Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 27 décembre 2011

Grignan-les-adhémar, la nouvelle appellation aux truffes

Le village de Grignan coiffé de son château

Cette Provence du nord a gardé ce qu’au sud, on a perdu. On y voit encore des tracteurs sur les petites routes compliquées qui ondulent entre les collines. Ce n’est pas une région facile. Si vous êtes au sud de la frontière climatique qui transforme les nuages en soleil, un peu au-dessus de Montélimar, ce n’est pas gagné pour autant. L’hiver est rigoureux, et polaire si le mistral s’en mêle. Même sous ce ciel bleu dur, la campagne glaglate, prostrée dans le froid qui mord et ne lâche pas, ce pitbull.
Ici, le vignoble a conservé les traces de son origine, la polyculture. Il n’a pas, comme ailleurs (Alsace, Champagne, Bourgogne, Bordeaux), pris toute la place. Ici, les carrés de vigne vivent en bonne entente avec les vergers et les bois, les céréales et les cultures fourragères, les friches et les lavandes, les oliviers, les abeilles. C’est bien pour la bio-diversité favorable aux équilibres naturels. Ailleurs, on replante des haies. Ici, aussi, le monde en marche laisse sa marque qui encercle la campagne entre autoroutes et TGV, plaines industrielles et sites atomiques. Une drôle de vue sur la vallée du Rhône depuis les remparts de La Garde-Adhémar, ce village fortifié qui assurait, au sud, la sécurité de cette Drôme provençale, propriété si l’on peut dire des Adhémar.

Le lavoir de Grignan

C’est en raison de cette proximité défavorable que l’appellation Coteaux-du-tricastin a décidé de changer de nom. Les tenants de l’appellation ont tenté d’expliquer à EDF que le changement de nom de la centrale nucléaire du Tricastin serait une bonne idée, guère dommageable à son activité. En réponse, EDF a assuré les vignerons qu’ils y gagnaient en notoriété. « Les cons, ça ose tout », disait Audiard, parlons plutôt de l’infini cynisme de ces roitelets de sous-préfecture, ces tyranneaux de village qui, forts de leur micro-pouvoir, assujettissent une population entière à leur bon vouloir, à leur arrogance, à leur intérêt.
En un temps record (deux ans est un temps record quand on deale avec l’administration), les vignerons du Tricastin ont changé de nom. Ils avaient choisi « Grignan », mais impossible pour une de ces raisons décourageantes dont nos fonctionnaires se sont fait une spécialité. Ce sera « Grignan-les-Adhémar ». Bien sûr, une foule de professionnels a ricané devant les mots tortillés.
Moi, je suis pour. Ce nom nouveau a pour lui sa référence à l’Histoire de la Provence, il sonne bien, il a du fond. Le vin a une grammaire et une orthographe bien à lui, à charge pour l’amateur de s’y plier. Le vin est une culture, il faut l’apprendre. C’est vrai en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Portugal. Pourquoi faudrait-il simplifier ? Demande-t-on à un artiste-peintre de restreindre la palette de ses couleurs ? Les étrangers n’y comprendront rien ? Aucune importance, il y a très peu de vins à vendre, aucune chance que les palettes atteignent Hong Kong, Saint-Paul ou Vegas. Et cessons de prendre ces étrangers pour des veaux. Ils comprennent très exactement ce qu’ils ont envie de comprendre, comme vous, comme moi. Et si le vin est bon, il se fraye un chemin avec son grignan-les-adhémar en drapeau et tout va bien.




Le vin est bon. Par chance, nous l’avons goûté à table en trois occasions de suite. Deux repas de vignerons et un dîner chic. Devinez où nous avons été les plus heureux. Ces repas étaient placés sous le signe de la truffe noire, c’était le début de la saison. Des truffes dans tous les plats, desserts compris. Nos vignerons n’ont reculé devant rien, il fallait en mettre plein la vue aux journalistes parisiens. Ça, c’est fait. Moi, ce qui m’a épaté surtout, c’est la qualité de l’accord entre leurs vins et les préparations truffées. Magique, surtout dans des proportions pareilles. Bien sûr, soucieux de faire passer le message de la nouvelle appellation, nos nouveaux amis ne nous ont servi que des vins de 2009, 10 et 11. C’est dommage, ces vins vieillissent si bien. Henri Bour, le président, nous assuré que le changement de nom s’était accompagné d’un nouveau cahier des charges beaucoup plus rigoureux et que, par conséquent, les vins s’étaient améliorés. Sans doute, mais je lui ai quand même acheté un magnum d’un millésime de dix ans, un vin formidable, apaisé, qui a fait merveille sur des truffes, oui, encore. C’est La truffière du Domaine de Grangeneuve. Il y en eut d’autres, une grosse vingtaine. Un blanc magique, un viognier 2011 du Domaine de Montine. Un liquoreux de viognier 2010, À l’envol de l’hirondelle, du Domaine des Rosier (sans s puisque c’est le nom du vigneron), une beauté qui a fait merveille avec un sorbet aux truffes, qui l’a sauvé en fait.

Le trésor du trufficulteur

Nous avons appris que 2011 n’était pas une grande année de truffes, qu’il y en avait peu, que les prix atteignaient des altitudes et que, de tout façon, la meilleure saison, c’était janvier et février, que les prix baissaient de moitié puisque les fêtes étaient passées. Un vieux monsieur très érudit est venu nous expliquer des tas de choses sur la truffe, qu’il ne fallait pas la cuire, en particulier, et que pour la poularde demi-deuil, il valait mieux y consacrer une truffe brumale plutôt qu’une melanosporum (le top, la bien noire veinée de blanc, voir photo ci-dessous). Quand je lui ai expliqué ma recette favorite, il a dit que j’avais raison. J’étais content. On est toujours content quand on a bon.

Ma recette (photo ci-dessus) : du pain de mie tranché fin (plus fin que sur la photo) et toasté, une très fine tranche de lard blanc de Colonnata fondu sur le pain de mie bien chaud et une tombée de lamelles de truffe détaillées avec une mandoline et hop. Le vieux monsieur a dit "le gras du lard exalte les arômes de la truffe". Un grand verre de grignan-les adhémar rouge ou blanc, les avis sont très partagés, moi, c’est rouge. Un joli pomerol de dix ans fait la blague aussi.


Les photos ont toutes été faites avec mon iPhone 4, c'est dingue cette qualité.

17 commentaires:

  1. J'aime tes tombées lourdes de lourd ! Garde la main jusqu'à mon prochain passage :-)

    Que la vie te soit douce : on voit que tu préfères le sud pour tes os alors qu'en Norvège (et pourquoi la Norvège ?) il y a aussi de beaux endroits.

    Bon, je radote : c'est l'heure :-)

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  2. Que la vie te soit douce aussi. Je ne préfère pas le sud à ce point, moi mon truc c'est la Bretagne.

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  3. "Le vin a une grammaire et une orthographe bien à lui, à charge pour l’amateur de s’y plier. Le vin est une culture, il faut l’apprendre".

    C'est en se calfeutrant dans cet état d'esprit que le vin français a progressivement perdu ses parts de marché à l'export. Ce dont se réjouissent les vignerons de Grignan et d'ailleurs, j'imagine…

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    1. A` l'export -- comme vous dites -- le public ne comprend pas grand chose au vin. Et bien sur qu'il existe une culture du vin en France comme en Italie. C'est une grande chance. Soyons arrogants: les meilleurs vins du monde viennent de France, d'Italie du Portugal. C'est ainsi parce que ces pays ont une tradition du vin.

      Les vignerons du nouveau monde font tres bien des vins faciles, flatteurs -- mais ennuyeux -- destines au mass-marketing. Si effectivement vous visez ce marche, la concurrence y est rude. Pensez vous que les francais puissent etre competitifs sur ce creneau? Je ne sais pas...
      La France se vend encore bien avec une image de luxe et de qualite'. Vendre du vin generique en utilisant cette image a surement des limites. Regardez par exemple comme le Beaujolais s'est de'considere' avec le Beaujolais nouveau.

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  4. @la-terre-vue-du-vin : ce n'est pas le raffinement de son organisation qui dessert le vin français, c'est son coût de production. Et ce n'est que dans le bas de gamme que les vins français se font tailler des croupières à l'export. En France, on sait faire Dior, Hermès et Chanel. Pas H&M ou Zara.

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  5. Mélina Monteillet27 décembre 2011 à 17:32

    "un blanc Magique...Viognier 2011"
    Un vigneron n'a besoin de rien de plus que de savoir qu'il donne du plaisir à ceux qui dégustent ses bouteilles.
    Merci.

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  6. Madame Monteillet, c'était un plaisir, un vrai. Votre viognier concentre tout ce qu'attend d'un grand blanc. La finesse, la tension, les arômes, la persistance. Bravo.

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  7. Cette AOC fait l'objet d'une belle promotion lors du Salon de l'Agriculture de Paris. En effet, sur le stand VIP de l'APCA, l'association Les Mines de Bacchus, emmenée par son dynamique président Grégory Cherbuis, anime la présentation des produits de terroirs partenaires auprès des visiteurs. Depuis quelques années, Grignan les Adhémar soutient cette action et propose ses vins à la dégustation. Une initiative à encourager.

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  8. Mouais pas sûr que l'exemple soit transposable aux vins tranquilles ... l'industrie du luxe fait confectionner ses modèles en Asie, les griffe, puis défend ses marques et s'oppose en justice aux contrefaçons, ou fait pression auprès des pouvoirs publics qui finissent par défendre son intérêt devant l'OMC sous un prétexte ou un autre ... alors les coûts de production, qui les supportent ?

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    1. Bonne remarque. Je ne sais pas si les vrais sacs LV sont produits en Chine, comme le sont les faux d'ailleurs. ?? Reste que les couts de production en France sont un probleme.

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  9. OMG, je me dois de poser ma brique sur ce fil pour plussoyer sur les vins de Montine et ce pays a truffes !

    +1 pour Meli, +1 pour Grignan et +1 ... pour tout le reste ;)

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  10. Misère de misère de misère: ils la supportent; c'est marqué

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  11. tiens rien que ça ça me dégoute d'avoir découvert le lardo di colonnata, il y a 15 ans, pour finir là........ c'est une horreur, ça vous dégouterait de la vie, des choses comme ça

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  12. Pas d'accord, le vin français se fait tailler des croupières dans TOUS les secteurs, tout particulièrement dans les segments en forte croissance ("Super premium" = vins entre 10€ et 15€).

    Raisonner sur les "grands vins", c'est raisonner sur une toute petite partie du marché, mais surtout sur une toute petite partie de notre production.

    Pour ce qui est de simplifier le discours envers le consommateur, je crois que tout a été dit, entre autre dans cette brillante intervention de John Hegarty au MW Symposium en 2010 à Bordeaux.
    "Laissez tomber le mystère, Gardez la magie"

    Résumé sur le site de Bourgogne Live : http://www.bourgogne-live.com/2011/12/il-faut-investir-dans-la-jeunesse-selon-le-publicitaire-john-hegarty-pour-sauver-le-monde-du-vin-du-declin/

    Speech en entier (une heure) : http://www.mastersofwine.org/en/symposia/bordeaux-2010/forging-links-videos/the-wine-business-viewed-from-outside.cfm

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  13. @la-terre-vue-du-vin : pas d'accord avec vous. En France, les grands vins se trouvent à partir de huit euros, catégorie par catégorie. Dès que je retrouve mon ordi, j'irai regarder avec attention le discours d'Hegarty. D'ici là, je suis bien d'accord avec l'extrait que vous proposez. Sauf que les règles qui régissent le vin français n'entretiennent aucun mystère. Elles sont précises, rigoureuses, exigeantes, mais mystérieuses, non.

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    1. Laissez tomber le mystere, gardez la magie.
      Tout a ete dit par John Hegarty...

      Amen.

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