, donc cher. Ça, c’était avant, vieux. Saluons le retour au premier plan de l’amateur français. Créons pour lui la batterie d’outils qui lui permettront de s’intéresser à nouveau à ce paysage bacchique unique au monde. Oui, Bordeaux compris. Partout, l’œno-toursime progresse, c’est bien, ce n’est pas suffisant. Inspirons-nous des réussites des uns et des autres, les wine-clubs californiens, les bars d’amateurs londoniens, les dîners à thème des Chinois, etc. Pour passionner un public de béotiens, tous ces gens ont trouvé d’excellentes idées. Pour reconquérir un public conquis, il suffit sans doute de donner un peu plus. Et que dire des e-boutiques des domaines ? Certaines cartonnent, d’autres prennent la poussière. S’il y a peut-être un grand Satan, il y a sûrement des petits bras. Pourtant, la vente aux particuliers sur internet a tous les avantages, cumul des marges et connaissance de sa clientèle. La calinothérapie appliquée à l’amateur n’est pas la pire des solutions. La France demande du vin, plus de vins, plus de moments de vins. Pour le plaisir, pour honorer sa culture, pour garantir ses paysages, son art de vivre, son identité. Identité ? C’est le moment de plonger, les gars, le thème est porteur.




Le titre de cet article a été inspiré par celui du dernier livre de Juliette Tournand : "Il y a la mer et qui pourrait l'épuiser"

Cet article a été publié sous une forme différente dans le numéro 19 de EnMagnum, en vente chez votre marchand de journaux en ce moment et jusqu'à la fin août. Prochain numéro le 4 septembre.