Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



samedi 10 mars 2012

J’ai fait partie d’un jury de consommateurs


La scène se passe dans les longues galeries voûtées du Chemin des vignes, spot d’acier pour l’amateur de belles caves à vin, exploité par le délicieux Yves Legrand, fils du mythique Lucien, autrefois propriétaire de la très belle enseigne Legrand Filles et Fils, rue de la Banque à Paris. Au fond du labyrinthe, on a dressé une quinzaine de tables de cinq convives. L’éclairage (électrique, on est tout au fond de la terre) tombe en gloires, qui confère à l’espace une atmosphère de cathédrale. Une petite foule sérieuse, presque fervente, se presse à la recherche de sa place. Pendant que chacun s’installe, Guillaume Puzo, l’un des quatre dégustateurs-vedettes de Bettane+Desseauve, s’empare d’un micro et détaille l’événement. D’où ça vient, pourquoi ça, comment noter les vins.


C’est quoi, ça ?
Ça s’appelle l’EPP Challenge. EPP, pour Élu Prix Plaisir. C’est une sorte de concours réservé aux vins français de moins de dix euros, dont une forte majorité à moins de six. Le slogan du concours : « Jugé par des consommateurs, validé par des experts ». La base de jugement est le plaisir au sens le plus immédiat du terme, pondéré par le prix. Chaque dégustateur connaît la région d’origine du vin et sa gamme de prix, moins de quatre euros, de quatre à six, plus de six. Les vins sont notés de 0 à 4, pour le rapport prix/plaisir avec un coefficient 2. De 0 à 1 pour la typicité avec un coefficient 1. Bref, la meilleure note est 10. Un vol de jeunes filles et de jeunes gens assure le service des vins pendant que Michel Bettane, Thierry Desseauve, Alain Chameyrat et Guillaume passent de table en table pour redire le principe de notation, donner une dernière recommandation, expliquer toujours. Tout est en place, on peut commencer la dégustation à l’aveugle. Il est 9 h 30, la température frôle les 17°C, près de 120 bouteilles emballées dans des feuilles d’alu seront partagées entre les tables. L’exercice recommence toutes les deux heures avec de nouveaux consommateurs-dégustateurs. Ils ont tous été contactés via le site Bettane+Desseauve auxquels ils sont tous abonnés (ils font partie de cette communauté d'un peu plus de 16 000 amateurs), pas un seul n’est un professionnel. Pour presque tous, c’est la première fois qu’ils se prêtent au jeu.


Moi, je suis tombé sur une table dédiée au Languedoc. Nous allons en déguster douze. Dès la troisième bouteille, le niveau sonore enfle. Il y a des crachoirs pourtant. Aux tables, les conversations s’animent. « C’est un peu répétitif » regrette l’un. « Y a un peu plus de grenache » assure un autre. Un autre récitent les cépages du pays d’Oc. Il en oublie, ce n’est pas grave. L’ambiance est légère, personne ne montre ses muscles à personne, mais chacun veut que les autres sachent qu’il s’y connaît, tout ceci sans effet de leader, c'est agréable. Dans les douze bouteilles qui nous étaient imparties, nous n’avons pas eu d’horreur véritable. Des vins plus, des vins moins, deux très bons (le premier à moins de quatre euros, le second à plus de six). J’ai été impressionné par l’implication de tous les dégustateurs. Si l’on met de côté une pépette ou deux égarées là par oisiveté, tous ces gens sont d’authentiques passionnés. Guillaume Puzo me dira plus tard qu’il n’y a pas ou très peu d’écart entre les validations des experts et les notes données par les amateurs. Ce que nous savons tous depuis longtemps. Il faut avoir la mauvaise foi chevillée à l’âme pour laisser penser que les dégustateurs (sérieux) vivent dans une bulle très déconnectée des réalités et ne s’intéressent qu’à des vins inaccessibles. Il est aujourd’hui évident que les goûts des experts rencontrent ceux des amateurs. Ça, c’est dit.

Les résultats de l'EPP Challenge 2011, ici

9 commentaires:

  1. Pour des consommateurs de base comme moi, c'est super intéressant de savoir que ça se passe comme ça. Parce que je n'achète que des vins dans ces prix là... Pour l'instant! et je fais généralement confiance aux mentions. Si un vin a été apprécié, voire préféré à d'autres une fois, je me dis connement qu'il doit pas être mauvais!

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  2. Rien de con, Georges. Ce genre de concours sert exactement à ça, l'histoire du bon grain et de l'ivraie. Pour l'ivresse.

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  3. Nicolas,

    Les préférences des amateurs rejoignent bien évidement celles des experts, puisque les amateurs avertis se forgent une culture du vin par l'intermédiaire des conseils des experts. Il est donc normal que leurs goûts entrent en "résonance"

    Le débat sur le gout des experts ne porte pas sur la différence entre celui-ci et celui des "amateurs", mais entre celui-ci et les préférences du "grand public' (ie tous les consommateurs, voir des non-consommateurs).

    Il faudrait mener cette expérience avec un échantillon représentatif de la population, pour voir si cette corrélation est toujours valide.

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  4. Si même les dégustateurs non professionnels sont au niveau des pros...Après tu t'étonnes de te faire mal voir par les dégustateurs d'élite auto-proclamés ;-)

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  5. Bonjour,

    J'y étais. Déçu de ne pas avoir été à votre table.

    Dans l'ensemble ce challenge me semble sérieux et (en tout cas à notre table), nous n'avons pas eu tendance à nous satisfaire de n'importe quoi. Pour tout dire nous avons effectivement sélectionné une seule bouteille sur les 12 présentées. Comme pour Monoprix, je crois que ces prix décernés par des amateurs sont finalement assez fiables, d'autant qu'il y a une préselection et, j'imagine, un droit de véto de BetD

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  6. Sympa de voir que "l'aveugle" commence à devenir une alternative "acceptable" !

    Bravo pour cette initiative !

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  7. Bonjour Nicolas,

    Ta conclusion est intéressante. Elle vient contredire une récente étude de l’American Journal of Enology and viticulture dans laquelle on apprend que les oenologues et autres experts ont des papilles plus affutées que le commun des mortels. Ainsi leurs conseils seraient déconnectés des goûts du consommateur lambda.

    Lu sur Into the Wine :
    http://www.intothewine.fr/magazine/dossiers/etude-oenologues-vs-commun-des-mortels#.T13fOpD5UnQ.twitter

    A bientôt
    @RDVdesVins

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  8. Je sais. J'y étais ... aussi.
    Et pour la deuxième année, et pour les Languedoc entre 2 et 6€, et pour proposer une médaille d'or à moins de 4€ et une argent à plus de 6€. Pourtant nous n'étions pas tous les deux à la même table.
    Je partage votre perception de ce type de jury amateur. Par contre, je suis dubitatif sur l'équité de chances des 11 bouteilles que nous avions à déguster par comparaison aux autres concours auxquels je participe (CGA et Vignerons Indépendants). Entre les premières bouteilles où nous nous attardons pour en parler et caler notre communication entre amateurs qui nous découvrons aussi, et les dernières où pour tenir l'horaire nous griffonnons une note en 30s chrono.

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