Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 18 février 2019

Même un peu, c’est trop

L’ail. Ce bulbe malodorant adulé par les cuisiniers paresseux ou radins ou les deux, ce fumet envahissant, entêtant, ces lendemains qui déchantent, ces réunions foutues, ces amis chers dont on s’écarte en détournant la tête, ces gigots sacrifiés, ces baisers repoussés. D’où nous vient cet Attila des saveurs, des goûts, des sensations, des plaisirs, derrière lequel les arômes ne repoussent pas ? D’une lointaine époque où nous manquions de froid. Pas de frigo, pas de conservation. Dans les pays du sud de l’Europe, les chaleurs avaient vite fait de mettre à mal les aliments frais et l’ail servait de cache-misère, prolongeait de quelques jours les aliments fragiles, viandes, poissons, légumes. Son goût très fort masquait les odeurs de pré-décomposition et chacun, je suppose, y trouvait son compte, faisait une économie. Très bien. Aujourd’hui, nos sociétés suréquipées et délicates jettent les aliments périmés avant que les choses deviennent graves ou juste incommodantes. Pas question d’une petite mauvaise odeur au creux du frigo familial. Quoique. Celle de l’ail, pas petite, y est trop souvent admise. L’ail règne en maître. Où que nos gourmandises nous portent, nos narines sont agressées par des odeurs d’ail, cru, cuit.

Un soir, dans un de ces néo-bistrots mal peignés, je demandais quel plat ne contenait pas d’ail. « Il y en a dans tout », avoua le serveur, piteux. Pour quoi faire ? Le cuisinier est incapable ? Le responsable des achats du restaurant se fournit en produits sans saveur ? L’ail sert à offrir un semblant de goût à une population élevée au Nutella et au burger. Ceux qui voient dans l’ail comme une signature du terroir sont souvent les mêmes qui se gobergent avec des vins aux arômes d’écurie ou de pomme blette. Ils se comptent aussi dans les rangs des matamores over-virils qui vous qualifient vite de palais en zinc, ils savent de quoi ils parlent.

À mes yeux d’amateur, d’œnophile, d’amoureux des beaux assemblages, la messe est dite. De grands dégustateurs, dont Robert Parker, se sont exprimés sur le sujet. « Pas d’ail quand on déguste. » L’ail tapisse les papilles gustatives avec tant de violence qu’il couvre les saveurs et rend impossible l’analyse du goût du vin. Continuons. L’un des grands tics de la gastronomie est de cuisiner à l’ail nos champignons préférés, cèpes et girolles. « Très peu », argumente le cuistot avec le bon sourire du marchand de voitures d’occasion sur le point de conclure. Je me suis toujours demandé pourquoi on assassinait les délicats champignons avec un truc aussi vigoureux. Parce qu’ils sont d’une pauvre provenance, mous et véreux, sans goût. Eh les gars, changez de fournisseur. Achetez de beaux produits et respectez-les. Une tombée de persil plat, voire de coriandre, amusera les finesses au lieu de leur faire la peau. Ces champignons si rares, qui n’apparaissent qu’en certaines occasions climatiques, de l’humide et du chaud et hop, ça pousse, méritent qu’on les savoure, qu’on y comprenne quelque chose au lieu de les sacrifier dans des odeurs grossières et dévastatrices. Idem pour la salade ou le gratin dauphinois. Avec l’ail, tout aliment devient une texture et abandonne ses goûts à l’envahisseur. Pourquoi pas de l’ail dans la truffe noire pendant qu’on y est ? On m’objectera que la truffe blanche est un alliacée. Ceux qui se servent de ce cousinage comme bonne raison n’en ont jamais mangé, ils trouvent même à l’ail toutes sortes de vertus médicinales. C’est de l’obscurantisme. J’ai consulté un jour un cardiologue. Sa dernière recommandation après notre première entrevue a été de ne pas manger d’ail. Parce que c’est totalement inefficace et que ça l’oblige à porter un masque. L’homme avait de l’esprit et du savoir-faire. J’ai été guéri rapidement et sans ail.

Reste une piste pas assez explorée, à mon avis, où l’ail pourrait avoir un vrai rôle à jouer : la juste lutte contre les vampires. Ah. Enfin un vrai sujet.



8 commentaires:

  1. Il était temps d'avoir ce vigoureux commentaire sur les excès de chefs approximatifs ! Bravo sur ce texte, en sus, écrit dans un français méritant dictée dans les écoles de la république !

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  2. Euh, faites gaffe quand même, messieurs !
    Les copains Grand Manteaux du Président Mauss risquent de ne pas apprécier qu'on qualifie des générations de sudistes élevés à la cuisine de la mamma de burgero-nutella addicts...
    Je serais vous, dorénavant, je ferais attention en mettant le contact de ma voiture... :)

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  3. Caro Oliv,

    Il reste encore pour le sieur De Rouyn quelques doses d'indulgence suite aux scapulaires qu'il a doctement portés en contrition de quelques péchés à mon égard.
    Comme le dit si bien Epicure : profitez de tout mais toujours en mesure ! Relire Enthoven.

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  4. Quelle chance. Le meilleur monde du Davos du vin qui passe en procession dans ma rue. On se croirait revenu aux temps anciens des blogs.
    Bienvenue les amis. Revenez souvent.

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  5. Bis repetita : être jaloux de ton style d'écriture !

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  6. La dimension marseillaise de ma conscience de gauche ! Il est vivant ! Good news

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