Hubert de Boüard est un vigneron devenu vinificateur, devenu media darling. Parfois pour de mauvaises raisons. Attaqué de toutes parts, il a d’abord ses vins pour répondre aux injustices qui lui ont été faites. Et sa déjà longue histoire sur le terroir qui l’a vu naître. Quelque chose de très authentique. Nous avons parlé surtout de la terre
Hubert de Boüard dans le chai de son château Angélus |
Vigneron de naissance ?
Je suis né au milieu des vignes d’Angélus, pas à la clinique ou à l’hôpital. J’ai grandi au milieu de ces vignes, parmi les vignerons. C’était mon quotidien, mon terrain de jeu. On peut dire que je suis vraiment un enfant de la balle. Ça ne veut pas dire qu’on est meilleur que les autres, mais je connais ce métier depuis que je suis gamin. À la maison, je mangeais ce que mon père adorait aller ramasser dans le vignoble : les baraganes qui sont des poireaux des vignes, de la doucette qui est de la mâche, des asperges sauvages, etc. La vie de vigneron, je l’ai vécue. Mon père était dans ses vignes. J’allais avec lui.
Pas question de faire autre chose ?
Le premier sujet, c’est la vigne, avant même que le vin ne soit là. J’ai commencé à y travailler, ça faisait partie de ma vie, de la vie de tous les jours et je ne concevais rien du vin que cela pouvait donner. Petit à petit, je me suis aperçu que cette vie était dans les gènes de notre famille. Ce territoire est ancré en moi, nous sommes une famille de vignerons présents à Saint-Émilion depuis plus de 200 ans. Quand on a compris ça, on se rend compte que ces ceps de vigne que nous taillons font vraiment partie de notre histoire. Pendant longtemps, c’était le seul gagne-pain de notre famille. Ce qui lui permettait de manger.
Il a pourtant fallu vous imposer à Angélus
Cette prise de conscience de l’environnement dans lequel je me trouvais a grandi avec moi. J’ai eu la chance d’étudier la viticulture. Ce n’était pas évident à l’époque et assez rare dans nos familles. Quand je suis revenu à la propriété, j’ai compris ce qui n’allait plus dans nos pratiques, cette forme d’industrialisation avec laquelle on conduisait le vignoble. Une prise de conscience et un conflit avec mon père. Même si l’on travaillait la terre, on utilisait beaucoup trop d’engrais ou on traitait dix fois dans l’année contre les araignées. Mon père n’avait pas appris, il n’avait pas eu de formation. Quand j’ai commencé à m’interroger sur ces pratiques, on s’est retrouvés tous les deux dans une forme de confrontation, dans un choc de cultures, de générations. Je ne pouvais pas lui en vouloir, personne ne lui avait enseigné le peu que j’avais eu la chance d’apprendre. J’ai donc décidé de m’entourer et, d’une certaine manière, de faire marche arrière. L’idée était d’intégrer la vigne dans notre environnement quotidien. Tel que je le concevais, cela signifiait simplement pouvoir sortir dans les vignes quand je le voulais, ne plus avoir à me soucier des traitements, manger à nouveau les doucettes. Donc, on a fait machine arrière. Il y a trente ans, nous avons réintroduit des typhlodromes, qui sont des prédateurs de l’araignée, et des coccinelles. À l’époque déjà, nous étions en avance sur la confusion sexuelle. D’une certaine manière, sans le dire, nous intégrions à notre réflexion cette notion d’environnement biologique.
Parlons-en de l’environnement, justement
Je me suis posé beaucoup de questions sur ces changements. Où va-t-on ? Comment y aller ? Si je n’ai jamais eu envie de produire des quantités énormes, il faut quand même avoir un peu de volume. Comment le faire tout en respectant tous ces sujets environnementaux ? Est-ce qu’on est dans le juste ? L’idée n’était pas de travailler avec du cuivre pour faire vingt-cinq passages dans l’année au lieu de quinze. Les solutions proposées sont encore peu nombreuses. Surtout, sont-elles plus vertueuses ? Est-ce qu’on peut faire mieux ? L’agroforesterie, par exemple, est une démarche intéressante. Je crois que ce n’est pas suffisant. Il faut aller plus loin. Essayer, au moins. Cela dit, planter un arbre dans les vignes présente tout de même de sérieux risques. Certains vignobles sont totalement contaminés par les arbres, notamment les pêchers, qui y ont été plantés pendant cinquante ans. Tout le système racinaire des vignes est un nid à nématodes, certains sont infectés par des virus qui engendre de la panachure ou du court-noué. C’est un vrai sujet dans les vignobles anciens. Nous pouvons comprendre les haies, canalisées en dehors des zones de plantation. Les arbres au milieu des vignes, nous n’y sommes pas favorables.
Les couverts végétaux ?
Ils sont d’un grand intérêt dans la régulation de l’eau. À Bordeaux, on est plutôt protégé sur ces questions, avec des pluviométries plus que suffisantes. Les couverts sont aussi vraiment intéressants sur les problèmes d’humus et de renouvellement naturel des sols. Ils permettent d’éviter à certains moments des problèmes d’évaporation. Avec les couverts végétaux, même les jeunes vignes qui ne sont pas encore enracinées profondément souffrent moins. Ils conservent l’humidité et, de fait, protègent la faune du sol. Pour autant, sur ce sujet aussi, je suis persuadé qu’une pratique qui se généralise ou s’automatise devient rapidement excessive. Chez nous, on cherche à faire ce qui a besoin d’être fait, ce n’est jamais noir ou blanc. J’essaie d’aller au-delà du simple système, de la solution unique.
Au moins, tout le monde en parle.
Bien sûr, il y a une pression sur ces sujets. Prenons le cas des questions de densité de plantation et mettons-les en perspective avec les disponibilités d’eau dans les sols. Il faut avoir un peu de bon sens. Dans les sols peu pourvus en eau, si on plante 12 000 pieds à l’hectare, tout meurt. Il faut le savoir et prendre en compte l’ensemble des paramètres. À l’inverse, un sol hydromorphe est mortifère. Ce qui compte, c’est que la terre soit vivante. Pour qu’elle le soit, il n’y a pas de pratique meilleure qu’une autre. Aujourd’hui, voilà presque sept ans que nous sommes dans la démarche du bio. Je n’ai pas de regret, sans être pleinement satisfait. Cela nous a permis de progresser, d’avancer, de comprendre. Maintenant, c’est parfois une frustration parce que nous pensons que ce n’est pas suffisant. Nous ne sommes pas du tout au bout de ce chemin.
Aujourd’hui, place à une nouvelle génération. Pour pousser le bouchon un peu plus loin ?
Stéphanie, ma fille, m’a rejoint en 2012. Elle nous a bousculés dans nos convictions, dans nos pratiques. On voulait aller de plus en plus loin dans cette logique du bio. Je crois qu’il a fallu que nous n’ayons plus d’échappatoire, qu’on se dise qu’on allait au bout. On a décidé de se lancer dans cette aventure avec le château Bellevue, en 2016. Peu après, Stéphanie a souhaité qu’Angélus suive cette voie jusqu’à la certification. C’était beaucoup plus difficile. Bellevue possède un vignoble de 6,5 hectares d’un bloc sur une colline ventilée. Le vignoble d’Angélus est bien plus complexe en termes de parcellaire et, surtout, beaucoup plus grand. De mon côté, j’arrive à une période de ma vie où ceux qui m’ont accompagné jusqu’ici commencent à partir. C’est une période idéale pour reconstruire une équipe nouvelle formée pour ce projet.
Photo Mathieu Garçon
Pourquoi est-il toujours attaqué?
RépondreSupprimerEntre jaloux, idéologues et mauvais coucheurs, la petite foule enfle et se presse pour dézinguer ceux qui font bien et réussissent
Supprimer« Nous sommes une famille de vignerons présents à Saint-Émilion depuis plus de 200 ans ». Déclaration étonnante et récurrente dans la bouche de Hubert de Boüard.
RépondreSupprimerEn effet le patronyme des de Boüard n’est mentionné au 19e siècle à Saint-Emilion ni sur les registre de l’état civil, ni sur les listes nominatives des recensements, ni sur les matrices du cadastre napoléonien. Aucun de Boüard n’y était donc résident ou propriétaire. Le patronyme apparaît à partir de 1910 (recensement de 1911) lorsque Maurice de Boüard de Laforest hérite du Château Mazerat de Jeanne Eugénie Chatenet épouse Souffrain.
L’historien Michel de Boüard de Laforest et le « Fonds de Boüard » déposé aux Archives départementales de Gironde ne mentionnent d’aucune manière l’installation des de Boüard de Laforest à Saint-Emilion avant la Révolution, et confirment au contraire l’implantation de Jean (le soi-disant fondateur de l’Angélus en 1782) sur le domaine familial de Laforest en Dordogne.
De plus dans ses 8 premières éditions de « Bordeaux et ses vins classés par ordre de mérite » (1850-1908), Edouard Féret, guide de référence des vins du bordelais, ne mentionne aucun de Boüard de Laforest propriétaire de vignobles à Saint-Emilion. Le « Clos l’Angélus » est cité pour la première fois dans la 8e édition de 1908 comme propriété de la famille Gurchy depuis 1610. La 10e édition de 1929 mentionne le changement de propriétaire du « Clos l’Angélus » quand la Comtesse de Boüard de Laforest le rachète en 1922 à la Société Bernheim de Paris.
D’ailleurs récemment contactées les Editions Féret m’ont répondu : « J’ai lu avec intérêt le document word transmis. Il y a en effet un écart substantiel entre nos éditons du début du XXe siècle et la communication actuelle de la propriété ».
Il semble donc difficile et infondé historiquement d’affirmer la présence de plus de 200 ans des de Boüard à Saint-Emilion, depuis 1782 pour être plus précis. Il vaut mieux pour écrire l’histoire d’un domaine tel qu’Angélus s’appuyer sur de véritables documents d’archives plutôt que de se contenter d’affirmations gratuites jamais démontrées mais sans doute plus valorisantes pour sa notoriété. Marketing oblige ! Angélus devrait essentiellement s’appuyer sur la qualité de ses vins au lieu d’en réécrire l’histoire.
J’aimerais savoir ce qu’en pense Monsieur Nicolas de Rouyn partisan « d’un retour au produit à l’heure où les vins sont aussi des produits de l’investissement et de la spéculation ».
Bruno de Boüard
Pour plus de précisions sur la véritable histoire de la propriété voir l’article « Château Angélus » sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_Ang%C3%A9lus
Cher monsieur,
SupprimerVotre commentaire documenté sent fort le règlement de compte familial. Vous me permettrez donc de ne pas m'en mêler.
Pour ce qui concerne votre allégation sur d'éventuels propos que j'aurai tenus (« d’un retour au produit à l’heure où les vins sont aussi des produits de l’investissement et de la spéculation »), je ne sais pas d'où vous tenez ça, qui ne me ressemble guère. Pour plusieurs raisons. 1, le "retour au produit" est une cuistrerie à laquelle je n'adhère bien sûr pas. 2, j'ai toujours pensé que le vignoble avait besoin d'argent pour faire plus et mieux et l'arrivée d'investisseurs est quelque chose que je salue. 3, la spéculation est une activité normale qui ne me dérange en rien. Surtout depuis l'arrivée des NFT qui permettront aux vignerons de gagner de l'argent sur cette spéculation.
Autre chose ?
Cher Monsieur,
SupprimerVous considérez que mon commentaire sur les 200 ans des de Boüard à Saint-Emilion sent fort le règlement familial, or je ne fais que reprendre un point de votre article pour y apporter un rectificatif. Mon cousin Hubert pourrait donc parler histoire, moi non ! Ce qui est ou se veut vérité historique d’un côté ne serait que règlement de compte de l’autre. Bien sûr vous avez parfaitement le droit de reproduire intégralement les propos d’Hubert sans vérifications, accordez-moi au moins le droit d’y répondre avec un argumentaire. Je n’attaque en rien mon cousin ni n’altère la réputation des vins d’Angélus, j’apporte un éclairage différent sur l’histoire du domaine en m’appuyant sur les archives familiales, domaine qui m’intéresse en tant que membre de cette famille, historien de formation et ancien archiviste. Sans répondre à ma question vous tentez de renvoyer mon commentaire sur d’éventuelles dissensions familiales et non sur le plan historique. Une façon de botter en touche en le dénigrant. Or c’est justement cette dimension historique source de notoriété, mais révisée (« 8 générations et plus de 200 ans des de Boüard à Saint-Emilion » ; la famille remonterait même à Aliénor d’Aquitaine… Comment ?) que mon cousin Hubert revendique régulièrement haut et fort tout en refusant de répondre à mes remarques et questions. Et il s’en gardera bien faute d’arguments, de version « documentée ». Omerta totale. Cette omerta que nombre de médias semblent pratiquer par complaisance et copinage, tout en reproduisant cette « histoire officielle ».
Vous me dites ne pas vouloir vous mêler de mon « commentaire documenté ». Est-ce justement parce qu’il est « documenté » ?
Quant aux propos cités que vous auriez tenus, ils n’étaient pas de vous mais les guillemets ne faisaient que reprendre un article vous mentionnant sur le site des Vins de Saint-Emilion à l’occasion de votre intronisation comme Prud’homme de la Jurade de Saint-Emilion : « Saint-Emilion, retour aux sources pour Nicolas de Rouyn ». Je prends acte de votre réponse mais cet article n’étant en rien critique à votre égard, je m’étonne de votre réaction. Soit cette institution vous a mal compris ou « trahi » et vous n’avez pas corrigé, soit vous avez changé d’avis et votre mémoire vous fait défaut. Tout ceci est étrange vu les relations étroites que vous avez avec le milieu viticole de Saint-Emilion entre autres. Et avec mon cousin Hubert…
« Autre chose ? » me demandez-vous. Oui juste une question : qui vous a inspiré l’idée du « règlement de compte familial » ? Cela me rappelle quelqu’un.