Avec la belle énergie de ceux qui croient en leur étoile, ce jeune homme illustre bien les temps nouveaux. En fait, nous assistons à la naissance d’un phénomène. Il se peut que Paul Aegerter ne soit pas un cas isolé. Tentative d’explication.
Quand il se retourne sur son sillage, Paul Aegerter prétend qu’il a eu de la chance. Peut-être. Il oublie juste un peu vite la somme d’obstacles qu’il a franchi avec une belle obstination, ce qu’il faut de désinvolture et beaucoup d’énergie. Ce garçon est tonique. Haut de taille, large d’épaules, rien du boxeur, tout du sprinter. 34 ans seulement. Son air peu commode d’acteur austro-américain est trompeur. Il est beaucoup plus civilisé qu’on pourrait le croire de prime abord. Civilisé, mais jeune et moderne.
D’entrée de jeu, quand son père l’a appelé auprès de lui aux commandes de la petite maison de négoce créée de toutes pièces en 1988, Paul a donné un grand coup de pied dans la fourmilière, inventé de nouvelles gammes de vins, mis de la couleur sur les étiquettes, jeté les traditionnelles typographies gothiques aux orties, voulu un logo, mis des slogans sur les bouteilles d'entrée de gamme, etc. Bref, il a inscrit Aegerter dans son époque au lieu de faire comme tant d’autres, chercher à courir derrière les grands à coup d’authenticité frelatée. Et tout le reste, la position de l’entreprise, par exemple. À partir d’une petite maison de négoce, il est peu à peu en train d’exploser. En peu d’années, il a multiplié le chiffre d’affaires d’Aegerter par quatre. Jean-Luc, son père, qui regardait son fils avec sans doute un peu de circonspection, s’est pris à y croire. Au lieu de le contrer sur des idées qu’il n’approuvait pas, il le conseille, canalise sa folle énergie, le pousse et le soutient.
Ça change tout un père comme ça et Paul s’envole. Voilà que sous la marque Wine Not, énième petite blague sur le thème du wine, il crée un négoce différent. Des rosés et des rouges, la Provence et le Rhône, « c’est impossible de faire ça quand on est une maison de négoce à Nuits-Saint-Georges ». On le croit aisément, le rosé s’appelle Les jolies filles et le rouge, Les beaux gosses, bien sûr. Pas très Bourgogne éternelle, ça. Et on comprend cette espèce de boulimie d’entreprendre, il a de bonnes raisons dont une, essentielle : ça marche. 180 000 bouteilles de Jolies filles l’année dernière, 500 000 cette année. Paul est bien le seul à se réjouir de ce printemps 2013 : « S’il avait fait beau, je n’aurais pas eu assez de vin. » Peut mieux faire, fera mieux.
Le domaine Aegerter ne compte que sept hectares, mais c’est déjà beaucoup en Bourgogne. Pour accélérer, ils vinifient 50 hectares de plus en fermage ou achat de raisins. Pour Paul, c’est tous les jours une découverte, « J’ai réinventé un métier dont j’ignore tout, j’ai l’impression de continuer mes études. »
Dans un registre différent, il parle facilement des réalités financières de son activité. Là encore, c’est la marque d’une vision moderne de son activité. Il a ce mot : « La fiscalité, je m’y suis mis très sérieusement depuis quatre mois. » Comprendre qu’il en a assez de ces ponctions sans fin. Non pas qu’il soit un mauvais citoyen, mais parce que ce métier est financièrement aventureux. Écoutons.
« Je passe ma vie à jongler avec des problèmes de trésorerie sans solution. On achète des raisins en année 1 et on vend des bouteilles en année 3 pour les entrées de gamme et en année 4 pour les premiers crus et les grands crus. Je suis le roi de la dette. Pour faire du vin, il faut savoir s’endetter. Les grands crus, par exemple, représentent 20 % de mon temps et 80 % de mon besoin en fonds de roulement. En étant réaliste autant que possible, il faut des nerfs d’acier. »
Et le gaillard n’est pas seulement préoccupé par ses relations avec son banquier. Comme il n’a pas de complexe, il ne se raconte pas d’histoires. Il comprend où le bât blesse : « La maison Aegerter a été créée en 1988 par mon père. Nous n’avons pas d’histoire familiale. Ce qui nous oblige à beaucoup plus d’inventivité. Devenir un meilleur communicant n’est pas un objectif, c’est mon quotidien. Il y a tellement de choses à faire dans le monde du vin. J’ai envie du monde, dans les pas de deux ou trois de mes célèbres prédécesseurs. Je ne comprends pas pourquoi personne ne les suit alors qu’ils ont assuré la pérennité de leurs entreprises grâce aux marchés étrangers. Je vais le faire. »
D’ici là, il a créé une structure de distribution de vins à Paris et une autre chargée d’importer des grands vins italiens. Il est sur tous les fronts, monte dans tous les avions, serre toutes les mains.
Justement. Il en fait une déclaration : « Le vin, c’est une poignée de mains ».
Paul n’est pas un extra-terrestre, finalement.
La photo : Paul Aegerter vu par Mathieu Garçon dans le chais des millésimes de la maison familiale à Nuits-Saint-Georges. Cet article a été publié sous une forme différente dans le numéro de juillet 2013 de Série limitée — Les Échos.
Le blog de Nicolas de Rouyn
Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
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Bonsoir,
RépondreSupprimerComment s'appelle la société d'importation des grands vins italiens?
merci
Je ne sais pas. Paul, si tu nous regardes… Merci de répondre à Mondivino
SupprimerEt c'est bon ses vins?
RépondreSupprimerJamais goûté Jolies filles et Beaux gosses, mais les bourgognes sont parfaits.
SupprimerLisez ça et vous verrez :
http://bonvivantetplus.blogspot.fr/2011/08/sauve-par-un-chambolle-et-deux.html
Ok merci. C'est vrai Chassagne Morgeot ca peut etre tres bon.
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