Le blog de Nicolas de Rouyn
Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
lundi 28 mars 2011
Bordeaux : les primeurs en primeur, ça suffit
Michel Bettane, dégustateur de référence, se fâche et adresse cette lettre ouverte à Sylvie Cazes, présidente de l’Union des grands crus de Bordeaux. Où il est question de cette idée stupide d’accorder le droit de déguster avant tout le monde à quelques dégustateurs, dont l’inénarrable James Suckling. Si l’on ajoute à cette déclaration très tranchée de Michel Bettane les propos tenus la semaine dernière par Jancis Robinson, on dirait que la Semaine des primeurs organisée par l’UGC ferait bien de balayer devant sa porte de toute urgence.
« Depuis plus de vingt ans, j’ai été fidèle et loyal, et tous mes collaborateurs avec moi, envers l’Union en acceptant de participer à ses dégustations en primeurs au même moment que mes autres confrères.
Depuis le début, pourtant, les crus membres de l’Union ont accordé à certains confrères américains, puis français, le privilège de déguster les vins à part, plus tôt, leur permettant de livrer leurs commentaires avant les autres. Le ridicule de la chose et le manque d’égards à l’intention de ceux qui respectent la règle du jeu auraient du mettre fin depuis longtemps à ce privilège.
Ce n’est toujours pas le cas et je vois même que ce privilège s’est étendu. Cela conduit les journalistes respectant la règle à écrire leurs commentaires de plus en plus vite pour empêcher l’écart de publication d’être trop béant. Ce handicap s’applique aussi à Bettane & Desseauve et je le supporte de moins en moins, pour des raisons déontologiques évidentes et parce que nos commentaires sont de plus en plus instrumentalisés par le négoce et les propriétés, comme l’a récemment souligné Jancis Robinson.
Si rien n’est fait du côté des propriétés pour mettre fin aux échantillons présentés avant la dégustation générale et élaborés et envoyés (et donc dégustés) dans des conditions incontrôlées par les groupements de crus, ce sera la dernière année où nous jouerons le jeu général.
Je suis désolé d’en arriver là, mais il est insupportable de voir James Suckling délivrer ses commentaires deux ou trois semaines avant tous les autres et d’imaginer mes collègues de la RVF avoir des conditions spéciales de dégustation. Cela d’autant que de plus en plus de crus membres de l’Union ne supportent plus d’être dégustés à l’aveugle et nous forcent à des contorsions de visites peu compatibles avec ces dégustations collectives.
Sylvie, sache que je reste très attaché à tous les crus de l’Union, et que c’est pour eux, puisqu’ils ne le font pas eux-mêmes, que je réagis ainsi. »
Michel Bettane
La photo : Michel Bettane photographié par Fabrice Leseigneur
Grand Puy Ducasse est revenu
Nous voilà sur le quai à Pauillac. Une ambiance d’après la gloire, un peu triste, un peu à l’abandon. Sous le soleil avenant, on sent bien les souvenirs de grandeur, mais ici comme ailleurs dans les villages du Médoc, c’est fané, ça ne respire pas franchement la bonne humeur, l’aisance, le désirable. Et même pas l’argent. On fait tout autour de Pauillac quelques-uns des plus beaux vins de la planète et ça ne se voit pas. Sont-ils cachottiers, ces Médocains. Cette atmosphère un rien has been ne nous trompe pourtant pas quand nous entrons dans la cour de Grand Puy Ducasse, ce bel hôtel particulier à côté de la mairie. Dans sa sobriété et sa façade austère, ses hautes fenêtres, l’endroit n’est pas ostentatoire. Une fine équipe nous attend pour présenter les 2010 des châteaux du Crédit agricole, Meyney à Saint-Estèphe, Rayne-Vigneau à Sauternes et Grand Puy, ici.
Quand la banque verte a acquis ces domaines, on ne peut pas dire qu’ils étaient à leur mieux. Il y avait du boulot. Chacun se souvenait des grands meyneys et des grands rayne-vigneau des années 80. Ces flacons mythiques montraient la voie sur laquelle il fallait s’engager pour retrouver des couleurs. Ce que Thierry Budin, le patron désigné par la banque, avait bien compris. Aujourd’hui, bien calé entre Anne Le Naour, la nouvelle directrice technique (a fait ses classes chez Bernard Magrez aux côtés de l’excellent Ludovic David aujourd'hui à Marquis de Terme) et Alessia Amighetti, la discrète Italienne en charge de la com des propriétés du groupe, nous allons goûter les progrès accomplis. Ils sont réels. On n’avait jamais vu un grand-puy-ducasse à pareille fête. Le 2010 a plus de matière, plus de longueur, plus de fruit qu’aucun des millésimes précédents. Certes, le millésime est grand, mais là, chapeau. Il faut savoir que la quarantaine d’hectares de Grand Puy est réparti sur une soixantaine de parcelles distinctes, un vignoble à la bourguignonne, drôle de propriété bordelaise, compliquée à gérer.
Meyney s’affiche dans sa vérité de grand terroir de Saint-Estèphe (l’un des favoris de Michel Bettane) et les avancées à Rayne-Vigneau sont dans le verre. À table, nous goûterons un rayne 08 absolument fantastique. Qui dira la grandeur des jeunes sauternes, leur vivacité, leur légèreté admirable, cette gourmandise attendue ? Moi ? Bon, c’est dit.
Du coup, avec tous ses jolis vins, tout le monde et son voisin se sent bien. Il est temps de partir à Blaignan, la quatrième propriété du groupe dans le Nord-Médoc, vers Bégadan, pas loin de chez Jean Guyon, son haut-condissas, son rollan-de-by, son petit hôtel d’un luxe délicieux. Même de Pauillac, c’est loin. On traverse des campagnes et des étangs, des forêts. Un désert. Les vignes reprennent le dessus, on est arrivé. De gros travaux ont été conduits à Blaignan, pour donner toutes ses chances à ce petit bordeaux qui finit régulièrement autour de 10 euros chez le marchand. Le vin est bien dans sa gamme, sans grosse surprise, à part la cuvée spéciale qui est vraiment intéressante, mais sans doute pas au même prix.
Je n’étais jamais aller dans ce no-man’s land, entre océan et estuaire, il y a du souffle, j’y retournerai.
samedi 26 mars 2011
Larrivet, c’est bien parti
Douce chaleur et ciel vite contrasté au Ferret, on appelle ça des entrées maritimes, une histoire de marée qui commande aux nuages. On va goûter quelques millésimes récents des vins de Larrivet-Haut-Brion. Nous sommes réunis autour de la grande fille de la maison, Émilie Gervoson. Comme souvent, elle ne se fait pas remarquer parce qu'elle est jolie, elle est tonique, en plus. On la sent même assez courageuse. Très étonnant de la voir dans le train à l'aube en train de servir café et croissants à un parterre de journalistes blagueurs. Je pensais la retrouver à Larrivet, elle était au départ. Le bon mot vole bas, il est tôt (et encore, celui-là, c’était le meilleur). Après quelques années passées à Paris, peu à peu, elle s'intéresse à la propriété familiale, au vin. Elle a suivi quelques cursus raccourcis à la Faculté d’œnologie, à Bordeaux, elle envisage un diplôme, elle y va. En attendant, elle invente des trucs et des machins pour assurer la promo de la maison avec un bel enthousiasme, on sent une énergie, on présuppose de la volonté, on voit la générosité. Ainsi de ce voyage. Le principe est simple. Chaque fois que l’info paraît dans la presse, il faut s’inscrire sur le site du château et on est invité à passer une journée au Cap-Ferret pour déguster des huîtres de l’ostréico-star, Joël Dupuch (Les petits mouchoirs, le film), un type sympa et large d’épaules. Bien sûr, avec les huîtres, les blancs du domaine, des bons vins qui ne sauvignonnent pas exagérément. On goûtera deux, trois millésimes sur le sable avec un pique-nique. Après, c’est au château pour une dégustation du millésime 2010 et retour en train. Le plus fort de l’histoire ? C’est gratuit. Sans doute la seule chose gratuite offerte au public par le monde du vin. Bravo, Émilie, c’est cool.
Et le vin ? Ah oui. Depuis 2007, les vins sont faits par Bruno Lemoine, ex-Montrose (100 points Parker pour son millésime 1990). Et, depuis 2007, ces vins ont amorcé un virage stylistique très net, les vins sont plus denses tout en étant mieux définis, tout ça dans des niveaux de prix encore très tenus.
Et puis, il y avait aussi les chocos d’une jeune fille entrepreneuse en choco. Elle s’appelle Victoire, elle est drôle et jolie, elle va gagner avec ses chocos. Elle a appelé sa marque Abanico. Pourquoi, moi ? J’ai rien fait.
La photo : Émilie Gervoson sous le ciel du Cap Ferret
vendredi 25 mars 2011
Onfray-Kauffmann, l’intégrale enfin publiée
Derrière cette belle image d’un vignoble alsacien très bien tenu, notre premier dossier pour Le Monde Magazine sort tout à l’heure à Paris, demain matin en province. Où l’on se passionnera pour la conversation entre Michel Onfray et Jean-Paul Kauffmann, cette façon unique qu’ils ont de ramener les choses à notre niveau, le tien, le mien. Où l’on trouvera aussi une sélection des vins bordelais qui reprennent du poil de la bête après de plus ou moins longs errements, de marquis-d’alesme à fieuzal, ils sont tous là, commentés et notés par Bettane & Desseauve. S’y ajoute une courte mais délectable sélection de beaux blancs d’Alsace, parfaitement indispensables pour fêter comme il se doit le printemps qui pointe son joli museau. Chaussez vos lunettes.
La photo de la page d'ouverture est signée Mathieu Garçon
mercredi 23 mars 2011
Basile Tesseron est de bonne humeur
Voilà un garçon drôle et détendu. Mais, parmi tous les légumes du monde, celui qu’il aime le moins, Basile, c’est la betterave. Nous voilà assis chez Alain Passard pour goûter deux, trois lafon-rochet, dont un sublime 1986 et le 2010 en primeurs (un bonbon), son lafon-roset* de l’année et les vins de la ravissante Bérangère, son épouse, le délicieux château-larrivaux dans trois millésimes, 05, 07 et 10 primeurs. Au passage, nous avons appris les efforts déployés pour convertir peu à peu le domaine de Lafon-Rochet en bio. En 2011, dix hectares en bio et deux hectares en bio-dynamie, le garçon avance dans le sens de l’Histoire.
Fine ambiance autour de la table, comme toujours avec Basile et dans le droit fil des déjeuners donnés avant lui par Michel, son père. Oui, mais. Notre triple étoilé d’hôte avait prévu une sorte de défilé de la betterave dans tous ses états. Très artistique, amusant même et diététiquement parlant, rien à dire, c’était assez light pour réussir un déjeuner parisien sans conséquence. Mais la betterave dix fois de suite, voyez-vous, peut provoquer une petite lassitude dès le sixième plat. Le bougre ne manque pas de talent, sinon il n’aurait pas trois étoiles au Michelin, nous sommes d’accord. Il sait cuisiner le légume comme personne, ok. Mais aujourd’hui, il avait un peu oublié qu’il est également un rôtisseur hors pair. Pas si grave, une semaine avant, avec Catherine Corbon-Mellot et ses vins de Sancerre, nous avions fait le meilleur repas de la saison. Mais la betterave qui se tortille pendant trois heures d’horloge, quand même… Pour faire bonne mesure, le sommelier qui est un garçon spirituel n’a pas pu s’empêcher d’affirmer que « pour le vin, j’ai eu du mal. »
Nous aussi, vieux.
La photo : Basile Tesseron à l’Arpège, le 23 mars 2011 à l’heure du déjeuner.
*voir le billet « la meilleure de l’année » dans la catégorie « on les aime aussi pour ça », dans la colonne de droite
mardi 22 mars 2011
Perrier-Jouët à la Madonna
La vénérable maison d’Épernay annonce son bicentenaire quelques années après la République. Et, pour marquer le coup, a fait trois trucs dingues. D’abord, a mis à la disposition de la presse mondiale, voire au-delà, son président et son chef de caves dans les salons d’un grand hôtel parisien. La porte est close, une nuée d’attachées de presse pressées vous expliquent que vous avez dix minutes pas plus, dépêchons-nous. Vous êtes tout rose. Derrière la porte, Madonna, au moins, ou Sharon Stone, va savoir. Non, c’est Hervé Deschamps, le chef de caves, un bon gars simple et sympa qui fait des efforts pour avoir l’air de trouver ça normal, on rigole un peu pour se détendre. Pendant qu’on se raconte des histoires de dosage et de liqueur, d’acidité et de vins clairs, une attachée de presse passe le nez toutes les 30 secondes en poussant des soupirs agacés, qu’est-ce qu’il est lent celui-là.
Le deuxième truc, c’est le paquet-cadeau des deux siècles. Pour 10 000 euros seulement, vous achetez deux magnums de la cuvée Belle Époque 1998 sertis dans une œuvre d’art conçue par un artiste connu surtout de ceux qui le connaissent. Pour le prix, somme toute dérisoire, vous avez le droit de laisser la moitié du paquet, soit un magnum dans sa moitié d’œuvre, pendant cent ans. Mais pas au-delà. Il y a quelque chose d’étrange dans ce montage cinglé, mais aussi d’assez sympathique, l’idée de transmettre un magnum de champ’ enveloppé dans une œuvre. Pour les droits de succession, ça ne s’annonce pas simple.
Le troisième truc, c’est un dîner grand genre sous les verrières sublimes de l’école des Beaux-Arts avec tout le monde et Alain Delon (rien à voir avec le marquis de Las Cases). Une forte délégation de Japonais dont mon pote de Santiago, me demandez pas son nom. Ils sont très beaux, très bien habillés, les robes longues ont eu le temps de sécher et personne ne les snobe. Le patron de Lavinia est là, mais sans bouteille de beaujolais. Il y a aussi Bertrand de Saint-Vincent, il vous racontera tout demain dans Le Figaro. Il y a le lot habituel de longues filles en mode malnutrition, des garçons qui font les avantageux et deux ou trois qui baillent, ils doivent travailler demain, sûrement. C’est le énième chef à la mode de chez nous, Jean-Louis Nomicos, qui a fait la cuisine, c’était pas mauvais, pas trop long et le blanc de blancs Belle Époque était à son mieux et plus, même. Ce qui valait le détour. Et puis, un groupe de musicos a sonné l’heure du départ. Déjà ? Bon, bien.
dimanche 20 mars 2011
Le VinoCamp, sous les remparts
Carcassonne, fin d’hiver, le soleil ne s’est pas décidé, ni le chaud. Les grandes salles de la Chambre de commerce sont bien chauffées, elles, le brouhaha tranquille des gens qui sont contents de se retrouver, le café, les croissants, les bisous. Miss Glou-Glou, Miss Vicky, Amy Lillard qui fait du vin dans le Gard, les copines sont là et des amis de Facebook qu’on n’a jamais vu, des gens de tous âges, des filles et des garçons et beaucoup d’étrangers, anglophones de toutes provenances, Scandinaves, d’autres encore, il y avait aussi quelques buveurs de vin. Je suis au VinoCamp, le troisième après Paris et Beaune, le prochain à Lisbonne, et après c’est Bordeaux, le 9 juillet. Qu’est-ce que c’est, VinoCamp ? C’est un think tank, un rassemblement le plus informel possible (l’idée, c’est que ce soit cool) de blogueurs, de vignerons, de professionnels du vin, cavistes en ligne ou pas, agences de com, tout ça. Plus de cent personnes. Des journalistes, même. Mais très peu. Pas un seul des messieurs importants du genre n’a fait le déplacement. À part moi ;-)
Cette histoire est organisée par Grégoire Japiot, un pro des nouvelles technologies et Miss Vicky, fameuse blogueuse qui a tout compris il y a déjà longtemps, avec le soutien de quelques sponsors et de l’infatigable Ryan O’Connell, un jeune homme de 24 ans environ, enthousiaste, vigneron, blogueur, Occitan d’adoption, fan du Languedoc, sa terre promise, un patronyme hollywoodien, une énergie, c’est lui sur la photo ci-dessus.
Le thème général tourne autour du vin et des nouvelles technologies, comment faire parler de soi sur le Net, le commerce en ligne, le poids des blogs vs. la presse papier, etc. Toutes les heures, trois ateliers rassemblent les participants (c’est le principe : pas de spectateurs, que des participants), chacun ou presque y va de son avis, de son expérience, c’est intéressant ou moins, ça dépend des intervenants, comme dans la vraie vie. Grosso modo, se dessinent deux gros soucis. La monétisation des blogs, d’un côté et l’accès au grand monde, de l’autre. Les blogueurs et les vignerons, deux discours en parallèle. Ils se rejoignent parfois. Les blogueurs rêvent d’être les prochains Michel Bettane ou Robert Parker, et d’en vivre. Les vignerons veulent montrer leur production à tout le monde. Et en vivre, tiens. Tout ceci est aussi légitime que facile à comprendre. Reste que les uns perdront en crédibilité dès que la pub s’affichera sur leurs blogs et oublient que pour faire Bettane ou Parker, c’est vingt ans de travail assidu et que les autres voient dans Internet, une sorte de sauveur magique capable de résoudre tous leurs problèmes, ce qui semble très illusoire. On a vu ceux de l’appellation Corbières expliquer leur plan de com sur le Net, c’est bien, c’est un bon début et déjà, un bon débat. On s’est exprimé sur la fantasmatique frontière entre l’info et la com, cette tarte à la crème des journalistes qui méprisent les blogueurs comme s’ils étaient vendus au grand capital. On s’est expliqué sur les succès et les échecs de quelques tentatives, le cas d’Olivier B. entre autres ou celui de Cécile Costa, néo-vigneronne, deux hectares en production, tout son vin est vendu grâce à Twitter. On a glosé sur l’œno-tourisme, « la dégust’ pure et dure, ça ne marche plus. » On a essayé de donner un contour à des nouveaux métiers, community manager, par exemple. Et puis on a goûté des vins, pleins, une belle dégustation plutôt locale. Carcassonne domine la merveilleuse région de Cabardès où quelques-uns font de très jolis vins, ils étaient là.
Je reviendrai au VinoCamp parce que c’est passionnant à la fin toute cette effervescence, cette passion, cette intelligence, ces questions. Celui de Bordeaux, ça promet…
Tous les détails et la liste des participants sur : http://barcamp.org/w/page/34616100/VinoCampLanguedoc
samedi 19 mars 2011
L’énergie des dames bio
Déjeuner en compagnie de Véronique Drouhin et son frère Frédéric, respectivement œnologue et président de la belle maison Joseph Drouhin, à Beaune. Où l’on a goûté diverses choses passionnantes. Un chablis épatant à 12 euros, leur « nouveau » savigny-les-beaune 2009, tout de violette, et une cuvée très spéciale du Clos des Mouches, l’ouvrée-des-dames 2005. Ce vin présente deux particularités. Il n’a été vendangé que par des dames (oui, bon) et il a été pressuré dans le vieux pressoir de bois de la maison, un objet gigantesque qui date du XVIe siècle et dont il ne reste que deux exemplaires en Bourgogne, l’autre est au Clos de Tart. Chez Drouhin, ce pressoir est utilisé très rarement en raison des difficultés de mise en œuvre. Nous avons goûté cet ouvrée-des-dames en parallèle avec le clos-des-mouches standard (si j’ose dire). La différence est dans le vin. L’ouvrée-des-dames a plus d’énergie, sans doute un peu plus de profondeur, surtout en rouge. Il n’en existe que mille bouteilles dans chaque couleur. Elles seront commercialisées bientôt sous forme d’un coffret de deux bouteilles, un blanc et un rouge dans le millésime 2005. Par dessus les arômes uniques d’un montrachet 04, nous avons évoqué la maison Joseph Drouhin et appris que les 315 hectares bourguignons du domaine, dont 70 à Chablis, sont intégralement en bio-dynamie depuis le milieu des années 90 pour l’essentiel et le reste, au rythme des acquisitions. C’est certainement le plus grand domaine mené en bio-dynamie de France. Pourquoi ? Véronique Drouhin : « Mon frère Philippe (en charge de la viticulture sur l’ensemble des domaines Drouhin) ne trouvait pas de réponse dans ce qu’il est convenu d’appeler la viticulture conventionnelle à base de chimie. Il a donc décidé de tout passer en bio-dynamie vers 1995. Aujourd’hui, les résultats sont là. Et, vous savez, à Vosne-Romanée, on ne boit pas l’eau du robinet, alors pourquoi boire du vin pollué ? »
En voilà encore qui font bien, et depuis longtemps, sans le crier sur les toits. Pourquoi ? Sur les marchés d’export, les vins bio ou bio-d sont rangés dans les rayons organic wines. Chez Drouhin, on veut être avec les autres grands bourgognes. Ce que nous pouvons tous comprendre, non ? C’est pas compliqué, le commerce.
mercredi 16 mars 2011
La baronne, le marquis et le vigneron
Les grands rouges d’Antinori au Royal-Monceau, trop chic. Une dégustation formelle animée par le marquis Piero Antinori et son français rocailleux, événement rare, une fois tous les dix ans, peut-être. L’assistance était clairsemée, pourtant. Nous avons goûté un merveilleux blanc chardonnay-grechetto de 10 ans d’âge, le cervaro-della-sala provenant de son domaine en Ombrie et une mini-verticale de quatre millésimes de tignanello, un vin créé en 1971. C’est l’ancêtre des super-toscans, le premier (ou l’un des) à avoir lâché la DOC chianti-classico en assemblant du san-giovese à du cabernet-sauvignon et franc. Le san-giovese reste fortement majoritaire à 80 % et plus dans les quatre millésimes dégustés. Le 97 était plutôt fin, assez sec. Changement de style avec le 2001, plus opulent dans un plus petit millésime, mais le mien avait une pointe de liège. Le 04 confirmait l’option de vinification. Beaucoup de matière, très jeune encore, mais déjà une bonne évolution des tanins et une acidité qui présage d’un bel avenir. 2004 est un beau millésime toscan. Michel Bettane rappelle que le san-giovese est représenté en Corse par le niellucio. Le marquis moqueur dit que c’est une bonne raison d’aller en Corse. « Enfin ! » s’exclament quelques dégustateurs. Toute la classe se marre. Michel râle un peu, il aime la Corse, lui qui y a découvert tant de vignerons et les a portés sur le devant de la scène. Nous en étions là de nos considérations quand, soudain, coup de théâtre, l’affaire tourne au mondain. Une retardataire s’encadre dans la porte, accueillie d’un large sourire par le marquis. C’est Philippine de Rothschild, la baronne de Mouton. Rien que ça. Elle s’installe en minaudant au premier rang, comme une jeune fille faussement timide, « voilà, voilà, on vient, on vient », c’est du Molière. L’ex-sociétaire du Français s’y connaît. Deux, trois messieurs se lèvent pour saluer la baronne, une dame mitraille avec son iPhone, un zigoto donne du Monsieur le marquis et du Madame la baronne à qui mieux-mieux. Bon, on enchaîne ? La dégustation reprend sur un ton nettement plus enjoué. C’est le tour du 2007. Fermé à double tour (le san-giovese, il faut être patient), mais le marquis dit qu’il est possible que nous soyons devant le meilleur tignanello jamais produit par le domaine. « Ah oui », entonne la baronne. Bien. Moi, je file place Vendôme voir les Alsaciens, avec l’interminable tignanello plein la bouche. Là, c’est la cohue, une foule dense sous la verrière magnifique qui couvre le patio de l’hôtel d’Evreux. J’avise Jean-Michel Deiss, ça change de ton. Il fulmine, comme toujours. Bon, il est content d’avoir enfin obtenu une reconnaissance administrative, trois ans de bagarre, pour les grands crus d’Alsace, « mais on va pas rester là à servir des canons, alors que le Japon est à l’agonie, je ne sais pas encore comment, mais il faut que le monde du vin se mobilise pour aider, même de manière symbolique ». Sacré Jean-Mimi, toujours le cœur sur la main, jamais en retard d’un combat à mener, l’idée est lancée. Son altenberg-de-bergheim était sublime. Le lascar est très fort.
Voir sur ce blog Deiss et les deissiens, dans la catégorie « On n'a pas tous les mêmes people ».
lundi 14 mars 2011
Pinault rachète Château Grillet
L’info est surprenante ou inattendue, c’est comme vous voulez. Après Latour à Pauillac et un beau domaine en Bourgogne, l’homme d’affaires breton a acquis le mythique Château-Grillet. C’est Jean-Luc Coupet, moins célèbre mais très efficace, qui en a assuré la transaction. Pour les plus débutants d’entre nous, deux mots sur Château-Grillet. Il s’agit d’un tout petit cru de 3,5 hectares d’un seul tenant dans la partie dite septentrionale de la vallée du Rhône et qui produit un blanc immense, véritable déification du viognier. Ce domaine est une enclave dans l’appellation condrieu et, d’abord, une appellation à lui tout seul. Ce vin d’une pureté immense s’exprime pleinement au bout de quinze ans.
Voilà. La famille jette l’éponge, le condottiere s'installe. C’est dommage ? Ainsi va le monde. Allez, ça ne devrait pas vous empêcher de dormir.
La photo : le Château-Grillet entouré de ses vignes en restanques domine le Rhône. C'est pas mal, non ? Ce n'est pas Mathieu Garçon qui a fait la photo, mais elle belle quand même. Photo D.R.
jeudi 10 mars 2011
à Philippe Gimel, vigneron bio
Philippe m’a adressé, sur Facebook, un message très argumenté où, au calme qui a suivi la tempête déclenchée par mon précédent billet ( Le bio, non ne partez pas, ici), nous avons fini par nous trouver « 100% d’accord », selon ses propres mots de conclusion à nos échanges. Pour que les choses soient bien claires pour tout le monde y compris les plus poujadistes de la blogosphère, j’ai décidé de publier ma réponse à Philippe en l’étoffant un peu.
Bonjour Philippe,
D’abord, merci pour ce long message qui dit bien à quel point nous nous accordons sur le fond. Vous avez parfaitement raison en ce qui concerne l’amateur français, ce monsieur-je-sais-tout qui ne s’intéresse à presque rien, fort du fait qu’il s’y connaît comme personne. Mais il a des excuses, on lui a fait un coup terrible. Pendant des décennies, le vin était considéré comme un aliment et, à ce titre, ne coûtait pas cher ou peu. La culture chrétienne de la France avait acclimaté l’idée que le vin et le pain marchaient la main dans la main, base de notre alimentation. Une réalité qui a duré jusqu’à la fin des années 80, moment où le vin et le pain ont rompu. La globalisation des marchés et Robert Parker sont montés en puissance et le vin est sorti de la boucle pour devenir un produit de luxe. Dans le même temps, sous les coups redoublés de l’industrie chimique, la qualité des vins de consommation courante a connu un affaissement qui a déclenché une désaffection du public en même temps que les industries pharmaceutiques se livraient à des manigances éhontées pour mettre les Français sous anxiolytiques avec le succès qu’on sait (la France, premier pays consommateur). Lisez à ce sujet l’excellent édito de Saverot dans la dernière livraison de la Revue du vin de France (comme quoi…), même si tout est déjà dit dans son bouquin, c’est bien d’insister. Ainsi, de 1960 à 2010, la consommation de vin a été divisée de moitié dans un pays qui a vu sa population augmenter aussi vite que sa fréquentation touristique.
Depuis une grosse vingtaine d’années, prise de conscience environnementaliste issue des premiers écolos des années 70 (La Gueule Ouverte de Fournier, pour les plus cultivés d’entre nous) et une tendance « propre » a vu le jour dans les vignobles. D’abord hésitante, c’est devenu ce que les spécialistes appellent une tendance lourde. Vous pensez sûrement, Philippe, que ce n’est pas encore suffisant. Pourtant, il suffit de voir les chiffres de progression de l’agriculture bio pour se rendre à l’évidence. C’est non seulement un mouvement de fond très important pour la santé publique, mais également pour le retour aux champs d’une génération nouvelle. Le phénomène de désertification des campagnes est en train de s’essouffler, une nouvelle génération revient à la terre. Demandez aux responsables des coopératives dans tous les vignobles, ils ne disent pas autre chose depuis quatre à cinq ans. L’installation de jeunes professionnels est devenue une occupation à plein temps.
Aujourd’hui, le problème posé à la mouvance bio est le suivant :
Comment afficher les vins pour ce qu’ils sont au lieu de les enrober d’une sauce morale qui n’a rien à voir avec le goût du vin ? En sortant de la spirale dogmatico-militante. La communication qui met en scène le bio comme acte de foi n’est pas de nature à servir les intérêts de ceux qui les font. Pour vendre en Belgique, par exemple, tel producteur m’indiquait pas plus tard que lundi dernier qu’il retirait le mot bio de ses étiquettes. Pourquoi ? Parce que les Belges se sont fait fourguer il y a une dizaine d’années toute une théorie de vins bio imbuvables et qu’ils sont très remontés contre ces trois petites lettres dont ce n’était pourtant pas l’intention. Le discours bio-dur enferme ces vins dans le bas de la fourchette des prix. Pour peu qu’on y ajoute une étiquette à vocation rigolotte et l’affaire est pliée dans presque tous les cas.
À l’exception notable de quelques-uns (dont vous, Philippe), il est très difficile pour les producteurs bio de valoriser leur production à des niveaux de prix qui pemettent à la fois les investissements liés à l’élaboration de vins de haut niveau et la pérennité des domaines. D’ailleurs, les quelques producteurs qui sortent la tête de l’eau sont ceux dont les vins sont jugés bons ou très bons, mais le label bio ne leur sert à peu près à rien d’autre qu’à être en paix avec leur conscience d’être humain. C’est déjà beau, je vous l’accorde. Vous me dites qu’une « communication hésitante ou mal appropriée », ce n’est pas très grave face à ce que vous appelez « le prosélytisme des boîtes phyto ». Philippe, c’est exactement le contraire qu’il faudrait mettre en œuvre parce que la bagarre se joue sur ce terrain, pas sur celui des intentions, aussi pures soient-elles.
Je n’ai jamais goûté vos vins et j’ai lu partout les commentaires les plus élogieux.
À bientôt, oui. Au fond d’un verre, au moins.
Bonjour Philippe,
D’abord, merci pour ce long message qui dit bien à quel point nous nous accordons sur le fond. Vous avez parfaitement raison en ce qui concerne l’amateur français, ce monsieur-je-sais-tout qui ne s’intéresse à presque rien, fort du fait qu’il s’y connaît comme personne. Mais il a des excuses, on lui a fait un coup terrible. Pendant des décennies, le vin était considéré comme un aliment et, à ce titre, ne coûtait pas cher ou peu. La culture chrétienne de la France avait acclimaté l’idée que le vin et le pain marchaient la main dans la main, base de notre alimentation. Une réalité qui a duré jusqu’à la fin des années 80, moment où le vin et le pain ont rompu. La globalisation des marchés et Robert Parker sont montés en puissance et le vin est sorti de la boucle pour devenir un produit de luxe. Dans le même temps, sous les coups redoublés de l’industrie chimique, la qualité des vins de consommation courante a connu un affaissement qui a déclenché une désaffection du public en même temps que les industries pharmaceutiques se livraient à des manigances éhontées pour mettre les Français sous anxiolytiques avec le succès qu’on sait (la France, premier pays consommateur). Lisez à ce sujet l’excellent édito de Saverot dans la dernière livraison de la Revue du vin de France (comme quoi…), même si tout est déjà dit dans son bouquin, c’est bien d’insister. Ainsi, de 1960 à 2010, la consommation de vin a été divisée de moitié dans un pays qui a vu sa population augmenter aussi vite que sa fréquentation touristique.
Depuis une grosse vingtaine d’années, prise de conscience environnementaliste issue des premiers écolos des années 70 (La Gueule Ouverte de Fournier, pour les plus cultivés d’entre nous) et une tendance « propre » a vu le jour dans les vignobles. D’abord hésitante, c’est devenu ce que les spécialistes appellent une tendance lourde. Vous pensez sûrement, Philippe, que ce n’est pas encore suffisant. Pourtant, il suffit de voir les chiffres de progression de l’agriculture bio pour se rendre à l’évidence. C’est non seulement un mouvement de fond très important pour la santé publique, mais également pour le retour aux champs d’une génération nouvelle. Le phénomène de désertification des campagnes est en train de s’essouffler, une nouvelle génération revient à la terre. Demandez aux responsables des coopératives dans tous les vignobles, ils ne disent pas autre chose depuis quatre à cinq ans. L’installation de jeunes professionnels est devenue une occupation à plein temps.
Aujourd’hui, le problème posé à la mouvance bio est le suivant :
Comment afficher les vins pour ce qu’ils sont au lieu de les enrober d’une sauce morale qui n’a rien à voir avec le goût du vin ? En sortant de la spirale dogmatico-militante. La communication qui met en scène le bio comme acte de foi n’est pas de nature à servir les intérêts de ceux qui les font. Pour vendre en Belgique, par exemple, tel producteur m’indiquait pas plus tard que lundi dernier qu’il retirait le mot bio de ses étiquettes. Pourquoi ? Parce que les Belges se sont fait fourguer il y a une dizaine d’années toute une théorie de vins bio imbuvables et qu’ils sont très remontés contre ces trois petites lettres dont ce n’était pourtant pas l’intention. Le discours bio-dur enferme ces vins dans le bas de la fourchette des prix. Pour peu qu’on y ajoute une étiquette à vocation rigolotte et l’affaire est pliée dans presque tous les cas.
À l’exception notable de quelques-uns (dont vous, Philippe), il est très difficile pour les producteurs bio de valoriser leur production à des niveaux de prix qui pemettent à la fois les investissements liés à l’élaboration de vins de haut niveau et la pérennité des domaines. D’ailleurs, les quelques producteurs qui sortent la tête de l’eau sont ceux dont les vins sont jugés bons ou très bons, mais le label bio ne leur sert à peu près à rien d’autre qu’à être en paix avec leur conscience d’être humain. C’est déjà beau, je vous l’accorde. Vous me dites qu’une « communication hésitante ou mal appropriée », ce n’est pas très grave face à ce que vous appelez « le prosélytisme des boîtes phyto ». Philippe, c’est exactement le contraire qu’il faudrait mettre en œuvre parce que la bagarre se joue sur ce terrain, pas sur celui des intentions, aussi pures soient-elles.
Je n’ai jamais goûté vos vins et j’ai lu partout les commentaires les plus élogieux.
À bientôt, oui. Au fond d’un verre, au moins.
samedi 5 mars 2011
Clémentine a bu du vin de messe
Revoilà la jolie Clémentine, mon invitée que j’ai. Elle a toujours 24 ans, est toujours aussi pragmatique, insolente. Elle fait toujours dans la complaisance zéro. Elle représente parfaitement sa génération, ne connaît pas l’histoire, se fout des icônes de ses aînés, s’en tient à ce qu’elle voit-boit. Elle a assisté à un dîner-dégustation dont elle ricane, bien sûr. Elle oublie un peu vite que les dîners organisés par sa victime du jour sont d’une autre qualité que certains autres qui coûtent cinq fois plus cher, où l’on « déguste » des vins morts et où l’animateur-organisateur ne s’exprime qu’en onomatopées ponctuées de banalités, ce qui n’était pas le cas cette fois. Mais bon, il va falloir apprendre à convaincre cette bande de jeunes qui aime le vin et arrive dans les rayons sans trop d’a-priori ou certitudes, mais avec ses applis i-phone, ses illusions vertueuses et son manque de préjugés. Avant d’essayer de lui vendre vos vins, écoutez-la.
« Tu te souviens, gamin, de cette corvée dominicale qu'on appelle la messe?
Un sanctuaire immense et froid, toi t'es tout petit, tout perdu, ça te fait chier comme pas permis, mais on t'a pas demandé ton avis, comme d'hab. Un long moment à passer, surtout si t'as jamais été touché par la Grâce divine. Pour te faire plaisir, on t'a propulsé au milieu des allées avec une corbeille pour ramasser des sous à la fin. En plus, c'est même pas gratuit, tu cries au scandale, on t'explique que c'est pour entretenir l'église.
Mon cul oui, les pierres sont aussi noires que les dessous de tes ongles et il fait froid comme quand tu sors de ton bain. Les sous, tu vois très bien où ils finissent, le mec sur l'estrade a autant de bagues qui brillent à ses doigts que tes deux grand-mères, tes quatre tatas, ta mère et ta belle-mère réunies.
En grandissant, tu relativises, tu continues ou tu arrêtes de te lever tôt le dimanche, c'est ton choix, t'es content.
L'autre jour, j'ai assisté à la plus inattendue des célébrations.
Tu sais, un peu comme quand tu vas chez ta mère pour le poulet du samedi midi et qu'à la place, elle te sert des lasagnes Picard qu'elle vient de réchauffer au micro-ondes. Tu t’attendais à prendre ton pied mais finalement tu te fais juste baiser.
Un amateur d'excellents vins, dont les goûts me vont aussi bien que mon dernier vernis à ongle bleu-nuit, m'a proposé de le remplacer à un dîner-dégustation au programme des plus alléchants.
J'ai applaudi des deux mains (ça fait sécher le vernis plus vite) et j'ai mis un gros coeur dans mon agenda. J'aime boire, de bons vins tant qu'à faire, et j'aime manger, de bons plats en accord avec les vins tant qu'à faire.
La soirée débutait à 19h30, à 20h j’étais encore à tourner autour du restaurant comme une hyène autour d'un troupeau de zèbres. Issy-les-Moulineaux, c'est la proche banlieue. Proche comme « oublie l'idée de te garer, y a pas de place », banlieue comme « oublie l'idée de venir en métro, y en a pas ». Un retard tout ce qu'il y a de plus banal somme toute pour un dîner, mais les offices, eux, commencent à l’heure. Donc, la cérémonie avait déjà commencé dans une vraie belle cave.
Moi, ma fourrure et ma coupe de champ’, on s'est calées contre une caisse de Schoenenbourg 2007 du Domaine Marcel Deiss qui dormait là, pour écouter un petit bonhomme à l'air grave parler des bulles et de la voûte. Une dizaine de personnes, la mine inspirée, le nez plongé dans la flûte, écoutait religieusement sans piper mot. J'ai failli entonner un « plus près de toi mon Dieu », mais on m'a collé une verrine dans la main. J'ai dû poser ma coupe sur Marcel pour avaler une betterave en mousse, Marcel a été cool, il n’en a pas profité pour me siffler le champ’, maintenant on est potes à la vie. J'aurais pas voulu passer toute la soirée là, je me voyais mal dîner debout, ça tombe bien on a fait demi-tour, à la queue leu leu entre les caisses.
Partout des grands vins, j'aurais bien glissé un carton ou deux sous ma fourrure, mais j’avais personne pour faire le guet. Notre guide avait un trousseau de clés digne de celui de Passe-Partout dans Fort Boyard, le truc qui en impose. J'aimerais pas être sa femme et qu'il me confie les clés, un coup à déformer le sac Darel.
On passe aux choses sérieuses. Je suis à droite de Dieu le Père, nous sommes douze apôtres, un ange passe. On découvre les vins des villages de la Côte de Beaune qui vont nous êtres servis, les plats qui ont été réfléchi pour. C'est joli sur le papier. Dix vins, de 2007 à 1910. Un chablis, un chassagne-montrachet, un ladoix, cinq cortons et un porto en bénédiction finale.
Parmi les vins, deux intrus. Un vin-surprise en bonus, pas inscrit sur la feuille parce que c'est une surprise. Et un vin sans étiquette parmi les cortons, le dernier, 1959 ou 1955, on sait pas trop, mais non reconnu comme un corton par le maître de cérémonie après dégustation. Il passe de l'avant-dernière place de la dégustation à la troisième. Moi, je l'aurais plutôt mis juste avant le premier corton. Histoire de pouvoir comparer et nous aussi, comme Jésus, rendre témoignage à la vérité.
Donc, je demande pourquoi on l'a mis là et pas là. Sois patiente et tu verras, me répond le gourou. Tout le monde rigole, genre elle est con ta question. Sauf qu'elle est complètement hors sujet sa réponse, je suis pas plus avancée. Suis carrément vexée. Je boude un peu.
Autour de la table, c'est pas très drôle non plus. Un couple de carpes qui ne mouftera pas de la soirée. Un groupe de potes trentenaires, habitués du lieu et du cérémonial roulent des mécaniques, genre à l'aise dans l'exercice. Exécrable. Une Ukrainienne au nom imprononçable qui s'est surement perdue dans le quartier et s’est installée à table, attirée par le feu dans la cheminée.
« On n’est pas nez pareils » lance le top départ. On aura le droit à un évangile pour chaque vin. Les dates importantes du millésime, les événements marquants. C’est ludique. Un peu chiant en fait, mais comme personne parle, ça meuble.
Dans l'assiette, c'est pas trop funky non plus. On n’est pas chez Senderens. Deux vins sur un plat, parfois trois. Et des verres qui dégagent la même odeur métallique que les barres en fer auxquelles tu t'accroches désespérément aux heures de pointe dans le métro.
Les vins sont servis, les assiettes suivent.
Une florentine de saumon écossais label rouge pour le chablis 1er cru les-vaillons 2007. La florentine, c’est des épinards avec du saumon mariné ; le chablis, c’est du blanc. Un vin droit et minéral, avec une belle amertume d’agrume. Idéal avec le poisson cru, mariné ou carrément avec des fruits de mer. Joli accord avec le saumon mariné, donc. Les épinards, eux, on se demande ce qu’ils viennent faire là. Comme si le rabbin de la synagogue voisine se ramenait au moment de l’eucharistie. Leur amertume fait disparaitre le malheureux chablis de Dauvissat qui n’avait rien demandé à personne. Heureusement, le chassagne-montrachet 1991 de Louis Carillon vient à la rescousse. Servi avant la fin du plat, il prend le relais et tient tête vaille que vaille aux épinards.
On enchaine avec le corton « mystère » et un ladoix 1er cru la-micaude » 1988 de Capitain, servis sur une aumônière d’ombrine aux petits légumes et coulis de poivron. Sur le papier, ça commence mal, Capitain a perdu un « i » dans la bataille. Le corton en est, en est pas ? Faux débat qui retombe comme un soufflé. La salle replonge dans sa soumission assumée et l’aumônière passe comme une ombre.
Ensuite, c’est le bordel, je sais pas s’ils se sont embrouillés dans le service des vins ou quoi, mais on nous a servi un corton grand cru les-renardes 1988, du toujours bien mal nommé « Capitan », logiquement je pensais voir arriver une assiette ficelée cahin-caha pour un accord. Mais la serveuse à qui on aurait donné le bon dieu sans confession a soudain été possédée ; les trois derniers cortons ont directement atterris dans trois verres devant moi.
Le malheureux canard aux fruits confits a fini par faire son entrée. Mais, seul face à quatre vins, il n’a pas pu faire grand-chose pour se défendre. Ils l’ont un à un assommé sur l’autel de mes papilles.
Au milieu de ce gang de malfrats, un ange tout droit venu de là-haut est apparu. Le corton- bressandes 1966, fait par Joseph Drouhin. Je sais pas si sa mère s’appelle Marie et tente de faire gober à tout le monde qu’elle est vierge, mais le vin de son fils, c’est un miracle.
J'étais dans un état avancé de léthargie, un peu comme papy devant le Tour de France, quand soudain, dans un souffle tragique, le vin-surprise a été annoncé.
Me suis un peu cru à la foire, quand on annonce la femme à barbe et que les gens s'agglutinent, poussent pour être au premier rang. Nous, on est civilisés, et puis on était déjà assis alors tout le monde s'est contenté de se contorsionner sur sa chaise en levant légèrement les fesses pour L'apercevoir. Le Maître s'est levé, une jeune femme au corsage bien garni a poussé le chariot à fromage réquisitionné pour l'occasion où trônait LA bouteille, et tout le monde s'est tu. Ce qui n'a pas fait grande différence. Après, je crois qu’on est entré dans un monde parallèle, une quatrième dimension, on a du être aspirés par un truc pas net parce que l'officiant est juste devenu illuminé. Vous saviez, vous, que la cire pouvait être redoutable ailleurs que sur mes jambes chez l'esthéticienne ? Sur notre bouteille-surprise, elle était bigrement redoutable, la coquine. Le bouchon lui était carrément vivant, mais âgé. Après, ça a un peu dérapé, il a attrapé un tire-bouchon, plaqué la bouteille en hurlant qu'il enfonçait le tire-bouchon, là j'ai carrément eu peur pour ma virginité. Le bouchon nous attendait depuis très, très, très longtemps qu'il a dit, même qu'il était un peu mou. J'ai eu moins peur pour ma virginité. C’était très émouvant, en tout cas il était très zému et il a pas arrêté de nous demander si on ressentait l'émotion. J'ai fini par ressentir l'émotion quand j'ai enfin eu le droit de voir le vin dans mon verre. C'est vrai qu'il était chouette à l'œil, un vieux vin du Jura, à la robe d'un doré un peu sale. Normal à 104 ans. Un don du coeur de l'Immaculée Conception parce qu’il est fait par des bonnes sœurs, paraît-il. Servi avec deux morceaux de stilton affinés par Marie Quatrehomme (sûrement pas vierge, celle-là), il m’a presque convaincu de faire mes vœux. Malheureusement pour ma carrière de Sainte-Nitouche, il s’est très vite volatilisé, j’ai retrouvé mes esprits et confirmé ma candidature comme playmate chez Playboy.
Qu'est ce qu'on retient après dix vins et cinq plats? À part les 300 euros réglés au prêtre, pas grand’chose. La quête a été bonne, les ouailles ont l'air ravies. Moi, je me l'étais déjà dit, les messes, c'est pas mon truc. La prochaine fois que mes boots foulent un sol sacré, c'est Routard sous le bras, appareil photo en bandoulière, et surtout pas d'audio-guide, ça gâche tout le plaisir.
Clémentine de Lacombe
Envoyé de mon iPad (what else ?) »
Un corton-bressandes 66, l'un des cortons bus ce soir-là. Clémentine de Lacombe a fait les photos avec son iPhone (what else?)
jeudi 3 mars 2011
Le désir d'abord
L’excellent Pierre Seillan a de nouveau 100 points chez Parker avec l’un de ses vins du domaine Vérité dans la Sonoma en Californie. Mais pas le même vin. Cette fois, c’est Le Désir. L’année dernière, c’était La Joie. Si j’ai le choix, je préfère le désir. Souvenons-nous des manuels d’éducation civique de la République de Vichy. Il y était dit que : « la joie élève et le plaisir abaisse. » On comprend mieux le reste. Le désir, donc, qui vrille les tempes. Au moins celles de Robert Parker, c’est déjà ça.
Celà dit, n’allez pas croire que ses deux autres vins ne valent pas un clou. Ils ont obtenu respectivement 96 et 96+. Vive notre Pierrot national. Pour info, vous aurez un peu de mal à trouver les vins de Vérité en France ou alors en appelant la maison Mälher-Besse, négociant bordelais distributeur de Vérité dans l’hexagone. Sinon, essayez son saint-émilion, l’excellent château-lassègue. Ou son super-toscan de la Tenuta di Arceno. Débrouillez-vous comme vous voulez, mais goûtez-moi tout ça.
mardi 1 mars 2011
Plein de vins à goûter, chouette
Les Rencontres vinicoles, c’est une belle journée parisienne où, comme souvent, un jury décerne un prix à un producteur pour l’excellence de sa production. L’an dernier, c’est notre cher Charles Rouy qui avait été distingué pour l’une des cuvées de son château d’Ollières, en Provence. Ce qu’il y a d’inhabituel, c’est la liste des participants. Il n’y a pas tout le monde, loin de là. Mais, beaucoup de grands noms qu’on ne croise pas si souvent. Trévallon, Daumas-Gassac, Sociando-Mallet, Léoville-Poyferré, Pibarnon, Les Garcinières, Ferraton, le champagne Alfred Gratien, d’autres, plein d’autres. Il y a aussi toutes sortes de petits domaines à la notoriété moins affirmée et, cette année, un fort détachement aubois composé de huit maisons. C’est l’occasion de renouveler son portefeuille d’idées toutes faites. Pas si mal.
Le jury change chaque année autour d’un noyau dur composé de Gérard Margeon, l’acheteur du groupe Ducasse, de Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde et du journaliste-critique Bernard Burtschy.
Chaque fois, c’est environ un millier de professionnels qui assiste aux dégustations. Cet événement est, en effet, réservé aux seuls pros (sommeliers, cavistes, restaurateurs, acheteurs), aux journalistes et aux bloggers.
Cette 26e édition se tiendra le mardi 15 mars de 14 à 20 heures au Pavillon Kléber, 7 rue Cimarosa, dans le XVIe arrondissement de Paris. Un mardi après-midi avec un truc à faire, ouf.
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