Manuel Peyrondet |
C’est François Mauss qui m’a prévenu il y a déjà quelque temps, « Tu le connais, Peyrondet ? Il fait fort avec sa box. » Je m’en moquais fort de la box d’un sommelier, fût-il de haut niveau. Erreur. Un ou deux coups de klaxon supplémentaires venus d’ici ou de là ont fini par me convaincre qu’il se passait quelque chose avec ce Manuel Peyrondet. J’ai été voir. C’est rue de Chateaudun, le quartier de la Trinité, à Paris. Le centre de Paris, mais pas le ventre. Un quartier de bureaux et d’autos, bien agressif, mais là, au fond d’une cour de lumière, notre jeune héros a installé une fine équipe de six ou sept dévoué(e)s qui veillent au développement inexorable de Chais d’œuvre, la bonne idée de Manuel.
Tout petit, déjà
Il est le fils d’un médecin d’Autun, gros bourg bourguignon, pas forcément super-hype. Son père rassemble ses meilleurs amis pour des dîners d’anthologie, Maman fait la cuisine et c’est somptueux. Il avait de douze à seize ans, c’était au temps où un médecin de province pouvait acheter les grands vins de Bourgogne dont les noms nous font seulement rêver aujourd’hui. Hier, c’était la-tâche à presque tous les repas. Bref. Manuel, engagé-fourvoyé dans un cursus pré-scientifique, décide de changer d’air pour aller respirer celui des cuisines. Il a dix-sept ans, il fait un stage dans un établissement saisonnier de La Napoule, il en parle sans rire, il dit « un stage à l’ancienne ». Comprendre « à la dure », on voit l’ambiance dans son regard, ça ne fait pas envie. On le plaint en silence et on passe à la suite.
T’as le bonjour de Pierre Hermé
Pourtant pas dégoûté à vie, il fait des études dans une école hôtelière de Poligny, dans le Jura et là, un cours d’œnologie sur le sauternes et pschitt, la piqûre pour la vie, il décide de devenir sommelier. Après avoir peaufiné sa formation à Dijon, une ville qu’on croirait inventée pour ça, il envoie CV et lettre de motivation à l’excellent Éric Beaumard, directeur et grand sommelier du V, le restaurant gastronomique de l’hôtel George V, palace parisien enviable. Premier coup de chance, Beaumard le reçoit, puis l’engage (deuxième coup de chance). Là, il tombe dans un vivier de talents rarement réunis. Parmi lesquels Enrico Bernardo, bientôt Meilleur sommelier du monde, et aussi Thierry Hamon, bras droit (sans rire) de Beaumard et maître à penser du jeune Manuel. Acte 2, il entre chez Taillevent. Il dit : « Là, j’étais l’enfant gâté dans le magasin de jouets ». Un stock considérable de 350 000 bouteilles, dont 45 000 dans la cave de service ; les autres, au vieillissement. Il passera sept ans de rêve avec Pierre Bérot, patron des vins chez Taillevent à l’époque, « Mon boulot, explique Manuel, c’est de visiter les domaines, en découvrir de nouveaux, les faire monter à la carte. » Un job de rêve, en effet, où il donne libre cours à sa passion dévorante et s’aligne dans les concours. Il est reconnu Meilleur jeune sommelier de France en 2005, Master of Port et deuxième Meilleur sommelier de France en 2006. Et en 2007, pour devenir Meilleur ouvrier de France, le célèbre MOF, il échoue. Aussitôt, un des clients de Taillevent lui propose de le coacher pour gagner la prochaine fois. Fort de ce soutien, Manuel enchaîne les cours de théâtre, les dégustations d’exception, les lectures les plus arides, il apprend à être malin sans être lourd, il suit des cours d’improvisation, il bosse comme un fou et en 2008, il devient M.O.F. Ça ne change presque rien pour lui, ou alors à la marge « Pierre Hermé me dit bonjour ». Je l’ai rencontré, plus tard, au Carpaccio, le resto italien de luxe de l’hôtel Royal-Monceau, où il occupait le poste de chef-sommelier. Il avait quitté l’étoilé de la rue Lamennais après la mort de Jean-Claude Vrinat, un mythe de la grande restauration parisienne. Avant d’arriver dans le palace de l’avenue Hoche, il passe un an avec Marco Pelletier au Bristol, son très grand ami qui, aujourd’hui, a ouvert son propre restaurant à Paris, Vantre. Une recommandation forte de la rédaction de EnMagnum. Au Carpaccio, Manuel Peyrondet invente sans cesse de nouvelles manières de donner le goût du vin à une clientèle haut de gamme. Il partira après avoir atteint un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros dans l’année sur le seul vin.
L’idée qui change tout
Son nouveau challenge, Chais d’œuvre, est né d’un service rendu à des copains, des clients, des amis d’amis. Il propose à quelques-uns d’acheter « groupé » tel vin qui lui avait particulièrement plu. Le premier mail déclenche quarante réponses. Il décide alors d’en faire un métier. Les 40 sont les premiers membres. Le principe : une box de deux ou trois bouteilles selon l’abonnement et une soirée dégustation par mois. En quelques semaines, ils se comptent 150. C’est parti. Il rencontre celui qui devient vite son directeur général parmi les premiers membres. C’est un fou de vin, lui aussi, qui a appelé ses filles Romane et Margaux. Aujourd’hui, ce sont 650 membres qui, en moyenne, achète cent bouteilles par an. La lecture de la liste fait mieux comprendre l’intérêt de la box de Manuel. Ainsi, on trouve de bons vignerons, tous authentiques amoureux du vin. Hervé Bizeul (Clos des Fées), Stephen Carrier (Château Fieuzal), Xavier Amirault à Bourgueil ou Rémy Pedreno (Roc d’Anglade) sont membres de Chais d’œuvre, comme un bon de garantie apposé sur la box qu’on ouvre chaque mois avec le même sourire aux lèvres, jamais déçu. Ce côté Noël tous les mois.
Le secret, c’est qu’il n’y a pas de secret
Tout ceci est très bien, mais d’où vient ce succès ? Comment ce garçon, à peu près inconnu du grand public, arrive-t-il à vendre le même volume qu’un palace parisien au fond d’une cour dans le quartier de La Trinité, à Paris ? On peut isoler plusieurs raisons, en plus de la personnalité du fondateur. La mise en avant et la façon dont elle est faite. Le travail didactique, dans les documents inclus dans la box, dans les soirées dégustation, dans les excellentes vidéos du site de Chais d’œuvre, dans le sérieux des choix des vins. Il ajoute « Nous payons les vignerons rubis sur l’ongle et nous ne vendons que ce que nous avons acheté ». Il ne fait jamais de ventes à prix cassés. Le sérieux est reconnu par les grands vignerons et Manuel a des allocations là où il faut. Il propose cinquante vins différents par mois, trois ventes flash par semaine, un coffret par mois, deux soirées par mois, bientôt en province. Il n’arrête jamais. C’est sans doute (c’est surtout) ça, le secret du succès, le sien en tout cas.
La photo : est signée Mathieu Garçon
… et petite cerise sur le gâteau, il propose aussi, avec beaucoup de soin dans ses sélections, des vins étrangers, notamment allemands dont on a su lui parler avec passion.
RépondreSupprimerIl ira loin car ça bouillonne d'idées dans ses bureaux !
Tout juste.
RépondreSupprimerCe n'est pas par hasard si les bons vignerons sont abonné.
avec un "s"
Supprimerquelle est l 'adresse rue de chateaudun merci
RépondreSupprimerLa rue de Chateaudun, c'est un bureau, ce n'est pas ouvert au public, ce n'est pas un point de vente. Tout se fait par internet. L'adresse :
Supprimerwww.chaisdoeuvre.fr
Merci de votre intérêt pour ce blog.