Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 29 juin 2011

Les vins d’aujourd’hui vieillissent-ils aussi bien que les vins d’hier ?


Michel Bettane revient sur un sujet qui agite pas mal les amateurs de beaux vins. Il nous livre ici les clés pour comprendre les vins « modernes » et leurs capacités de vieillissement par rapport aux millésimes d’hier, ceux que nous finissons de boire ces années-ci.
« Nous voici devant un autre effet pervers de la morale judéo-chrétienne, qui est aussi effrayée par ce qui peut donner du plaisir que par le Diable. Puisque les vins d’aujourd’hui sont très bons à boire jeunes, nous craignons aussitôt qu’ils ne soient plus capables de vieillir aussi bien que ceux d’hier. Dans le passé, de nombreux vins avaient besoin d’un long vieillissement en bouteille. Non pas pour révéler leur vraie nature, mais pour se débarrasser de défauts de naissance comme une acidité excessive et des tanins astringents dus à la rusticité des méthodes de vinification. Quand la matière première, le raisin, était de belle qualité, l’âge les rendait délicieux comme on l’a vu avec des millésimes lents à s’épanouir (1928, 1934, 1945). Mais nous avons oublié que d’autres grands millésimes, sans doute les plus grands (1929, 1947, 1953, 1959), ont été prêts à boire assez tôt en raison de leur faible acidité, due à la belle maturité des raisins, objectif que les bons producteurs cherchent à obtenir aujourd’hui.
Quand Émile Peynaud a imposé le style moderne des bordeaux, avec la recherche d’une acidité basse, dans les années 60, les Cassandres de l’époque étaient déjà en train de nous expliquer que c’était la fin des grands crus, et que ces vins ne vieilliraient pas. Quarante ans après, personne ne conteste leur harmonie supérieure et leur fidélité au terroir. On entend les mêmes sornettes aujourd’hui à propos des vins de Michel Rolland et de ses confrères consultants. Le temps se chargera de contredire ceux qui propagent de telles craintes. À la condition, toutefois, que les rendements restent raisonnables et qu’on ne manipule pas le vin au chai.
Au plan de l’analyse, les vins biens faits produits aujourd’hui sur de grands terroirs sont plus complets qu’autrefois, ils ont des degrés alcooliques plus élevés, un extrait sec supérieur, et des indices de tannins infiniment plus importants. Pour faire simple, toutes leurs qualités sont présentes à la naissance et leur donnent charme, aisance et suavité, pour peu qu’on les carafe deux à trois heures à l’avance.
Souvenons-nous du 1982, le premier des grands millésimes modernes à Bordeaux. En 1994, nombre d’experts prédisaient sa « mort » imminente et se moquaient des Américains qui aimaient ce style « pervers et décadent. »
Aujourd’hui, les beaux 1982 sont plus jeunes et plus fringants que jamais. Nos rabat-joie auraient mieux fait de se taire. D’autant qu’ils ont assuré, en réaction à leur bêtise, le succès planétaire d’un certain Robert Parker. »
Michel Bettane

La photo : Michel Bettane, photographié par Guy Charneau.
Ce texte a été publié sous une forme différente dans Le Monde Magazine.

7 commentaires:

  1. je ne vois vraiment pas ce que la morale judéo-chrétienne vient faire là dedans M'sieur Bettane! franchement........

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  2. Merci à Michel Bettane de nous aider à rassurer et nos clients et leurs clients, consommateurs. Les vins d'aujourd'hui sont plus grands que ceux d'hier et d'autres encore plus grands restent à élaborer car connaissance et maitrise techniques progressent chaque année. D'ailleurs, je suis désolé de constater que bon nombre de vins anciens n'ont pas bien vieilli, loin s'en faut. Pour qu'un vin de garde traverse le temps avec succès, il fallait déjà que tous les curseurs soient au vert. Et cela arrivait moins souvent qu'aujoud'hui. Donc, oui, soyez rassurés, les plus belles bouteilles restent à venir. Je n'ose pas encore imaginer la merveille qu'un Cos d'Estournel 2009 deviendra, ni l'émotion qu'il continuera à procurer. Du jamais atteint sur l'échelle du plaisir.

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  3. La judéo-chrétienté a à voir là-dedans.
    Elle (surtout la chrétienté) a sanctifié le vin, la vigne, le travail de la vigne qui, entre autres choses, symbolisent la possibilité que devienne bon ce qui ne l’est pas encore. Ca s’appelle l’espoir.
    Qui a diabolisé le plaisir ? Les faux prêtres, effets pervers auxquels M. Bettane fait référence, et dans la morale laïque Cassandre, la prêtresse en transe qui ne voit de l'avenir que le malheur.
    Alors quand, à partir d'une analyse claire, M. Bettane dénonce non la JC, mais ses effets pervers en même temps que Cassandre, quand il éclaire les bonheurs à venir et rend confiance dans l’avenir du vin, il rallie vignerons, marchands et convives, travail et plaisir, passé et l’avenir,
    et c’est religieux.

    Juliette Tournand

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  4. C'est peut-être moi? Mais je lis et relis ce billet et je n'y trouve pas de réponse nette à la question posée en titre.
    Les vins d'aujourd'hui sont différents, car la conduite de la vigne, la connaissance des cépages, des sols et sous-sols, la vinification, le contrôle des températures, les méthodes d'élevage.... tout a considérablement évolué.
    Notre approche du vin, de sa consommation, où, quand, comment, est profondément différente.
    Si les vins d'aujourd'hui sont ceux élaborés depuis le grand 1982, avons nous suffisamment de recul pour en déduire que les "modernes" vieilliront mieux que les mythiques 1929, 1947, 1959 et autre 1961? J'en doute!
    Stéphane

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  5. Mme Tournand si je vous dis que vous êtes loin de m'avoir convaincu, il est vrai que le vin est très présent dans les évangiles, le sang du Christ. si vous voulez bien me préciser vos sources pour ce qui concerne la sanctification du vin par la chrétienté je suis preneur! suffit pas d'affirmer

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  6. Cher Monsieur Preneur, voici les quelques exemples et références que j'avais en tête :

    - Dans la Genèse - "Noé était un homme juste. Il se montrait sans défaut parmi ses contemporains." Après le déluge, il "devint bon cultivateur, planta alors trois vignes. Il se mit à boire du vin et s'enivra." Aucune diabolisation de son ivresse.
    Au contraire, Saint Augustin dit de l’ivresse du vin qu'elle est un chemin vers Dieu.
    ("Le Vin et le Divin", Jean- Robert Pitte, Fayard)

    - Évangile de Mathieu 21,28-32 - Parabole du père qui envoie ses fils en disant à chacun "va, aujourd'hui, oeuvre dans la vigne", ce qui symbolise cultiver leur vie.
    Il loue le fils qui répond « je ne veux pas » puis se consulte et décide d'y aller de lui-même : il a deux fois pris sa vie en main, d’abord en disant « non » à son père, ensuite en allant à sa vigne.(Interprétation de Marie Balmary dans "La Divine Origine", chapitre "je ne veux pas, parole de fils".)

    - Évangile de Jean 2,1-11 - Coup d’envoi de la vie publique de Jésus : aux noces de Cana, il est encore un inconnu mais en fin de soirée, le vin vient à manquer pour la fête et Marie sa mère s’inquiète auprès de lui : « ils n’ont plus de vin », le pousse à agir pour qu'il y ait du vin. Il transforme de l’eau en vin. Le texte insiste, les invités s’étonnent : ce vin est délicieux, bien meilleur que celui du début de la fête. Jésus commence sa carrière en faisant un vin délicieux pour le plaisir et la fête.

    Le vin est systématiquement nommé dans le rituel de la messe et systématiquement désigné aussi, « fruit de la vigne et du travail des hommes ».

    Depuis deux mille ans la judéo-chrétienté communie dans le vin qui symbolise – est, croient les chrétiens – rien de moins noble que le sang qui bat dans les veines du Christ, comme vous l'avez remarqué.

    JT

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  7. Voilà des commentaires de haute tenue. Un vrai bol d'air, merci.

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