J’ai bien connu ta grande sœur, celle qui a quatre ans de
plus que toi, mais c’était il y a longtemps. Elle était mon premier amour. Elle
passait son temps à la cave, elle adorait. Et te voilà, toi, sublime dans tes
trente ans si joliment assumés.
Bon, assez ri. Il est question ici d’un pontet-canet 1982,
trente ans ces jours-ci. Une grande bouteille arrivée par la grâce de mon ami
Pierre-Alain, un soir d’août. Le voyage apaisé, le temps est venu d’aller y
voir de plus près.
À l’ouverture, elle a tous les signes de la bouteille en
pleine forme. C’est bien, on est toujours un peu inquiet quand on tire un vieux
bouchon. On se souvient qu’au-delà de dix ans, il n’y a plus de grands vins, il
ne reste que de grandes bouteilles. Comprendre que la prestigieuse provenance
n’est pas une garantie, chaque bouteille a sa vie propre, distincte de celle de
ses copines de chai. Celle-ci, je le sais, a été conservée dans une vaste cave
champenoise, creusée dans l’un des plus beaux villages de la Côte des Blancs,
le meilleur sommeil possible pour une bouteille. Ce qui surprend tout de suite,
c’est la fraîcheur de ce grandiose pauillac. Elle va passer quatre heures
ouverte dans un endroit frais et aéré, sans être décantée. Sur ce point, les
avis sont partagés. Moi, je carafe toujours les vins jeunes le plus longtemps
possible avant de les boire. Sur les vins âgés, je ne suis qu’une boule
d’appréhension, alors je ne fais rien, suivant en cela les conseils et la
pratique de François Audouze. Au moins, son expérience est crédible, il ouvre
chaque année des dizaines et peut-être même des centaines de vieux flacons, il
ne décante jamais, je fais comme lui avec ce pontet-canet 82.
La bouche prête après un brut nature 2002 de chez
Duval-Leroy aux qualités apéritives certaines, tout est en place.
Le pauillac est là dans un verre dédié, le nouveau 100
points de chez Lalique. Couleur splendide, sans excès d’orangé. D’un bout à
l’autre de cette bouteille, la surprise va durer. Il est beaucoup plus jeune
que sa carte d’identité, on dirait toi. Nous, oui.
Cette interminable jeunesse confère au vin une suavité hors
norme. Avec le fruit du vin jeune, il a un arrondi de tanin qui le rend
vraiment aimable, sans les arômes tertiaires habituels, la qualité de la
conservation, sans doute. Une finesse, une délicatesse même, un soyeux qui
envoient les convives tout en haut des sensations, là où l’on s’aventure
rarement. L’émotion est palpable, j’aurai du convier François Mauss.
Ce vin est parti pour durer longtemps, c’est la marque des
très grandes cuvées.
À 30 ans, celle-là, et vue comme elle est née, c'est encore une teen'. Fais gaffe, tu risques le détournement de mineure!
RépondreSupprimerOui, c'est encore une teen. Oui, c'est du détournement. Mais le détournement est un plaisir, parfois. En l'occurrence, ce vin était sur une apogée qui va durer. Un vin jeune, à trente ans, c'est magnifique. La puissance bien tenue, on retrouve ça avec certains chevaux très bien montés par une cavalière dont l'élégance fait passer la maîtrise. Juliette, si tu nous regardes…
SupprimerMoi qui croyais que tu parlais de moi...
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