Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 8 octobre 2012

Le terroir, ça se mange pas



Le classement de Saint-Émilion est passé, consacrant les uns, froissant les autres. Ainsi va le monde, le bonheur des uns, etc. Plus étrange est la réaction de certains, pourtant connus pour avoir du vin une vision plutôt équilibrée et plutôt critique. Ainsi de mon cher Bernard Burtschy, fin dégustateur et garçon mesuré avec lequel j’ai eu la chance de travailler il y a quelques années et dont j’ai beaucoup appris. Quelle mouche l’a donc piqué et poussé à écrire de cette affaire de Saint-Émilion que c’est : « un classement qui tient plus compte de la qualité intrinsèque du vin que du terroir » ? Ceci posé sur l’air de « tout fout le camp », comme si cet état de chose était regrettable.

Moi, le vin, je le bois et le terroir, je ne le mange pas.
Ce qui explique que je sois satisfait d’un classement qui privilégie la qualité du vin sur des considérations plus techniques, géologiques, etc. Dit comme ça, on croirait une grosse banalité, mais, apparemment, tout le monde n’est pas d’accord.

En fait, Burtschy rejoint une certaine mouvance qui a du mal à reconnaître qu’un grand vin, c’est surtout une affaire de grand homme (ou femme, ce n’est pas le débat). Le terroir ne vaut rien s’il n’est pas sublimé par le travail acharné et interminable du type qui le cultive. Il y a Pavie, grandiose terroir tombé en déshérence et redressé jusqu'à la suprême récompense à force de passion, d’investissements, de travail, quoi, par un homme qui n'a jamais rien lâché, Gérard Perse. Quand il avait acheté Monbousquet, la gentry locale s’était gaussée de cet épicier qui avait acquis un terroir minable. Sauf que, dès sa première vendange, il avait fait taire les ricaneurs en sortant un vin qui, vingt ans après, est considéré comme l’un des vingt meilleurs de ce millésime difficile (1993).
Voilà maintenant qu’on nous explique que Angélus, moins grandiose terroir peut-être, dérange ce podium à quatre places. Et pourquoi, s’il vous plaît ? Hubert de Boüard, très fin vigneron, n’a pas chômé, il a porté lui aussi son vignoble (et son appellation) tout en haut du possible à force de travail et de talent. Son vin, reconnu dans le monde entier, a réussi là où d’autres ont échoué. Sa nouvelle position de premier cru classé A est légitime et méritée.
Souvenons-nous de ce mot de Denis Dubourdieu : « Un terroir, c’est un terrain avec un mec dessus. »

Dans le même ordre d’idées, je ne vois pas pourquoi Burtschy regrette ce qu’il appelle « une large promotion ». Chacun sait que les vins de Saint-Émilion, sans doute mieux qu’ailleurs, ont fait des progrès considérables dans les dix années écoulées. Il est donc normal qu’un certain nombre d’entre eux accèdent au statut de grand cru classé ou de premier cru classé. Le travail accompli ici et là, la qualité des vins, justifie tout ceci et amplement. Pourquoi laisser croire que ce classement fait un consommateur floué ? En quoi, d’ailleurs ? Ça trompe qui de voir Larcis-Ducasse, La Mondotte, Valandraud et Canon-La Gaffelière avec la médaille à la boutonnière ? Ils ne sont pas assez bons pour ça ? Eh, oh, faut pas tout mélanger et, de toute façon, ces vins sont déjà tous pré-vendus à des prix « d’étrangers ». On est loin du consommateur, ce fantasme bien arrangeant.

À part la tartouille de l’intégration de La Magdelaine dans Bel-Air-Monange, ce classement 2012 est plutôt juste. Nous ne présentions pas autre chose quand nous avons publié les pronostics bien vus de Thierry Desseauve, grand connaisseur de la Rive droite, ici, ici et ou quand nous faisions état des rumeurs, sans vraiment d’erreur (merci, Marilyn Johnson), la veille de la publication du classement, ici.

La photo : Saint-Émilion a un très gros clocher, pratique pour abriter les multiples querelles (photo Ni-Phone and me).

20 commentaires:

  1. Nicolas :

    Calmons, si faire ce peut, ton courroux :-)

    Bernard se place là dans un choix en amont qui peut se résumer ainsi (et Michel Bettane l'a parfaitement exprimé dans un de ses billets) :

    - soit on a des classements comme à Bordeaux "rive gauche" où le 1855 a été bâti sur les valeurs commerciales de l'époque, avec la prise en compte du prestige du moment

    - soit on a des classements comme en Bourgogne, beaucoup plus pérennes, où ce sont des terroirs, des "climats" qui ont été définis.

    Il est évident que Bernard aurait souhaité un classement de cette rive droite "à la bourguignonne". C'est simplement cela qu'il sous-entend dans son article.

    Maintenant, chacun accepte ou pas tel ou tel type de classement. Hervé Lalau, sur son blog, cite un "sondage" de Decanter où 70 % des sondés disent se moquer totalement de ce classement nouveau. Et idem aux USA sur le site de Parker/Squires.

    En Bourgogne, le principe est simple : un vigneron n'est pas éternel. Et donc, si sur un terroir de qualité il y en a qui font mauvais, rien ne permet de dire que les successeurs ne feront pas mieux.Donc, on privilégie le lieu et non l'homme du moment.

    A Bordeaux - mais il aurait suffit de bien le dire, non ? - on consacre un travail. Et là, ton argumentaire est plus que juste.

    Ensuite, certains vont dans d'autres détails qui peuvent alimenter des soirées de niveau 2 : si on se réfère à la rive gauche, qui contient un nombre considérable de propriétés (avec seulement 5 PCC), la petite surface de St Emilion bénéficie, proportionnellement, d'un nombre bien plus conséquent de domaines classés. Ou quand l'inflation réduit l'impact des choses.

    Bernard, qui a dégusté tous ces vins au GJE ne remet pas en cause ces qualités exceptionnelles de quelques vignerons, propriétaires qui ont fait des choses de tout haut niveau, s'inscrit simplement dans une autre approche qui mérite, autant que l'autre, d'être présentée et discutée.

    A Villa d'Este, où seront là Gérard Perse, Hubert de Boüard, toi, Bernard, on pourra discuter de cela avec un bon barolo, histoire de rester neutres :-)

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    1. Des valeurs commerciales considérées sur quelques siècles, ça donne un peu d'épaisseur à la chose, non ?
      Quant au découpage territorial des AOC, 1936, c'est déjà une éternité ...

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  2. Zéro courroux, mon François. J'ai trop d'estime pour BB pour avoir du "courroux".
    Mais je pense que le consommateur auquel il se réfère se moque bien des terroirs, il veut des classements qui reflètent l'état de l'art.
    Tu dis : "on privilégie le lieu et non l'homme du moment."
    Dans le cas d'un classement qui revient tous les dix ans, l'argument ne tient pas. Tu es d'accord, je le sais, je le sens.

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  3. Un oubli :

    Bien considérer que ce classement de St Emilion est AUSSI un classement de communication, en ce sens que la note de dégustation du vin n'a compté qu'à hauteur de 50 % pour les CC et 30 % pour les PCC.

    On ne va pas jouer les méchantes langues, mais cela veut dire que certains, alors même qu'ils ont été bien dégustés, ne remplissaient pas les autres conditions d'acceuil, de parking, de salle de dégustation et tutti quanti.

    Bref, disons que ce classement consacre ceux qui ont bossé et réussi, mais laisse un peu de côté les aspects "intemporels" du vin, à savoir la qualité de son implantation.

    Ne tournons pas autour du pot : si personne ne peut dire que Pavie ne bénéficie pas d'un terroir d'exception (et encore merci aux Perse du travail colossal qu'ils ont fait), chacun garde en mémoire la phase actuelle "hors mode" (ou appelle là comme tu veux) qui, quelque part, "punit" Figeac.

    Pour ceux qui en doutent : si jamais ce vaste domaine vient sur le marché, le prix en sera très probablement supérieur à son classement actuel.

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    1. Écoute, cette histoire de parking est un écran de fumée, comme le 49 servi aux journalistes pour dire "voyez comme on fait du bon vin". Tu crois vraiment qu'un vin d'exception sans parking serait déclassé ? Moi, c'est Mitjaville que j'aimerai entendre sur le sujet.

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  4. Mitjavile (un "l") est à la fenêtre. Il a ses clients et cela lui suffit. Il n'a pas besoin de classement.

    Comme tu reviens à Croque-Michotte : il a eu 13,5 pour ses vins. Il fallait une moyenne de 14. Donc, il manquait très peu pour être classé. Ce sont les autres points qui l'ont écarté.

    Tu serais pas un peu tête de mule une fois tous les dix ans ? :-)

    Allez ! bois un grand champagne comme tu les aimes, et voue nous aux gémonies ! :-)

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  5. Opposer la qualité intrinsèque, le goût du vin quoi, au terroir ... quelle audace !
    14,92

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    1. C'est une note ou c'est l'addition ?

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    2. Une devise recalée qui n'a plus cours

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    3. Thunevin, qui est ici exemplaire, devrait expliquer comment il a construit et amélioré le goût de Valandraud au fil de ses achats de vignes (pour ceux qui doutent de l'influence du terroir sur le goût du vin)... le terrain, l'homme, ses représentations esthétiques ... et ses intérêts économiques

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  6. Le terroir est permanence, tandis que les hommes changent. Tout dépend donc de la temporalité que l'on veut donner au classement : soit il est là pour le long terme, auquel cas la dimension humaine doit être absente (comme en Bourgogne), soit on le revoit tous les 10 ans, et alors il est normal de tenir compte de l'homme qui exploite le terroir...

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  7. C'est pas demain qu'on aura des vins de terroirs `a Saint-Emilion! Thermorgulation en vinif, levures type killer, boise' outrageux, extraction forte, micro-bullage pour adoucir le tout, stabilisation... Mais ou` est donc le gout de la terre? Je ne dis pas que ces vins sont "mauvais", mais ils ne sont pas "terroirs". C'est un style.

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  8. @ anonyme de 00:05 :

    Je sais que sur les blogs on ne peut pas développer beaucoup les idées et les concepts, mais vous y allez un peu fort.
    Prenez le cas des Perse : ils appliquent à peu près les mêmes soins, les mêmes techniques sur Monbousquet et sur Pavie. Après dix ans, il faut bien admettre qu'il y a alors une différence croissante entre ces deux vins, et, au moins pour une part, convenez en, cela doit venir du terroir.

    Et on a d'autres exemples, style de Boüard ou même Vauthier avec Moulin St Georges.

    @ Jean-Yves : OK avec vous, mais probablement une idée "mezzo-voce" car elle réduit éventuellement la valeur foncière du bien, la chose la plus importante pour les classés.

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  9. Alors si je comprends bien c'est une moyenne et il faut obtenir 14; Donc si un candidat au grand cru classe est noté 10/20 en dégustation ( donc jugé pas bon) et 18/20 en présentation et marketing (donc beucoup d'argent) il peut être Classé? ET il suffirait qu'il est 11 en dégustation (donc toujours pas bon) pour devenir PREMIER GRAND CRU CLASSE B!!!! Je me demande si ce tres grand vin ne pourrait pas réver d'être PREMIER GRAND CRU A??? Mais moi je bois du vin!!! pas du parking ou de la salle de séminaire!!!

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    1. Quel vins de Saint-Emilion buvez vous ?

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  10. LE TERROIR,ÇA SE MANGE

    Le terroir tu te le bouffes, tu le transpires, quand tu y marches tu y laisses un peu de toi.
    La photo est cadrée :les femmes et les hommes qui y travaillent et donnent chaque année
    de leur âme ,s'adaptent à une nature lunatique et nous créer un breuvage unique chaque
    année.
    Merci à ces femmes et hommes ;

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  11. (sait-on pourquoi le : a remplacé la , pour indiquer le passage des heures aux minutes ?)

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  12. Monsieur Nicolas,

    Quand on attaque un article ad nominem, la moindre des politesses est de donner les références de l'article, surtout s'il est facilement accessible sur le web. Du moins chez les gens bien élevés.

    Ne pas le faire, c'est user des procédés peu recommandables des procès staliniens, ce qui fait perdre beaucoup de crédibilité à votre texte.

    D'ailleurs, pratiquement toutes les réponses sont dans l'article initial, ce qui ruine votre diatribe qui est entièrement gratuite. Se faire mousser en somme à bon compte.


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  13. Ouah, alors là, Môssieur Nicolas, tu as pris cher! Anonyme ne s en remet pas...

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    1. C'est la gloire d'internet de permettre à chacun de s'exprimer et c'est mon mérite de laisser faire sur mon blog.

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