Jean-Pierre Confuron dans l'entrée de la Tour des Filles (qui ne s'appelait sûrement pas comme ça par hasard) |
Des Confuron, il y en a plein, tous vignerons en Bourgogne. Alors concentrons-nous sur l’un d’entre eux, justement choisi entre mille. Notre Confuron à nous se prénomme Jean-Pierre et il n’y en a qu’un. Frère d’Yves, il veille avec lui aux destinées de leur vignoble familial, le domaine Confuron-Cotedidot, du très haut de gamme. Jean-Pierre a une autre casquette, il dirige la viticulture et les vinifications du domaine Chanson et assure les approvisionnements de cette grande maison de négoce. « Moi, je suis vigneron. Je n’ai pas besoin de faire mille contrats. Si tu es crédible, tu es reconnu. C’est ça, la confiance. » Chez lui, l’œil rieur ne masque pas une énergie certaine. On le dit un peu rugueux, il s’en défend : « Je suis plutôt cool, mais je ne laisse pas passer l’erreur. Nous sommes tous là pour faire le mieux. » S’il produit 40 000 cols avec son frère, c’est un million de bouteilles qui sortent de chez Chanson. Ce n’est plus la même chose, même si cette réalité le laisse de marbre. Cette année, Michel Bettane et Thierry Desseauve ont distingué le domaine Chanson pour la qualité extrême de ses beaunes premier-cru 2015. Dans le guide 2018, qui vient de paraître, ils sont rangés dans l’étagère « Vin de l’année ». Consécration ou confirmation ? Modestement, préfèrons le deuxième avis.
Ce
Confuron-là et son frère ont l’habitude des honneurs. Leur travail est dans le
radar depuis longtemps et chacun s’accorde à dire qu’ils font très bien. D’Homme
de l’année 2014 chez les uns en Vin de l’année 2018 chez les autres, ils sont
toujours sous les projecteurs. Avec son air de jeune homme, Jean-Pierre
Confuron aligne pourtant vingt-six vendanges et autant d’années pour se forger
de vraies convictions (« un vrai pinot, c’est rubis ») qui sont, ou
pas, reconnues par tous. Bien calé dans la tradition pluri-séculaire de la
Bourgogne, il vinifie en vendange entière. Comprendre qu’il vinifie aussi les
rafles. Qui, elles aussi, posent des problèmes de maturité. Tout le jeu est là
et comme il le dit : « Si tout le monde a fait de la gouache à l’école,
il n’y a que quelques grands artistes. » Il trouve que son métier résonne
dans cette créativité énoncée. Il parle d’héritage. « Sept générations au
même endroit, ça forme le goût, les réflexes et la réflexion. J’ai des
souvenirs, ça m’aide. » Pourtant chez Chanson, il est contraint à passer
de l’infiniment ancien au très contemporain. Ainsi du chai à barriques installé
dans la tour des Filles, construite de 1519 à 1524 dans les remparts de Beaune,
derrière des murs de huit mètres d’épaisseur, comme au château de Beaune chez
Bouchard Père et Fils ou dans le castrum de Joseph Drouhin. Les grandes maisons
de négoce sont inscrites dans l’architecture historique de la ville depuis la
fin du XVIIIe siècle.
C’est
dans ce bastion que Chanson conserve ses vins à l’abri du chaud, du froid, de
la lumière et des vibrations. On peut supposer que ce n’est pas très pratique,
et que dire alors de la cuverie en pleine ville qui jouxtait le bastion ?
Heureusement, elle a été déplacée hors les murs, au pied des vignes du grand
talus, dans une unité de production dernier cri, un très gros jouet que ce
cuvier qui enchante notre homme. Comme il a tout connu de l’aventure Chanson
dès l’achat par Champagne Bollinger (« C’est ça qui est passionnant dans
cette histoire, j’ai commencé au commencement »), il a une vison très
claire et complète du potentiel de la maison Chanson : « Quand
Bollinger m’a demandé de les conseiller pour l’acquisition de Chanson, nous
avons commencé par faire l’inventaire des vignes du domaine. Nous constatons
alors l’état de non-culture de ces surfaces menées en conventionnel. Trois ou quatre
coups de round-up et on ne se posait pas de question. Ils m’ont confié une
mission. Un audit précis du vignoble et une restructuration complète des
plantations. Nous ne parlions pas encore de vin. Dès le début, nous avons cessé
l’usage des herbicides. Très doucement, nous sommes passés au labour. On a
arrêté l’usage des potasses, de la machine à vendanger et, peu à peu, les
choses se sont redressées. »
Aujourd’hui,
les 43 hectares du domaine Chanson sont menés en agriculture biologique.
Premier millésime certifié, le 2015. « Le bio, c’est d’abord pour nos
salariés et les habitants riverains. C’est aussi pour l’eau des nappes
phréatiques. Le bio, enfin, renforce cette quête du terroir qui est la nôtre.
De façon durable, évidemment. Mais ça, je le crois, mais je ne peux pas le
démontrer. » Fort de quoi, notre homme envisage la suite avec une certaine
confiance. Il observe attentivement le millésime en cours, le 2017. Il y croit
et il le dit : « Il y a une intuition. Cette année, je le sens. Je
sens les rythmes, les pics, les très-froids et les très-chauds. Je me demande,
par exemple, si l’été n’est pas déjà fini. » Cette conversation a eu lieu
début juillet. Il précise, essaie de se faire comprendre : « Tu vas
aller chercher ce millésime par l’expérience des vingt-cinq qui précèdent. On
corrige, on tient compte, on se souvient, on affine. » On le sent tendu. Les Bourguignons paient depuis quelques années, déjà six, un lourd
tribut aux accidents climatiques et on voit bien qu’il n’est pas serein. 2016 a
marqué durablement les esprits. « C’est ma pire année à la vigne. »
Disant cela, il parle viticulture et rendement, pas des vins qu’il a réussi à
élaborer.
La photo : signée Mathieu Garçon
Cet article a été publié dans En Magnum #09 en septembre 2017 et sous une forme différente.
Le numéro 10 vient de sortir, en vente chez votre marchand de journaux. Voici à quoi il ressemble :
J'ai été attiré par le titre "en bourgogne 2015 passera le siècle "or l'article n'est qu'un éloge de Confuron un type certainement très sympathique et compétent mais rien sur le millésime 2015.
RépondreSupprimerPour les détails sur le millésime 2015 en Bourgogne, je vous recommande la lecture du Guide Bettane+Desseauve. Comme vous avez pu le lire, les vins de J.P. Confuron chez Chanson ont été distingués dans le guide. C'est la raison pour laquelle je me suis intéressé à celui qui les élabore. Mais ce blog n'a pas vocation à recopier les commentaires et notes des dégustateurs de l'équipe B+D.
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