Olivier Dauga est donc consultant. Il fait partie du top 10 de ces winemakers dont on entend beaucoup parler. Il vient de Libourne, d’une famille de viticulteurs, on peut parler de destin. Comme la plupart de ses contemporains, sa haute stature l’envoie jouer au rugby, c’est comme ça, c’est le Sud-Ouest. Bientôt, il complète cette activité dans la vigne et au chai en développant une étrange passion sans suite pour la distillation. « J’arrive à Sociando-Mallet comme stagiaire à 23 ans. Enfant de Libourne, je découvrais le Médoc, qui représentait pour moi un monde à part, très fermé. Ce ne fût que du bonheur. Je découvre les chais de barriques neuves, tout ce que je n’avais jamais vu du vin. Et là je décide de mettre dans le vin toute l’énergie que j’avais mise dans le rugby. Je prends des cours du soir à la faculté d’œnologie, je m’intéresse à la communication, à la commercialisation, mais surtout à la technique et au bois. » Il conclut par cet aveu qui touche le ciel : « Je deviens ambitieux et presque orgueilleux. » Ce qui, naturellement, l’entraîne vers les crus classés en 1855, la grande aristocratie médocaine.
C’est à La Tour-Carnet qu’il se pose en 1993. Il y restera cinq ans, jusqu’à la mise en vente. C’est devenu un cru classé signé Bernard Magrez, bon et pas trop cher. En 1998, Jean Guyon, propriétaire de Rollan-de-By, lui propose de le rejoindre et là, il découvre la réussite. La spirale du succès de Guyon, l’extension rapide du domaine qui passe de 9 à 50 hectares en un an, cette prise de conscience générale du marché du vin, lui donne envie de s’intéresser à son propre intérêt, de voler pour lui-même. Acheter une propriété ? Impossible, le foncier est déjà trop lourd. C’est Michel Rolland qui l’oriente vers un métier où « il n’y a personne ». Il devient dès 2000 « Le Faiseur de vins », c’est le nom de sa structure, winemaker et consultant, pas œnologue, sur le modèle de Stéphane Derenoncourt. Bravement, il commence avec trois châteaux, Cantenac, Bourniac et Beaulieu-Comtes de Tastes. Mais très vite, une sorte de bougeotte l’atteint. « En m’intéressant à ce qui se passe en dehors de nos frontières, je me rends compte que l’Australie est un pays de consultants. Je pars donc à Perth. » Et le voilà rendu dans un pays qui n’a rien de commun avec celui des Bisounours. Première vinif’, première surprise. « La première fois que j’ai fait un assemblage en Australie, le propriétaire m’a demandé si j’étais assuré en m’expliquant que les raisins étaient bons et que le vin devra l’être après assemblage. Dans le cas contraire, il en allait de ma responsabilité quant à la vente, notamment. » Aïe. On est loin des pratiques françaises, l’artiste responsable du commerce, c’est du jamais vu, jamais conçu sous nos latitudes timides et respectueuses. Se colleter avec la réalité n’a d’intérêt que si on en tire d’intelligentes conclusions, ce qu’Olivier fera. Sa société prendra un tour différent, l’offre intègre une dimension commerciale, il se souvient de ce que Jean Guyon lui avait dit sans détour : « Faire du vin, c’est bien ; le vendre, c’est mieux. »
Ainsi, Le Faiseur de vin est aussi le Marchand de vin.
Pas mal et pas si fréquent. Ayant intégré toute la pyramide des métiers qui permettent de belles performances, il marque sa différence en étant le seul (ou l’un des rares) à intégrer le consommateur dans son approche de la vigne, du chai, du vin et de son prix. Du coup, il réduit le nombre de ses clients, une quinzaine aujourd’hui pour 25 étiquettes, pratique une prospection passionnelle à Long Island (« je suis sûr du terroir de cette île new-yorkaise ») et arpente les vignobles de sa pratique en Ukraine, en Espagne, en Australie et, bien sûr, en France. Quand on évoque son avenir, ça le fait rire, il est – ou se sent, c’est pareil – beaucoup trop jeune pour avoir ce genre de préoccupation. Il lâche quand même une manière de définition de son métier si mobile : « Le Faiseur de vin va devenir une sorte de cabinet de compétences avec en point central la production viticole, ses ramifications, ses métiers, répondre à des problématiques contemporaines. » Un cabinet de compétences ? Mais, c’est très moderne, ça. Il n’est pas douteux que les meilleurs de ses concurrents en fassent autant, mais là, le concept est préempté. Bien vu.
La photo : Mathieu Garçon
Cet article a été publié sous une forme et sous un titre différents
dans le numéro 3 de ENMAGNUM.
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