Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 3 avril 2013

Quelle est la différence entre un bon vin
et un grand vin ?

Là, c’est un peu l’Himalaya en tongs comme question, le vertige me prend. Ami lecteur, ne crois surtout pas que je vais y répondre, des gens beaucoup plus compétents que moi s'y sont déjà perdus. Mais bon, voilà comme une tentative.
L’occasion m’a été fournie par un dîner où j’ai servi l’un après l’autre un château-la-nerthe, châteauneuf-du-pape 1995 et un château-rayas, châteauneuf-du-pape 1996. Ils suivaient de près un magnifique champagne rosé, cuvée Elizabeth Salmon 2002 de Billecart-Salmon, qui nous avait mis en condition de la plus parfaite des façons (légèreté, délicatesse, intensité). Ces trois vins ont été ouverts trois heures avant. Les rouges étaient servis frais (entre 16 et 18°C).



Où il apparaît que, en commençant par la-nerthe, nous sommes devant un beau vin du Rhône sud pas très évolué avec ses dix-sept ans, d’une constitution assez dense et d’une bonne couleur. En bouche, on est dans une vision d’un châteauneuf-du-pape assez épicée, solaire, d’une persistance plutôt sérieuse.
Voilà un bon vin.
Bien sûr, le passage au château-rayas est une sorte de promenade spatio-temporelle. On change non seulement de monde, mais de planète, on a déménagé. Couleur pas bien dense à la manière d’un bourgogne de haut vol. Là, le soyeux, l’ampleur de la bouche et une finesse de texture comme d’arômes qu’on croyait perdue l’emportent sur toute autre considération.
Voilà un très grand vin.
De la-nerthe à rayas, on a changé de registre. Mais, au fond, l’impression est personnelle, même si les visages des convives qui goûtent ce vin se transforment. Il se passe quelque chose, bien sûr.
J’ai trouvé d’infinies qualités à ce rayas que je n’ai pas distinguées dans le la-nerthe. Je me suis souvenu que le grand nombre de cépages (intelligemment) autorisé par l’appellation donnait lieu à toutes les interprétations possibles, c'est aussi ça la capacité de développement d'une appellation.
Je me suis souvenu aussi que, malgré de nombreux essais, j’avais du mal avec les autres productions d’Emmanuel Reynaud, Fonsalette, les Tours, Pignan, La Pialade, etc. Plus exactement, si je pouvais boire ses vins avec un certain plaisir, je ne comprenais pas l’engouement qu’ils provoquaient. Pourtant, je les buvais toujours après un minimum de dix ans, mais bon, je n’y comprenais rien et ce ne sont pas les développements des uns et des autres sur la maîtrise de la vinification oxydative qui m’aidaient beaucoup.
Avec ce rayas 96, disons que j’ai allumé la lumière dans le couloir et que je vais repartir chez mon caviste d’Auray avec un peu plus d’entrain pour ces vins. Mieux, ce rayas m’a fait toucher du doigt cette idée du grand vin considéré comme une émotion immense. Il y a eu de ça, c’est énorme.

13 commentaires:

  1. Attention, Nicolas, 96, ce n'est pas encore Emmanuel.

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    1. Non, en effet. C'est le denier millésime de son père (ou oncle ?). Tu as raison, cela dit, il faut que je goûte un rayas 99.

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  2. Cave Les Crus des Vignerons
    Page
    38 Rue Louis Billet 56400 Auray
    02 97 56 66 66
    au moins 10 millésimes

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    1. C'est pratique d'avoir une secrétaire dotée d'un annuaire. Merci. Mais pour fréquenter beaucoup cet endroit, je ne suis pas sûr des dix millésimes de rayas.

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  3. Je n'ai pas ni secrétaire, ni annuaire, de la mémoire...

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  4. Mais si qu'on peut répondre à la question du billet. Il suffit d'utiliser des mots simples et surtout de ne pas oublier que chacun a son propre palais et donc qu'il y a une marge obligatoire entre les appréciations de chacun.
    Bref : un grand vin, c'est celui qui apporte une réelle émotion, au point que certains d'entre eux t'imposent le silence.
    Mais bon, devant la vastitude des sentiments, personne n'est obligé de s'associer à cette définition peut-être simpliste mais, à tout le moins, compréhensible.

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    1. Oui, c'est ça qui est bien avec le vin. Chacun comme il veut !

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  5. Rayas est un des plus grands vins rouges du monde ...
    Et Emmanuel fait au moins aussi bien que son oncle.

    Goûte Rayas 2001, Nicolas ...

    http://www.invinoveritastoulouse.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=613:20100320-verticale-rayas&catid=46:thematique-domaine&Itemid=58

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  6. Monsieur de Rouyn

    un autre fait important à relever est la différence entre les deux millésimes.

    Je n'ai pas vinifié 95 en Vallée du Rhône, mais à Chablis, où climat et maturité étaient formidables.

    La réputation de vins tels que Château Beaucastel 95 me laisse penser que le sud a également bénéficié d'un bel ensoleillement.

    En 96 ce n'était pas la même histoire. Pluie, froid, chapta...ça commençait bien pour mon premier millésime sudiste. D'où le mérite encore plus grand pour la famille Reynaud.

    C'était un temps où oncle Jacques venait chercher mon père au milieu du vignoble de Courthézon, pour le conduire au Graal. Déguster des Cinsault en fûts qui avaient la carure de Syrah. Instants magiques inoubliables.

    Tante Françoise nous gratifiait de son regard complice. Son oeil brillait quand elle nous tendait une bouteille en disant : "vous goûterez ça, je ne sais pas de quelle année elle est mais je suis sûre que c'est avant 80...".

    Et je passais de longs moments à parler des aberrations du "système" avec Emmanuel, quand j'allais prélever ses vins de pays pour leur agrément.

    C'est un temps où les moins de vingt ans avaient d'autres préoccupations.

    Aujourd'hui Emmanuel prolonge avec mérite l'oeuvre de ses parents (au sens large). Lourd héritage (vu de l'extérieur en tout cas) et grosse pression mais la continuité est assurée. En blanc comme en rouge, Rayas et ses frangins/frangines restent et resteront des idéaux vers lesquels il faut tendre pour les ambitieux et courageux chercheurs du grand vin.

    Rayas est par ailleurs l'exemple que je cite lorsque la notion de typicité est évoquée. Si un vin atypique ne pouvait prétendre à l'aoc, Rayas ne serait pas un Châteauneuf-du-Pape. Or, Rayas est le meilleur Châteauneuf-du-Pape. Donc, tant qu'un vin est produit dans une zone définie, avec un matériel végétal ad hoc, le caractère particulier qui fait son unicité ne doit pas, selon moi, l'écarter de la notion d'aoc si sa production en respecte le cahier des charges. Car ce serait priver l'aoc de certains de ses meilleurs éléments parfois. Qui voudrait priver Châteauneuf de Rayas ?

    PS : "oncle" et "tante" sont les termes qu'utilisait Emmanuel quand il s'adressait à ses proches. A Rayas, une autre notion m'a toujours impressionné par son omniprésence : le respect.

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    1. C'est impressionnant un professionnel comme toi, Christophe
      ;-)

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    2. Ah ? Si tu le dis. Tu es chez toi. Vais pas te contrarier.

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