Mon premier 2014 |
Étrangement silencieux, les oiseaux de malheur n’ont pas (pas encore ?) investi les médias populaires pour expliquer à quel point le millésime est raté. Ils font bien de se taire. Le millésime est plutôt réussi. Bonne qualité, bonne quantité. Sauf le sud du Rhône, le nord s’en sortant un peu mieux. En revanche, à Bordeaux, le sourire est là. Après trois millésimes de petites quantités et de qualité « classique », il était temps que les choses s’arrangent. C’est important pour les Bordelais, pour les performances françaises à l’export et, à la fin, pour tout le vignoble tant il est vrai que c’est Bordeaux qui donne le ton dans l’esprit du public. C’est idiot, bien sûr, mais c’est comme ça. Non, ce n’est pas au niveau des 05, 09 et 10, mais c’est bien. On attend la Semaine des primeurs pour trier tout ça. Et, bien sûr, les tarifs. Les négociants anglais ont déjà balancé leur chantage sur les prix comme chaque année, nous verrons bien s’ils sont entendus.
Il y avait des gens pour faire le vin cette année-là. |
Rivesaltes, la Sainte-Victoire et Châteauneuf-du-Pape
Trois jours de voyage pour autant de pluie battante, mais nous ne sommes pas en sucre, donc bon. Seul le photographe est légitime dans ses bouderies à répétition. Trois jours pour plonger dans l’infiniment grand. Les rivesaltes anciens et très anciens sont des vins immenses et on comprend bien ce qui a manqué à nos vignerons qui ont laissé les portos partir devant. Un négoce britannique compétent et du marketing. Pour le reste, un vieux rivesaltes est plus intéressant qu’un vieux porto. Point barre. Étape suivante, les provences rosés du château Gassier. Ils sont marqués par l’ambition de la maison qui veut en faire de grands vins de gastronomie portés qu’ils sont par un terroir fabuleux et mené en bio au pied de la grosse montagne grise. Attendons un peu et le grand rouge suivra son compère d’écurie le grand blanc. Il y a beaucoup de travail entrepris, les résultats viendront. Dernière visite, la maison Ogier et sa belle gamme. Ce négociant important est aussi propriétaire du clos de l’Oratoire des Papes, un très beau châteauneuf. Là aussi, des travaux gigantesques sont menés pour pousser au plus haut les standards de la maison dont le vignoble est également mené en bio. Cette poussée de la maison Ogier pour rejoindre les grands metteurs en marché du Rhône (Guigal, Paul Jaboulet Aîné, Chapoutier, Delas) risque de provoquer des réactions. Dans le domaine de l’excellence, personne ne veut être en reste. Le vignoble est formidable. La bonne surprise, c’est tous ces vignerons qui adorent goûter les vins de la concurrence ou d’ailleurs au lieu d’être concentré exclusivement sur leur production. Bonne occasion de goûter plein de trucs. Dont un merveilleux palette 2004 rouge du château Crémade et un éprouvant pomerol 2008 inconnu (qu’il le reste) du château Belle-Brise.
Un très bel inconnu |
La Provence, grande terre de rouges
Les châteaux La Coste, Fontainebleau, Sainte-Roseline, Romanin et la Commanderie de Peyrassol soumettaient leur production à la dégustation des professionnels parisiens. Je connais depuis longtemps Sainte-Roseline, toujours bon et Peyrassol, de mieux en mieux. Mais je ne connaissais pas le « nouveau » Romanin, ce château des Alpilles qui a traversé des années difficiles et renaît sous la direction de son nouveau propriétaire, Jean-Louis Charmolüe ex-Montrose à Saint-Estèphe. Je ne connaissais pas non plus Fontainebleau (vachement bien) et La Coste (pas mal, un chai splendide, le reste suivra sans doute).
Maintenant, il faut goûter le reste de la gamme. |
Un malbec
Il faut avouer qu’on n’est pas toujours super-malin, ni vous, ni surtout moi. Quoi de plus stupide que de se tenir à l’écart d’une production au motif qu’on n’en aime pas le cépage ? Jusqu’ici, je n’aimais pas le malbec. Jamais vraiment convaincu ni par les cahors ni par les vins sud-américains, le malbec ne me semblait vraiment pas un cépage digne d’intérêt et je m’étonnais de voir certains, à Pomerol, en ajouter à leur tisane. Je me frappe ici la poitrine à trois reprises, j’ai eu tort d’être aussi sot, je le confesse. Ce qui vaut ce revirement est un beau cahors du domaine Pech de Jammes, il s'appelle Pure Malbec, un vin de fraîcheur et de ciselures, de finesse et de délicatesse, loin des potions pâteuses et lourdes qui m’ont éloigné du malbec. Certes, 14,5° d’alcool, mais l’équilibre est là et la finale est un enchantement, pas une menace. Bravo.
Hats off, ladies and gentlemen |
Et un graves (comment faire autrement ?)
Il y a longtemps que je voulais vous le dire. Ici, chez Bettane + Desseauve, quand l’un ou l’autre revient de dégustation avec des étoiles plein les yeux, quelqu’un s’empare de l’info et les collaborateurs de la maison commandent chacun ce qui leur va de bouteilles à un prix possible, un plan de CE, quoi. C’est arrivé comme ça avec le château de Cérons et son graves rouge. Je ne suis pas l’ami des vins jeunes. Sauf que là, c’est merveilleux à boire tout de suite. Un vin fruité, mais sans la bombe généralement associée. Non, c’est un vin de structure et d’allonge, un enthousiasmant petit bordeaux comme on en rêve tous. Ou presque. Il y a toujours les snobs du fond de la classe pour continuer à se tenir comme des gorets avec l’une des (sinon la) plus importantes appellations du monde.
"Non, ce n’est pas au niveau des 05, 09 et 10" : bien sûr que si. Tu verras. C'est même meilleur dans certaines propriétés, loin d'être rares.
RépondreSupprimerMonsieur le directeur, acceptons-en l'augure, si vous le dites.
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