Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 26 juin 2018

Bordeaux d'un œil neuf

Il a tranquillement consolidé une position enviable dans le monde secret de la place de Bordeaux. Entretien autour d'une bouteille de bourgogne de bonne provenance

Mathieu Chadronnier est négociant à Bordeaux, spécialisé dans les grands crus. Comprendre qu’il achète les vins des grands châteaux (pas seulement bordelais) et les met sur le marché à travers un réseau mondial extrêmement tenu. Il est le patron de CVBG, Maison de grands crus et partie du grand groupe Thiénot. Il a 40 ans tout juste et, déjà, seize d’expérience dans cette même maison. Après une année passée chez wineandco.com, site de vente de vin en ligne, « la technologie m’intéressait ». C’est au sortir de cette expérience qu’il décide que sa vie serait faite de vin et de grands crus. Il venait de donner un horizon à sa route professionnelle. Direction le bureau de son père qui dirige CVBG. Et qui l’engage. Mathieu peut être assez irrésistible.
– Difficile de bosser avec Papa ?
– Pas du tout. On s’est découvert ces années-là. »
Zéro faute sur la ligne de départ.
Voyons la suite.
Son poste de directeur général de la maison qui l’emploie, son expérience familiale, l’excellence des relations qu’il entretient avec tout le monde et le développement planétaire de ce business, fait de Mathieu Chadronnier un très bon client pour esquisser un commencement de vision.



 Sur le job
« C’est d’abord un métier de distribution. Rien d’autre. Nous achetons du vin et nous le vendons. Il se trouve qu’il s’agit de grands vins que nous distribuons dans 84 pays, soit 99,5 % du marché global. C’est pratique les chiffres, ça évite de perdre du temps. Le négoce évolue dans l’écosystème spécifique des grands vins et des châteaux qui les produisent, mais le négoce n’est pas propriétaire des châteaux. Le négoce ne peut porter le message d’une propriété mieux que la propriété, mais nous les aidons tous autant qu’il est possible. Cela dit, nous avons les stocks. C’est un métier de galériste, au fond. »


Le millésime 2017

« C’est une campagne comme les autres. Les millésimes sont tous différents, le métier est le même. Si le traumatisme climatique a été important, les grands crus sont dans une position différente. Il y a toujours du stock, des millésimes disponibles. Quel sera l’impact sur les prix ? Je crois qu’il n’y en aura pas. En tous cas, ce n’est ni clair, ni lisible. »
(Interview réalisée en janvier 2018, NDLR) 


Sur le système de la place de Bordeaux  
« Ça marche très bien. On ne va pas s’émouvoir du fait que, d’un millésime à l’autre, les choses changent. Les trois dernières campagnes ont prouvé que la mécanique tournait plutôt bien. C’est un bon système. Irremplaçable. Nous avons introduit ces dernières années une tendance qui commence à prendre sa place, le marché des particuliers. Mais pas dans une optique de placements financiers. Nous aimons tous faire une bonne affaire et constater quelques années plus tard qu’on a fait un bon achat à un bon prix. Certains millésimes le démontrent au bout d’un temps plus long que d’autres. Le vin n’est pas un produit financier. Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont très bas et on voudrait faire 15 % par an sur des achats primeurs, ce n’est pas sérieux. »  

Le bordeaux-bashing
« Le phénomène m’a interpellé vraiment, amis je crois que c’est terminé. Bordeaux n’a jamais cessé de proposer des super-vins à des super-prix. La nouveauté en matière de vins n’est pas systématiquement ailleurs. Elle existe aussi à Bordeaux. » 


Le château Marsau
(Mathieu Chadronnier et sa femme ont repris le château Marsau en appellation côtes-de-bordeaux francs)
« C’est un petit domaine de sept hectares qui va bien. Il se trouve que nous avons un conseiller de grand talent, il y en a plein à Bordeaux. Mais c’est un conseiller, pas un opérationnel, ni à la vigne, ni au chai. C’est Anne-Laurence
(son épouse, NDLR) qui fait et elle seule. »

Et on va où, comme ça ?

« On verra demain. Mon quotidien est passionnant. Je ne suis pas du tout au bout de ce que j’ai entrepris. Notre système soi-disant archaïque intéresse les producteurs de grands crus du monde entier. L’Italie, l’Espagne et jusqu’en Amérique et en Australie. Nos consommateurs sont les mêmes qui s’approvisionnent aux mêmes endroits. La place de Bordeaux consolide tout ça très bien. En tant que Bordelais et en tant que Français, ça vaut la peine d’y aller. Je souhaite m’inscrire dans ce mouvement-là pour l’avenir. Ce marché des grands vins n’a jamais été aussi passionnant qu’en ce moment. CVBG pendant la semaine et le vin de ma femme le week-end, ça va, ça fait une vie. »


Skopeo
(C'est le nom du magazine que Mathieu a créé pour porter les valeurs de la maison qui l'emploie) « L'intention nétait pas de servir la promotion dune marque. Notre métier étant de plus en plus pro, technique, lourd en investissements divers, nous voulions créer un petit magazine précis, moderne et innovant. Un grand vin quand il arrive sur la table est précédé de son aura culturelle. Il nous a semblé important de faire vivre cette valorisation qui est sa raison dêtre. Un grand vin contient une part inexplicable. Ce magazine, que nous avons bien éloigné de la sphère commerciale, raconte des histoires qui nous plaisent pour faire avancer la compréhension des grands vins. Jacques Boissenot raconté par son fils Éric, ça existe. Et pas seulement pour la part darchives que cela représente. » 


La photo : est signée Mathieu Garçon. Elle date de l'inauguration du chais by Philippe Starck aux Carmes Haut-Brion.
Cette chronique a été publiée dans EnMagnum #11 sous une forme différente.
Le numéro 12 est en vente chez votre marchand de journaux.
Voilà la couverture de ce fameux numéro. Elle est belle, elle est bio.


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