Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



vendredi 28 février 2014

Lettre ouverte à l’impatient




C’est un garçon pressé, Régis.
Toute sa vie, il a volé de succès en succès. Quand ça rigole, ça va vite. Et puis un jour, soucieux de se rapprocher de la terre qui l’a vu naître et grandir, un après-midi qu’il se promenait dans ce décor des Corbières qu’il aime tant, il avise une petite maison entourée de vignes qui lui semble le palais dont il a toujours rêvé. Il achète la maison et 2,6 hectares de vignes. Déjà, pendant trois ans, il apprend aux côtés de celui qu’il a recruté pour faire « quelque chose » de ce terrain. Il faut tout remettre en ordre. Avec ses hommes, ils décident que le 2010 sera le premier millésime qui ira dans le monde tenter de gagner sa vie. Une fois de plus dans celle de Régis, c’est un carton. Tout le monde se pâme devant le petit nouveau, il entre dans le Bettane & Desseauve du premier coup, honneur rarissime, il est sur tous les blogs. Londres et New-York se partagent la très confidentielle production, 875 bouteilles du chante-cocotte, c'est son nom, 2010. Tokyo en veut et Milan. L’affaire est lancée sous vos applaudissements. Seulement voilà.

C’est un garçon pressé, Régis.
En forgeant, il devient forgeron. Le vin l’intéressait et maintenant le vin le passionne. Il fait aussi 700 bouteilles d'un blanc admirable, cocotte-blanche et 1 500 bouteilles d’un second vin, petite-cocotte. Et il découvre les autres vins, goûtés avec d’autres yeux et là, il tombe de sa chaise. Je lui ai tiré le bouchon d’un trévallon 99. Parce que j’aime ce vin dans cette classe d’âge, entre dix et quinze ans. Plus près de quinze. « Que dire ? Que c’était une merveille. D’intelligence, de saveurs, d’équilibre, de fraîcheur. Bref, j’ai tremblé. Je me suis dit, comment ont-ils réussi ça ? (…) Comment ils ont fait ça ? J’ai tremblé parce qu’il m’a semblé que ce que je cherchais - sans savoir - était là, dans ce flacon. Incomparable, éclatant. Je voudrais ça pour Chante Cocotte. Alors que faire ? Etre plus précis ? Plus pointu ? Vendanger plus tôt, plus tard ? En raisonné, en biodynamie ? Je découvre le « Grand Jeu », celui où justement il ne faut pas avoir le bras qui tremble… » Voilà ce qu’il en dit, l’oublieux néo-vigneron. Plus loin dans ce même texte sur son blog, il parle du Complexe de Trévallon. Ah, ah, ah. Éloi Dürrbach doit bien se marrer.

C’est un garçon pressé, Régis.
Et tout à sa hâte, il ne réalise pas, pas encore, que le vin est affaire de patience. Bien sûr, il faut y passer du temps, y consacrer des moyens, des compétences et de l’humilité. Il faut apprendre à tâtonner, à recommencer, à pleurer sa race sous un ciel bas. Et quand tout est bien calé, c’est déjà le cas, il faut choisir d’avoir le temps, assis sur sa chaise, l’œil perdu vers la mer, le nez au vent léger, les années qui se suivent et donnent tout doucement du goût au vin. Quand on veut passer d’un vin à un grand vin, on lui laisse le temps d’arriver. Et on n’écoute pas ceux (ce sont des menteurs ou des marchands de vin) qui disent que les gens (ce concept vague) veulent boire des vins jeunes. Nous, les gourmands de la vie, on veut taper dans l’épanoui. Nous, les sympas, les marrants, bien calés dans nos vies de patachons et nos canapés profonds, le plaisir on l’aime à son mieux, les infinies complexités, les saveurs mêlées, les longueurs inépuisables comme autant de tremplins vers plus encore de bonheurs. Dans un œcuménisme inattendu, on veut que nos plaisirs soient une joie.

Régis, ton vin est magnifique. Il ne reste plus qu’à l’attendre.
« Ça tombe bien, à 25 ans, on a toute la vie. »
Si tu le dis.

Régis Franc. Il a fait des BD, un film, six romans.




VDV#63
Ce billet a été rédigé dans le cadre des Vendredis du vin #63, une animation réservée aux blogueurs sur un thème imposé différent chaque mois, C'est expliqué ici. En février, le thème était "Éloge de la patience" et le VDV#63 était présidé par Maïlys Ray


mercredi 26 février 2014

L’affaire Giboulot, un marché de dupes

Il y a vraiment des sujets qui m’ennuient. L’affaire Giboulot en est un. Je vous invite donc à vous ennuyer avec moi. Bon, on va faire court.
Rappel des faits : un monsieur Giboulot, vigneron bio, refuse les traitements imposés par un arrêté préfectoral. Un contrôle et le voilà déféré en justice pour répondre de son inaction face à un péril réel, même si la réalité dudit péril n’est pas totalement avérée. Il s’en suit une levée de boucliers avec une pétition qui réunit 500 000 signatures. Où la dictature de l’émotion reprend ses droits, comme d’habitude, sans aucun raisonnement clair, sans argumentations à charge et à décharge qui tiennent la route. Tiens, voilà une photo du nuisible à traiter :



Cette histoire me rase parce qu’elle est symptomatique d’un mal français qui m’agace prodigieusement et qui touche les plus brillants comme les plus cons. Je ne sais pas si ce Giboulot que je ne connais pas est brillant, mais il n’est pas un con, pas que je sache. Le choix qu’il a fait est un classique du genre : « ça ne colle pas avec ce que je crois, alors je ne fais pas ». Tout le monde fait pareil. Le vélo qui ne s’arrête pas au feu rouge est un bon exemple. Chacun de ces refuzniks a mille bonnes raisons de ne pas se conformer à la règle commune. N’oublions pas que le Français est plus malin que les autres, ce qui ouvre des droits invasifs, mais très peu de devoirs. Il y a des jours où je me sens un peu plus légaliste que d'ordinaire.
J’ai lu attentivement les trois ou quatre interventions de qualité sur le sujet. L’intelligent Nicolas Lesaint, le pragmatique Olivier Leflaive, la représentative interprofession et la synthétique Miss Glou Glou. Les uns et les autres avancent des choses audibles, des argumentations construites. Je vous en recommande la lecture, vous pourrez vous faire un avis à peu près étayé.
Moi, de mes lectures, j’ai retenu ceci :
- L’argument de Giboulot « c’est comme si vous faisiez une chimiothérapie à quelqu’un en prévision d’un éventuel cancer » ne tient pas. Quand on s’aperçoit de la présence de la maladie, c’est trop tard, le traitement curatif n’existe pas. C’est donc le préventif qui s’impose. À tous.
- L’antienne des tenants du bio et bio-d qui consiste à dire qu’une vigne menée proprement est résistante est sans doute empreinte d'un fond de vérité, mais elle est chimérique. Si telle parcelle est une bombe à retardement au milieu de vignobles menés de façon conventionnelle, le vigneron bio est un irresponsable qui fait courir des risques insupportables à ses voisins.
- Que la responsabilité des pépiniéristes et négociants en matériel végétal soit engagée, c’est certain, mais que dire de celle des instances en charge de la viticulture ? Il est impossible de tout remettre à plat en imposant un moratoire dans la production d’une dizaine d’années, hein. Il fallait y penser avant et, une fois de plus, l’action des autorités prouve qu’elle a été depuis longtemps mal dirigée.

Les réseaux sociaux frissonnent d’indignation et montrent leur pouvoir. La tribunal de Dijon siégeait lundi dernier. Le vigneron risquait six mois de prison et 30 000 euros d’amende. Le procureur a requis le franc symbolique, à savoir 1 000 euros d’amende dont la moitié avec sursis. Ce côté chèvre & chou est étrange. Si le prévenu est considéré coupable, c’est grave et il fallait requérir une sanction exemplaire. Sinon, la relaxe pure et simple s’imposait. Une histoire où chacune des parties montre son inaptitude à s’exprimer avec clarté et légitimité dans le cadre défini par les lois en vigueur.
Je vous avais prévenu, c’est à bailler d’ennui.


À lire pour en savoir plus :
Miss Glou Glou, ici 
Nicolas Lesaint, ici 
Et Olivier Leflaive,
Les conférence de presse de l'interprofession de Bourgogne, nous l'avons traitée sur MyBettaneDesseauve.



lundi 24 février 2014

Les Marionnet ont-ils un secret ?

En soi, Marionnet est une expérience. Avec son élégance des années 70, il est absolument parfait, complètement décalé. Un type long et sec, un sourire de crooner, la mèche bien plaquée, ses convictions à la boutonnière, l’œil bienveillant et rieur. Au creux de l’hiver, dans sa campagne humide, les bosquets décharnés et les haies à trous, il a la difficile mission de vous enthousiasmer. Pourtant, dans une ouate de saison, la plaine est désespérante et si vous avez fait le trajet jusque là, c’est que vous avez une bonne raison. Les corbeaux, eux, volent à l’envers.

Henry Marionnet est un inventeur. Au contraire de tout le monde et depuis le début de son épatante carrière, il a développé des théories et les a mises à l’épreuve du réel. Ce n’est pas un bavard, pas plus un « communicant ». C’est un garçon simple qui a hérité de la terre de son père après moult péripéties — le vieux n’était pas facile, facile — et qui a propulsé son vin tout en haut de l’affiche préférée des amateurs, le tout sans convoquer la cour et la campagne à tout bout de champ. Non. Marionnet n’a eu pour seuls ambassadeurs que son vin, ses vins, ses idées, ses expériences réussies. Encore fallait-il s’intéresser, aller à lui puisqu’il ne faisait pas le voyage. Beaucoup l’ont fait, ont assuré sa gloire, j’arrive le dernier.

Henry et Jean-Sébastien, les Marionnet père et fils, par temps froid


Nous sommes à Soings-en-Sologne à vingt kilomètres de Blois. L’extrême est de l’appellation Touraine. Là, Henry Marionnet et son fils Jean-Sébastien (c’est lui, le chef maintenant) exploitent 60 hectares de vignes. Mais les Marionnet sont joueurs. Six de ces hectares sont plantés en vignes dites franches de pied. C’est-à-dire sans porte-greffe, comme autrefois, comme avant la grande crise du phylloxéra. 10 % de son vignoble est assis sur un volcan. Éteint, certes, mais capable de se réveiller à tout moment. En général, il faut huit à dix ans au phylloxéra pour repérer la bonne affaire et détruire les « francs de pied ». Pas chez lui. À quoi ça rime de prendre des risques pareils ? On l’écoute : « J’ai voulu comprendre ce que buvaient nos aïeux, ceux du XIXe siècle. À la quatrième feuille (au bout de quatre ans, NDLR), c’était clair. C’est une classe au dessus à tous égards. Complexité, matière, arômes, une race éclatante. J’aimerai planter mes 60 hectares comme ça, mais je ne peux pas faire courir le risque à ma famille de voir tout mon vignoble ravagé. C’est notre seul gagne-pain. »
Dans le même ordre d’idées et depuis 1990, il a créé une gamme de vins sans soufre ajouté qu’il a nommé Première vendange. Sur l’étiquette, il n’y a pas écrit « contient des sulfites ». Mon Dieu, ce rebelle. Nous en rions. Il ne dira pas ses secrets. Pas directement, merci de comprendre. Nous comprenons surtout que le chai est un modèle de propreté et lui, un bourreau de travail. Il n’y a pas de secret, finalement. Il dit : « Faire du sans–soufre est un gros risque. Il faut vraiment maîtriser la vinification si on ne veut pas être obligé de tout mettre à l’égoût. La loi impose d’étiqueter à partir de 10 mg/l de SO2 total. La quantité de soufre issue de la vinification oscille entre 0 et 3 milligrammes. Si il y en a plus, c’est que le vigneron en a ajouté. Nous avons plus de vingt ans d’expérience, je sais de quoi je parle. La différence entre vinifier avec du soufre ou sans, c’est que sulfiter fait que seules les levures les plus résistantes travaillent. Quand on ne sulfite pas, toutes les levures travaillent. C’est ce qui donne cette profondeur et cette complexité supérieures. »

Pour autant, le vignoble des Marionnet n’est pas mené en bio. N’est plus mené en bio, en fait. Le père d’Henry Marionnet pratiquait une viticulture bio intégrale, il travaillait « au cuivre et au cheval », c’était il y a très longtemps et quand Henry a finalement repris les rênes du domaine, il a mis un terme à cette pratique. Quelle mouche a bien pu le piquer ?




Lire la suite de ce portrait, l'avis de Michel Bettane et un bon nombre de commentaires et notes de dégustation sur MyBettaneDesseauve.fr, ici

La photo : portrait d'hiver par Armand Borlant

mercredi 19 février 2014

Le strip-tease du caberlot

Vingt millésimes pour les 25 ans


Florence, l’hiver. La lumière de Toscane dans un bleu changeant. Les petites rues pas bien tenues, pavés disjoints et camionnettes brinquebalantes, Florence est un gros bourg de province. Bien sûr, il y flotte des ambiances, on y croise des fantômes, on se souvient d’un temps lointain, de vieux palais se chargent de nous rafraîchir la mémoire. Ces souvenirs ne sont pas les nôtres et, dans l’historique, je préfère Venise, Rome, Sienne. Florence, c’est la Toscane, l’avantage est considérable. Les vins. Nous sommes réunis au Cibreo, mythique restaurant florentin, pour ça.

Le très élégant Moritz Rogosky et Bettina, son admirable mère, ont rassemblé 64 dégustateurs du monde entier pour célébrer les 25 ans de leur vignoble créé dans les années 80. Quatre Français ont fait le déplacement. Thierry Desseauve, le vigneron Jean-Baptiste Bouzereau de Meursault et sa jolie femme, moi. Soit deux journalistes français. Où sont les autres ? Deux raisons. La première tient à ces vins italiens qu’on goûte avec infiniment de plaisir, mais dont il n’est jamais question, ce petit chauvinisme mesquin. La seconde est facile à comprendre. L’invitation des Rogosky ne comprenait pas de billet d’avion. Nos confrères, déontologues sourcilleux, n’ont pas fait l’effort du voyage, pourtant pas bien cher et très facile à organiser. Bref.

Le vin des Rogosky s’appelle il-caberlot. Il est issu d’un cépage unique, hybride sauvage de cabernet franc et de merlot découvert dans les années 70 par le botaniste Bordini dans une vigne abandonnée depuis longtemps et mis en pépinière par ses soins. Wolf, le père de Moritz disparu en 96, en a acquis l’exclusivité et il a commencé par planter 3 000 m2 devant la maison achetée des années auparavant, une villégiature édifiée sur un piton qui domine un paysage sensationnel, immense, des vallées, des sommets, des aigles, des chevreuils, des ciels. Peu à peu, ce vignoble s’est agrandi jusqu’à cinq hectares répartis de terrasses en clairières, au milieu des chênes verts. Depuis ce funeste été 90 qui avait vu les sangliers dévorer toute la parcelle de caberlot, et laissé le néo-vigneron désolé, chaque vigne est entourée de solides grillages.

Peu à peu, les 1 280 verres Zalto de la dégustation se remplissent


Le principe retenu depuis le premier millésime est de mettre le vin en magnums uniquement. Le premier millésime, 1988, comptait 350 magnums et, 25 ans plus tard, le 2010 en a totalisé 2 425. Il s’agit donc d’une production très confidentielle, un vin rare et, à 250 euros le magnum, cher. Les Anglais, les Américains se l’arrache, La presse anglo-saxonne le note toujours entre 95 et 100. Les Français, comme souvent, ne sont pas au courant. Cette année, la galaxie Taillevent (le gastro, les 110 et la cave), réveillée par les frères Gardinier, a mis il-caberlot à la carte (bravo, Pierre Bérot). Les Rogosky auront attendu 25 ans qu’un établissement parisien de haut niveau s’engage avec leur vin. Saluons la patience au passage.

64 dégustateurs placés


Ce 17 février, nous allons juger ce vin sur vingt millésimes dans une lumière basse et une ambiance de chapelle. De 1988 à 2010, le vin a fait d’incroyables progrès stylistiques tout en privilégiant le millésime plutôt que le style, justement. Et c’est passionnant.
Je ne vais pas vous infliger l’assommante litanie des commentaires de dégustation. Thierry Desseauve l’a publiée sur Facebook et les réseaux sociaux chinois, beaucoup mieux que moi et les divergences d’appréciation que nous avons notées sont sans doute plus affaire de goût que d’analyse. Et, à propos d’analyse, Thierry n’a pas manqué de distinguer deux « époques » de ce vin. La première très saint-julien court jusqu’à la fin des années 90 et la seconde, plus pomerol, de 2000 à maintenant. Où l’on a beaucoup parlé de la race de ce grand vin, de son évidente aptitude au long vieillissement (pas un seul des millésimes dégustés n’était au bout de son âge), de la place unique que il-caberlot a pris dans le paysage mondial. D’autres grands dégustateurs ont tenu d’autres propos sur il-caberlot. Kevin Shin, l’un des Américains du Grand jury européen, n’a pas hésité à le qualifier de « psychédélique » en affirmant même très drôlement que le 2002 dégusté à la Villa d’Este présentait des « notes de cannabis ». Et un vigneron toscan a conclu sur ce vin en parlant de miracle et en rappelant que la Toscane a vu depuis des siècles éclore mille talents, les plus grands.
Il y a des miracles, mais il n’y a pas de hasard.


Plus d’info sur il-caberlot et le domaine Il Carnasciale, ici, ici et

Enfin, un blog "food" lisible

Ah, non, ce n'est pas un blog. C'est un journal en papier, en fait. Fricote. Mieux qu'un blog. Déjà le n° 14, une santé d'acier. Ces gens-là, ils devraient reprendre Libé ou Cuisine et Vins de France, je sais pas, faire quelque chose. La presse a besoin d'eux. Et Fricote #14, c'est ça :



Ils nous gratifient d'un petit texte pour vendre leur dernier numéro :

« En ce temps de crise, c’est sur lui que l’on mise. Ce pansement pour panse auquel on pense un long dimanche de grisaille. Plus fort que Musclor, c’est lui : l’aliment réconfort. L’aliment-doudou, qui suscite un sentiment de bien-être lorsqu’il est consommé. On pense au gras qui console. Au rondouillet poulet. Au sucré, beurré, brioché, cannelé, au sachet de sucre vanillé. On veut manger un râmen en faisant du bruit. Des spaghettis à la truffe de chez Angelo. Ou ceux de Chez Miki, au beurre à l’ail et enoki. Un Paris-Brest de Conticini. Une tablette de Galak, un Kosmik de Michalak. L’espace d’un instant, votre VDM vous dit "je t’aime". Tout ceci est confortable. C’est normal, vous êtes passé à table. »

Allez l'acheter chez votre marchand de journaux. Si vous ne savez pas ce que c'est, demandez à vos parents.



mardi 4 février 2014

Lafaurie-Peyraguey, un passionné remplace
un investisseur institutionnel

C’est encore un château du Sauternais qui change de mains. C’est normal, la production de grands sauternes est un sacerdoce financier qui n’est pas reconnu par le marché et les familles en place, à bout d'arguments, cèdent peu à peu leurs domaines à de plus brillants opérateurs, c’était le cas il y a peu avec Clos Haut-Peyraguey repris par un grand pro du vin haut de gamme, Bernard Magrez. Là, c’est différent. Le cru appartenait à un zinzin, investisseur institutionnel, une filiale de GDF-Suez qui, sans doute surpris par les difficultés inhérentes à ce type de vin, a cédé le Château Lafaurie-Peyraguey à Silvio Denz, l’un des grands hommes de Saint-Émilion. Voici les détails.



Silvio vient d’acheter les 36 hectares de vignes du Château Lafaurie-Peyraguey, premier grand cru classé de Sauternes. Le prix de vente n’a pas été divulgué, mais la transaction serait l’une des plus importantes réalisées dans le vignoble sauternais, ces derniers mois. Situé à Bommes, au cœur des plus grands crus de Sauternes, le Château Lafaurie-Peyraguey appartenait, depuis 1984, à la Société de Participations financières et foncières du groupe GDF-Suez. Un passionné remplace un investisseur institutionnel, ce n’est pas si fréquent. Le vignoble se trouve sur la partie haute du terroir de graves de Sauternes, pas loin du château d’Yquem. Les vignes y sont cultivées en lutte raisonnée, sans aucun herbicide chimique. L’encépagement est composé à 93% de sémillon, 6% de sauvignon et 1% de muscadelle, avec un âge moyen de vignes de 40 ans (les plus anciennes sont de 1926) et des rendements moyens de 18 hl/ha. Silvio Denz est déjà propriétaires de sept domaines à Bordeaux, en Espagne et en Toscane, dont les deux grands crus classés de Saint-Emilion, Château Péby-Faugères et Château Faugères, ainsi que les vins de Château de Chambrun en AOC Lalande de Pomerol et de Château Cap-de-Faugères en AOC Castillon-Côtes de Bordeaux. Il est également co-propriétaire avec Peter Sisseck du Château Rocheyron à Saint-Émilion, un futur (proche) (et discret) immense vin de l'appellation. Dans un communiqué de presse, l’homme d’affaires affirme que son objectif est de produire de « très grands vins liquoreux, sur les meilleures terroirs classés en 1855, c’est-à-dire l’Enclos et Les Maisons Rouges, mais aussi des grands vins secs de Sauternes sur le reste des parcelles, histoire de donner une viabilité financière à la propriété, suivent en cela l’exemple gagnant d’Olivier Bernard (Domaine de Chevalier) avec son nouveau Clos des Lunes. 
Il souhaite également développer l’oenotourisme de prestige dans cette région, dont le Sauternais manque cruellement aujourd’hui. Les treize chambres du château Lafaurie-Peyraguey seront donc transformées en hôtellerie de luxe pour accueillir professionnels, amateurs et visiteurs. Enfin, un établissement de luxe dans le sud de Bordeaux.
En outre, Silvio Denz envisage de créer une bouteille gravés par la maison Lalique, dont il est aussi le propriétaire, dans la continuité des deux lignes de carafes et de verres créées par Réne Lalique, Yquem en 1934 et Barsac en 1939.



La photo : le château Lafaurie-Peyraguey par Leif Carlsson