Il y a quelques années, j’ai rencontré Laurence Berlemont. Elle venait de créer
la Ferme des Lices, le seul vignoble privé sur la commune de Saint-Tropez.
Une histoire épatante, une sorte de fédération de propriétaires de vignes,
elle avait repéré ce terroir de résidences secondaires, elle a su convaincre les vacanciers et elle fait de beaux vins bien connus sur le littoral, moins à Paris. Que font les cavistes ?
La Ferme des Lices produit du rouge, du blanc, du rosé.
Là, je me suis intéressé aux blancs dans six millésimes consécutifs. Une verticale, mais allongée dans le temps. Ces vins ont été bus à table sur une période de près de six mois, du début du printemps au début de l’automne 2013. Les voici dans l’ordre chronologique décroissant qui n’est pas celui dans lequel j'ai bu ces vins.
Ferme-des-lices 2011
Lui, il n’a pas eu de chance. Bu au restaurant dans des verres à dents. Un restaurant où tu dois apporter ton vin, le patron est musulman, il ne sert pas de vin, il n’a pas de verres, il ne sait pas, on ne peut même pas le lui reprocher. Pour le nez de ce 2011, on verra un autre jour, une autre bouteille.
En bouche, on est dans le Sud, immédiatement. Un très jeune Sud, le vin n’est pas encore en place. « Il est fuyant » dira l’une des convives, « il n’a pas d’âme » dira l’autre. C’est le problème de dîner avec deux filles. Il y a surenchère dans le teigneux (ici, smiley pour dire que c’est pour rire, on n’est jamais trop prudent). Les verres à dent ne l’aident pas, mais on sent du potentiel au fur et à mesure que la température du vin s’élève. À revoir.
Ferme-des-lices 2010
Une attaque d’agrumes qui se transforme en quelque chose de plus chaud, de plus ample. Un vin du sud sans la caricature, sans l’exagération. Une fin de bouche étonnante qui fait penser à un spiritueux, mais de grain, pas de raisin. En montant en température, il gagne en profondeur, en largeur.
Ferme-des-lices 2009
Le gras, l’aromatique, la droiture, l’ampleur, la longueur inattendue dans son caractère interminable, c’est le meilleur de la série ou, du moins, celui qui est le plus en place, le plus « prêt » à boire. Un bonheur aussi avec le temps qui passe dans le verre, changeant sans cesse pour prendre ses marques. Et nous les donner.
Bu avec une brouillade d’œufs, il se révèle un bon courtisan de la truffe blanche qui accompagnait ce plat, la première de la saison, arrivée dans les bagages d’un ami voyageur.
Ferme-des-lices 2008
Un premier nez alsacien, presque pétroleux et puis, très vite, tout s’arrange, on retrouve la pinède de la presqu’île. C’est chaud et enveloppant, comme Saint-Tropez. Ce 08 marque déjà son évolution, les fleurs jaunes sont là, les jonquilles. En bouche, c’est un vin gras qui prend toute la place, une belle structure qui pousse les joues de l’intérieur. C’est une jeune fille en vichy pâle, mais avec un certain toupet, des formes, un goût de jeunesse, c’est Bardot puisque c’est Saint-Tropez. Ailleurs, on penserait à quelqu’un d’autre.
Ferme-des-lices 2007
Une différence énorme avec le 2006. Le vin est beaucoup plus droit, plein, ferme. Des arômes de pêche et de réglisse, une pointe d'hydrocarbures à la manière d’un alsace. En bouche, un panier de cerises, une belle fraîcheur. « Ça finit en bonbon Kréma » dira une convive qui a de la mémoire.
Ferme-des-lices 2006
Rond, chaud, parfumé, doux, suave même. Un vin qui nous parle de volupté. Un vieux blanc, déjà. Trop vieux ? Pas vraiment, mais pas question de vivacité, bien sûr. La couleur vieil or est sublime.
La prochaine fois, on fait ça avec le rouge.
La photo : six millésimes entre ces deux flacons. La différence de couleur me paraît énorme.
Le blog de Nicolas de Rouyn
Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
lundi 28 octobre 2013
vendredi 25 octobre 2013
Saint-Émilion par temps clair
#VdV60
L’oxygène est le sujet de ce Vendredi du vin, soixantième du nom, soixante mois, cinq ans, un anniversaire pour cette sorte d’animation avec figures imposées à l’intention des blogueurs. Et, éventuellement, de leurs lecteurs.
Bien sûr, on lira des choses définitives sur l’oxygénation et l’oxydation, voire l’oxydatif, on s’envolera vers d’insoupçonnées altitudes, la poésie, parfois, marquera le tempo. Chacun ira de sa science, son émotion à la boutonnière, comme souvent.
Et moi, au milieu de toutes ces compétences, j’ai longtemps hésité à mettre le nez à la fenêtre. J’ai donc cherché ce qui me procurait le plus d’oxygène.
J’ai trouvé.
C’est le papier imprimé quand il prend la place des écrans de mes jouets. Le papier imprimé a une odeur délicieuse, pour un peu on a envie de le lécher, on lui veut une saveur. Naturellement, ce n’est pas seulement l’impression du papier en soi qui compte, c’est parfois aussi ce qu’on peut lire ou regarder. Alors moi, pour une bonne oxygénation de mes neurones, je me suis intéressé au bouquin sur Saint-Émilion rédigé par Éric Bernardin, une somme d’informations et d’intelligence assez rarement publiée s’agissant de vins où, accordons-nous là-dessus, le pompeux le dispute souvent à l’imbécile, à l’approximatif et au complaisant. Sans parler bien sûr, quand on se penche sur Saint-Émilion, du caractère odieux de certains commentaires depuis la promulgation du classement 2012.
Un livre, un gros livre, un grand livre, un beau livre.
Le titre « Crus classés de Saint-Émilion » ne laisse pas de place à la conjecture. On tape dans le sérieux, c’est l’encyclopédique qui prévaut, pas les petites blagues. Dans les premières pages, l’éditorial de Pierre Arditi fait plaisir à lire et le titre de la page 6 m’agace. L’auteur a cédé à l’ironie envieuse, il a imprimé l’idiote caricature, il a titré « Saint… et millions » la double page chronologique. Je n’ai pas vu le rapport, mais bon, je suis pas critique littéraire, non plus.
Respirons un bon coup (oxygène) et tournons les pages.
Un beau sujet sur les terroirs, les sols et quelques hommes et on attaque les châteaux, les vins, un par un, en commençant par Cheval Blanc et en finissant par Faugères. Et il n’y a pas que des crus classés puisqu’il y a Tertre-Rotebœuf. Chaque chapitre est consacré à un château et met en scène les gens, les vins, la philosophie, la géographie. Le complice de Bernardin, Pierre Le Hong, a fait un travail graphique remarquable. Pas d’une modernité folle, mais tant mieux, ce n’était pas le lieu.
Ce beau livre hautement recommandable devrait être lu par quiconque pense avoir un avis sur le vin (en général) et sur Saint-Émilion. On y lit, sous la plume de Bernardin ou dans la bouche de ses interviewés, beaucoup de choses intéressantes et parfois rafraîchissantes. Un bol d’air, quoi, avec du vent dans les cheveux et la lumière de la côte. Lu et rangé derrière moi dans la bibliothèque de mon bureau. La prochaine fois que j’aurai à écrire sur Saint-Émilion, je serai plus savant.
#VdV 60
(c'est le code, n'ayez pas peur)
La photo : est signée Mathieu Garçon, elle n'est pas extraite du livre de Bernardin. C’est la combe Rotebœuf, une des nombreuses failles dans l’est de la côte Pavie, un divin paysage, la civilisation est là. C'était un matin.
lundi 21 octobre 2013
Millésime 2013,
les premières impressions de Michel Bettane
Une grappe de cabernet-sauvignon dans les vignes de Meyney, à Saint-Estèphe |
Michel Bettane et les dégustateurs du Bettane & Desseauve ont traîné ici et là, de région en région, pour établir un premier aperçu du millésime 2013. Voici, en accéléré, le compte-rendu de Bettane qu’on peut lire en entier sur mybettanedesseauve.fr
Bordeaux : « les rendements sont faibles partout, 20hl /ha ou moins à Pomerol et Saint-Emilion, 25 à 30 hl/ha en Médoc. »
Certains alsaces « feront certainement des vins secs de qualité et de bon potentiel de vieillissement. »
Sur la côte de Nuits, « les rendements seront très petits, rarement supérieurs à 20hl/ha, ce qui causera certainement d’importantes augmentations de prix pour les crus les plus recherchés, et pour les autres de graves difficultés financières pour les producteurs. » « Les vins réussis ont de la couleur, une teneur importante en acidité malique, et des parfums très frais. Ils rappellent dans certains cas les 1978 ou les 1988 et devraient bien vieillir. »
En Beaujolais, « c’est partout une petite moitié de récolte normale mais avec des raisins en général assez sains, plus réguliers que les pinots plus au nord, et de solides promesses de qualité pour les crus comme Moulin à Vent, Morgon et Fleurie. »
Pour la Champagne, « il y aura de nombreuses cuvées millésimées et les prix ne baisseront pas, les raisins ayant été payés plus cher qu’en 2012. »
Dans la Loire, Bettane a « préféré les pinots du Sancerrois aux cabernets de Touraine. »
En Languedoc, ce sera une « belle année », mais le Roussillon signe « la grande réussite du millésime ».
Dans le Rhône, « les vignerons du Nord sont heureux. Et dans le Sud ? Michel parle de gros problèmes avec les grenaches.
L’intégrale du texte, tous les détails et les autres régions, ici.
jeudi 17 octobre 2013
La télé du vin en direct ici
Seule télé française du vin, Edonys TV émet depuis le Luxembourg pour cause de législation française complètement hystérique. Edonys TV est visible sur certains bouquets.
Elle est aussi disponible via DailyMotion et, donc, sur ce blog et en direct, s'il vous plaît.
On n'arrête pas le progrès. Merci qui ?
EDONYS - Live Stream par EDONYS_TV
Elle est aussi disponible via DailyMotion et, donc, sur ce blog et en direct, s'il vous plaît.
On n'arrête pas le progrès. Merci qui ?
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mercredi 16 octobre 2013
Des grands vins, les vrais prix
Voilà trois grands vins dans différents millésimes. Tous produits par l’iconique Henri Jayer, longtemps métayer du domaine Méo-Camuzet. Un type excellent, un maître de la Bourgogne.
Ce sont des prix de marché, pas d’épouvantables lubies de commerçants mus par un esprit de lucre hautement condamnable. Ce sont des prix de caviste, quoi. Haut de gamme, certes, mais caviste.
Il s’agit de bouteilles de 75 centilitres.
Les prix indiqués s’entendent hors taxes.
Ceux qui en veulent peuvent envoyer un mail de candidature à : rja@crus.fr
Vosne cros-parantoux 1979, 11 bouteilles, 4 850 euros
Vosne cros-parantoux 1978, 3 bouteilles, 6 750 euros
Richebourg 1980, 3 bouteilles, 5 850 euros
Richebourg 1971, 1 bouteille, 1 850 euros
Vosne-romanée 1959, 1 bouteille, 7 950 euros
Cette très basique et très « quotidienne » information devrait permettre à certains de revoir à la baisse leurs incompréhensibles crisettes immatures chaque fois qu'un domaine de Bordeaux augment ses prix de cent euros, ah, ah, ah.
La vérité des prix, elle est là et nulle part ailleurs. Je parle de grands vins, bien sûr.
Et qu'on ne vienne pas m'opposer la rareté, l'argument ne tient pas puisque la consommation est proportionnelle, sans doute, à la mise en marché.
La photo : elle est signée de mon excellent ami Armand Borlant, elle a été prise dans le chai de Millesima, négociant bordelais. Elle revêt soudain un sens nouveau.
lundi 14 octobre 2013
Trois champagnes et un sourire
Retour sur un classique pour commencer. Le brut sans année de Billecart-Salmon, à l’instar des productions de la maison, n’est pas très dosé. Dans une optique moderne, et parce que les raisins sont ramassés plus mûrs qu’il y a quelques années, les dosages baissent puisque les vins sont moins acides. C’est aussi une volonté affichée de la maison que d'élaborer des champagnes plus tranchants, plus vifs. Ce champagne, bu en magnum, a toutes les qualités attendues d’un champagne d’apéritif, une certaine modernité en prime. En plus, il a le coup de fouet précis, c’est agréable.
Je ne connais pas très bien Evelyne Roques-Boizel, présidente des champagnes Boizel, mais force est de constater qu’elle tient bien sa maison. Boizel fait partie du groupe BCC qui a toujours eu l’intelligence d’acquérir des maisons et de laisser à leur tête les dirigeants familiaux ou historiques et leurs descendants, même puisque la génération suivante pointe son nez aussi chez Boizel. Là, à l’occasion d’un déjeuner autour du 2004, nouveau millésime de la maison, nous avons découvert également un rosé particulièrement réjouissant. Comme les meilleurs rosés champenois, il est fort en couleur, comme il est tenu en goût. C’est Joyau de France rosé 2004, le haut de gamme de la maison, il m’a fait penser à mon chouchou du moment, dom-pérignon rosé 2003.
Dans le même groupe, de gros efforts ont été consentis pour relancer la marque Besserat de Bellefon qui en avait grand besoin. Sous cette nouvelle étiquette, voilà un champagne nouveau qui rejoint la cour des grands, tonique et joyeux.
La grande nouvelle de la semaine est l’arrivée sur le marché d’un 1999, la Cuvée des Enchanteleurs de la maison Henriot. Je ne sais pas comment ils s’y prennent, mais chaque fois qu’ils proposent un verre à boire, c’est très bon. Mais alors, très. Déjà, le rosé 89 en magnum était une absolue merveille qui m’a valu un petit succès un soir où je m’étais muni de cette bouteille pour dîner chez des gens chic. Là, le 99, un blanc cette fois, est une perfection ciselée, une dentelle, un sourire, une issue, une chance. Un champagne follement jeune, malgré ses quatorze ans révolus.
Au passage, félicitons les maisons capables de porter des stocks pendant quatorze ans pour le plus grand bonheur des amateurs. Et capables aussi d'élaborer des vins qui peuvent attendre.
mardi 8 octobre 2013
La fin du site 1855
Le temps est à l'orage chez 1855 |
Placé en redressement judiciaire, on ne voit plus bien quel artifice pourra sauver les aigrefins de la faillite et, espérons-le, de poursuites largement justifées. L’excellent journaliste Jérôme Baudoin a mené pour la RVF une enquête sans relâche depuis déjà longtemps. C’est lui qui annonce aujourd’hui le dénouement de l’affaire 1855, maintenant Héraclès. Pour lui rendre l’hommage qu’il mérite et pour donner encore plus de visibilité à cette excellente enquête, je publie ci-dessous l’intégrale, à peu près, de son article.
« Coup de tonnerre dans le monde de la vente de vins en ligne. Le tribunal de commerce de Paris a placé en redressement judiciaire, lundi 7 octobre, le groupe Héraclès, nouveau nom du groupe 1855. Une décision qui intervient après les multiples difficultés que rencontre le site de vente de vin en ligne depuis des années. En juillet dernier, une partie de ses stocks (21 000 bouteilles), avait été saisie à Bordeaux, puis vendue aux enchères. En septembre, le groupe Héraclès a tenté de se placer sous la protection du tribunal de commerce de Paris afin d’entamer une procédure de sauvegarde. Las, ses comptes étaient si désastreux qu’il a été considéré comme étant, aux yeux du tribunal, en cessation de paiement. L’épilogue était dès lors inévitable : le tribunal de commerce de Paris a prononcé hier sa mise en redressement judiciaire et nommé un administrateur judiciaire, Me Stéphane Gorrias, afin de gérer les créances impayées.
Discours arrogant
Ce matin, Héraclès n’a pas hésité ouvrir les pare-feu en publiant un communiqué de presse annonçant qu’il se plaçait "sous la protection du Tribunal de commerce de Paris". Héraclès n’hésite pas à en expliquer la raison : "Afin de mettre en place un plan de traitement global et équitable des derniers clients attendant des Bordeaux Primeurs". Le groupe considère que malgré les tensions rencontrées, il a livré pour 38 millions d’euros de vins en primeur au cours de ses dernières années et que la très grande majorité des clients a été livrée. Héraclès, par une pirouette sémantique, n’hésite pas à déclarer que ses problèmes comptables sont la faute de quelques clients qui profitent de procès pour réclamer des pénalités abusives. "Les plus patients de nos clients étaient devenus les plus pénalisés. Ceux qui avaient obtenu des astreintes et pénalités importantes absorbaient les ressources financières de l’entreprise, et faisaient retarder d’autant les livraisons des clients les plus patients". Et de poursuivre plus loin sur le même ton à la limite de l’arrogance ou de la cécité : « De plus, le niveau théorique de ces pénalités aurait pu à terme mettre en péril la pérennité de l’entreprise (un client a cherché à obtenir 150.000 euros de pénalités pour une commande initiale de 5.000 euros) ». En réalité, très peu d’astreintes ont été honorées par le groupe Héraclès. Voilà ce qui a déclenché les saisies sur stock en juillet dernier (lire La RVF n°575, octobre 2013).
Clients floués : deux mois pour se faire connaître
Selon la loi, la mise en redressement judiciaire de l’entreprise ne l’empêche pas de continuer son activité. L’administrateur judiciaire va devoir évaluer l’état des créances impayées et mettre en place un plan de redressement afin de rembourser les créanciers, notamment Pôle Emploi et l’Urssaf. Les clients particuliers de 1855.com non livrés ont quant à eux deux mois pour se faire connaître auprès de l’administrateur judiciaire. Passé ce délai, leur demande de remboursement de commande ne sera plus recevable. Malheureusement, et contrairement à ce que déclare le groupe Héraclès, des centaines de clients ne sont toujours pas livrés et ne le seront peut-être jamais. "Le groupe a peu de stock et peu de biens à vendre pour rembourser ses dettes. Et les marques ne valent plus grand chose", précise un fin connaisseur du dossier 1855 qui n’exclue pas des suite judiciaires à ce scandale. »
Et c'est signé Jérôme Baudoin.
Bravo pour l’enquête et merci de ces précisions indispensables que le monde du vin attendait. Ensemble, regrettons le sort qui attend les clients floués par ce site et ses satellites, Chateauonline, Cave Privée et Caves de la Transat.
Pour reconstituer une partie de l’affaire lire ici, ici et là.
lundi 7 octobre 2013
Des grands vins dans des verres sales
Les rosés de Vignelaure 2011 et 12 |
Personne ne connaît le château Vignelaure, fleuron de la viticulture provençale. Pas un caviste parisien n’en vend. Les cavistes, si prompts pourtant à revendiquer leur différence, mais là, non. Pourquoi ? Mystère. Un seul restaurant le présente à sa carte des vins, le Jules-Verne. Les USA, le Nord-Europe, l’Asie s’en régalent, deux départements de la PACA aussi, bonnes ventes à Bordeaux et basta. C’est pourtant l’un des plus beaux vins rouges de Provence, un assemblage très réussi de syrah et de cabernet-sauvignon, deux cépages qui vont si bien ensemble et qui distinguent quelques-uns des meilleurs provences. Trévallon est un bon exemple, oui.
Vignelaure a été créé de toutes pièces par Georges Brunet, un ami des arts et des artistes, qui venait du château La Lagune dans le sud du Médoc. Les premiers millésimes, on en boit toujours, ont démontré les qualités de ce terroir de demi-altitude. Après un court passage à vide, le domaine a été repris fin 2007 par Mette et Bengt Sundstrom, un couple de Scandinaves entreprenants et modestes dans leur approche, des gens de bonne humeur qui à force de travail et d’idées se sont fait une vie jolie. Ils ont nommé l’excellent Philippe Bru à la tête des opérations et 08, 09 et 10 sont trois millésimes très réussis. La moitié de la production du domaine est en rosé, histoire de faire tourner la maison, mais la grande affaire de Vignelaure, c’est le rouge, c’est pour ça qu’on l’aime, même si les rosés sont très bien. En attendant l’arrivée d’un blanc, mais Bru est exigeant.
Chaque fois qu’on se réunit, on goûte des vignelaures superbes. Ce jour-là, un somptueux 75 et un très jeune 99, un vin éclatant (et pas « explosif », l’idée d’un vin « explosif » m’ennuie profond). Qu’attendent les Legrand, Lavinia, Augé, Quenioux et tous les autres, ces cavistes sourcilleux tellement sûrs de la prééminence de leur rôle, pour proposer ça à leur clientèle ? Vignelaure, c’est même pas cher (23 euros TTC départ), en plus d’être un vin excellent.
Cette photo a été prise une autre fois, un autre déjeuner à Vignelaure |
Cette fois, le déjeuner se tenait au Jules verne, le restaurant badgé Ducasse au deuxième étage de la Tour Eiffel, haut lieu s’il en est du tourisme parisien de luxe. L’assiette était bonne et, franchement, ce n’est pas si fréquent dans ce genre d’endroit carrément over-priced. Si la vue est époustouflante, il s’y cache un gros souci, insupportable à ce niveau d’ambition et de tarif. Ben oui, la sommellerie est le problème, comme souvent ailleurs et comme déjà ici.
Cette fois, ce n’était pas un serveur en charge de la sommellerie (on ne peut pas écrire sommelier, c’est un métier) qui voulait absolument servir un vin bouchonné, têtu et sûr de son bon droit. Non, c’était pire. Les verres étaient sales. Mal essuyés, le verre vide dégageait un nez de fraîchin désagréable. La paraison de tous les verres avait des traces blanchâtres par endroits, une sorte de voile, pas net, pas propre. Pourtant, les verres étaient parfaits dans leur belle taille et finesse, mais j’ai oublié la marque inconnue. Mes collègues et moi étions effarés et, curieusement, nous n’avons rien dit. La lassitude, sans doute.
vendredi 4 octobre 2013
Le love-hotel de Xiradakis
Dans le salon de la Maison Fredon |
La Tupina est un restaurant que tout le monde connaît, fréquente, aime, déteste. Mais revient sans cesse. Jean-Pierre Xiradakis, maréchal-fondateur des lieux, n’y va pas de main morte dans le genre gros tempérament. Il est amical, chaleureux, agaçant, généreux, sensible, colérique, trop cher. Au fil du temps, j’y ai découvert nombre de bordeaux magnifiques et inconnus. En tous cas, le bonhomme est un gagnant qui, à partir d’une équation des plus basiques (entrecôte, frites, vin rouge, bonne humeur) a construit un tout petit empire dans une artère bordelaise au nom prédestiné, rue Porte de la Monnaie. En 1968, quand Paris vibrait et que la grève s’étendait partout, il créait son resto dans un quartier pourri des quais de Bordeaux, un vrai coupe-gorge qu’il a largement contribué à rénover, à tous égards et à une époque où la ville était, disons, en roue libre et le vignoble en déshérence.
C'est ça, Manara. Vous connaissez. |
À partir du navire-amiral La Tupina, il a développé une épicerie-table d’hôtes, un café ouvert sur le quai, un hôtel, une sorte de petite brasserie. L’hôtel est nouveau, juste en face de la Tupina, il s’appelle La Maison Fredon. Pour moi, c’était la première fois. Je le dis tout net, l’endroit est formidable. Et, contre toute attente, pas vraiment cher. Je n’ai visité qu’une seule chambre, la mienne et elle était épatante. Très beau volume XVIIIe, c’est-à-dire un rapport surface/hauteur sous plafond parfait (grande surface et grande hauteur, c’est mieux). Une chambre dédiée à Milo Manara, bédéiste italien surtout connu pour son célèbre « Déclic ». Il y a l’essentiel de ses albums dans la chambre, une table basse en forme de vitrine contenant des figurines de ses héroïnes, un immense miroir en bois doré le long du très grand lit, un éclairage finement conçu. Tout ceci fait une ambiance. Bizarrement, la salle de bains n’a pas l’indispensable baignoire double-dos, pourtant il y a toute la place requise, mais bon, Xiradakis expose dans tout l’hôtel, chambres et salon, une partie de sa collec’ d’art contemporain. Dommage qu’il ne collectionne pas les baignoires à pattes de lion. L’endroit est dédié, c’est clair. Venir seul comme je l’ai fait est une erreur, mais j’ai très bien dormi.
Deux détails de la table basse-vitrine aux figurines |
Le soir, on a dîné avec un couple de jeunes gens talentueux, Anne Le Naour et Thierry Perdigon. Elle fait les vins du Crédit Agricole (Meyney, Grand-Puy-Ducasse, etc), lui fait l’admirable haut-carles qui rend zinzins tous les dégustateurs du monde. Et eux, ensemble, ils ont fait un fils. Bref, on a bu meyney 09 suivi de haut-carles 05 et nous avons été heureux. Bonheur complété par un Stephen Carrier qui s’est soudain matérialisé dans le décor. Lui, il fait les rouges et les blancs de Fieuzal. Encore un talent. Encore un beau soir.
Le lendemain, déjeuner discret avec Alain Juppé et Jean-Michel Cazes (Lynch-Bages, etc), toujours chez Xira. Je ne vous dirai pas ce qu’on s’est raconté, vous le lirez dans le supplément mensuel du JDD, Mes Dimanches, début décembre. Juste confesser que si j’aime beaucoup Cazes et qu’on se côtoie depuis un moment, ce n’était que ma deuxième rencontre avec Juppé à cinq ans d’intervalle. J’ai pu confirmer ma première impression, ce grand homme de la politique française est drôle, sympathique, détendu et bavard. Il est simple, attentif, humain et normal. Il aime le vin et ceux qui le font. Nous étions cinq à table et on s’en souviendra. Je pense.
Plus sur Anne Le Naour, ici.
Plus sur Stephen Carrier, là.
jeudi 3 octobre 2013
Chouette, encore un nouveau champagne
Le graffeur André est un garçon vif. Il a des réflexes acquis sans doute à l’époque où il fallait savoir décamper quand il tagguait les murs de Paris avec ses petits dessins à la bombe de peinture et qu’arrivait la police. Et puis, le délicat et très démagogue Jack Lang ayant décidé que c’était un art, un street-art, André est devenu une vedette et maintenant, il signe avec son patronyme, plus seulement un prénom. Il s’appelle André Saraiva.
Fort de ce nouveau statut, il a vendu son talent ici et là, des œuvres ou des collaborations, on l’a même vu associé avec la famille Coste pour l’ouverture de l’Hôtel Amour, rue Clauzel à Paris, ex-quartier populaire devenu « SoPi », comprendre South Pigalle. C’est drôle, riez.
Voilà que ce garçon qui a le sens de ce qui va bien nous sort un champagne neuf. Moins de 5 000 bouteilles d’un brut millésimé 1999. C’est un très bon champagne, ouf. Bien évolué, il dit son âge. Il est dosé à 4 g/l de sucre, c’est-à-dire peu, il a été dégorgé il y a six mois et tout ça porte la marque d’une élaboration moderne. Il s’appelle Artéis & Co. L’habillage est fait pour plaire à cette population qui a besoin d’habillages plaisants. Il y a des petites blagues ici et là, une cocarde tricolore sur le dessus de la collerette, un « je t’aime » et des petits cœurs sous la capsule. Bref, ça rigole.
À suivre un rosé 2007 à 3 000 exemplaires et un blanc de blancs millésimé 2002 (1 690 bouteilles).
En précisant que ces champagnes sont en vente chez Colette, je crois que j’ai fait le tour de la question.
Le truc réjouissant, c’est l’apparition en rafale de champagnes nouveaux. Artéis après Brimoncourt. Si ni les volumes ni les ambitions ne sont comparables, j’aime bien cette idée tonique et innovante.
André Saraiva et son champagne |
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