Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 12 juillet 2010

Deiss et les deissiens


Déjà, il habite route du Vin, on ne pouvait pas se tromper. En poussant la porte, on tombe sur une affiche de Rothko, fameux peintre américain. Une sorte de connivence s’installe. Un type qui met Rothko sur son mur ne peut pas être complètement mauvais. De fait, Jean-Michel Deiss est attachant avec tous les défauts des grands passionnés. Bavard, exagéré, vaguement illuminé. Et toutes les qualités. La passion en est une, en soi. Mais aussi l’implication environnementale, l’amour des beaux vins, la sincérité, l’authenticité, la créativité. Ouf. Que des grands mots. Il n’y a pas foule à pouvoir se prévaloir de tout ça en même temps. Deiss a commencé avec son père en 1976, année chaude. Dés 80, la mort de son père le propulse aux commandes du domaine, il a 26 ans, 27 hectares. Trente ans après, il a toujours la même superficie (mais pas les mêmes parcelles), il produit environ 110 000 bouteilles, sur trois grands crus et trois premiers crus, le tout en biodynamie, valeur montante (à toute vitesse) en Alsace. Il croit à des trucs oubliés. La complantation, par exemple. Sur une même parcelle, il revient aux pratiques anciennes et plante deux, trois, quatre, treize cépages, en foule. Ce qui ne se sait plus ne se fait pas, les spécialistes tiquent. Il découvre que des cépages différents plantés ensemble fleurissent et mûrissent en même temps, il les récolte au même moment. De cette observation, il tient le terroir pour responsable de tout. Et de tous ses bonheurs, pour commencer : « C’est une valeur à défendre ». Il ajoute : « Ma vigne est riche de sa diversité et elle cherche à être une. » On se prend à penser à des choses plus générales, d’autres préoccupations, y a-t-il une identité ? A un journaliste qui lui demandait le pourcentage de chaque cépage dans un de ses vins, il répondit : « Qu’est-ce que ça peut vous apprendre, le pourcentage ? C’est comme “Mozart, il y a trop de notes”. L’important, c’est qu’ils soient ensemble. » Là, je traduis en poli. Du coup, on réfléchit avant de parler, mais quand même, on le pousse. En vrac, on apprend qu’il emploie vingt personnes, que tout est fait à la main, qu’il faut comprendre où on va, on est étourdi, du mal à suivre ce fil en parthénogénèse permanente, on dirait les algues vertes de Bretagne, mais on continue, c’est riche. Il a obtenu pour 45 des 51 grands crus alsaciens un projet environnemental dédié et les producteurs ont accepté une pratique culturale spécifique sur chaque terroir. Monsieur le Président des grands crus d’Alsace, c’est lui, est content de cette première victoire, fondamentale à ses yeux. On ne se quittera pas sans goûter quelques-uns de ses chouchous. C’est un vigneron gourmand de ses vins, il en parle sans concession (« celui-là, c’est vingt ans de garde »), sans forfanterie, mais pas sans fierté, la frontière est ténue. Du dernier dégusté, il dira : « c’est l’idée qu’un grand cru est grand. » Bon, bien. Ailleurs, chez d’autres, nous comprendrons qu’il est un chef de file, qu’il fait école. Chez de jeunes vignerons, c’est à peu près normal. Mais aussi chez un directeur technique d’une grosse coopérative, ce qui est plus étonnant. Il y a des deissiens, ils sont nombreux. Bien sûr, il y a aussi des anti-Deiss, c’est ainsi, mais on les entend moins, que pourraient-ils nous apprendre de neuf ?
Et pendant vos vacances, vous allez traversé l’Alsace sans vous arrêter à Bergheim ? Ne faites pas ça.

La photo : Jean-Michel Deiss, photographié par Mathieu Garçon

1 commentaire:

  1. Voila qui est très joliment croqué, et ce n'est pas facile, car il bouge, le Deiss!
    Et s'il ne donne pas le pourcentage des cépages, c'est peut-être parce qu'avec ses complantations, il aurait du mal à donner un chiffre, non?
    Au fait, s'il y a un endroit où on devrait sentir le terroir, c'est bien en grand cru! Avec la réforme des agréments, le fameux lien au terroir doit s'installer dans toutes les AOC, même les plus génériques, il ne manquerait plus qu'on oublie les grands crus.

    Félicitations pour votre blog.

    Hervé Lalau
    http://hlalau.skynetblogs.be

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