Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



dimanche 1 novembre 2015

Down by the Russian River

Pour découvrir les vignes du nord de la Californie, on laisse San Francisco dans le sillage. Mais les grands mythes fondateurs de l’Amérique nous rattrapent toujours. Du soleil le plus éclatant au brouillard le plus dense, bienvenue sur la Russian River. S’envoyer promener en Californie au prétexte d’une découverte du vignoble, c’est la garantie d’être très tenté par les chemins creux, les vieilles manies très attirantes, les pas de côté. C’est ce que nous avons fait.

Un bout de Russian River, vers Guerneville


Russian, quoi.

Il y a très longtemps, des Russes qui ne s’appelaient pas encore comme ça ont quitté leurs terres désolantes. En traversant le détroit de Béring, vite l’Alaska, droit au sud, le soleil dans l’œil, et hop, la Californie. Là, avisant un cours d’eau, ils l’ont descendu pour déboucher sur le Pacifique. Les Américains, jamais à court de simplicité, l’ont baptisé Russian River et les villages autour portent des noms dédiés, Moscow, Sebastopol. En route, vous faites halte dans quelques wineries, histoire de vous faire une culture. Surprise, très peu de producteurs, comme Hartford, valent le détour. Une exploitation gagnée sur les sequoïas. Chez les Hartford, on est fier de son vin. Une des étiquettes s’appelle Four Hearts, puisque c’est une famille de quatre personnes. Très américain. Aucune des autres wineries du coin n’approche la qualité de ce que nous avons dégusté en amont de la rivière.
Là, le vignoble s’appelle Vérité, en français dans le texte. C’est une belle histoire américaine, le travail, l’argent, le succès. Un vigneron français repéré par un milliardaire californien et engagé dans la Sonoma (la vallée traversée par la Russian River) pour faire un vin d’exception et, en dix ans, il a 100 points (sur 100) dans le guide de Robert Parker. Ce vin s’appelle La Joie. Ses deux autres vins (Le Désir et La Muse, si, si) ne sont pas à la traîne avec des notes exemplaires. La différence entre ces trois vins est le cépage dominant, le « 100 points » est un assemblage majoritaire en cabernet-sauvignon. Ce vigneron fulgurant s’appelle Pierre Seillan, physique, caractère et accent du Gers, un dur avec des convictions simples, « la parole est à la terre », « les droits du sol », qu’il assène à tout-va, les Américains adorent. Le milliardaire, Jess Jackson, est un ancien avocat aujourd'hui disparu, l’air de John Wayne, très impliqué dans la défense des doits civiques et le droit constitutionnel, fier des avancées qu’il avait provoqué. Et, comme tous ces grands entrepreneurs, dès qu’il s’est intéressé au vignoble, c’est devenu une énorme company, 1 200 employés, 5 000 hectares de vignes, des dizaines de vins différents dont Vérité n’est que le tout petit fer de lance très pointu, quelques dizaines de milliers de bouteilles chaque année, pas plus.
Tous ces chiffres ne doivent jamais nous faire oublier que, XXIe siècle ou pas, nous sommes toujours dans le Wild West, en ce qu’il a de plus anachronique. Quand un vigneron français doit se débrouiller de deux vipères et trois sangliers, des chevreuils, le Californien est aux prises avec un bestiaire démesuré. Sur les coteaux à flanc de montagne, rôde l’ours brun. Dans les airs, plane l’immense bald eagle, l’aigle à tête blanche, symbole de l’Amérique. Entre les rangs de vigne, courent les coyotes. Dans les palissages, s’enroule le serpent à sonnette, le rattlesnake, prêts à pécho l’oiseau qui s’y pose ou le clandestin qui y travaille. Et partout, les cougars qui auraient tué plusieurs joggers et cyclistes, ces années-ci. Quand Pierre Seillan descend de voiture, il fait attention où il met les pieds. Qu’il parle des vins de la Californie et il dit « ici, c’est nous qui écrivons l’Histoire ». Ce qui vaut aussi pour la sauvagerie de la nature. Suivre le cours paisible de la Russian River est une expérience. Non pas pour la qualité des souvenirs laissés par les peuplades sibériennes évoquées plus haut, il n’y a plus rien à voir. L’intérêt est plutôt cette sorte de memorial du passé proche, version flower power, Haight-Ashbury, tout ça. Ce passé-là, pas la Conquête de l’ouest.
En suivant les rives enchantées de la jolie rivière, dans les eaux de laquelle se mirent les demeures patriciennes des vignerons, on arrive vite vers l’aval, on approche du grand océan, le Pacifique, la température baisse d’un cran (de 30 à 20 °C), les choses changent, voici Guerneville, bourg englouti par une épaisse forêt de sequoïas géants (à cent mètres de haut, on peut dire géant). Au premier coup d’œil, c’est l’Amérique profonde. Mais non. Ce village a vu débarquer une population composée de gays, de hippies, de cultivateurs de marijuana, à l’époque où la baie de San Francisco se boboïsait à fond. Guerneville succédait à Sausalito. Les débuts furent difficiles entre la population de rednecks originelle et les nouveaux conquérants. Puis, tout ce monde s’enfonça dans un consensus mou favorisé par la torpeur locale. Guerneville, ce n’est déjà plus la Sonoma, ce n’est pas non plus la Silicon Valley et rien ne dérange l’assoupi dans cet ailleurs oublié du monde. Les nouveaux ont fait des maisons dans les arbres. Les sequoïas poussent en bouquets, formant une sorte de polygone assez grand pour y construire une petite maison. Ces maisons, très bien abritées du soleil sont, donc, très humides. Des familles vivent là, petite foule invisible, nous n’apercevrons que quelques spécimens de cette population prostrée sur ces souvenirs. Sous un abribus, un type assis depuis des siècles, le regard loin, s’est arrêté aux portes de la perception chères à Jim Morrison. Un autre passe sur une planche de skate traîné par un pitbull à l’œil vitreux, vêtu de mousselines arc-en-ciel, apparition qui ne surprend personne d’autre que nous. Nous traversons la forêt, la rivière s’élargit, la température baisse encore, la vue se brouille, remonte ta fenêtre, on gèle.
Le brouillard succède d’un coup à l’été de NoCal, nous arrivons à Jenner, embouchure de la Russian River, les colonies de gros phoques gris qui roupillent sur les bancs de sable. Le vent et le soleil auront raison des nuées, le temps d’un burger à peu près possible servi par une blonde ravissante dans un restaurant désert. Une Suédoise. Pour une histoire d’amour, voilà qu’elle tient un restaurant au bord du brouillard. Il y en a deux pour 79 habitants. Personne ne passerait ses vacances ici, quelle idée. La pression immobilière est très faible sur ce bord de Pacifique plus désolant encore que les plus sinistres de nos côtes bretonnes. Des roches noires, tourmentées par les grandes vagues. On dit que, à la saison, on voit passer les baleines. Ce n’était pas la saison. La mer est glacée, qui tempère les chaleurs des étés, qui fait les nuits froides, qui assure au raisin une maturation de très bonne qualité. Ceci expliquant cela.

La rivière approche de l'océan et le brouillard s'en mêle.


Fin de la Russian River. Derrière les rochers, le Pacifique.

Photos : Mathieu Garçon.

Carnet pratique

Y aller
Air France propose deux vols directs par jour de Paris. Vols A/R à partir de 862 euros. Depuis l’aéroport international de San Francisco, direction Redding par l’autoroute 101, via le Golden Gate Bridge, sortir à Santa Rosa ou Healdsburg. Environ une heure.

Dormir
Hotel Healdsburg, à Healdsburgh
C’est la belle adresse, la plus récente. L’hôtel est sur la place principale, entouré de nombreux restaurants. En plus, Healdsburg est au cœur de la Sonoma. Environ 200 US$ la nuit, selon les packages (Harvest, Gourmet, etc.). Le bug : une amende de 150 dollars si vous fumez dans votre chambre (c’est la femme de chambre qui vous dénoncera). Vous ne serez pas d’accord, on vous proposera d’appeler la police. Payez.
25, Matheson St, Healdsburg. Tél. : 800.889.7188 ou hotelhealdsburg.com

Hilton Sonoma Wine Country, à Santa Rosa
Sur les hauteurs de la ville. Confort international. De là, on rejoint rapidement la Napa Valley par une route de montagne où, tous les 300 mètres, un panneau prévient : « attention aux ours » et ce n’est pas pour rigoler. A partir de 229 US$ la nuit. 3555, Round Barn Bld, Santa Rosa. Tél. : 707 523 7555 ou hiltonsonomahotel.com

Sonoma Orchid Inn, à Guerneville 
Au milieu des sequoïas, au bord de la rivière, le plus « clean » des hôtels de cet endroit étrange. Avec une attention particulière aux détails (le petit-déjeuner, par exemple). De 149 à 245 US$ la nuit. 12850, River Rd, Guerneville. Tél. : 707 869 4466 ou ridenhourinn.com

Un restaurant à Healdsburg
Le Barn Diva, un restaurant tenu par l’un des très rares Californiens qui parlent français couramment. Gastronomie moderne, légère, inventive et goûteuse. Le meilleur à la ronde, le seul où l’on ne singe pas les tables guindées de la vieille Europe. 231 Center St, Healdsburg. Tél. : 707 431 0100 ou barndiva.com

Déguster
Dans la Sonoma Valley
Domaine Vérité, 4611 Thomas Rd, Healdsburg. Tél. : (707) 431-3910 ou jacksonfamilywines.com
Domaine Hartford Family Winery, 8075 Martinelli Rd, Forestville. Tél. : (707) 887-8000 ou hartfordwines.com
Domaine Francis Ford Coppola, 300, Via Archimedes, Geyserville. Tél. : 707 857 1400 ou franciscoppolawinery.com

Dans la Napa Valley
Domaine Newton, 25555 Madrona Av, St. Helena. Tél. : (707) 963-9000 ou newtonvineyard.com Et surtout Harlan, Screaming Eagle, etc.


3 commentaires:

  1. … http://bonvivantetplus.blogspot.fr/2013/07/comment-jai-arrete-de-fumer-ma-vie.html

    Ne me dis pas que c'est out et que cela t'a coûté $ 120 !!!

    Beau ressenti de cette région et sur les Seillan qui ont réussi un sacré parcours !

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    1. Ah, ah, non. Ce texte est antérieur. Un voyage avec Mathieu en 2010.

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