Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



vendredi 21 janvier 2011

Le grand homme de Vouvray


Si j’étais une petite fille de quatre ou six ans, j’aurais peur de Noël Pinguet, je me dirais que c’est un ogre et qu’il va me manger. De l’ogre, il a la haute stature, la grosse voix, les gros yeux, l’allure sans complaisance, sans trop de façons, non plus. Et puis, je regarderais mieux et je rirais très fort pour gommer l’angoisse de la minute précédente. Un ogre avec des lunettes rouges, c’est un clown et c’est gentil, un clown. Ben ouf. Il est comme ça, le patron du Domaine Huet à Vouvray. Incroyablement rétif de prime abord, limite désagréable, bougon, j’ai pas le temps. Et puis, il réalise que vous avez voyagé pour arriver dans sa cour et il consent à descendre du tracteur au moment précis où l’on se dit qu’on va se casser, c’est bon là. Peu à peu, l’ogre s’apprivoise et se transforme en une personne d’une exquise courtoisie, avec des histoires à raconter, un bon sourire et la petite fille de six ans se sent beaucoup mieux, elle en ferait bien son grand’père. L’ogre en nounours, oh oui. Plus le temps passe, assez vite, plus Noël Pinguet devient chaleureux, amical, drôle, sympathique. Et puis, on aime son engagement, on aime les gens engagés, il faut dire. Ceux qui prennent leur vie à pleins bras, conscients, responsables, citoyens, maîtres de leurs choix, de leur univers. On aime ces humains-là, vous aussi. On aime son implication dans le haut niveau. La bio-dynamie en évidence, pratiquée depuis des années, ce n'est plus un sujet de conversation. Il dit : « Je me sens un peu seul dans l’appellation. Nous ne sommes pas dix à travailler bien sur 210 vignerons à Vouvray. On est cinq à vendanger à la main, les puristes ne sont vraiment pas nombreux ». Pour autant, « Je ne suis pas un donneur de leçons. Je ne fais pas de prosélytisme. Je dis ce que je fais et chacun fait comme il peut avec ses moyens. » Quand même, en le poussant un peu, il dit qui travaille bien, il parle de Chidaine, de Foreau, d’autres encore, avec une certaine tendresse, mais n’exagérons rien . Nous avons passé un long moment en sa compagnie dans son pressoir. On sent la passion de l’homme qui pointe sous la carapace. « C’est moi qui pressure et personne d’autre. »
Il y a quelques années, sans doute quand le problème de la succession de son beau-père, Monsieur Huet, s’est posé, environ deux tiers du capital de la maison a été vendu à un Américain d’origine chinoise, Monsieur Hwang. Une collaboration dont Noël Pinguet est très content, apparemment. Ce co-propriétaire majoritaire lui laisse les mains libres. Pinguet fait ce qu’il veut et le fait bien. Au chai, à la vigne, au caveau, mais aussi la gestion des millésimes. Avec environ quatre années de récolte en stock, il peut se permettre de ressortir, de loin en loin, de vieux millésimes pour le plus grand bonheur de l’amateur. Ainsi, il a retiré de la vente les 95, 96, 97. On les reverra dans dix ans. Il ne sont que deux à faire ça à Vouvray, l’autre est Philippe Foreau, le propriétaire du légendaire Clos-Naudin. On sent percer un peu de lassitude dans le discours. « Je me demande si je ne devrais pas quitter l’appellation. On nous demande des choses aberrantes. » Comme partout Noël et, comme partout, la lassitude affleure. Mais Vouvray sans les grands vins de Huet, c’est quoi ?

La photo : Noël Pinguet, photographié à Vouvray par Mathieu Garçon

2 commentaires:

  1. Il semble que le vent ait tourné pour Pinguet et, en même temps, on s'en fout, ça nous regarde pas. C'était une belle rencontre anyway.

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