Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



jeudi 29 septembre 2011

@Mumm #train #mieux


C’est l’été indien et, bien calé dans le fauteuil qui fonce vers l’Est, à côté d’une attachée de presse délicieuse et bien élevée (je sais, je connais son cousin, le meilleur monde), je me dis que j’ai eu le nez creux de refuser d’y aller en hélicoptère. Ce n’est pas tant le bilan-carbone catastrophique, le caractère limite obscène de cette idée épate-gogos, le bruit qui empêche de se parler, le confort spartiate, l’image guerrière des quatre hélicos en rase-motte comme dans Apocalypse Maintenant, le voyage plus long qu’en TGV, l’impossibilité de lire Bertrand de Saint-Vincent, François Simon, Virginie Mouzat et le Carnet mondain, les rubriques les plus instructives du Figaro du matin. Non, ce n’est pas pour toutes ces raisons que j’ai refusé l’hélico. Je me suis surtout dit qu’en cas de fait-divers, je supporterais mal qu’on dise qu’ici-gît Nicolas de Rouyn, brutalement arraché à l’affection des siens parce qu’il allait boire un coup à Reims, RIP.
Vous imaginez l’effet désastreux sur les promeneurs de la Toussaint, les enfants jetteraient des cailloux sur ma mémoire, certains n’hésiteraient pas à cracher sur ma tombe en bombant le torse pour la citation. Impossible de me dire qu’au soir de mon trépas, on aurait plus ricané que pleuré. Non, le train, c’est une question de standing.
C’est l’été indien et nous sommes arrivés à Reims sans encombre et à l’heure, bien avant les hélicos. Ce déjeuner chez Mumm, pour découvrir leur nouvelle cuvée sobrement nommée Brut Sélection. Il s’agit d’un assemblage de cinq grands crus, deux blancs (Avize et Cramant) et trois noirs (Aÿ, Verzenay et Bouzy). Un joli vin qui prend place dans la même gamme que les deux magnifiques, le blanc de blancs de Cramant et le blanc de noirs de Verzenay. Bref rappel à l’intention de ceux qui viennent d’arriver et pour faire simple : le blanc de blancs est un champagne issu uniquement de raisins blancs du cépage chardonnay et le blanc de noirs, de raisins noirs du cépage pinot noir (pour ceux qui souhaitent approfondir, il y a un tas de blogs très documentés sur le sujet, dont l’excellent Blog à bulles).
Goûté en salle de dégustation, le Brut Sélection est exactement ce qu’annonce son auteur, le chef de caves Didier Mariotti, un parfait champagne d’apéritif avec tout ce qu’on en attend de fraîcheur, d’incisif, un bel « ouvreur ». Pile l’idée qu’on se fait d’un champagne quand on en a soudain envie, et là, on n’est pas déçu du tout.
Le déjeuner était mis en œuvre par les deux garçons les plus talentueux de la Champagne, Philippe Mille, le cuisinier et Philippe Jamesse, le sommelier, tous deux au Château des Crayères. L’idée qu’ils ont apporté étant de découvrir ce Brut Sélection dans quatre états, c’est-à-dire quatre niveaux de température de service, de 8°C à 14°C, ils ont ainsi démontré tout l’intérêt qu’il y a à boire les meilleurs champagnes pas trop froids, le froid est un cache-misère. Ce n’était pas forcément le but de l’opération, mais peut-être que si. Jamesse est un très fin connaisseur des champagnes, très érudit, un poil didactique, il parle des champagnes comme personne et ça ne m’étonnerait pas que telle était, en effet, son intention secrète et pédagogique. Je lui poserai la question, un jour.
C’est l’été indien et c’était divin.

La photo : la nouvelle cuvée de Mumm, Brut Sélection (42 euros) a été embouteillée dans la très belle bouteille historique du Mumm de Cramant.

mercredi 28 septembre 2011

Trévallon, ça se voit


Les vins de Trévallon, en rouge comme en blanc, sont un cadeau du ciel que chaque amateur de grands vins se doit d’avoir goûté au moins une fois dans sa vie. En fait, mille fois est mieux. Je le sais parce que moi, je n’ai pas encore dépassé la trentaine de fois, mais j’y travaille. Ce merveilleux vignoble de Saint-Étienne-du-Grès dans les Alpilles, à quelques minutes de Saint-Rémy-de-Provence, est une invention récente (1973) que l’on doit au talent, mais surtout à la ténacité d’Éloi Dürrbach.


Ce jeudi 29, la famille Dürrbach sera à Paris pour le vernissage de l’expo consacrée aux étiquettes de Trévallon. En effet, depuis 1996, chaque étiquette est différente. Elles sont l’œuvre de René Dürrbach, un artiste, peintre de renom, ami de Picasso, Fernand Léger et d’autres de ce milieu de siècle si prolifique. Au soir de sa vie, alors qu’il avait cessé de peindre et s’ennuyait sans doute un peu au milieu des cigales et des lavandes, son fils Éloi a fait l’emplette d’une boîte de couleurs et lui a demandé de styliser les étiquettes du domaine. Il en a réalisé une cinquantaine, quatorze ont déjà été éditées, il en reste encore pour plus de trente millésimes, ce qu’on appelle une idée durable. Et un bel hommage d’un fils à un père.


Les millésimes déjà édités (1996 à 2008) sont donc exposés à la Galerie Oblique, ça commence vers 19 heures et c’est la chance, en plus, de découvrir l’étiquette du millésime 2009 et de déguster le millésime 2001 (trévallon, ça se boit). Ce qui explique que j’y serai. Venez.


Les étiquettes : de haut en bas, trois expressions bien différentes.

L’adresse de la Galerie Oblique : Village Saint Paul - 17, rue Saint Paul - 75004 Paris

mardi 27 septembre 2011

Ça va pas, non ?


La Confrérie des Chevaliers du Tastevin en son chapitre du château du Clos de Vougeot a intronisé Françoise Laborde. Pour quelle espèce de raison ? Le mystère plane. Quelle mouche a piqué la Confrérie ? Le plus souvent, sont admis en cette noble assemblée des gens dont les mérites tournent autour des services rendus au mondovino. On ne peut pas dire de telles choses de Madame Laborde. Membre du CSA en charge des dossiers « télés du vin », elle s’est couverte la tête de cendres en refusant le droit d’émettre à Edonys TV dans des conditions dont le moins qu’on puisse en dire, est qu’elles sont discutables. Pas top. Ce faisant, elle contraint les promoteurs de ladite chaîne à émettre depuis l’étranger. Ce qui nous rappelle la glorieuse époque des radios « libres », vous vous souvenez l’été 81 quand RFM, avec Coluche en animateur vedette, était brouillée par les services de l’État ? Qui sont ces gens qui veulent que le vin à la télé nous arrive d’ailleurs ? D’où tirent-ils leur légitimité ? D’une loi mal faite dont le texte laisse place à trop d’interprétations inacceptables. Vingt ans après, est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de l’aménager, cette loi stupide ? D’ailleurs, les Chevaliers ont également intronisé Henri Guaino, la plume de Nicolas Sarkozy. En a-t-il également l'oreille ? Ensemble, rêvons.



Les photos : Françoise Laborde avant et après, avec son tastevin tout neuf, le week-end dernier, photographiée par Armand Borlant.

Autres billets sur le même thème ici, ici et .

Bernard Magrez au violon


La musique classique, c’est comme le poisson. Au début, on déteste. On veut des steacks saignants et du rock itou. Un jour, on commence avec une sole et de grands airs classiques, c’est facile à ingurgiter, on connaît déjà ces saveurs-là, on n’est pas défrisé. Puis, on affine son goût et ce qui vous semblait définitivement impossible s’impose, pour se révéler in fine un ravissement absolu. On mange des huîtres, on écoute un violoniste. Bernard Magrez présentait hier dans les salons d’un hôtel parisien l’une de ses dernières acquisitions, un exemplaire forcément rare d’un violon stradivarius qu’il a rebaptisé Château Fombrauge. Le luthier Antonio Stradivari, dit Stradivarius, qui avait souhaité que chacun de ses violons porte un nom.
Pour donner du sens à cette manifestation, il avait demandé à Matthieu Arama, jeune musicien de l’Opéra de Bordeaux de jouer de l’instrument pour la centaine de convives rassemblés. Il était accompagné au piano par un autre protégé du grand homme, déjà entendu à Pape-Clément pendant Vinexpo.
C’était assez extraordinaire malgré une acoustique éloignée de celle d’une salle de concert. Le petit concert a duré une grosse vingtaine de minutes sans que personne ne se mette à tousser ou à se gratter, on aurait entendu une mouche voler, c’était sublime. Bien sûr, il est difficile, impossible même, de distinguer ce qui ressort de l’instrument d’exception et ce que l’on doit à la virtuosité de l’exécutant. Lui-même, d’ailleurs, le disait après ce concert, invoquant la pauvre acoustique.
Au motif que « la vie m’a beaucoup donné, il est temps pour moi de rendre un peu de ce que j’ai reçu », Bernard Magrez a créé une fondation culturelle dans l’hôtel Labottière à Bordeaux, une merveilleuse maison. Là, le public est invité à admirer ses dernières acquisitions. À Saint-Émilion, il met son château Fombrauge à la disposition de musiciens reçus « en résidence ». Bref, il ne ménage ni sa peine, ni ses moyens. D’autres avant lui, François Pinault par exemple, ont eu des démarches semblables, bien aidés en cela par la loi dite Aillagon qui rend les choses possibles par le biais d’avantages fiscaux, de crédits d’impôts, comme ce fût le cas, en d’autres temps, avec la loi Malraux. Ce qui permit de sauver d’une lente destruction bon nombre de monuments historiques. Dans ce qui nous occupe, la prime va plutôt à l’art contemporain ou moderne et c’est très bien comme ça.


La photo : Matthieu Arama et le stradivarius de Bernard Magrez, photographiés par Armand Borlant

dimanche 25 septembre 2011

Calon-Ségur n’est pas en vente


Hélène, vicomtesse de Baritault, fille de feu Madame Capbern-Gasqueton et, donc, héritière de Calon-Ségur et Capbern-Gasqueton, nous a adressé ce qui suit :
« À la suite du décès de ma mère, Madame Philippe Capbern-Gasqueton, et des diverses informations fantaisistes qui ont suivi ce décès, je souhaite apporter quelques précisions.
Comme vous le savez, le château Capbern-Gasqueton appartient à ma famille paternelle depuis les XVIIIe siècle et le château Calon-Ségur depuis 1894, année où il a été acheté par mon arrière-grand-père, Georges Capbern-Gasqueton, ce qui fait de ce célèbre cru l’un des très rares crus classés en 1855 à appartenir à la même famille depuis le XIXe siècle.
Mon père a géré ces deux domaines de 1962 à son décès en 1995, et ma mère, ayant pris sa suite à cette date, a pu continuer l’œuvre de rénovation initiée et programmée par son mari.
J’assurais déjà moi-même, depuis presque 40 ans, la direction administrative et financière des domaines.
Désormais, c’est à moi de reprendre cette très longue tradition familiale et je me réjouis de le faire (…) »

D’où l’on peut conclure que Calon-Ségur et Capbern-Gasqueton ne sont pas en vente. Et s’en réjouir avec Hélène de Baritault. Madame, vous avez toutes les cartes en main pour confirmer ce succès que chacun salue, avec une équipe de pointe qui a mené le grand cru là où il est aujourd’hui.
Précisons que le courrier reçu n'est pas une lettre personnelle, mais une circulaire. Je connais au moins trois personnes qui l'ont reçue. Si j'en étais aussi le destinataire, c'est sans doute en raison de cet article paru sur ce blog.

L'étiquette a été trouvée sur le site de iDealWine

samedi 24 septembre 2011

Phélan-Ségur, pour le plaisir


Cette photo saisissante du château Phélan Ségur, signée de Mathieu Garçon et prise avec son iPhone 4, ne dit rien de l'état des vignes de Saint-Estèphe après des épisodes de grêle spécialement ravageurs. Ici et là, à Lafon-Rochet sinistré à 100 % comme ailleurs, on vendange ce qu'il reste à la pince à épiler ou à peu près. Sur ce millésime 2011, une chose est sûre, il n'y en aura pas pour tout le monde.

jeudi 22 septembre 2011

Michel Bettane répond à Patrick Essa et à Vindicateur


Michel Bettane a quelque chose à dire à ceux qui critiquent le Guide Bettane+Desseauve et il a choisi de le faire ici :

« Il est sain en démocratie de pouvoir critiquer les critiques et encore plus de le faire. Les bons critiques exercent leur métier dans le respect d’une déontologie reposant sur l’équité, les bons critiques des critiques également. Il est évident que l’équipe du guide Bettane+Desseauve lit avec intérêt les critiques constructives, et en tiennent compte. Cela leur permet de corriger des erreurs, des maladresses ou des oublis, de s’en excuser auprès des producteurs, tout comme d’améliorer en permanence le travail d’enquête et de rédaction. Mais je me dois, au nom de cette même équipe, de réagir devant les critiques injustifiées ou absurdes qui peuvent être prises au sérieux dans nos pays latins où l’on aime à penser qu’il n’y a pas de fumée sans feu.
Deux d’entre elles me semblent contraires au minimum déontologique. Les premières émanent d’un viticulteur bourguignon, Patrick Essa, vigneron consciencieux au demeurant, qui ne manque pas une occasion sur son site dégustateurs.com, au nom d’une vieille rancune à mon égard, de dénigrer un travail collectif, à une notable exception près, celle de notre collaborateur alsacien, Thierry Meyer. Il est vrai que celui-ci, (il s’agit sans doute d’une coïncidence) est un des piliers historiques du site. Il est vrai aussi qu’il n’a jamais accepté le reproche que je lui fais depuis longtemps d’utiliser ce site (un forum participatif ouvert à tous) pour faire la promotion de sa propre production, le plus souvent directement, sous le prétexte d’informer dans un blog personnel lié au site, parfois en faisant intervenir sa propre petite bande. Il se permet même sur ce site de porter des jugements sur les vins de ses collègues, surtout quand ils sont célèbres et voisins, ce qui n’est guère confraternel. Quant aux critiques sur les critiques, elles divisent ce petit monde en deux, de façon manichéenne, les bons, entendez ceux qui écrivent des dithyrambes sur lui, et les mauvais, ceux qui l’ignorent. Si le Bettane+Desseauve l’ignore c’est qu’il ne présente jamais ses vins à nos dégustations, au prétexte, comme il me l’a écrit à plusieurs reprises, qu’elles sont collectives, à l’aveugle, sous le contrôle des vignerons eux-mêmes, et que je serais incapable de comprendre le style et la qualité de ses vins. On appréciera la sportivité d’une telle attitude, cet homme préfère visiblement diriger les jugements depuis sa cave, surtout si le visiteur est étranger, parle et comprend moins bien notre langue et ne peut vérifier ses dires. Si on ajoute sa jalousie maladive envers des producteurs plus connus que lui et envers la confiance que 95 % (au moins) de l’élite de la viticulture bourguignonne, et même française, accorde à notre travail collectif, on comprend un peu mieux l’origine de son ressentiment.
Mais il y a plus inconséquent et d’une certaine façon plus pernicieux, même si cela s’adresse à un public très limité. Sur son site vindicateur.fr, Antonin Iommi-Amunategui s’est récemment complu à noter les guides de vin, il a moins aimé le nôtre que d’autres, et c’est son droit. Mais ses arguments sont des plus bizarres. Il nous reproche d’être des idéologues (comprendre d’une idéologie différente de la sienne) et au nom de cette idéologie, dont il est bien incapable de préciser le contenu, de ne pas donner un reflet exact ou équitable du monde du vin tel qu’il est aujourd’hui. Et si nous ouvrons le guide à plus de producteurs que la concurrence, reflet d’une enquête plus poussée et plus conforme à la réalité de la production française, c’est que nous manquons d’exigence et de sélectivité. Je lui conseille de passer plus de temps dans le vignoble, notre guide en main, pour comprendre pourquoi des centaines de producteurs inconnus de lui y sont entrés, dont des dizaines font partie de ceux qui cultivent leurs vignes dans le plus grand respect de l’environnement, ce qui ne semble pas pas incompatible avec ses idées et idoles habituelles. Et si quelques rares figures du vin naturel manquent à l’appel c’est parce qu’elles refusent, elles aussi, de présenter leurs vins, trop « différents » pour être confrontés aux autres, et même parfois de me recevoir sur place ou de recevoir des collaborateurs coupables de me fréquenter, pensant que nous sommes tous incapables de juger leur production. C’est la vie… »


Voilà. Pour que chacun comprenne le sens de ce mot de Michel Bettane, il faut savoir qu’il y a un monde entre Patrick Essa et Antonin, un monde d’incompréhension, en particulier, et que, s’il fallait choisir, notre choix serait vite fait. Nous avons d’ailleurs recommandé la lecture de vindicateur.fr à plusieurs reprises, ici ou là. Si Antonin est un garçon aux opinions nettes et tranchées, il a sur Patrick Essa l’avantage de la sincérité, de l’honnêteté et de la clarté. C’est plutôt ça que je dis, moi. J'adore le caractère très aigu de l'écriture d'Antonin, même si je ne partage pas beaucoup de ses enthousiasmes pinardiers ou idéologiques. C’est sans doute pour ça qu’il y a tant de vins. Et tant d'idées.

La photo : Michel Bettane par Guy Charneau.

mercredi 21 septembre 2011

Suduiraut annonce un lion superbe et généreux


Un nouveau sauternes qui sort d’une grande maison, c’est à chaque fois une émotion pour l’amateur de ces grands vins que je suis. Voilà peu, c’était le Château Guiraud qui présentait son petit-guiraud. Au tour de Suduiraut avec les lions-de-suduiraut, un deuxième vin aussi, il a beaucoup des qualités qu’on attend d’un sauternes moderne, c’est également un vin avec une écrasante majorité de sémillon et moi, j’aime le sémillon. Je l’ai goûté, une chance. On commence avec le vin, sorti de frigo.
Le nez, vin froid, est neutre, pas ou peu expressif. En passant, je ne comprends pas le conseil de la contre-étiquette qui recommande de le boire glacé, hérésie absolue, mais bon, ils font comme ils veulent, moi aussi, vous aussi.
En bouche, tout change, dans un maelstrom de viennoiseries, de confiture de fruits jaunes, de l’abricot, bien sûr, comme dans tous les sauternes, mais pas seulement, il y a de la pêche (de vigne ?), des prunes. Il y a aussi une note de jardin après l’averse, pas « Après l’ondée », mais l’idée est là, du foin coupé frais, une note de cheval, le seul animal qui sent bon. Goûté avec un kouign-amann, spécialité bretonne excessivement beurrée. Le sucre n’est pas en majeur, vinif moderne, mais il manque peut-être un peu de tension. Hier soir, étonnant tokaji de Samuel Tinon, qui avait des arômes d’une grande droiture, un vin « sérieux » et une tension folle, suis-je influencé ? Faut-il juger un vin en soi ?
Au deuxième nez, un poil de réduction, à la limite de la gêne, mais pas au-delà. Et aussi, une envolée d’arômes sauternais, on est entre nous, pas perdus, il y a du bonbon, de la séduction, de la poudre de riz, des souvenirs de baby-boomers. En bouche, une pointe fortement cerisée, de la griotte dans un vin blanc, elle vient d’où, celle-là ?
Plus tard (le vin est plus chaud), forte proportion d’amande, on est dans (dedans) le macaron de Madame Blanchez, à Saint-Émilion. Elle est partie, remplacée par une dame Fermigier, mais c’est comme dans Mozart, le silence est encore de la musique. On est heureux, on se le dit.

Le lendemain, après 24 heures au fridge, bouteille ouverte, goûté en après-dîner, à blanc (sans rien manger avec). Nez d’abricot, pain au chocolat. Bouche très expressive et large, beaucoup de conversation, le doux babil, on retrouve de la tension, mais pas trop. La finale est incroyablement marquée par la fève de cacao pure, très au-delà de ce qu’on goûte d’habitude. Quelques minutes après, voici le pruneau qui s’annonce en fanfare, quelle idée. Encore du rouge dans du blanc, c’est un festival, ce vin-là. La grande complexité sauternaise est au rendez-vous. Plus tard, le nez s’éteint un peu ou s’affine, c’est comme on veut. Un peu de citron fait son apparition. En finale, le chocolat s’affirme, il n’est pas seul, des agrumes confits aussi, qui rafraîchissent la bouche et nous entraînent, il est tard, vers un bonheur souple et un sommeil sans hoquet, le sauternes est un châle en cachemire qui vous enveloppe les épaules, défait les nœuds, apaise. Le sauternes est un vin douillet, ils ne sont pas nombreux.
Nous pourrions continuer comme ça des jours entiers sur la même bouteille et découvrir chaque fois de nouvelles palettes aromatiques enchevêtrées. Nous le ferons dès les prochaines bouteilles.

Ce nouveau lions-de-suduiraut est disponible chez Monoprix Gourmet et Lavinia au prix de 20 euros

mardi 20 septembre 2011

La Part des Anges à Cognac


Chaque année, à pareille époque, tout ce que Cognac compte de beaux esprits, de jolis anges plus quelques individualités fortes venues d’ailleurs se rassemblent dans le décor historique des Chais Monnet (acquis par la municipalité) pour décerner quelques médailles aux fidèles serviteurs du cognac (Anglais ou Américains, le plus souvent) et pour organiser une vente aux enchères de charité. Cette année, l’heureux récipiendaire du butin ainsi récolté était l’Ordre de Malte, du sérieux.
Et, cette année encore, le record de l’année passée a été explosé. 100 000 euros tout rond, qui seront investis dans diverses actions de l’Ordre en Charente. Pas mal de s’occuper de balayer devant sa porte, ça nous change.


Le principe est que chaque maison de Cognac, grande ou petite, donne un flacon rare, une de ces bouteilles capables de mettre les collectionneurs dans les transes. Cette année, la plus belle enchère a récompensé la maison Frapin. Il s’agissait d’une dame-jeanne de cinq litres du millésime 1985, enveloppée de sa toile de jute, photo ci-dessus. Comme vous le savez, Frapin n’embouteille que les eaux-de-vie issues de son propre vignoble et comme ce qu’ils font est vraiment bien, cette dame-jeanne a justement passionné les enchérisseurs.
Le dîner était parfait, dirigé par le chef Nebout, du château de l’Yeuse, fine étape cognaçaise. 600 personnes servies en même temps, en plus c’était bon, je ne me lasse pas d’admirer la perf, c’était pareil l’an dernier.
Et puis, il y avait quelques blogueurs, Miss Vicky Wine, Youri WinePaper, d’autres encore et la soirée a très bien tourné. Ci-dessous, la photo avec Miss Vicky, un ange. Désolé, je n’ai pas celle avec Youri…



Les photos sont signées Mathieu Garçon.

Pour retrouver la Part des Anges 2010, c’est ici.

lundi 19 septembre 2011

Soignez le gourmand qui sommeille en vous


Dans la série « Best of the best », voici le Guide des gourmands, un truc unique en son genre. Au fil des pages, on y découvre les adresses de tous les bons fournisseurs de bouche de France et de Navarre. Le genre d’endroits secrets où les chefs étoilés vont faire leurs courses. Ce guide est rédigé et édité par Elizabeth de Meurville, sacrée gourmette à l’exigence hors-norme. Si vous aimez les beaux vins, vous êtes forcément client de ce genre de littérature. Ce guide est vendu depuis ce matin sur internet uniquement et par l’auteure qui, ce n’est pas si fréquent, assume l’ensemble des responsabilités de son œuvre. Bravo Elizabeth.

Pour acheter ce guide : www.guidedesgourmands.com

samedi 17 septembre 2011

Les vendanges off à Cheval Blanc, la vérité


« Cheval-Blanc 2011 sera-t-il raté ? Les images qui accablent », c’était le titre original du billet de Miss GlouGlou sur les vendanges 2011 à Cheval Blanc. Un beau titre à la manière de la presse à scandale, c’était très drôle dans le contexte évoqué ci-dessous. Mais comme un tas d’internautes peu doués pour l’humour ravageur de la Glou se sont offusqués (c’est-à-dire ont laissé des commentaires ridicules sur son blog), ce titre a été changé pour « mes vendanges à Cheval Blanc », plus base, ya pas. Il est temps maintenant de rétablir un semblant de vérité. J’étais avec Miss GlouGlou à Cheval. Je faisais partie, avec quelques autres, des « incapables notoires » invités à vendanger une parcelle de Cheval.
La party a commencé par un beau dîner dans l’orangerie du château, dom-pérignon 02, petit-cheval 01, cheval-blanc 98, yquem 86 et cognac Hennessy « Paradis ». Après une nuit confortable, bien calés dans les bras d’yquem 86, nous nous sommes retrouvés au point du jour, en bottes et tabliers. Là, Pierre Lurton et son gang ont réparti les tâches. Miss GlouGlou a choisi de vendanger, elle aime la vie au grand air. J’ai préféré trier, je suis un adepte des sports assis. Nous étions quatre du genre urban caillera de chaque côté du ruban blanc couvert de petits grains de raisins qui défilaient à une allure soutenue sous nos yeux effarés, la tête légèrement chavirée, le mal de mer sournois en embuscade. L’idée est d’enlever tout ce qui ne concourt pas à la qualité du vin, le millésime 2011 de cheval-blanc est l’enjeu. Pour de grands professionnels du vin comme nous, rien d’insurmontable. Oui, mais.
À force de déconner et de se raconter des histoires qu’on ne connaît pas, on n’a pas été très attentif et c’est toute une cuve de cheval-blanc qui a pâti de notre indiscipline. Aussi, on n’a pas l’habitude. Il faut nous comprendre, ce n’est pas de notre faute.
Au milieu des jolis raisins, on a vu passer trois crapauds salement amochés par les sécateurs des vendangeurs, c’est dégueulasse, une demi-vipère sectionnée net, mais qui bougeait encore un peu, ça fait peur, une phalange à l’ongle sale, un moineau à l’œil vitreux, un préservatif tout neuf dans son emballage (i had a dream, comme dirait l'autre), un demi-verre de Coca light servi par un vieil Allemand en gants blancs et perruque poudrée, un paquet entamé de Marlboro légères sans doute tombé de la poche-poitrine d’une chemise en lin bleu ciel Agnès B à peine entrouverte sur un joli soutien-gorge de chez Cadolle, un iPhone 3, vieux modèle, tout le monde s’en foutait, enfin, bref, tout plein de trucs de la vraie vie des vrais gens et on a vite compris que c’était un travail, ce n’était pas du tout pour nous, on a laissé la table de tri aux professionnels et on a été faire quelques pas, un verre à la main, sur la terrasse du nouveau chai, d’où la vue porte loin sur les vignes et les célèbres crus qui entourent Cheval Blanc, c’était sympa et nous avons vite oublié les doutes sérieux qui peuvent planer sur la qualité du millésime 2011 de cheval-blanc.
Cette joyeuse matinée s’est conclue par un vrai déjeuner de vendangeurs (petit-cheval 01, cheval-blanc 2000, yquem 86), le soleil et les parasols, puis la cheftaine a sifflé le rassemblement, c’était l’heure du départ, j’ai négocié pendant dix minutes un petit délai, histoire de confirmer mes impressions sur yquem 86 et, ceci fait, nous avons quitté le plateau de Saint-Émilion, retour Paris, avec un beau diplôme de vendangeur-usurpateur, les yeux encore écarquillés par toutes les jolies choses que nous avions apprises, d’autres dormaient la bouche ouverte.
Pierre, si tu nous regardes, il ne faut pas nous en vouloir, c’était de bon cœur et l’année prochaine, c’est promis, on va tous à Lafite avec des journalistes chinois qu’on connaît.
Et, d’ici là, un seul mot d’ordre : Viva la Glou Power. Je déclare ouvert le Comité de défense de Miss GlouGlou (son blog, dans la colonne de droite, rubrique "Tous ceux que j'aime").


Les photos : le nouveau chai de Cheval Blanc, vous l’avez vu partout, voici le château.
En bas, Pierre Lurton, obligé de vendanger lui-même à cause des incapables que nous étions. Photos Mathieu Garçon, oui, il était là, ceci explique-t-il cela ?

jeudi 15 septembre 2011

Le champagne peut-il vieillir ?


Avant de se demander s’il le peut, il faut savoir qu’il le fait avant d’arriver dans votre verre. Comme tous les autres vins, il passe du temps au chai avant la mise sur le marché. De 15 mois (durée minimum légale) à beaucoup plus, parfois plus de dix ans, selon les cuvées, selon les maisons, les chefs de cave, les besoins du service d’expédition, les exigences de rentabilité de la maison, le niveau de rigueur du conseil d’administration, etc. Déjà, pas un champagne n’arrive
« primeur » dans votre caddie.
J’ai eu la chance de boire des champagnes vieux et très vieux. Un moët 1921, par exemple, et plein d’autres à peine plus récents, Krug, Taittinger, Charles Heidsieck, Dom Pérignon, R.L. Legras, d’autres encore, en bouteilles et en magnums, blancs et rosés. L’avantage des vieux champagnes réside dans la palette aromatique qu’ils déploient, les notes miellées, les nuances de sous-bois, c’est assez sublime et, bien sûr, très émouvant. Et je vois venir la question : et les bulles ? Amis de l’eau Perrier, rassurez-vous, il y a encore des bulles, même après 50 ans. Le champagne vieillit très bien parce qu’il est fait pour ça.
Aujourd’hui, pour entretenir sa légende, la maison Moët & Chandon met sur le marché des enchères une soixantaine de flacons d’un 1911 sorti tout droit des caves d’Épernay. La première vente vient d’avoir lieu en Chine (à tout seigneur-acheteur, tout honneur). La mallette de six millésimes 1911 s’est envolée à 100 000 dollars. Autre question bien naturelle : est-il bon après un siècle ? Je ne sais pas, je ne le goûterai que début novembre, mais je ne vois pas Benoît Gouez, le chef de caves de Moët, rameuter la cour et la campagne dans le monde entier pour un mauvais champagne, l’effet serait désastreux. Donc, il est très évident que oui, c’est un bon (et peut-être même un grand) champagne.


Les photos : la mallette à 100 000 dollars ouverte et fermée (D.R.)

mercredi 14 septembre 2011

Scènes de la vie rurale


Peu à peu, les vendanges s’achèvent. En voici deux témoignages intéressants. Le premier de Jean-Luc Aegerter sur la côte de Nuits, le second d’Olivier Techer sur le plateau de Pomerol. Prudents, ni l’un ni l’autre ne s’engage sur la qualité du millésime et ils ont bien raison, il est beaucoup trop tôt pour le dire, même si on le pense.
De Bourgogne :
« Nous coupons les hautes-côtes-de-nuits à partir de demain puis, nous terminerons par les saint-romain blancs. Cette année encore, il ne fallait pas se précipiter, car la récolte était saine à 90/95% selon les secteurs, ce qui nous a permis de prendre le risque du mauvais temps. Et nous n’avons eu, en définitive, qu’à peine deux passages pluvieux.
Dans le même temps, nous avons eu des nuits très fraîches (vent du nord jusqu’à hier soir qui a tourné sud dans la nuit), ce qui nous a permis d’obtenir une belle maturité, par concentration essentiellement, doublée d’un bon calage des acidités / ph qui étaient encore un peu élevés fin août – début septembre. Les fermentations alcooliques se font très rapidement cette année, et les premières extractions de couleurs pour les rouges sont magnifiques. »
Jean-Luc Aegerter, à Beaune, le 12 septembre 2011.
De Bordeaux :
« Cette année était totalement hors normes, avec une sécheresse extraordinaire et des températures très élevées au printemps (les bois ont commencé à aoûter au 15 juin, canicule pendant quelques jours) et des pluies quasi hivernales en juillet. Fin juin, la vigne avait trois semaines d'avance sur son cycle normal. Après le mois de juillet, plus que deux. Mais Pomerol est le terroir le plus précoce du Bordelais, nous vendangeons ici une bonne semaine avant Saint-Émilion. De plus, comme nous ne pulvérisons pas d'anti-botrytis sur nos raisins, nous gagnons ainsi cinq à six jours de plus. Nous comptions préserver le fruit frais, et non pas ramasser un fruit blet. Énormément de tri, sur pied, grappe par grappe, et grain à grain. »
Olivier Techer, château Gombaude-Guillot à Pomerol, le 13 septembre 2011



Les photos : Jean-Luc Aegerter et Paul, son fils, par Mathieu Garçon. Les vendanges sous le clocher de Pomerol, par Olivier Techer.

mardi 13 septembre 2011

Lafite, la Benz et la Chine


La grosse Benz immatriculée LAF1TE, c’est parfait. Ou comment une marque devient plus qu’une icône. Lafite plus fort que Dior, Hermès et autres immensités. C’est paroxystique, même les rappers américains sont enfoncés. S’ils en sont là en Chine, c’est sûr, on ne boira plus jamais du lafite. En chef d’escadrille, il emmène les premiers au fond des azurs, loin, si loin. En formation serrée, les Neufs nous quittent, s’ils ne l’avaient pas déjà fait. Lafite, latour, mouton, margaux, haut-brion, yquem, petrus, cheval-blanc, ausone. Ciao, belli.
Au fait, ya la clim dans le coffre de la Benz ? Je ne crois pas. Ils font comment pour transporter les caisses de lafite ? Bon, pas grave. Et une immatriculation
« Veuve », c’est possible ? Et « High On Krug » ? On n’a pas fini de rire. Quand je pense, c’est pas vieux, qu’un caviste s’est vu refuser d’ouvrir une boutique trop près d’un garagiste dans une grosse ville de province. Où ça ? En France, tiens.

La photo : adressée par notre honorable correspondante, Shaoning. Le crédit est sur la photo.

D'autres histoires de vin en Chine : ici, ici et

dimanche 11 septembre 2011

Avec le chocolat, je bois quoi ?


Le chocolat, c’est fort, c’est bon, c’est addictif, et ça ne va pas avec tout. Un peu comme les chaussettes blanches. Les vins modernes, très concentrés, se retrouvent dans leurs jeunes années avec de forts arômes cacaotés, on dit aussi des notes de torréfaction, c’est pareil. Ce qui ne signifie pas que ces vins sont bons à boire en mangeant du chocolat. Certains spécialistes recommandent le côte-rotie ou le musigny (eh ! T’as rien de plus rare et cher ?).
Je n’y crois pas du tout, c’est vraiment la meilleure façon d’abîmer un grand vin. Oui, deux grands vins. Je n’y crois pas avec les rouges en général, un problème de guerre des tanins, la bouche n’est pas faite pour accueillir ce genre de conflit armé. On peut envisager un liquoreux, un sauternes, un barsac, ce genre de choses, on est dans le suave, le douillet. Ou un muscat de Rivesaltes, un maury, un vieux banyuls. Il arrive (ça dépend du chocolat) que ce soit très réussi, mais ça ne marche pas avec tous les chocolats et surtout pas avec ceux qui sont forts en cacao.
Le vrai bonheur du chocolat, c’est l’eau-de-vie de raisin, cognac ou armagnac. Dans sa version la plus raffinée, le cognac, on croirait qu’ils sont faits l’un pour l’autre, c’est une sorte d’après-dîner qui frôle la perfection, surtout si le chocolat est sous forme d’orangette, la meilleure amie du cognac. Pour ceux qui viennent de sortir de vingt ans de prison à l’isolement, rappelons que l’orangette est une écorce d’orange confite enrobée de chocolat, plus ou moins fin selon le faiseur. J’ai un petit crush pour ceux de la Maison du chocolat, à Paris, ils expédient, mais il y en a d’autres, plein, partout, la moindre bourgade est généralement pourvue d’un bon chocolatier, sinon c’est Jeff de Bruges, courage. L’armagnac, eau-de-vie plus agricole, plus rustique, aux arômes plus sauvages, tiendra bien la main d’un chocolat à forte teneur de cacao. Dans tous les cas, et comme toujours, plus l’eau-de-vie est bonne, plus le chocolat est bon, plus l’accord est limpide. Pour mémoire, l’eau-de-vie se sert en très petites quantités, jamais plus d’un centilitre à la fois. Ceci privilégie les arômes et pas l’alcool et rien n’empêche de recommencer aussi longtemps que la bouteille est là. Un vrai truc de dimanche soir.

La photo : c’est ça, des orangettes, mais moi, je les préfère avec un chocolat plus noir (photo internet).

Fricote #4, c'est une question d'âge


Vous vous êtes déjà marré en lisant un magazine de bouffe ? Moi, c’est la première fois. Fricote, magazine de qualité, parle de street-food avec le plus grand talent possible, si l’on considère le sujet. Les photos sont géniales, les idées décoiffent vraiment, les interviews, les commentaires, tout est bien, décalé, envoyé, tout ce qui fait un magazine qu’on a envie de lire. Fricote, le magazine des pas trop vieux, vient de sortir son numéro 4. Moi, ce qui me sidère, c’est le niveau de maturité atteint en seulement quatre numéros. Je connais plein de magazines avec infiniment plus d’expérience qui ont des leçons à prendre à toutes les pages. Il y a une rubrique Vins, je m’en occupe. Si vous avez des yeux et 4,50 euros, n'hésitez pas.

jeudi 8 septembre 2011

Bravo, Le Point


Splendide article de Jacques Dupont dans le Point spécial Vins, paru ce jeudi 8 septembre. Moi, en lisant ces trois pages, je me dis que tout n’est pas perdu dans ce pays où quelques fous, qui nous tirent dans le pied sans cesse, dictent leurs délires au reste de la population. La démonstration est implacable. La conclusion, inéluctable. Il faut abroger, ou gravement aménager, la loi Évin.
« Ces interdits ont une conséquence grave, c’est que la transmission des savoirs et des habitudes, qui passe par le respect de la belle bouteille et son usage modéré, se perd. Il ne faut pas s’étonner ensuite que les jeunes s’adonnent, quand ils brisent la coquille parentale, au binge drinking et risquent l’addiction. » (Jacques Dupont)
Autrement dit, tout l’argent consacré depuis 1991 à entretenir des associations prohibitionnistes (2 à 300 millions d’euros par an, un beurre), l’a été en pure perte. Autrement dit, la prohibition sans éducation, sans la moindre ouverture, n’a aucun succès. Pourtant, il y a longtemps qu’on le sait. Et Dupont de rappeler opportunément les sévices dont le vin est victime sur les télés françaises, pour cause de CSA. Il cite également, et ça, c’est très drôle, un juriste qui affirme qu’au terme des lois et réglements en place, des municipalités comme Bordeaux ou Cognac n’ont pas le droit de faire de pub pour leurs villes.
Pour faire bonne mesure, Jacques Dupont publie un petit texte de notre cher Hervé Bizeul, sans doute extrait de son blog, une merveille de réalisme raisonnable. À lire d’urgence, comme le reste des pages Vins de ce numéro. On en ressort plus indigné, donc moins sot qu’en y entrant.

Sur le même sujet, voir ici, ici et .

mercredi 7 septembre 2011

Vendanges en Champagne, Bettane y était


Michel Bettane ne se contente pas d’être le dégustateur de référence en Europe, il est aussi un professionnel consciencieux qui passe sa vie dans le vignoble français. Il assiste aux vendanges dans la plupart des grandes régions viticoles françaises et, hier, il a vu le dernier jour des vendanges en Champagne aux côtés des meilleurs, comme toujours. Voici ce qu’il en dit :
« Les vendanges viennent de se terminer en Champagne, après avoir commencé en fanfare autour des 22 et 23 août, une sorte de record du monde de précocité, encore supérieur à celui de 2003. Malgré une qualité de raisin des plus honorables, les viticulteurs et les chefs de caves restent perplexes tant le type d’équilibre et de saveur de ces raisins apparaît inédit. Peu de grillure, des degrés moyens (on a commencé avec à peine 9° pour terminer à 11-11,5°) très surprenants par rapport à la précocité, à la forme et au goût des raisins, en apparence plus mûrs, et des vinifications délicates pour les raisins rentrés très chauds l’après-midi, avec des départs de fermentation brutaux, si on n’avait pas les moyens de les refroidir. On a sans doute commencé à vendanger trop tôt, surtout les chardonnays, dont l’état sanitaire ne donnait pourtant aucune crainte : ils n’ont pris vraiment une belle saveur que vers le 1er septembre. Les meuniers ont fait preuve d’irrégularité, selon les endroits et les charges en raisin, les pinots noirs devaient être impérativement triés pour éviter les départs de pourriture, avec plus de personnalité dans la vallée de la Marne, à l’inverse de 2010 dominé par la Montagne de Reims (Aÿ somptueux, au sommet absolu de la Champagne). Les secteurs les plus tardifs de la Côte des Blancs ont profité du beau temps global de la dernière semaine. Comme toujours, les meilleurs ont fini en dernier (Selosse à Avize, Bollinger à Cuis et Mareuil-sur-Aÿ, Egly à Ambonnay, etc…), mais on a pu admirer la discipline des équipes de Moët ou de Taittinger et les moyens en vendangeurs mis en œuvre pour cueillir les raisins à leur optimum, et contempler aussi, hélas, la routine industrielle de beaucoup d’autres. Le volume sera convenable, 10 000 kilos/ha bien couverts, à quoi s’ajoutent 2 à 3 000 kilos de réserve plaisamment nommée qualitative… »

La photo : Michel Bettane photographié par Guy Charneau, au château Grand-Puy-Ducasse, pendant la Semaine des primeurs, en avril 2011.

lundi 5 septembre 2011

Madame Gasqueton est morte, Calon-Ségur est triste


Je n’ai rencontré Madame Gasqueton qu’une seule fois. Elle avait le goût du secret et la phobie des journalistes comme des photographes. Elle voulait bien qu’on parle de son vin, mais d’elle, jamais. Son attaché de presse parisien, l’inoxydable Jean-Pierre Tuil, lui servait surtout à écarter la presse, un comble pour un homme comme lui. Son vin, le château-calon-ségur, était tout en haut de l’appellation aux côtés des montrose, cos-d’estournel, phélan-ségur, lafon-rochet. Les gens du Médoc avaient, à son égard, des sentiments contrastés. Cette vieille dame vivait tranquillement dans son château, le domaine était fermé à la visite, elle ne voulait pas le public, pas la notoriété, « je ne veux pas être embêtée », elle ne l’était pas, tranquille, loin du monde et de ses contingences, une vie comme au XIXe siècle. Ce qui n’était pas le cas des vins qu’elle produisait. Les dix millésimes les plus récents décrivent une exploitation viticole au sommet de sa forme, des vins d’exception régulièrement encensés par les grands dégustateurs, Michel Bettane le premier : « C’était un exemple de veuve. Dès que son mari a disparu, elle a tout fait pour remettre la propriété au premier rang du Médoc, un rang que Calon occupait avant guerre. Elle y est parvenue il y a une dizaine d’années au prix d’investissements considérables. J’aimais bien son côté Louis de Funès en femme. »
De la qualité retrouvée de son vin, elle ne jouait qu’avec mesure, toujours sage dans l’appréciation de ses vins qui ne figuraient pas parmi les plus chers du Médoc. Ils auraient pu, elle s’en foutait, sans doute, ou croyait à la valeur d’une relation pérenne avec ses clients de toujours.
Un jour, donc, à Calon-Ségur, j’ai rencontré Madame Gasqueton, c’était il y a un an ou deux, pas plus. Nous avons dégusté le primeur du moment avec cette impérieuse vieille dame un peu bougon, un peu ronchon, un peu grognon, « oui, bien sûr, c’est très bon », dans la cuisine rénovée dans les années 60, et nous nous sommes retrouvé au salon, une coupe d’ayala à la main, un biscuit de Reims dans l’autre, il était cinq heures du soir, on changeait de siècle, c’était amusant de retrouver ma grand-mère, ses ambiances surannées et un rien pesantes, la tapisserie d’Aubusson au mur, le lustre de cristal, les fauteuils aussi sublimes qu’inconfortables, les tables de bridge en marqueterie, les tapis, un très beau salon, quoi.
La conversation roulait tout doucement et, pour la meubler, notre ami Michel Creignou, fin connaisseur du vignoble, lui posa la question suivante, à propos des Bouygues à Montrose : « Que pensez-vous des grands travaux entrepris dans l’une des belles propriétés de Saint-Estèphe ? » Elle n’eut pas besoin de réfléchir, elle savait déjà ce qu’elle en pensait et, du tac au tac : « Que chacun reste à sa place. » C’était pour ce genre de déclaration excessive qu’elle était diversement appréciée. Moi, évidemment, le côté politiquement incorrect m’avait enchanté. Dans la voiture de retour, Creignou et moi, étions morts de rire.
Paix à votre âme, Madame Gasqueton, et que Dieu vous épargne ce qu’il va advenir de votre propriété. On peut penser qu’il va y avoir du monde sur les rangs de la reprise et sur le dos de vos héritiers.

La photo : Madame Gasqueton (D.R.)

Pour info, Calon-Ségur, c’est 60 hectares de belles vignes avec un beau bâti, et un deuxième château classé en bourgeois, Capbern-Gasqueton, pour 30 hectares, aussi à Saint-Estèphe.

samedi 3 septembre 2011

Suggestion au Président de notre République


Dans la juste lutte que mène l’État contre la dette publique, d’une part, et contre l’alcoolisme, d’autre part, il y a 2 à 300 millions d’euros à gratter. C’est un bon tuyau, Monsieur mon Président, lisez, vous allez comprendre.
Pour l’alcoolisme, l’État du moment a largement délégué la lutte à des lobbies prohibitionnistes richement dotés par le Ministère de la Santé et, plus discrètement, (sans doute, peut-être, c’est pas sûr, mais le doute est là, bien présent) par l’industrie pharmaceutique. Heureusement que l’État fait pas pareil avec la dette, on serait mal. Les coups assénés par ces lobbies sur la tête du vin faisant grave les affaires de ladite industrie, puisque que grâce aux premiers les Français sont devenus champions du monde de la conso d’anxiolytiques fabriqués par la seconde. Bon, et croyez-vous que ces lobbies parviennent à des résultats ? Ben non, que dalle. Le pognon alloué ne sert qu’à entretenir des cohortes d’avocats chargés d’attaquer tous azimuts ceux qui parlent de vin, à partir d’arguments imbéciles amalgamant le travail des journalistes à celui des publicitaires, ce qui est quand même très exagéré, et ça encombre des tribunaux qui ont d’autres chats à fouetter. Dans un grand pays très atteint par le fléau alcoolique, au point que l’espérance de vie des hommes est plus faible là qu’au Bangla-Desh, le président local a décidé de favoriser la viticulture et la consommation de vin pour éradiquer celle de la… vodka. Oui, c’est en Russie que ça se passe et il n’y a pas de quoi rire. Medvedev a compris des trucs que, visiblement, notre président n’a pas encore intégrés. Dans cette préoccupation mondiale, la France fait encore figure de cancre à bonnet d’âne. Notre président aurait une bonne idée en consacrant les crédits alloués aux bandits prohibitionnistes, toutes ces assoces inutiles, à une vraie politique de défense et d’illustration de notre trésor culturel, le vin, ses pratiques, ses gens, ses paysages, son infinie diversité, ses intelligences. Comme le dit justement Jean-Michel Peyronnet, promoteur du projet Edonys TV et bête noire du CSA, la lutte contre l’alcoolisme passe par l’éducation du vin et sa consommation pour le plaisir, la découverte, la curiosité, si loin des beuveries. Maintenant, on dit binge-drinking, mais ça fait pareil que beuverie. D’une main, Juppé et Le Maire, deux ministres du moment, ont signé le Manifeste de Vin & Société, bravo, beau geste. De l’autre, Edonys TV s’est encore fait claquer la gueule, par le Conseil d’État, cette fois. Preuve, s’il en fallait une, que les autorités de notre République ne sont pas bien en phase avec les réalités du monde qu’elles sont censées gouverner. Il se passe avec le vin, et la télé du vin, ce qu’il se passait au début des années 80 avec les radios « libres », on va voir Peyronnet, en capitaine d’un cargo hérissé d’antennes, émettre depuis les eaux internationales. Pas sûr qu’il ait le pied si marin que ça.
Monsieur mon Président, sur les 2 à 300 millions boulottés par les assoces anti-vin, vous récupérez la moitié pour la dette et vous consacrez l’autre moitié à la promotion du vin sur le territoire national. Avec la progression de la consommation, vous récupérez plein de TVA dans des délais rapprochés, la dette diminue, la vie est belle, on garde le AAA, vous êtes un héros mondial.
C’est un bon deal, non ? Il aurait le mérite de vous réconcilier avec plein de Français. Pensez-y, Monsieur mon Président, la saison électorale ne va plus tarder.

La photo : Monsieur mon Président, pour fêter tout ce bonheur attendu, je nous ai mis une photo d’une bouteille de romanée-conti. Tant qu’à faire, le meilleur ira très bien. Je l’ai pécho sur le très joli site du DRC (D.R.)


vendredi 2 septembre 2011

Le classement Wikio de septembre, ça dérape


J'ai encore perdu trois places. Éjecté du TopTen. J'étais 10, je suis 13. Un vendredi, en plus. Lourd. Un type comme moi ne devrait jamais souffrir, mais bon, tant pis. Tout en haut du classement, Bourgogne Live avec une régularité horlogère. Après, ça part dans tous les sens. 2e, un site de vente. 3e, un blog régional. 4e, Delmas chasse Berthomeau d’un coup de rein. Miss Glou-Glou et Miss Vicky et Lost in Wine et Aurélia F sont derrière moi (ça, c’est fait), mais Œnos est devant, Eva fait de la résistance. Bon, tout ce bazar, on sent que le mois d’août est passé par là et on voit bien où sont les vacanciers. Au boulot, maintenant.
Voilà, en avant-première mondiale, les vingt premiers :
1 bourgogne live
2 WebCaviste.com
3 Le blog d'Olif
4 Sommelier-consultant, Paris
5 La Pipette aux quatre vins
6 Le Blog de Jacques Berthomeau
7 Oenos
8 Vendredis du Vin
9 Le blog d'iDealwine
10 Chroniques Vineuses
11 Monomaniaquement Alsace
12 Le journal du vin
13 Bon Vivant, le blog de Nicolas de Rouyn
14 Livr-esse
15 Miss GlouGlou
16 Lost in Wine
17 Miss Vicky Wine
18 Bu sur le web
19 Vindicateur
20 Du Morgon dans les veines

Le classement complet le 5 septembre sur le site de Wikio.

La photo : trouvée sur le Net (D.R.)

jeudi 1 septembre 2011

Je vais me payer Hervé Bizeul


Tout le monde connaît l’ombrageux Hervé Bizeul, l’homme à la dent dure et aux smileys opportuns, le blogueur passionné-passionnant, le viticulteur aux convictions hors-modes et qui ne craint pas le débat. Après sept vies antérieures, il a créé le Clos des Fées, un vignoble en Roussillon qui n’a pas tardé à apparaître en pleine lumière. L’ex-tout (sommelier, journaliste, restaurateur, …) a vite fait de prouver quelques aptitudes bien réelles dans la conduite d’un vignoble et son succès. La création de la-petite-sibérie, l’inconnu à 200 euros, a fait un tabac.
2 500 bouteilles sont vendues chaque année. Le reste de sa production est à l’avenant. Clos-des-fées vieilles-vignes, les-sorcières ou Walden, l’huile d’olive, tout est bien, tout est généreux, tout marche. L’affaire tourne rond. Aujourd’hui, Bizeul ouvre le capital du Clos des Fées. Pourquoi ? D’abord, pour tester son pouvoir de séduction auprès de quelques investisseurs (Bizeul aime qu’on l’aime, comme tout le monde). Ensuite, l’évaluation établie par un expert lui donne une photo intéressante du travail accompli en peu d’années, son domaine est valorisé autour de 7 millions d’euros, si j’ai bien tout lu. Clap-clap-clap, c’est du beau boulot. Enfin, parce qu’il est un garçon ambitieux. Deux fois. Une fois pour son domaine, une fois pour sa région. Pour son domaine, il a besoin de sous pour construire un nouveau chai et un caveau (il dit show-room, c’est drôle), pour acquérir des parcelles, pour donner un élan nouveau à son projet. Pour sa région, il veut des grands crus comme dans les régions viticoles françaises majeures. La-petite-sibérie, en voilà un grand cru du Sud. Il faut lui donner encore plus d’exposition.
C’est clair, son affaire a un potentiel de développement très intéressant. Aujourd’hui, il met sur le marché 1 500 actions à 1 000 euros pièce, avec un minimum d’achat de cinq actions. Il paraît assez évident qu’un certain nombre de passionnés de ses vins vont se jeter sur l’occasion de mettre un pied dans les secrets de Bizeul. J’ai bien envie d’en être. Si vous aussi, envoyez un mail à actionnaire@closdesfees.com

La photo : Hervé Bizeul de dos contemplant le cirque de Vingrau, tel Napoléon au soir d’Austerlitz, photographié par Mathieu Garçon. Cliquez sur la photo. En grand, elle vaut le coup d’œil, c’est beau le Roussillon.