Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 5 septembre 2018

Le vin à la mode, ça existe ?

Ta cave de jeune homme, c’est comme celle de ton papa, elle est obsolète, dépassée, ringardisée. Forcément, tes goûts ont évolué à cause d’elle, la mode.

Voilà une bouteille énorme. Une de celles qui rendent fous
tous les grands amateurs. Très à la mode, évidemment.
 

La mode, cette comète fugace, touche-t-elle le vin comme elle envahit tous les autres secteurs de la consommation ? Oui, bien sûr. Comment pourrait-il en être autrement ? Hier, c’était la piste des vins « nature » (cette blague fourre-tout), un peu comme on disait « vieilli en fût de chêne » ou « vin non filtré ». Aujourd’hui, c’est plus sérieux. Les indicateurs fiables ne sont pas, ne sont plus les comiques des réseaux sociaux, ce sont les sites de vente sur internet et les ventes aux enchères, en ligne ou pas. Ils font la mode, chacun dans sa spécialité, ses prix, son discours. Qu’est-ce qui affole l’amateur prêt à claquer un peu d’argent pour se faire une cave montrable à ses copains ou, plus sobrement, pour se tricoter d’infinis plaisirs ? Pour commencer et en général, tout ce qui est rare (cher), introuvable (cher) ou difficile d’accès (cher encore).

- Les vieux millésimes de champagnes que les (grandes) maisons mettent sur le marché sous des habillages, étiquettes et coffrets, très flatteurs. Ces vins sont passionnants pour ce qu’ils évoquent en bouche de temps passé, d’effervescence devenue pétillance, de miels, de sous-bois et tous ces arômes tertiaires qui enchantent les grands amateurs. Encore mieux si ces bouteilles (souvent des magnums, d’ailleurs) ont été dégorgées quelques mois, un an, avant la mise en marché. Mais si les dégorgements datent de leur première apparition dans les étagères des cavistes, très bien aussi. Ces champagnes ont tous les avantages : millésimes anciens, petit nombre de cols, prix élevés.

- Les productions confidentielles de certains vignerons ne restent jamais longtemps à l’affiche. Ainsi, l’autre jeudi, le site Carré des vins proposaient les vins d’Emmanuel Rouget dans le millésime 2015. Il se trouve que je devais rencontrer Emmanuel Rouget le lendemain. Il m’explique qu’il a alloué 160 bouteilles à ce site, dont 12 cros-parantoux, vin aussi célèbre qu’il est rare et cher, très cher. La vente commencée à 9 heures du matin n’a pas duré cinq minutes, montre en main. Emmanuel nous disait que le téléphone avait commencé à sonner aussitôt, des amateurs frustrés de s’être laisser déborder par la rapidité des opérations se retournaient vers le domaine. En pure perte, est-il besoin de le préciser ? Il ne faut pas se poser de questions et être très réactif pour mettre la main sur des vins pareils. En fait, la seule question qui vaille est : ai-je les moyens de ces vins ? Oui ? Foncez.

- Les vins nouveaux. Les vins de Seyssuel dans le nord-Rhône, par exemple. Tous les grands vignerons du quartier, les Ogier, Villard et consorts, sont sur le sujet depuis un moment (presque tous. Jean-Louis Chave est occupé à replanter un grand terroir à Saint-Joseph). Les cuvées s’appellent Seul en scène, L’âme sœur, etc. Déjà les prix prennent un peu de consistance. Bientôt l’INAO en fera une appellation et là, bingo, il fallait en acheter avant.

- Les cuvées d’initiés. À Bordeaux, par exemple. Je pense à Reignac et Balthus, à Haut-Condissas, à Haut-Carles, au Domaine de l’A, à Gombaude-Guillot. Il y en a quelques autres comme les saint-émilion des frères Todeschini, par exemple, ou le Domaine du Bouscat. Et les vieux millésimes des tous grands.

- Les stars du Midi. Rémy Pédréno, Roc d’Anglade, est un bon exemple. Le site-club Chais d’œuvre a lancé une grosse vente flash des vins de Pedreno un vendredi soir assez tard. Le lendemain matin, assez tôt, l’affaire était pliée, restait juste quelques magnums. Ça marche aussi avec les stars de Savoie ou du Jura.

- Toutes les complications. Les vins issus de solera, les vins rouges avec du blanc dedans, les assemblages internationaux qui marchent bien (cabernet-syrah), les cépages rares, les vins étrangers, les assemblages de millésimes. Toutes ces choses inhabituelles rencontrent toujours un franc succès. Ou pas. Et personne ne sait pourquoi, parfois, le marché ne répond pas.

- Les énormes bouteilles. Un chambolle-musigny Les Amoureuses, un gevrey-chambertin Lavaux Saint-Jacques, ce genre-là entre 200 euros et beaucoup plus. Là encore, il y a intérêt à faire vite. Sinon, il y a les enchères, mais c’est parfois pire (en prix et en réactivité).

- Les grands blancs hors des routes habituelles. Un château-chalon, un simone, un grange-des-pères font toujours des cartons et j’attends de voir ce que dira le marché devant l’incroyable cocotte-blanche issu de maccabeus centenaires du domaine Chante-Cocotte. Déjà, les professionnels sont unanimes.

- Les pinots noirs qui ne viennent pas de Bourgogne. Ceux de Madame Trapet ou des frère et sœur Zusslin en Alsace, d’Hervé Bizeul en Roussillon, des Mellot, Vacheron, Pinard à Sancerre, etc. Tissot dans le Jura. Brumont à Madiran. Francis Égly et ses rouges de Champagne, Raphaël Bérêche aussi. Et ceux de Nouvelle-Zélande ou d’Oregon, avec leurs prix trop élevés et leurs qualités épatantes. Il y a un monde fou dans cette catégorie délicieuse.

- Et, évidemment, les grands formats. Les magnums surtout. Ces bouteilles follement conviviales, tout simplement belles, trouvent toujours un public de passionnés prêt à tout. Les autres grands formats, le double-magnum et au-delà, posent un problème de poids et de manipulation, taille du frigo incluse.

- Et le prochain ? Je parie volontiers sur les cabernets francs du Domaine Andrée (anjou). Très bon, vingt euros. Et les gamays fantastiques de Stéphane Sérol en côte-roannaise (dix euros).

Bien sûr, il y a d’autres sites que ceux mentionnés plus haut. Je pense en particulier à l’excellent Vignerons d’exception dont je recommande la visite, comme Carré des vins, lié à Wine and Co.
Pour Chais d’œuvre, c’est plus exclusif, l’accès aux ventes flash étant subordonné à l’abonnement à la box mensuelle soit environ mille euros par an pour 36 bouteilles, sélectionnées avec autant d’exigence que d’inventivité par Manuel Peyrondet. C’est tellement bien qu’un grand nombre de producteurs sont abonnés. C’est un peu comme quand on tombe sur des Italiens dans une pizzeria de Paris, on se dit qu’on ne s’est pas trompé d’adresse. Mais rien d'obligé. On peut aussi payer un fee annuel et recevoir les annonces des ventes, mais pas le coffret.
D’autre part, l’essentiel des bouteilles décrites ci-dessus s’inscrit dans une fourchette de prix encore acceptable, à quelques exceptions près. Ne nous méprenons pas. Sur l’ensemble des vins cités, nous vivons nos dernières années de prix « normaux ». L’ouverture pour tous aux marchés mondiaux ne plaide pas pour un rééquilibrage des tarifs. Bref, action.

Ce texte a été publié dans EnMagnum #12 sous une forme différente. Le numéro 13 d'EnMagnum paraît vendredi 7 septembre. Voici la Une du nouveau numéro à retrouver chez votre marchand de journaux.




1 commentaire:

  1. Espérons surtout que ces achats rares ne sont pas trop motivés par des espoirs de plus-values futures et surtout que ces acheteurs n'hésiteront jamais à les ouvrir pour des amis en évitant - chose rare - d'en évoquer le prix d'achat ou la valeur au moment de l'ouverture.
    Bref : que le vin reste avant tout ce trait d'union entre un vigneron et des amis qu'on aime régaler.

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