Un vent de folie s’installe sur ce joli métier. Trois évènements auxquels j’ai assisté, consterné. Dans un grand restaurant avec vue de l’avenue Montaigne à Paris, d’abord. Invités par la famille Aubert (Château La Couspaude), nous étions quelques-uns autour d’une belle table bien blanche. Le sommelier sert un beau millésime. Hélas, la bouteille est bouchonnée. Deux d’entre nous attirent l’attention du sommelier pour lui demander de changer la bouteille. Moue ricaneuse du préposé, limite méprisant, qui agrippe brutalement un verre et commence à ergoter. Pas de chance pour lui, les deux qui demandaient de changer la bouteille étaient Olivier Poels (Revue du vin de France) et Thierry Desseauve, deux des cinq meilleurs dégustateurs français.
Une autre fois, il y a quelques semaines, dans la campagne charentaise. Nous y sommes pour tester l’offre oeno-touristique d’une grande maison de Cognac. Le déjeuner est assuré par un traiteur. Là encore, vin bouchonné, un château-brown. Là encore, l’imbécile rigole et déclare que c’est ce vin qui est « comme ça ». J’imagine la tête de Jean-Christophe Mau, propriétaire de ce cru, si je lui racontais ça ! Je m’inscris en faux, gentiment. L’imbécile insiste, mais s’incline, bien obligé (le client est roi). La seconde bouteille est parfaite et je lui propose de goûter pour son édification et qu’il cesse de colporter des informations désobligeantes. Il goûte et persiste. J’abandonne, frappé de lassitude.
Troisième aventure dans un grand hôtel, spa, etc du Bordelais, au milieu des vignes du château dont dépend cet hôtel. D’abord, en plein dans les Graves, pas une bouteille de bordeaux à un prix décent. J’ai une pensée pour le touriste étranger qui doit se poser certaines questions. Surtout quand il voit la production du château facturée plus de trois fois le prix caviste alors qu’elle sort d’un chai qu’on voit très bien depuis la table du restaurant. Mais revenons à nos bouchons. Je choisis un petit vin italien, en provenance de La Spinetta, un beau domaine du Piémont qui appartient à l’excellent Giorgio Rivetti, un authentique passionné. Je sais où je vais. Le sommelier en fait trois tonnes, hume le bouchon et sert avec mille salamalecs un vin… bouchonné. Là, je m’insurge. Vous le saviez, dis-je. Oui, mais ça dépend des clients, me retourne-t-il, tranquille comme Baptiste. Des manières totalement honteuses. Bientôt, on n’osera plus dire qu’un vin est bouchonné. En plus, ces grossiers personnages laissent penser que c’est peu ou prou la faute du vin alors que nous savons tous que ce n’est la faute de personne, sauf, peut-être, celle du marchand de bouchons. Nous, qui avons l’habitude et le savoir-boire en matière de vins, nous nous en sortons encore mais avec de telles pratiques, je n’ose pas penser aux milliers de consommateurs maltraités par ces crétins à la courte vue. Ils accroissent la défiance du public à l’égard du vin, ils augmentent encore ce sentiment largement partagé que le vin est l’affaire des spécialistes, ils découragent leurs clients. Et ils sont très simplement en train de scier la branche sur laquelle ils ont installé leur carrière.
Une autre histoire de sommeliers impossibles, ici
Le blog de Nicolas de Rouyn
Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
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Peut-être que certains ne savent pas gouter! ;-) Quand on pense que meme des sommeliers adorent des vins pourris par des brets, phenoles, on est en droit de se poser des questions. Surtout quand ils te répondent que c'est énorme! Le terroir...Enfin...je ne vais pas me faire des amis aussi, Nico. Mais je m'en fous.
RépondreSupprimerEmmanuel, c'est tout le temps, ce genre de sketch dans la "grande" restauration. Pas chez Laurent ou chez quelques-uns, mais partout ailleurs. Ici, par exemple : http://goo.gl/jpWDq
RépondreSupprimerPour ma part, je n'ai jamais hésite a changer une bouteille douteuse. Parfois, le vin est franchement très légèrement liégeux, mais si le doute existe et que le client l'exprime, c'était change.
RépondreSupprimerJe me souviens un jour avoir vendu un Figeac chez Lasserre. Je goute, le vin est clairement douteux. Je change direct la bouteille. La question ne se posait pas.
Le lendemain, mon chef sommelier m'a démonte en disant que j'aurai du aller le voir, lui demander l'autorisation avant de prendre l'initiative de changer le vin! J'ai pris un avertissement pour cela.
Bon, un chef sommelier qui était surtout incompétent. Mais cela est très évocateur de l'état d'esprit de certains. Heureusement, d'autres ont un tout autre sens du service et de l'empathie.
Oui, c'est vrai, heureusement
RépondreSupprimerCes sommeliers sont malheureusement à l'image de ce monde de la dégustation : hypocrisie, prétention et condescendance !
RépondreSupprimerBien sûr, je ne suis pas du tout d'accord avec cette approximation vaseuse
Supprimer...No problem avec la capsule à vis!
RépondreSupprimerC'est amusant que vous veniez vendre vos capsules juste maintenant. Je sors a l'instant d'une degust organisée par Château Margaux. Des rouges de 2003 et des blancs 04 dans trois bouchages différents. Si les rouges se discutent, les blancs bouches liège ont fait la standing ovation... Comme quoi, c'est pas gagné pour les capsules à vis.
SupprimerUn bon restaurant toulousain, hier soir.
RépondreSupprimerLa sommelière m'amène un verre de Charvin trop chaud (ici, c'est la canicule).
Quand je lui rappelle que j'avais préalablement demandé s'il serait à bonne température, elle me montre par un regard vide/indifférent/tristement incompétent qu'elle ne comprend absolument pas ma préoccupation.
On pourra refaire le test d'ici la fin de l'été ... (ou commander du vin blanc) :-)
Oui, en plus, il y en a qui ne comprennent même pas de quoi on parle. Mais qui boivent de l'eau glacée !
SupprimerBonjour,je viens de lire tout ce qui a été dit sur les sommeliers; je suis moi-même sommelier dans une table étoilée.Je suis consterné par ce que j'ai lu mais je suis d'accord avec ses critiques. Je pense que l'origine de ses problèmes sont:
RépondreSupprimer- parfois la formation
- le manque de passion et d'humilité
- l'empathie comme le dis Emmanuel Delmas et l'écoute du client
Arretons de prendre les clients pour des imbéciles !
Moi je change toutes les bouteilles douteuses, tout simplement parce que le client est là pour passer un bon moment et se faire plaisir.
Un autre problème est le manque d'expèrience du personnel jeune. On a tous commencé, mais les salaires aujourd'hui sont aussi dissuasifs pour les sommeliers expérimentés, mais les maisons ne payent plus les sommeliers, alors que c'est lui qui fait gagner de l'argent à son patron, s'il travaille bien;
Souvent on me demande pourquoi je n'arbore pas de grappe à la boutonnière, alors je réponds que cette grappe a déjà tellement été usurpée, portée par des personnes qui ne la méritaient pas que je préfère m'abstenir.
Pour un professionnel, combien d'amateurs ?
SupprimerEt avec les marges de la restauration sur le vin, on peut se permettre de changer une bouteille à défaut.
RépondreSupprimerD'autant plus que la plupart des restaurateurs vont se faire échanger les bouteilles auprès du vigneron ou distributeur, donc il n'y a pas d'excuses.
C'est certain
SupprimerJ'ai de plus en plus de mal à accepter le service du vin au restaurant. On vous pose la bouteille sur un guéridon éloigné. On vous resert dés que vous faites mine de commencer à vider votre verre. Si vous prenez le temps de déguster et que votre voisin ou voisine est un peu plus rapide que vous, c'est lui ou elle qui sera reservie. Et quand les verres sont grands, en quasi 2 passages, la bouteilles est finie.
RépondreSupprimerMesdames, Messieurs les sommeliers, laissez nous nous servir: nous savons aussi le faire !
J'ai connu un vieux monsieur très amusant qui, dans ces cas-là, demandait toujours au sommelier s'il était payé au bouchon. Ce qui garantissait une ambiance glaciale avec le préposé.
SupprimerxNe confondez pas les marges d'un grand restaurant parisien
RépondreSupprimeravec celles pratiquées dans des endroits plus modestes.
Je choisis mes vins en direct à la propriété et je n'ai jamais osé ramener une bouchonnée. Elles sont pourtant de plus en plus fréquentes.
Imaginez, retourner chez J.F Coche-Dury la bouteille à la main pour la faire échanger. C'est cauchemardesque.
AZ
Vous avez certainement raison. Cela dit, un restaurant qui propose des vins de Coche-Dury peut-il être qualifié de "modeste" ?
SupprimerLorsqu'ils sont vendus autour de 100 €, cela permet aux amateurs de belles bouteilles de se lacher occasionnellement comme chez moi.
SupprimerIl existe, aussi, des clients qui font les savants et passent pourtant pour de sombres cons : lorsque mon fils faisait ses classes chez nous (brasserie Bib G.)une cliente à qui il venait de servir un pot lyonnais lui a demandé de le changer parce qu'il était bouchonné. "Bien sûr, Madame", lui dit-il sans se démonter. Reparti avec le flacon et revenu avec évidemment le même, il attend le commentaire : "Eh bien voilà, lui dit la dame, tout sourire. Cette fois il est parfait"
RépondreSupprimerje tombe sur cette article par hasard et etant sommelier, je me permet d intervenir.
RépondreSupprimerOn tombe malheureusement dans la généralité. J ose esperer qu il reste des sommeliers conscientisés.
Il est tres dur pour moi de lire la vision que vous avez des sommeliers d'aujourd hui. Ceux qui tachent de hisser ce metier au plus haut paient pour les autres.
Un sommelier (en restauration) a malheureusement plusieurs maitres. L entreprise qui l emploie bien evidemment sera le premier et il faudrait etre aveugle pour ne pas voir que celle ci est la structure moderne la plus proche du fascisme historique. Pour la plupart des sommeliers, qui travaillent dans des maisons de prestige (c est a mon tour de generaliser), c est la course au chiffre d affaire, au ratio, aux pertes.... aux statistiques reines de toutes decisions... rare sont maintenant les maisons de coeur, de generosité, de partage. Ne surtout pas sacrifier le chiffre pour valoriser l experience client !!!
Le deuxieme maitre, c est le produit. Support de notre travail... support de notre reve...
De nouvelles responsabilités viennent se greffer avec ce nouveau maitre. Respecter le produit, l homme qui est derriere... le mettre en valeur dans des conditions optimales.
Le troisieme maitre, c est le client bien evidemment qui lui aussi impose des astreintes parfois au detriment des autres maitres. Mais à qui nous devons une experience maximale avec les outils dont nous disposons.
Finalement, c est de la philosophie... se recentrer sur les vrai valeurs ! qu est ce que le vin ? qu elle est la mission du sommelier ?
Difficile de faire cohabiter tout ces maitres sans que l un d entre eux ne veuille la peau de l autre...;)
En tout cas, merci pour votre blog et vos articles tres interressants.
Désolé pour les fautes, si reconnaitre un vin bouchonné reste dans mes cordes, l orthographe elle, reste une épreuve...;)
Scène vécue récemment dans un deux macarons Michelin de la rive gauche. Je choisis un Puligny village 2006 du domaine Leflaive. A la dégustation (après le sommelier), celui-ci s'avère furieusement oxydé... Sans se démonter celui-ci me soutient que dans ce millésime tous les vins du domaine présentent une oxydation prématurée et que ça n'est qu'une question de gpût... Eh bien, je pense que Anne-Clause Leflaive sera ravie de l'entendre !!! On a tout de même accepté de me changer la bouteille contre un vin de Sauzet ! A force de prendre le client pour un gogo, il ne faut pas s'étonner que la profession ait mauvaise réputation !!!
RépondreSupprimerLeflaive oxyde' c'est un quand meme un classique
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