Ce Gallois arrivé tout petit en Australie dans les valises de ses parents y a construit une vie et une réussite. Il est le patron de l’œnologie du grand groupe Penfolds et l’auteur du brillant Grange, le grand vin australien.
Au moment où les vignobles de France, d’Italie, d’Espagne, s’apprêtent à vendanger le fruit du labeur de l’année, Peter Gago monte dans un gros avion aux soutes pleines de ses échantillons et vient porter sa bonne parole sur le Vieux continent.
Il vient raconter ce que nous ne connaissons pas, ce dont nous n’avons qu’une idée floue, les vins australiens, la douceur des collines de Koonunga, la qualité de la lumière du sud de l’île-continent. Il insiste toujours beaucoup sur la lumière australe, comme un facteur de maturité des raisins que nous n’imaginons pas du tout. Il a les yeux qui brillent et on comprend tout l’amour qu’il porte à ce pays si lointain pour nous.
Mais nous, nous avons des chiffres à lui opposer, les milliers d’hectares de vignes qui sont sous sa responsabilité, les millions de caisses qui sortent chaque année de ses chais, dans toute la gamme des qualités, en rouge, en blanc et, surprise, en vins fortifiés à la manière des portos et des vins doux naturels du Midi. Pas de rosé pour l’instant. Nous, les adeptes ordinaires du small is beautiful, avons toujours un peu de mal à admettre les qualités des très grands vignobles vite suspects de toutes les vilenies et, donc, du mal à comprendre le discours de ce type charmant.
Charmeur ? Oui, aussi, sans doute. Ça fait partie du job. Brand ambassador des grands vignobles Penfold’s ? Non, un patron de l’œnologie d’une importante entreprise viticole de très ancienne implantation. Il passe la première moitié de l’année à s’assurer qu’il met de beaux vins en élevage et, une fois le millésime garanti, il passe les six mois suivants à voyager à travers le petit monde des amateurs de Grange. Un type avec des convictions et l’envie de les partager.
Nous sommes en 1844. Un docteur Christopher Penfold émigrait d’Angleterre vers l’Australie avec quelques cépages acquis auprès de viticulteurs français et installait son entreprise dans son cottage baptisé The Grange en souvenir de la maison familiale du Northumberland. C’est le début d’une histoire qui n’a jamais ralenti.
Évidemment, si Peter Gago attache une importance certaine à l’ensemble des vins qu’il produit, le navire-amiral, le porte-drapeau, c’est Grange. Un grand cru australien. Parmi d’autres ? « Oui, bien sûr. L’Australie compte plusieurs très grands vins. » Peter Gago est net, son Grange compte des concurrents et pas seulement dans l’hémisphère nord. Mais la position de ce cru n’est discutée par personne, c’est l’icône australienne au point que le South Australian National Trust l’a classé parmi ses monuments historiques, un heritage, en anglais dans le texte. Sa renommée a largement franchi l’équateur et le Wall Street Journal a commenté cette réussite en disant : « Les amoureux du vin se souviennent de leur premier Grange comme ils se souviennent de leur premier baiser. »
Peter Gago n’est pas l’inventeur de Grange, il en a hérité. La cuvée fut créée avec le millésime 1951 et connut quelques déboires avec les patrons de la maison qui ne trouvaient pas le vin très bon. Très vite, tout s’arrangea et le millésime 1955 a permis à Grange de devenir ce qu’il est. Pour pousser l’excellence un peu plus loin et, singulièrement, un peu plus loin que d’autres belles marques de vin, Penfolds crée un service de rebouchage gratuit destiné à tous les propriétaires de bouteilles de Grange de 15 ans et plus, le Penfolds Re-Corking Clinic. Excellente façon de convaincre les amateurs du potentiel de longévité d’un Grange. Peter Gago, entré chez Penfolds à la fin des années 80 est devenu Chief Winemaker en 2002. Quatrième gardien du temple Grange, il s’y consacre à sa manière. Si l’idée de conserver à Grange un style qui lui soit propre est bien ancré dans l’esprit de chacun chez Penfolds, Peter Gago a, dès son arrivée, monté le niveau d’exigence un peu plus loin en même temps qu’il entreprenait un grand programme d’explication de ses vins. Ces qualités d’orateur, son énergie, son charisme ont fait le reste et il n’y a pas un marché aujourd’hui qui peut se passer de lui.
Dernière chose. Nous avons pu lire dans un grand quotidien du matin sous la plume d’un garçon pourtant sérieux et documenté que Peter Gago ressemblait à Lou Reed. Mais non, voyons, Peter Gago, c’est Hugh Grant.
Les meilleurs millésimes de Grange
Si vous tombez sur l’un ou l’autre des ces millésimes de Grange, n’hésitez pas :
1952, 53, 55,
1962, 63,
1971, 76, 78,
1983, 86,
1990, 91, 96, 98,
2004, 08,
2010. Et 2012 arrive.
La photo : Mathieu Garçon
Ce texte a été publié dans ENMAGNUM n°2 sous une forme différente.
Le blog de Nicolas de Rouyn
Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
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Formidablement raconté (même sous embargo), bravo Nicolas.
RépondreSupprimerDieu merci, ce n'est pas lui qui est sous embargo. Pour le (biiiip), merci d'attendre octobre, le 18.
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