Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 19 février 2014

Le strip-tease du caberlot

Vingt millésimes pour les 25 ans


Florence, l’hiver. La lumière de Toscane dans un bleu changeant. Les petites rues pas bien tenues, pavés disjoints et camionnettes brinquebalantes, Florence est un gros bourg de province. Bien sûr, il y flotte des ambiances, on y croise des fantômes, on se souvient d’un temps lointain, de vieux palais se chargent de nous rafraîchir la mémoire. Ces souvenirs ne sont pas les nôtres et, dans l’historique, je préfère Venise, Rome, Sienne. Florence, c’est la Toscane, l’avantage est considérable. Les vins. Nous sommes réunis au Cibreo, mythique restaurant florentin, pour ça.

Le très élégant Moritz Rogosky et Bettina, son admirable mère, ont rassemblé 64 dégustateurs du monde entier pour célébrer les 25 ans de leur vignoble créé dans les années 80. Quatre Français ont fait le déplacement. Thierry Desseauve, le vigneron Jean-Baptiste Bouzereau de Meursault et sa jolie femme, moi. Soit deux journalistes français. Où sont les autres ? Deux raisons. La première tient à ces vins italiens qu’on goûte avec infiniment de plaisir, mais dont il n’est jamais question, ce petit chauvinisme mesquin. La seconde est facile à comprendre. L’invitation des Rogosky ne comprenait pas de billet d’avion. Nos confrères, déontologues sourcilleux, n’ont pas fait l’effort du voyage, pourtant pas bien cher et très facile à organiser. Bref.

Le vin des Rogosky s’appelle il-caberlot. Il est issu d’un cépage unique, hybride sauvage de cabernet franc et de merlot découvert dans les années 70 par le botaniste Bordini dans une vigne abandonnée depuis longtemps et mis en pépinière par ses soins. Wolf, le père de Moritz disparu en 96, en a acquis l’exclusivité et il a commencé par planter 3 000 m2 devant la maison achetée des années auparavant, une villégiature édifiée sur un piton qui domine un paysage sensationnel, immense, des vallées, des sommets, des aigles, des chevreuils, des ciels. Peu à peu, ce vignoble s’est agrandi jusqu’à cinq hectares répartis de terrasses en clairières, au milieu des chênes verts. Depuis ce funeste été 90 qui avait vu les sangliers dévorer toute la parcelle de caberlot, et laissé le néo-vigneron désolé, chaque vigne est entourée de solides grillages.

Peu à peu, les 1 280 verres Zalto de la dégustation se remplissent


Le principe retenu depuis le premier millésime est de mettre le vin en magnums uniquement. Le premier millésime, 1988, comptait 350 magnums et, 25 ans plus tard, le 2010 en a totalisé 2 425. Il s’agit donc d’une production très confidentielle, un vin rare et, à 250 euros le magnum, cher. Les Anglais, les Américains se l’arrache, La presse anglo-saxonne le note toujours entre 95 et 100. Les Français, comme souvent, ne sont pas au courant. Cette année, la galaxie Taillevent (le gastro, les 110 et la cave), réveillée par les frères Gardinier, a mis il-caberlot à la carte (bravo, Pierre Bérot). Les Rogosky auront attendu 25 ans qu’un établissement parisien de haut niveau s’engage avec leur vin. Saluons la patience au passage.

64 dégustateurs placés


Ce 17 février, nous allons juger ce vin sur vingt millésimes dans une lumière basse et une ambiance de chapelle. De 1988 à 2010, le vin a fait d’incroyables progrès stylistiques tout en privilégiant le millésime plutôt que le style, justement. Et c’est passionnant.
Je ne vais pas vous infliger l’assommante litanie des commentaires de dégustation. Thierry Desseauve l’a publiée sur Facebook et les réseaux sociaux chinois, beaucoup mieux que moi et les divergences d’appréciation que nous avons notées sont sans doute plus affaire de goût que d’analyse. Et, à propos d’analyse, Thierry n’a pas manqué de distinguer deux « époques » de ce vin. La première très saint-julien court jusqu’à la fin des années 90 et la seconde, plus pomerol, de 2000 à maintenant. Où l’on a beaucoup parlé de la race de ce grand vin, de son évidente aptitude au long vieillissement (pas un seul des millésimes dégustés n’était au bout de son âge), de la place unique que il-caberlot a pris dans le paysage mondial. D’autres grands dégustateurs ont tenu d’autres propos sur il-caberlot. Kevin Shin, l’un des Américains du Grand jury européen, n’a pas hésité à le qualifier de « psychédélique » en affirmant même très drôlement que le 2002 dégusté à la Villa d’Este présentait des « notes de cannabis ». Et un vigneron toscan a conclu sur ce vin en parlant de miracle et en rappelant que la Toscane a vu depuis des siècles éclore mille talents, les plus grands.
Il y a des miracles, mais il n’y a pas de hasard.


Plus d’info sur il-caberlot et le domaine Il Carnasciale, ici, ici et

19 commentaires:

  1. Que Moritz ne s'en offusque pas, les parcelles co-plantées de Merlot et de Cabernet (sauvignon et/ou franc) en Médoc sont parfois récoltées et vinifiées en mélange. Il arrive alors qu'elles soient baptisées "mélanges", "bâtards" ou "Caberlot". Mais cela ne dure que jusqu'aux assemblages et n'a rien d'officiel. Bravo à la famille Rogosky pour cette innovation et surtout ses résultats ! Merci également à l'extra-terrestre du journalisme vinicole français qui nous en parle régulièrement.

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  2. Mouais, je ne vois pas trop pourquoi la France et ses journalistes devraient avoir honte de ne pas plus parler d'un vin ... produit à 2.000 exemplaires !
    Si le monde entier se l'arrache, il n'y a pas besoin de publicité en France.

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    1. Cher ami journaliste,
      Je n'ai pas parlé de "honte".
      Je dis juste qu'un journaliste devrait avoir goûté cette verticale et que ne l'avoir pas fait est un manque dans une panoplie gustative professionnelle.

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    2. Manqué je suis avocat et amateur de vin. Je trouverais stupide qu'une cohorte de journalistes affrète un avion pour venir tomber en pamoison devant des vins que leurs lecteurs ne boiront jamais. Pas vous ? Peut être l'influence du bon moment passé pour ce faire ...

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    3. Moi, je pense qu'il faut avoir tout bu. C'est dire le chemin à parcourir

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  3. Des amis bordelais m'ont aussi rapporté une pratique qui consistait à baigner des lies de merlot en cuve avec du jus de Cabernet, afin de le dé-verdir et donner une pointe de charnu..

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    1. On sait nos amis bordelais capables de tout essayer. Ils ont bien raison. D'autres mettent du blanc dans leur rouge. Et pas pour faire du rosé.

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    2. Je préfère ne pas avoir de Cabernet verts. Mais cela n'engage que moi. C'est aussi moins facile ;o)

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  7. Moritz,

    Cela me fait regretter de ne pas avoir pu répondre positivement à ton invitation (beaux souvenirs que la dégustation au chai en ta compagnie, il y a pas mal d'années déjà, les grillages n'existaient pas encore).

    Cabernet ripasso (au merlot) sur Bordeaux ? ... intéressant !...

    Sur ce caberlot psychédélique : St-Julien puis Pomerol plus que super-toscan, à la Sassicaïa ?

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  8. Marrant, j'ai (ou mes compagnons de dégustation) noté des évocations de cannabis sur ces vins :
    Corton rouge Bouchard 1996
    Sancerre Boulay Clos de Beaujeu 1997
    Saussignac Court-les-Mûts 2003

    On peut trouver un compte-rendu de cette verticale ?

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    1. Voilà un très court compte-rendu de cette verticale rédigé par Thierry Desseauve à la sortie de la dégustation pour une publication immédiate sur Facebook :

      Verticale de Il Caberlot en compagnie de Bettina et Moritz Rogosky (mère et fils) les propriétaires. Retour sur ce grand moment avec mes millésimes préférés.

      On démarre avec le 1988, un premier millésime précis, droit, un rien sévère mais racé. Les grands vins impressionnent dès le début.
      Le 1995 est masculin et intense (18/20). Le 1998 est prodigieux de volume et d’ampleur (19/20). Dans cette décennie, il-caberlot me fait penser à un saint-julien, tandis que dans les année 2000, on va clairement vers Pomerol. Le 2000 est voluptueux et le tanin d’une grande finesse (18,5/20).

      A partir de 2006, le cru s’envole vers les sommets en associant à sa droiture et à sa finesse une plénitude voluptueuse, franchement géniale. Il est racé et complet (18/20).

      Mon préféré est le 2007 (19,5/20), velouté, énergie et grande finesse tannique. J’aimerais le déguster à côté d'un trotanoy tant il me rappelle ce style à la fois fin et énergique.

      Pour conclure, le 2008 est un grand charmeur tout comme le 2000, mais encore plus intense (19/20). Quant au 2009, il est encore jeune, mais a un grand potentiel. Il est ample et profond.


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    2. Nicolas, tu devrais contrôler à l'entrée de ton blog, il devient un repère d'amateurs de paradis artificiels. Il faut bien y avoir goûté pour en retrouver dans un vin. A moins qu'il ne s'agisse de bénéficiaires de soins médicaux expérimentaux ? ;o)

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  9. Salut, dirpauillac

    Il s'agit d'évocations aromatiques, n'est-ce pas ? :-)

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