Le blog de Nicolas de Rouyn
Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
mercredi 19 septembre 2012
Lovely Fieuzal
Les fleurs délicates des troènes embaument qui font une haie entre les voitures du parking et le chai. Plus loin, la vigne exulte entre pluie et soleil. L’été pourri, la liane adore et le vigneron, moins. « C’était pas l’année pour être en bio », dit-il. Non, cette année a juste permis d’ajouter une ride sur le front du gars athlétique qui vous tend une main large et ouverte, on voit bien le souci, il engage la conversation pile où ça fait mal en ce moment. L’agriculture est un métier difficile. Pourtant, nous sommes dans le doux vallonnement des Graves, un terroir béni, agréable à vivre, à cultiver. Ici, oubliés l’austère platitude du Médoc, les chamboulements géologiques du Libournais, il y a une élégance dans ce décor sans excès. Mais l’été pourri s’en moque, il a simplement omis le bon coup de grêle sur les vignes de Fieuzal. Le vignoble est bien le seul endroit où l’on peut admettre que le chassé-croisé du soleil et de la pluie, le chaud, le froid, le vent, la météo quoi, constituent une conversation.
Ce n’est pas compliqué d’établir un contact avec Stephen Carrier, le patron de Fieuzal. Le Champenois expatrié en terre de Bordeaux est aussi ouvert qu’il est énergique. Vite, le dialogue roule sur ses vignes, son nouveau chai, surtout. Des travaux importants, menés de main de maître dans des délais raisonnables. On aura creusé jusqu’à sept mètres de profondeur et il faut bien connaître l’endroit pour s’apercevoir qu’il a changé. C’est bien joué, ce coté rien-ne-bouge. Le faux portique d’accès a été enlevé, rendant ainsi au bâtiment une certaine simplicité de bon aloi. Dans la partie en retour d’équerre, des chambres d’amis sont en fin d’aménagement. Pour autant, le château de Fieuzal s’il rejoint le standard des grandes maisons, ne retrouve pas un lustre qu’il aurait perdu. Le château n’est pas historique.
Le vignoble a été créé au début du XIXe siècle par une certaine Lovely Fieuzal, ça ne s’invente pas. Poor Lovely n’avait que des vignes, pas de château, pas de vin blanc. Le blanc était produit en face, au château Haut-Gardère. Banque Populaire avait acquis les deux vignobles de la famille Ricard (rien à voir avec le pastis), aussi propriétaire du Domaine de Chevalier et de Malartic-Lagravière, joli portefeuille, o tempora, o mores. Au début des années 90, Banque Populaire réunit Fieuzal et Haut-Gardère. Puis le cède à l’homme d’affaires irlandais Lochlann Quinn en 2001.
Stephen est arrivé en 2007. Déjà, en 2008, la différence était sensible et saluée par Michel Bettane, très concentré sur les blancs, il dira « Je retrouve les grands blancs de Fieuzal des années 80. » L’époque où Fieuzal était une référence. Stephen Carrier le sait, il sait que la barre est placée très haut, c’est précisément ça qui l’intéresse, il sait où il va, c’est plus pratique. « J’ai arraché une vingtaine d’hectares de vignes depuis 2007. Je prévois d’en replanter une dizaine. Je veux revenir à une majorité de sauvignon. Le sémillon, c’est séduisant, mais le sauvignon assure la colonne vertébrale. Rendez-vous dans dix ans. » Des grands blancs de garde, c’est la direction.
Pourtant, à Fieuzal, les blancs n’occupent que 10 hectares sur les 90 que compte le vignoble. Soit selon les années 3 à 4 500 caisses, contre 18 à 24 000 caisses de rouges. La production se répartit entre le grand vin, château-de-fieuzal et le second, abeille-de-fieuzal. 30 % de grand vin et 70 % de second en blanc, 50-50 en rouge. Il n’est pas content avec ces pourcentages et il le dit : « Moi, j’ai appris le métier avec Jean-Michel Cazes et Daniel Llose. Je leur dois beaucoup, ils m’inspirent sans cesse dans mon travail. De leur philosophie, j’ai retenu qu’à Bordeaux, on est là pour produire de grands vins en grand nombre. Il est là, le challenge. C’est plus facile de produire 3 000 bouteilles d’une bête à concours et le reste en second vin, pas cher, vite vendu. Faire 250 000 cols de grand vin et le vendre à un bon prix, c’est une autre histoire. Cette course, c’est Bordeaux. Et pas seulement, la Champagne est dans la même logique. Quand c’est bon, il faut que ça se voie. Si les marques de champagne sont connues, c’est aussi parce qu’il y en a beaucoup. Dom Pérignon, c’est la spirale gagnante. » Il y a des sujets où il est intarissable. Celui-là, ce réalisme économique, en est un. Il n’est pas un romantique de la grappe, un inspiré du bouchon. C’est assez rafraîchissant, cette nouvelle génération bordelaise. Pour ces filles et ces garçons, les petits rendements sont un problème, pas une profession de foi. Ils n’ont qu’un seul credo, les grands vins bus par un maximum de gens. Ils ont la mémoire de ce qui s’est passé sur ce terroir d’excellence, ils n’ont aucune prétention, de leçons à donner à personne, ils s’en occupent. Produire pour vendre, cette douce évidence qui garantit les lendemains.
Fieuzal, terre rouge, donc. Il suffit de lire le Bettane & Desseauve pour se rassurer, les rouges ne sont pas à la traîne. Dès sa deuxième vendange, Stephen Carrier s’attire ce commentaire, assorti d’un joli 16/20, avec son grand rouge : « Nez épanoui de fruits rouges et noirs très mûrs, développant des notes florales suaves et un joli boisé, bouche franche, fruitée, avec des tanins vifs, de la suite et un bon équilibre. » Si ça ne donnait pas soif, ça donnerait faim.
Stephen Carrier, volubile quand il s’agit de son vignoble, de ses vins, est plus taiseux quand il s’agit de lui. Pas facile de percer la carapace. La pudeur des blessures ou de la bonne éducation. Penchons pour la seconde solution. Il a grandi dans une famille de viticulteurs vers Bar-sur-Aube, cette Champagne pouilleuse sans laquelle il n’y aurait pas de champagne. « Je ne me suis jamais posé de question sur mon avenir. Le vin était une prédestination. Pour la consommation familiale, mon grand-père faisait un rouge léger et abominable que j’adorais avec de la limonade. Et tous mes copains étaient dans les vignes. En même temps, j’avais envie de bouger. » Il y a des hivers en Champagne où l’appel du large a des circonstances atténuantes. « Premier stage dans la Napa, en Californie. Comme Michel Rolland était le consultant, il y avait plein de stagiaires bordelais. De fil en aiguille, j’ai eu les bons branchements et je me suis retrouvé dans le Médoc, à Pichon-Baron, propriété du groupe AXA, gérée à l’époque par Jean-Michel Cazes. J’ai bien passé un entretien à Latour, mais ça ne s’est pas bien passé. » Il faut quasi lui tordre un bras dans le dos pour qu’il raconte la bévue. « Trop de stress. En dégustant, je faisais tourner le vin dans mon verre et hop, il est passé par-dessus bord. La nappe ruinée. C’était fini. À Latour, on ne salope pas les nappes blanches et voilà. » Ah, ah ah. Il n’en rit pas, en fait. Il en parle mezzo voce, comme on fait d’un très mauvais souvenir, on le sent touché, lui, le gaillard large d’épaules. Plus tard, il retourne en Champagne aux côtés de Philippe Baijot, patron du groupe BCC. Un retour à la maison qui ne dure pas plus de six mois avant la belle aventure chez Cazes, et plus comme stagiaire. Un beau jour, il rencontre Lochlann Quinn. Les deux hommes croient dans leur avenir commun et voilà Stephen aux commandes de Fieuzal.
Continuons à le torturer un peu. Vin préféré ? « Pas de vin préféré. Des souvenirs pour la vie, oui, un clos-des-mouches 90 rouge en magnum. Lynch-bages 86. Bollinger La Grande Année. L’idée, c’est la curiosité, je fais le tour des vignobles en permanence. Tout, de partout, c’est ma devise. »
Hobbies ? « J’ai développé un goût un peu bizarre pour les grands stades pleins. Mon rêve ? La Coupe du monde de football au Brésil en 2014 avec mes fils. »
Du sport ? « Course à pied, tennis, foot en salle avec des copains, mais de façon sporadique, jamais dans la continuité, pas assez discipliné. » Pour finir, il se déclare fasciné par Bordeaux. C’est la Californie, dit-il. Un bémol ? « En même temps, je n’aime pas l’inertie du monde installé. Je n’aime pas les gens qui savent. L’histoire, les traditions, c’est bien, mais ça peut être un frein. »
Un jour, il partira de Fieuzal, bien sûr, mais pas maintenant. « Je veux laisser Fieuzal au plus haut niveau. Une grosse production de grands vins, à l’image de Lynch-Bages qui est mon bon exemple. » On l’avait compris, Stephen. Mister Quinn, vous êtes tranquille.
La photo : Stephen Carrier, photographié par Mathieu Garçon. Ce sujet est paru sous une forme différente dans le numéro de septembre de Vigneron
Stephen Carrier et ses collègues, ici
Directeur de château, c'est un drôle de métier ? Oui. Lire ici
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Tu te présentes quand à l'Académie Française ?
RépondreSupprimerBon, je sais : D'Ormesson dit que la buvette, ça casse pas des briques…
N'exagérons rien (on connaît de pires buvettes)
Supprimer"Tout de partout" c'est sa devise ...Mais tout bon quand même hein !
RépondreSupprimerFieuzal, c'est très bon depuis que Carrier est aux commandes
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