Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



vendredi 13 mai 2011

« Le bio, c’est beaucoup d’huile de coude »


Parmi les dizaines de vignerons « bio », j'ai choisi de rencontrer Catherine Le Conte des Floris, du domaine éponyme. Installée dans le Languedoc, elle fait de bons vins, bien notés dans le Grand guide des vins de France. Avec Daniel, son ex-mari, mais toujours associé, ils réalisent plusieurs cuvées en rouge et en blanc. Lisez, c’est édifiant, en plus d’être assez sympa.
Vous avez commencé tout de suite en bio ?
En 2001, quand nous décidons de créer un domaine à Pézenas sur sept hectares, le bio est beaucoup moins pratiqué qu’aujourd’hui. Lorsque je quitte Beaune, j’ai en tête les cours de Jean-Pierre Confuron et les écrits de Claude Bourguignon sur les sols. Je viens de terminer mon stage au domaine Prieur, à Meursault. En face, Dominique Lafon engage sa conversion en biodynamie. Ne pas travailler la vigne avec des produits chimiques résonne comme une sorte d’évidence, une terre travaillée mécaniquement et non chimiquement est plus active, plus vivante. Nous sommes bio aujourd’hui, officiellement, mais, de fait, nous n’avons jamais utilisé de produit chimique. Toutes les vignes sont travaillées sans utilisation de pesticide, herbicide ou engrais
Qu’est-ce qui vous a poussée dans cette voie ?
Ce n’était pas par idéologie, mais par instinct et par culture familiale. Mon père était médecin et quand on avait la grippe, il soulevait le drap, vérifiait la raideur de la nuque pour s’assurer qu’il n’y avait pas de méningite et nous donnait de l’aspirine ayant la plupart du temps dépassé la date de péremption. Chez Daniel, même style, famille nombreuse aussi, père médecin aussi. Sa mère passait l'essentiel de ses jours dans son jardin et n’utilisait jamais de produit de traitement, le compost familial était déjà d'usage permanent.
C’est facile le bio ?
Ah non. Ce matin, en allant finir de dégager les herbes d'un plantier, j’ai été prise d’une sorte de lassitude. Le bio, c’est bien. Le raisin sera meilleur. De même qu’une tomate de jardin est une reine par rapport à sa collègue plombée de l’hypermarché. Mais le bio est très consommateur d'huile de coude. Et de temps. À quelques mètres de ma parcelle, il y a un autre plantier, pas en bio celui-ci, pas du tout. C’est bien rangé là, tout propre nickel, comme une chambre d’hôtel Ibis. Chez nous, cela ressemble plutôt à un bed and breakfast de Londres occupé par des étudiants de Jussieu venu voir un concert des Pink Floyd. Un grand bazar. Des bosses partout, des herbes folles, des chardons qui arrache les mollets et au milieu de tout cela notre jeune roussanne essaie tant bien que mal de résister. On y tient à cette roussanne, c’est la base de notre cuvée Lune rousse, et il y a toujours pénurie sur ce vin. À côté, les vignes ont le même âge mais sont déjà bien costaudes. Les nôtres sont chétives, malingres, perdues au milieu des mauvaises herbes. Il faudra cinq ans pour que les premiers raisins apparaissent, et encore, ils seront coupés bien avant vendange pour favoriser l'enracinement. Première vendange, la sixième année donc, si tout se passe bien. Il faudra trois ans pour la vigne voisine, qui ne connaît pas la concurrence des mauvaises herbes, et qui est dopée aux engrais chimiques. Moi, je m’arme d’une pioche et de ma ceinture Gibaud pour le dos, et je vais tirer les herbes folles pour libérer nos pousses. Elles résistent, parfois il faut fouiller pour les retrouver. Parfois même il m’arrive de leur parler « ah, te voilà toi ». Si on m’avait dit, il y vingt ans, que je parlerai un jour à une feuille… Ne dites pas à ma mère que je parle toute seule dans les vignes, elle croit que je suis assistante parlementaire d’un député UMP.
Et la bio-dynamie ?
Cette année, nous commençons doucement la biodynamie. J’ai suivi une formation sur les purins il y a un mois. Quand certaines font du stretching ou de la chorale, moi j’ai des cours de purin. Nous allons donc nous lancer, progressivement. Il faudra aller chercher l’eau de source à la fontaine de Fontes, trouver les orties, installer une cuve dans le maset, le plus jeune de mes enfants va adorer, les autres vont se dire que, décidément, leurs parents sont allumés.
Vous êtes nombreux en Languedoc ?
En Languedoc, la proportion des vignerons bio est plus importante qu’ailleurs. Il faut dire que le climat s’y prête et que cette région a quelque chose d’une terre de pionniers. On a progressé et il reste beaucoup à faire, sortir définitivement cette appellation de son image de vins « cheap », s’engager dans une démarche grands crus. Mais je suis convaincue qu’on a raison de persévérer dans cet engagement bio. Non seulement parce que le vin est meilleur quand le sol est naturel, mais aussi du point de vue du marketing. Un ami autrichien me racontait qu'à Vienne on ne raisonnait que bio. En France, ce n’est pas une mode, c’est une lame de fond. Nous avons raison si toutefois nous ne sommes pas trahis, si les politiques ne cèdent pas aux lobbies « ogm » et « gaz de schiste ». L’opinion est mobilisée, ça ne passera pas, Nathalie Kosciusko-Morizet est une femme bien. Alors, gardons le cap.
Et les vins ?
Les vendanges sont effectuées en cagettes, après un tri sur pied si nécessaire. Le pressage est réalisé à la main sur un pressoir vertical. Les vinifications se font le plus naturellement possible, avec un usage très modéré du soufre et uniquement des levures indigènes. L'élevage des vins se fait en fûts de chêne durant au moins un an et se prolonge généralement en cuve pendant un ou deux ans pour une plus grande harmonie. L'esprit des vins produits, en essayant d'être le moins interventionniste possible à la vigne comme au chai, est d'exprimer au plus près nos différents terroirs du Languedoc. D'ou des cuvées de rouge où le cépage qui exprime le mieux un terroir particulier est largement dominant. Le grenache pour le villafranchien, la syrah pour les schistes du carbonifère et le carignan pour le basalte. En blanc, nous travaillons surtout autour d'un cépage méconnu et, je le crains, bientôt disparu, magnifiquement adapté a notre climat, le carignan blanc. Son acidité naturelle permet de pousser assez haut sa maturité sans pour autant aboutir à des vins mous. Dominant, voire même quasi-exclusif, il donne la cuvée Lune Blanche. Dans les plus belles années, associé à la roussanne, il prend pour nom Lune Rousse. Enfin, quand la marsanne prend le pas, il donne les cuvées Arès blanc et Blanc Nature.


Pour compléter cet entretien, voici deux notes de dégustation parmi d’autres extraites du Grand guide des vins de France.
Coteaux du Languedoc Arès 2007, blanc
Aromatique et profondément gourmand, obtenu à partir de carignan blanc et de marsanne, Arès est un produit original dans l’univers des blancs langudociens, avec sa finale miellée, mais fraîche. 14,5/20 – 13 euros
Coteaux du Languedoc – Pézenas Homo Habilis 2005, rouge
La matière est magnifique, le boisé se fond et livre un vin élégant, de grand volume, aux tanins très fins. 16,5/20 – 22 euros

2 commentaires:

  1. Bonnes questions très ouvertes,
    réponses intelligentes malgré un abus de modestie,
    vins qui vont de "délicieux" à "grands":
    merci m'sieur dame!

    RépondreSupprimer
  2. Biodynamie, c'est le truc du gourou Steiner? C'est une religion -- voir wiki Steiner. Je ne comprends pas pourquoi les vignerons nous vendent ces salades.

    RépondreSupprimer