Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



jeudi 30 juin 2011

Albéric Bichot ou les devoirs de l'héritier


En prenant les rênes du vieux vaisseau bourguignon à la suite de son père, Albéric Bichot sait parfaitement ce qu’il doit faire, ce qui l’attend et quel sera son rôle. La maison Albert Bichot existe depuis 1831 et il sera bien aimable de faire comme ses prédécesseurs, développer et transmettre à la génération d’après. La vie est-elle plus facile quand elle est toute tracée ? Sans doute pas, mais la question ne se pose pas dans ces vieilles familles où l’on détient 100 % du capital de son affaire, comme une évidence. Là, on a le sens du devoir et c’est tout. La conversation ne s’éternisera pas sur ce sujet. On a beaucoup mieux à se raconter. Tous les défis à relever. Ceux de la modernité culturale, la conversion en bio, en particulier, déjà bien entamée. Une partie de la gamme se retrouve dans le commerce avec le sticker AB. Ceux de la mondialisation du commerce, ces nouveaux territoires à conquérir, qui sont autant de marchés, les voyages vers l’Asie et l’Amérique du Sud. Toutes les places traditionnelles des grands bourgognes à consolider avant que d’autres le fassent à votre place, l’Angleterre et le Nord-Europe, les USA, le Canada.
La maison Albert Bichot produit quatre millions de bouteilles. C’est beaucoup à Beaune, l’équivalent de la maison Bouchard, et bien peu quand on considère le vin mondial et ces grands acteurs économiques. Albéric Bichot, la voix posée et l’œil rieur, explique à peu près qu’il est à la croisée des chemins, quelque part entre le marteau et l’enclume. Qu’il a sur sa gauche, la petite foule des vignerons encensés forcément par la presse et les amateurs, toujours friands de vins introuvables. Et, sur sa droite, les grands groupes multinationaux qui débitent du chardonnay et du pinot noir au tiers de son prix de revient à lui et par dizaines de millions de cols. Cela ne l’émeut pas plus que ça. C’est le lot, depuis toujours, des grandes maisons de négoce beaunoises. Il sait les qualités des bourgognes qu’il défend.
Avec 100 hectares en propriété sur quatre domaines à Chablis, Nuits-Saint-Georges, pommard et Mercurey, la maison Bichot est une belle affaire et Albéric est particulièrement fier des vignes chablisiennes, « Nous y possédons, dit-il, 10 % de tous les grands crus. » Et puis, il y a cette image du négoce qui l’agace un peu. Cette distinction faite volontiers entre les vins dits « de domaine » et ceux de négoce. Il explique : « Dans nos grandes maisons de Beaune, personne ne travaille moins bien les raisins ou les vins achetés que ceux en provenance de vignes en propriété. J’invite ceux qui croient le contraire à faire une visite détaillée des vignobles dont nous sommes les contractants et de nos parcelles, c’est très intéressant. » Il expliquera plus tard qu’il pousse l’exigence jusqu’à la rupture, s’il le faut. Ce que nous croyons volontiers. Sous des airs policés, ce garçon cache une vraie énergie et, s’il a du goût pour les vins qu’il produit, il ne se fait pas prier pour déclarer sa flamme aux grands vins que son père a produit. Pour preuve, un corton-les-languettes 1978 parfaitement émouvant plus de trente ans après sa mise en bouteille. Il affirme que c’est un modèle pour lui. La maison Albert Bichot est entre de bonnes mains.

La photo : Albéric Bichot dans les caves de la maison. Cette sublime image est signée Mathieu Garçon, bien sûr.

Ce texte a été publié sous une forme différente dans L'Express Hors-série Vin

mercredi 29 juin 2011

Les vins d’aujourd’hui vieillissent-ils aussi bien que les vins d’hier ?


Michel Bettane revient sur un sujet qui agite pas mal les amateurs de beaux vins. Il nous livre ici les clés pour comprendre les vins « modernes » et leurs capacités de vieillissement par rapport aux millésimes d’hier, ceux que nous finissons de boire ces années-ci.
« Nous voici devant un autre effet pervers de la morale judéo-chrétienne, qui est aussi effrayée par ce qui peut donner du plaisir que par le Diable. Puisque les vins d’aujourd’hui sont très bons à boire jeunes, nous craignons aussitôt qu’ils ne soient plus capables de vieillir aussi bien que ceux d’hier. Dans le passé, de nombreux vins avaient besoin d’un long vieillissement en bouteille. Non pas pour révéler leur vraie nature, mais pour se débarrasser de défauts de naissance comme une acidité excessive et des tanins astringents dus à la rusticité des méthodes de vinification. Quand la matière première, le raisin, était de belle qualité, l’âge les rendait délicieux comme on l’a vu avec des millésimes lents à s’épanouir (1928, 1934, 1945). Mais nous avons oublié que d’autres grands millésimes, sans doute les plus grands (1929, 1947, 1953, 1959), ont été prêts à boire assez tôt en raison de leur faible acidité, due à la belle maturité des raisins, objectif que les bons producteurs cherchent à obtenir aujourd’hui.
Quand Émile Peynaud a imposé le style moderne des bordeaux, avec la recherche d’une acidité basse, dans les années 60, les Cassandres de l’époque étaient déjà en train de nous expliquer que c’était la fin des grands crus, et que ces vins ne vieilliraient pas. Quarante ans après, personne ne conteste leur harmonie supérieure et leur fidélité au terroir. On entend les mêmes sornettes aujourd’hui à propos des vins de Michel Rolland et de ses confrères consultants. Le temps se chargera de contredire ceux qui propagent de telles craintes. À la condition, toutefois, que les rendements restent raisonnables et qu’on ne manipule pas le vin au chai.
Au plan de l’analyse, les vins biens faits produits aujourd’hui sur de grands terroirs sont plus complets qu’autrefois, ils ont des degrés alcooliques plus élevés, un extrait sec supérieur, et des indices de tannins infiniment plus importants. Pour faire simple, toutes leurs qualités sont présentes à la naissance et leur donnent charme, aisance et suavité, pour peu qu’on les carafe deux à trois heures à l’avance.
Souvenons-nous du 1982, le premier des grands millésimes modernes à Bordeaux. En 1994, nombre d’experts prédisaient sa « mort » imminente et se moquaient des Américains qui aimaient ce style « pervers et décadent. »
Aujourd’hui, les beaux 1982 sont plus jeunes et plus fringants que jamais. Nos rabat-joie auraient mieux fait de se taire. D’autant qu’ils ont assuré, en réaction à leur bêtise, le succès planétaire d’un certain Robert Parker. »
Michel Bettane

La photo : Michel Bettane, photographié par Guy Charneau.
Ce texte a été publié sous une forme différente dans Le Monde Magazine.

lundi 27 juin 2011

Clémentine et Lily


"Je crois qu'il existe sur terre toute une génération marquée à vie par Tintin. Le petit reporter à la folle mèche rousse, avec son air de pas y toucher, a une influence dingue. Cela se manifeste de différentes façons selon les individus. Certains prénomment Milou leur chien, leur enfant ou leur mari-femme (en privé). D'autres se mettent au golf pour justifier le port du pantacourt bouffant. Et puis, il y en a qui ouvrent un restaurant. Les Frères Costes pour ne citer personne. L'addition Restaurant + Costes + Tintin et le Lotus Bleu = Lily Wang. La preuve par 3.
Le nom
Dans Le Lotus Bleu, Tintin vient en renfort des Fils du Dragon, une société secrète dirigée par M. Wang, qui lutte contre des trafiquants d'opium. Sa femme, souvent à ses cotés, l'épaule discrètement dans son combat. Comme toi, comme moi, les Frères Costes au fil de leurs lectures ont noté que Tintin, les filles, c'est pas trop son truc. À part la Castafiore, il est pas super entouré, mais il cherche pas non plus des masses. Donc, quand ils ont commencé a se creuser la tête pour le nom de leur nouveau resto chinois, ils ont été bien embêtés, parce que M. Wang, ça fait plus Belleville que VIIe. Coup de bol, M. Wang, lui, a été capable de se dénicher une compagne, qui a le bon goût de ne pas avoir de petit nom, tant mieux on va pouvoir lui en coller un qui arrange tout le monde. Comme les Frères Costes sont fans de Tintin ET de Lily Allen, ben le restaurant s'appelle Lily Wang. CQFD.
La déco
Jacques Garcia, qui signe la déco de beaucoup de Costes, aime bien t'accrocher des trucs au dessus de la tête. Au Café de L'Esplanade, j'ai toujours la trouille qu'un boulet de canon m'assomme. Chez Lily, ce sont des lampions colorés qui veillent sur toi, ambiance fumerie d'opium. Les mêmes que dans le Lotus Bleu, fleurs kitsch en bonus au mur pour un dépaysement total. Pas besoin de se défoncer, t'es aussi pur et innocent que Tintin mais t'as quand même l'impression de flotter.
Les prix
L’opium, c’est très cher. Chez Lily Wang, l’addition aussi. Pas plus compliqué que ça. Est-ce que c’est l’arnaque, comme dans les pages « Do It Yourself » du Elle où on essaye de te faire croire qu’avec tes 2 mains gauches, tu vas réussir pour 4,50 euros à transformer tes sandales La Redoute en stilettos Louboutin ?
Carrément non, parce que :
- L’opium te rend stone. Chez Lily Wang, les fauteuils en velours noir, confortables comme tes Moon Boots, aussi.
- L’opium te rend heureux. Chez Lily Wang, les plats finement parfumés aux textures délicates, aussi.
Carrément oui, parce que :
- L’opium fait disparaitre la sensation de faim. Chez Lily Wang, vu la taille des portions, non. Ils doivent même avoir un partenariat avec Weight Watchers ou des tortionnaires de ce genre. Pour ton plat au prix moyen de 25 euros (soit 5 paquets de clopes, 2 pleins d’essence pour ton scooter ou une séance chez le kiné) compte pas sur un à-côté quelconque. Si tu veux du riz ou des légumes, c’est en supplément, c’est cinq euros et c’est six points en plus au compteur WW.
- L’opium fait ressentir de la chaleur. Chez Lily Wang, vu que l’été parisien a duré deux semaines en avril et qu’ils ont, depuis, perdu la télécommande de la clim, non.
Au final, Lily Wang, on la balance à la B.A.C. ou pas ? Faites-le si vous le voulez, moi je le ferais pas, j’y ai bu une bouteille de reignac 2003 toute douce et veloutée, comme un lait-grenadine, mais en plus épicé, qui m’a clairement fait planer et sans même prendre d’opium."
Clémentine de Lacombe

Lily Wang, 40, avenue Duquesne, Paris VIIe, tél. : 01 53 86 09 09.
Si vous n'avez pas lu les précédents articles de Clémentine de Lacombe, cliquez sur les titres :
Clémentine au grand restaurant
Clémentine est amoureuse de Carole
Clémentine a bu du vin de messe
ou allez fouiller dans Et ça parle de quoi, ici ? Rubrique Mon invitée que j'ai, colonne de droite

vendredi 24 juin 2011

Michel Bettane et le ministre des concombres


Ce matin, Michel Bettane était en direct sur lemonde.fr pour un chat avec les internautes. Pendant une heure de conversation à bâtons rompus, il a éclairé les uns et les autres sur les mérites comparés des cépages et des appellations. Heureusement, le débat s’est orienté vers d’autres considérations, ce qui a permis à Michel de mettre, ici et là, les points sur les i. Voici un extrait que j’ai particulièrement bien aimé, il reprend un point abordé dans Le bêtisier de Vinexpo, sur ce même blog.

« Michel Bettane : Les vins d'appellation doivent être l'élite de nos vins. Il ne faut pas avoir peur du mot élite. L'élite, c'est ce qui fait la force des nations.
Fernando : Justement, l'Espagne a officiellement inscrit le vin dans son patrimoine culturel, pas la France ! Les hygiénistes sont-ils en train de gagner la partie contre les vignerons ?
Michel Bettane : La France est "petit bras", ou peureuse, ou démagogue. Le Ministre de l'agriculture dit à Vinexpo : "Seule l'exportation sauvera le vignoble français". C'est complètement stupide.
Cela veut dire : 1) nous ne voulons pas que les Français boivent leur vin, qui est un produit dangereux pour la santé et la sécurité publiques ; 2) nous ferons tout pour que les étrangers le boivent à notre place.
Cela veut dire qu'on est assez heureux si la consommation de vin diminue en France pour des raisons de sécurité publique. Et on se fout du problème environnemental, du voyage. Le bilan carbone de l'exportation à 20 000 ou 30 000 km est désastreux. Un ministre qui dit ça se fout de l'écologie et d'une certaine façon est partisan d'une certaine prohibition.
Je caricature un peu, mais c'est quand même dans l'air du temps au niveau gouvernemental. Il est normal que le ministre défende l'exportation de vins, mais il donne l'impression qu'il ne fera rien pour soutenir le développement du marché national, qui est très important aussi. Il défendra le concombre jusqu'au bout, mais ne lèvera pas le petit doigt pour défendre la viticulture française dans notre propre pays. »

Ça, c’est dit.
Qu’est-ce qu’on attend pour voir se lever dans ce pays la foule des vignerons grossie de la foule des amateurs pour enfin faire comprendre à nos gouvernants que non, on ne marche plus ? Et pour dire que la politique honteuse dont est victime la viticulture française à tous égards et depuis vingt ans doit cesser maintenant, qu’est-ce qu’on attend ? Et pour dire que cette politique ne profite pas à la santé publique, mais à celle des groupes qui produisent des anxiolytiques, on attend quoi ? Que le ministre ne sache rien – ou si peu – des réalités du vignoble est une chose, que le président de la République apprécie sa façon de gérer les conflits sociaux, très bien, mais maintenant au boulot. Il y a de mauvaises lois à défaire. Et vite. L’électorat, Bruno. Tu gagneras pas une voix avec tes concombres.
J’ajoute à l’intention de l’internaute qui échangeait avec Michel que le mot
« hygièniste » n’est pas approprié. C’est le mot « prohibitionniste » qui convient
le mieux. On dirait « hygiéniste » si quelque chose était fait en termes d’hygiène publique, mais ce n’est pas le cas.

La photo : Michel Bettane, photographié par Guy Charneau pendant la Semaine des primeurs

L’échange entre l’internaute et Michel Bettane a été publié sous forme de chat par lemonde.fr le jeudi 23 juin entre onze heures et midi. L’intégrale de ce chat se consulte ici

Sur le même thème, lire aussi Le bêtisier de Vinexpo

jeudi 23 juin 2011

La gare de Labarde


Dans l’un de ces moments de solitude que je n’aime pas trop, mais qui, au fond, sont assez productifs, je me suis arrêté pour déjeuner dans l’ancienne gare de Labarde, à côté de Margaux. À midi et demi, l'endroit était comble, c'est bien. Le lieu a été racheté par Édouard Miailhe, le château Siran, et il a installé un petit couple drôle et sympathique, elle en salle, lui en cuisine. C’est une cuisine fraîche, bien tapée et pas donnée. 46 euros et quelques pour moi tout seul, avec une demi-bouteille de siran 04.
Pour ça, j’ai déjeuné d’une tartelette tomates, coppa, joue de bœuf et roquette, parfaite dans sa simplicité bien exécutée. Un tournedos de lapereau, risotto, pas super lisible. Un clafoutis de pêches et caramel au beurre salé. Tout ceci très bon, agréable, un peu too much pour un déj. Très bon point : la verrerie, des verres de grande qualité, forme et format. Le menu est à 25 euros et t’as pas le choix, ya pas de carte. Ce qui est bien la seule façon de s’en sortir dans un petit espace, peu de couverts, au fond du Médoc, ce désert. Pour nous, le passant que nous sommes, c’est aussi une façon de ne pas se sentir obligé de pointer chez Barbier (Le Lion d’or, à Arcins, l’institution) qui, de toute façon, était fermé pendant Vinexpo… Et puis, faisons le compte. Barbier, la gare de Labarde, la Winery, le golf de Margaux qui fait hôtel-resto, le quatre-étoiles de Jean Guyon à Rollan-de-By. On oublie le Relais de Margaux et le Savoie, c'est pas tellement chez nous, ça. Et voilà, le tour est vite fait. Quelques châteaux font maisons d’hôtes. Point barre et, particulièrement, rien sur le quai à Pauillac, c'est incompréhensible. Le Médoc, ya du boulot.

La photo : un grand verre de siran 04 à la gare de Labarde, photo moi.

mercredi 22 juin 2011

L’exquis marquis


Un dîner au château Marquis de Terme, à Margaux. Belle propriété tenue de main de maître par le charmant Ludovic David, ex-Bernard Magrez, comme Anne Le Naour et quelques-uns des meilleurs directeurs de domaines bordelais.
Le format : Cinquante personnes assises par table de dix dans l’une des belles salles des vastes bâtiments. Une acoustique particulièrement reposante.
Le décor : une très belle propriété margalaise, la cour avec les grands arbres, le gravier, les pelouses, vous y êtes ?
On a bu : deux vins de Philipponnat, la cuvée 1522 millésime 02 et le clos-des-goisses 99. Le classicisme champenois avec la touche de style qui le rend unique. Un greysac 98, de la propriété du Vénitien Brandolino Brandolini d’Adda, rencontré dans les mêmes circonstances il y a deux ans, un type drôle et décalé. Le château Greysac est géré par Philippe Dambrine, aussi directeur de Cantemerle. Un cantemerle 96, très au point, d’une belle suavité. Un marquis-de-terme 89, soyeux à souhait. Tous ces vins servis en double-magnum, c’est mieux pour la fraîcheur. Point d’orgue admirable avec guiraud 03, Michel Bettane était enchanté et moi, extatique. On aurait dit mon ami Chaigneau. Les cigares et les marlboros ont accompagné un cognac, le lot 53 de Tesseron. Il y a des soirs parfaits.
L’ambiance : Petit comité, que des journalistes. Soit un mélange de franche camaraderie et de scuds qui volent bas, mais la gentillesse désarmante de la famille Sénéclauze, propriétaire des lieux, a fait le reste et tout s’est bien passé. Ouf. Et, in fine, on s’est bien marrés.
Le hic : il manquait deux-trois copains. Et surtout deux-trois copines pour civiliser l’affaire. Élizabeth de Meurville a râlé (what else ?).
Le plus : la beauté des lieux, les copains, c’est mieux, la qualité de l’accueil de Ludovic, le beau dîner signé Philippe Etchebest, de l’Hostellerie de Plaisance à Saint-Émilion, le merveilleux endroit de Gérard Perse (Pavie).
Demain : master-class sauternes et barsac à l’heure du déjeuner, idéal pour s'envelopper de volupté avant le train retour Paris à 16 heures.
Post-scriptum : mes félicitations aux forces de l’ordre, dont la parfaite discrétion n’a pas terni la belle ordonnance de ces quelques soirs excessifs. Mes compliments à la modération préfectorale, en cette matière et pour une fois.

mardi 21 juin 2011

Béatifions le Pape-Clément


Un dîner chez Bernard Magrez, le multi-propriétaire du vignoble mondial.
Le format : 150 personnes assises par table de dix ou douze.
Le décor : les jolies tables dans l’orangerie du château Pape-Clément, à Pessac.
On a bu : clémentin blanc 09, fombrauge 08, pape-clément 07. Chez Bernard Magrez, on croit aux vertus des jeunes. C’est bien.
L’ambiance : tous les métiers emmêlés, on n’a pas l’habitude. À ma table, deux cavistes, dont un en Suisse, disent la réalité de leurs marchés, et de leurs affaires, les difficultés. C’est instructif, et ça nous rapproche de la vraie vie. Pas si mal. À ma gauche, Élizabeth de Meurville râlait (what else ?).
Le hic : j’aurais bien croisé un millésime joliment amorti. Pour une béatification, il faut un historique complet, un CV détaillé.
Le plus : Bernard Magrez supporte les musiciens classiques. Ce soir, le stradivarius étant en concert, c’est un très jeune pianiste qui a donné un récital époustouflant d’une vingtaine de minutes. Et le plus du plus, c’est la tête enchantée de BM écoutant le pianiste. Il y avait de l’émerveillement chez cet homme qu’on croirait pourtant revenu de tout.
Ce soir : dîner à Margaux, au château Marquis de Terme. Il y aura tous les copains et mon ami Daniel Benharros, celui qui m’a ouvert les portes du mondovino.

La photo : le château Pape-Clément, la façade. Photo D.R.

Le bêtisier de Vinexpo, suite


La réception en rafale des communiqués de presse de Vinexpo est un bonheur renouvelé. On a vraiment l’impression que ces gens ont passé les vingt dernières années à l’isolement complet quand il leur faudrait juste quelques moments dans une cellule de dégrisement, histoire de reprendre pied dans le grand monde, chez vous, chez moi, chez nous. Voilà qu’il découvre les femmes. Si. Où ils débitent les trois fadaises hors d’âge sur le sujet, je ne vais pas les répéter, vous connaissez toutes ces ringardises. Et où, ça fait peur, ils battent des mains devant les trésors de créativité mis en place pour séduire les femmes. Je cite, je n’en change pas une virgule, ya écrit ceci : « pour séduire cette cible décomplexée, les exposants ne manquent pas d’idées : Bag in Box roses en forme de sac à main, vins allégés et / ou fruités aux noms évoquant la douceur et la joie de vivre. » Bon, c‘est clair l’organisateur prend les femmes pour des connes, des demi-débiles, arrêtées depuis longtemps à la poupée Barbie. Déjà, elles ont eu droit au logo « femme enceinte, bois pas, idiote ».
Ou bien, il nous prend nous pour des crétins. Je pense que c’est les deux, en fait.
Dans un registre plus sérieux, mais pas moins grave, voici le délicieux Daniel Vaillant. Personne ne se souvient ? Si, c’est le mec qui était quelques semaines Ministre de l’intérieur de Jospin. Non, ça ne vous dit rien… Si, il a aussi été maire du XVIIIe arrondissement de Paris, à Barbès, un ami de l’humanité qui se faisait photographier au pied de l’immeuble miteux où il conservait un appartement modeste pour faire genre j’habite là. T’as raison, prends-moi pour une quiche, comme dirait Clémentine. Toujours rien ? Bon, j’explique quand même. Ce brillant penseur a déclaré qu’il fallait légaliser la marijuana puisque l’alcool était autorisé. Ah ah, elle est bonne. Ce ne serait pas Vaillant, on dirait qu’il a fumé la moquette. Marijuana, pinard, c’est pareil ? Mais c’est du Coluche, m’sieur l’homme d’État. Donc, l’ex a vendangé une bonne occasion de se taire, oui, mais aussi de parler de la dépénalisation qui est quand même un sujet qu’on devrait pouvoir aborder sereinement, qu’on soit pour ou qu’on soit contre. Mais l’imbécile conseillé par des communicants hors pair s’est dit que c’était le moment de balancer sur le vin. Quand J.R. Pitte dit que le prohibitionnisme est de gauche, il a tort ? Entre une droite molle et une gauche vicieuse, on est mal.

lundi 20 juin 2011

Le bêtisier de Vinexpo


Vinexpo fournit toujours à un tas de malins l’occasion de dire des sottises. Dans la série « on n’est pas à une tartufferie près », voici l’heureux récipiendaire du jour, le ministre Le Maire, en charge de la viticulture et, donc, de l’agriculture. Le Maire, c’est celui qui sait pas combien de mètres carrés il y a dans un hectare, comme vu sur Canal+. Lui, il ne trouve pas que c’est un problème. Plein de gens, si. Il a rejoint Juppé pour l’inauguration de Vinexpo et, es-qualités, il s’est exprimé.
Parmi nombre de banalités, il a affirmé, je cite : « C’est hors de nos frontières que se trouvent les relais de croissance pour nos producteurs. » À quoi l’excellent César Compadre lui a répondu dans Sud-Ouest de ce lundi et avec son style enviable. César écrit ceci : « Il est plus commode de se focaliser sur l’export que de tenter de lever les verrous (loi Evin, diabolisation du vin,…) qui chloroforment le marché national. »
Moi, j’aurais bien dit la même chose que César, mais je n’étais pas à l’inauguration. J’étais au fond du Nord-Médoc, au château La Tour-de-By, et j’assistais à une réunion de l’Union des gens de métier, un truc formidable présidé par Éloi Dürrbach (Trévallon) et qui réunit une grosse vingtaine de vignerons de première qualité. Dagueneau, Chidaine, Roulot, Puffeney, les frères Foucault, Graillot, j’en passe, qu’ils me pardonnent, nous y reviendrons ici en détail. Pendant le déjeuner, chacun s’exprime et, sur un tour-de-by 82 en magnum, les langues se délient. « Moi, l’export, j’arrête», braille l’un, « t’as bien raison », confirme l’autre. Et pourquoi, s’il vous plaît ? S’en suit une longue diatribe d’où il apparaît qu’à cause du salmigondis administratif mis en place par ceux qui ont la charge de taper sur la tête de l’entrepreneuriat français, il est devenu trop compliqué de tenter d’exporter son vin. Parce que ces vignerons n’ont ni le temps, ni le matos informatique de pointe, ni la formation de tech requis pour remplir la somme de formulaires électroniques exigés pour sortir une quille de France. L’exercice diabolique est réservé aux grosses structures qui, précisément, se font tailler des croupières sur les marchés par les vins du Nouveau Monde. Mais ça ne fait rien, nos élites (peut-on encore les appeler comme ça ?) s’en moquent. Ils se servent des succès des uns pour enrichir de pauvres discours démagos. Ils n’ont aucune conscience de ce qu’il se passe pour de vrai. Tout ce décalage vous fait rire ? Pas moi. Qu’est-ce qu’on attend pour faciliter la vie de cette filière ? Le Maire rappelait que le monde du vin est le second exportateur français derrière Airbus et l’aéronautique. On se demande pourquoi il le dit puisqu’il n’accompagne rien, même pas le succès. Alors, Monsieur Le Maire (non, pas vous Alain, je parle à Bruno), la question est posée. Qu’allez-vous mettre en œuvre pour sortir les vignerons de France de leurs bureaux et les renvoyer à leur place, dans leurs vignes et leurs chais ? Il faut répondre, mon bonhomme. « Le pays compte sur sa viticulture », dis-tu. Vas-y, on te regarde.

La photo : dans Sud-Ouest de ce matin, l’article de César Compadre.

Une parenthèse entre Charles et Piper


Dîner au-dessus de la rivière et de la ville, dimanche soir.
Le format : dix personnes assises en rond (autour d’une table, pas par terre).
Le décor : la terrasse du Saint-James à Bouliac, en balcon sur la grande ville.
On a bu : piper 04, charles « Blanc des millénaires » 95, piper « Rare » 88, charles rosé, et une bouteille-mystère. Pas l’ombre d’une faute de goût. Et, toujours dans les altitudes extrêmes, le fabuleux Blanc des millénaires, le champagne le moins connu du monde. Et le meilleur.
L’ambiance : dix à table, pour passer une soirée exquise, c’est mieux que 400. Conversation générale ou apartés, c’est comme on veut et on peut toujours quitter les uns pour revenir à l’autre, confortable. Nous étions réunis autour de Régis Camus, l’over-médaillé chef de caves de Charles Heidsieck et Piper-Heidsieck avec un menu fait (par Alexandra Rendall) pour porter les champagnes de la maison. Une réussite totale, un dîner reposant et, à la fin, on s’est bien marrés.
Le hic : pas de hic avec Charles Heidsieck (lire cette ligne à voix haute, slammer que tu es)
Le plus : un journaliste allemand avait apporté une très vieille bouteille de Charles, un brut sans année, avec une étiquette que je ne connaissais pas. À la lecture des hiéroglyphes gravés dans le verre du cul de la bouteille, Régis a opté pour quelque chose du début des années 60, l'expérience en lieu et place de carbone 14. Bien sûr, c’était bon et très évolué, le sujet n’est pas là. Vous imaginez un journaliste français arriver avec une bouteille épatante à un dîner de presse à la seule fin de faire partager une émotion ? Que ce journaliste allemand dont je n'ai pas réussi à retenir le nom soit ici publiquement remercié pour la beauté du geste, cette classe. Gracias, hombre (désolé, je ne parle pas allemand).
Ce soir : le dîner de Bernard Magrez, ce vieil homme en colère que j’aime beaucoup. Mais, d’ici là, je vais aller rigoler avec Hervé Bizeul, un jeune homme en colère que j’aime beaucoup aussi. Ya pas que les vieux.

La photo : cette bouteille-mystère de Charles Heidsieck, supposée nous arriver tout droit des sixties. Photo moi.

dimanche 19 juin 2011

Yquem, Lurton et Miss GlouGlou


Dans la série « Rendons à César », j’ajoute Cléopâtre et je dis ceci. Dans le dossier Vins Bettane+Desseauve paru dans Le Monde Magazine de vendredi dernier, j’ai publié un excellent sujet de notre ami Sylvain Ouchikh, sur la bio-dynamie chez Cazes en Roussillon, une belle sélection de vins d’été et une interview épatante de Pierre Lurton par Miss GlouGlou, sur le Château d’Yquem et son grand vin. Pour des raisons diverses, une petite partie de cette interview a zappé du texte. Pour ton édification, ami lecteur, et pour ton rire étonnant, amie lectrice, voici les questions-réponses manquantes, Miss GlouGlou et Pierre Lurton au sommet de leur art :

Peut-on boire yquem en maillot dans une piscine ?
Oui. Bien sûr.
Peut-on boire yquem tout nu ?
Oh oui, c'est évident, c'est la vérité toute nue.
Peut-on boire yquem en faisant l'amour ?
Oui. Pour moi ça peut inspirer, yquem. Est-ce un vin aphrodisiaque quand on est tout nu ? Ça reste à vérifier.
Peut-on boire yquem au travail ?
Oui, c'est ce que je fais tous les jours. C'est un métier terrible.
Peut-on boire yquem à la bouteille ?
Ça m'est arrivé. Un jour sur un quai, j'étais tout seul face à la mer, il me restait un peu d'yquem. Je me suis permis ce luxe. C'est délicieux.
Peut-on boire yquem aux toilettes ?
Oui... quand on est au bout du rouleau.

C’était ballot de se passer de ce bel échange, non ?

La photo : yquem 86, dans le nouveau chai de Cheval Blanc, photographié par Marilyn Johnson

Un dîner chic dans les Graves


Au château Bouscaut, c’est le dîner d’ouverture de Vinexpo traditionnellement tenu dans l’un des seize crus classés de Pessac-Léognan.
Le format : 400 personnes assises par table de douze.
Le décor : une tente immense plantée sur la pelouse avec vue sur ce château ravissant, un endroit enviable.
On a bu : carbonnieux 07 et chevalier 05 en blanc. Le premier plus tendu, l’autre, plus suave. Et en rouge, chevalier 81 au bout de ses âges, bouscaut 85 en impériale et encore bien présent, haut-bailly 98 merveilleux, une note très pomerol dans son charme. Apothéose au dessert avec un jeune climens sublime.
L’ambiance : les discours en deux langues, ce qui hache singulièrement le propos, des serveurs-veuses qui courent partout tout le temps, un brouhaha qui empêchait de parler avec son vis-à-vis à table. C’est ballot, les miens, c’était deux Américains, Robert Wilmers, propriétaire de Haut-Bailly et Bill Harlan, t’as envie de crier « vos gueules, les mouettes », une icône comme Harlan, c’est pas tous les jours. Mais bon, y avait Véronique, la jolie dame de Haut-Bailly à côté de moi qui m’a raconté plein de trucs dingues sur le système bordelais, mais j’ai promis de rien dire, pfff.
Le hic : j’étais à une table d’au moins six nationalités, donc totalement inaudible.
Le plus : yquem et climens dans la même journée, c’est un avant-goût de paradis.
Demain : dîner Charles Heidsieck au Saint-James. J’aime tout chez Charles.

samedi 18 juin 2011

Le grand déjeuner à Cheval Blanc


Premier déjeuner, Cheval Blanc à Saint-Émilion.
Ah. C’était bien, y avait du monde. Deux ou trois blogueurs new generation, un ou deux dinosaures, des journalistes de la presse grand public, d’autres on se demandait ce qu’ils faisaient là, des étrangers aussi, les vieilles dames comme toujours. Il y avait Pierre Lurton et Christian de Portzamparc qui faisaient faire la visite. Plein de jeunes filles qui faisaient joli dans le décor futuriste avec leurs robes noires ceinturées de vert printemps, le ciel était dans le désordre et l’hésitation, trois gouttes par ci, un rayon par là, un vrai printemps de pays tempéré. Il y a eu les discours de rigueur, enfin, c’était pas tellement la rigueur, on n’a manqué de rien.
Le format : 150 à 200 personnes, assises par table de dix.
Le décor : le cuvier futuriste avec ses cuves en béton new-age. Ma femme de ménage dirait que ça va pas tenir le tanin tout ce béton. De quoi elle se mêle celle-là ? Laquez-moi tout ça en gris souris et plus de problème d’entretien, ajoute-t-elle.
On a bu : petit-cheval 00, cheval-blanc 90, yquem 86. Pas raisonnable, trop bon. Ne me demandez pas de parler d’yquem 86, vous en avez pour deux heures de lecture.
L’ambiance : concentrée sur l’œuvre commune de Christian de Portzamparc et de Pierre Lurton. Arnault et Frère n’étaient pas là. Se sont pas excusés. Déj à une table de blogueurs, très sympa, drôle, incisif, la dent dure (miss Vicky, Marilyn Johnson, Fabrice VinsurVin et Miss I qui voudrait bien, mais qui n’a pas le temps). Des blogueurs, quoi. Plus une réalisatrice de télé vachement bien, passionnée par le mondovino, déjà croisée en Californie où elle avait fait un film avec un acteur top qui "claque en hélico", comme dirait Clémentine de Lacombe. Il y avait un autre blogueur qui faisait la gueule à une table de grandes personnes de son âge.
Le hic : dans son discours, Portzamparc a dit « le travail d’effacement » pour qualifier l’édifice. Nous, on s’est dit qu’on l’avait échappé belle.
Le plus : le discours adorable de Lurton, ce mélange unique de tendresse, de fierté et de drôlerie. On a le droit de crâner quand on est aussi sympa. L’autre plus : yquem 86 (ah oui, je l’ai déjà dit, je le redis).
Ce soir : Dîner au château Bouscaut, Pessac-Léognan. Je ne connais pas, il paraît que c’est agréable m’a dit Denis Hervier. Vous saurez tout cette nuit.

La photo : le château Cheval Blanc, c’est ça, une petite maison modeste. Pour le chai, voir ici et . Photo moi.

vendredi 17 juin 2011

Vinexpo a déjà commencé


Premier soir, dîner au château Soutard, à Saint-Émilion.
Le format : 400 personnes debout.
Le décor : une tente transparente dressée dans la cour du château, genre Pyramide du Louvre.
On a bu : plein de millésimes de soutard, larmande et cadet-piola. Je suis resté concentré sur les soutard 89 et 90, en magnums, félicité. Pourtant j’adore l’étiquette de cadet-piola, mais le 96 était bouchonné.
L’ambiance : y avait tout le monde, RD-RG. Et des attractions mondialistes.
Le hic : pendant les discours, les serveurs servaient plus pour qu'on écoute bien les messieurs. Du coup, comme ils avaient la pépie, les gens déprimaient.
Le plus : sublime déco des chais (à l’intérieur).
Demain : déjeuner à Cheval Blanc. Suis à la table des blogueurs, pas à celle des journalistes. Bien joué, Miss I.

La photo : Saint-Ém by night by me

mercredi 15 juin 2011

Cheval Blanc, les photos officielles

C’est beau ou c’est moche ou tout le monde s’en fout ? Les photos officielles sont très bien, évidemment. Elles évitent soigneusement de montrer le machin dans son environnement. Le plat paysage et l’œuvre éclatante plantée là. Vous savez quoi ? je suis sûr que le chai est techniquement parfait, qu’il permettra à l’artiste en charge de faire les plus beaux vins du monde. En attendant, la question reste posée et ça peut durer avant d’avoir une réponse qui fédère le monde.
Voilà les images :








Les photos officielles du nouveau chai de Cheval Blanc sont signées Gérard Uféras.

Sur le sujet , lire aussi : C’est beau ou c’est moche ?

mardi 14 juin 2011

Rollan-de-by 2000, médoc parfait


Il y a quelque chose d’assez incroyable chez Jean Guyon. Voilà quelqu’un qui a débarqué dans le vignoble en provenance des ors et des marbres des palais d’Orient dont il assurait à grand frais la décoration. D’emblée, et à partir d’une petite parcelle de deux ou trois hectares, il a fait comprendre à tous ceux qui travaillaient avec lui de quel niveau d’exigence il se contentait. Très vite, son rollan-de-by s’est hissé au rang des incontournables. Dans les dégustations à l’aveugle du Grand jury européen, il a été chatouiller les grands, les installés avec autant de culot que de talent, ce que François Mauss appelle un « pirate ». Pour forcer le trait, l'ambitieux Guyon a créé un vin issu de sélections parcellaires, le haut-condissas. Encore plus fort, celui-là. Une bombe de fruits, comme dirait l’autre. Un grand bordeaux. Guyon n’a pas fait sienne la fine blague de Philippe de Rothschild, « pour faire un grand vin, ce sont les deux ou trois premiers siècles qui sont difficiles ». Guyon n’a pas le temps. Tout, tout de suite, ce vieux motto libertaire, voilà son credo. Hier soir, j’ai tiré le bouchon d’un rollan-de-by 2000. Carafage et deux heures d’aération pour un plaisir qu’on croyait réservé aux budgets nettement plus importants, l’élégance, la suavité, l'œil ravi de la grande fille émouvante assise en face de moi, cette récompense.
Rappelons que son 2010 est vendu 12 euros et quelques hors taxes. Il faut que la presse grand public cesse de nous bassiner avec les prix des bordeaux. Cette entreprise de démolition systématique ne repose que sur une cinquantaine d’étiquettes et encore, et ne tient aucun compte de la réalité du vignoble bordelais. Alors, stop maintenant.

Sur haut-condissas, lire Une bouteille vide en est la preuve

dimanche 12 juin 2011

L’armagnac, une belle histoire agricole


Écoutez, c’est la volupté qui gagne, peu à peu, sur la raideur triste des Landes, cette forêt plantée au cordeau qui porte les traces des ouragans, les arbres noirs laissent la place à une campagne avenante. On n’y est pas encore. Pour l’instant, on est arrivé chez Marc Darroze, le frère d’Hélène, demi-star parisienne des fourneaux. Vite, il nous dira l’histoire de l’Hôtel des Voyageurs, 1928, le roi Jean, son grand-père, ça ne nous intéressait pas tellement, on était venu pour l’armagnac. Son père Francis a créé l’affaire dans les années 70. Darroze, c’est une maison de négoce. Comprendre qu’ils ne sont pas propriétaires de vignes, ils achètent des vins et les distillent, ou bien ils achètent des eaux-de-vie et les élèvent et c’est lui qui envoie le distillateur chez le vigneron. Marc nous expliquera que son père était « le premier négociant-éleveur à mettre en avant le terroir, la propriété d’origine et le millésime. » Nous le croirons volontiers, même si on ne voit pas très bien l’effet millésime pour des alcools distillés. Il n’en fallait pas plus pour que Marc se lance dans une explication détaillée, pour ne pas dire savante, sur les différences entre les eaux-de-vie à la sortie de l’alambic. Que ce sont ces particularités qui justifient des élevages adaptés et jamais tout à fait semblables. Et, donc, la mention du millésime sur l’étiquette. Avec Marc, nous apprendrons tout de l’armagnac, les fondamentaux pour commencer.
Dix cépages autorisés, dont trois essentiels. Le baco 22 A, un hybride créé au début du XXe siècle ; la folle blanche, cépage historique ; l’ugni blanc, comme à Cognac. Trois étapes de la vendange à la barrique : la vinification, la distillation, le vieillissement. Le sulfitage comme la chaptalisation sont interdits par le décret d’appellation. Cette histoire existe depuis sept siècles. Les trois appellations de l’armagnac sont le Haut-Armagnac, le Ténarèze et le Bas-Armagnac. On y produit six millions de bouteilles par an (à rapprocher des 180 millions de bouteilles de cognac).
Bon, bien. Et à part ça ?
Chez Darroze, on pratique la simple distillation parce que « ça nous permet de confirmer l’effet-millésime, l’effet-terroir », puis les eaux-de-vie passent douze à treize ans en barriques. Et commencent dans du bois neuf pendant deux à six ans, selon les qualités de l’eau-de-vie. C’est à ce moment de son élevage que l’armagnac gagne sa couleur. Marc Darroze n’ajoute pas de caramel pour teinter son armagnac. Inutile, en effet, de chercher à conserver une couleur constante quand on joue le millésime. Parfois, il parle comme le vigneron des Graves qu’il est aussi, il dit : « Mon but n’est pas de produire des tisanes de bois, les eaux-de-vie sombres ne sont pas toujours très qualitatives. » Il produit de 40 à 45 000 bouteilles par an, l’âge minimum pour sortir de chez lui, il l’a fixé à douze ans. Il vend la moitié en France et l’autre dans 26 pays, dont trois surtout, l’Angleterre, la Suisse et la Russie. Et il est en train de créer une nouvelle gamme très pédagogique, de huit à soixante ans d’âge, pour permettre au public de comprendre l’armagnac.
Nous nous plierons à l’exercice difficile de la dégustation. Les eaux-de-vie, ce n’est pas comme le vin. Dès le second verre, on a l’impression de se brûler les papilles et nous préférons de beaucoup la dégustation olfactive qui permet de comprendre les trésors que recèlent les bons armagnacs et leur évolution dans le temps. Ainsi d’une belle verticale de 1998 à 1945. Au nez, on perçoit très bien le lent gommage des caractères propres aux différents terroirs et son assimilation progressive à la grande famille des eaux-de-vie vénérables. L’après-midi avance, il est temps de quitter Marc Darroze, en route pour Condom et la maison Ryst-Dupeyron.
On se retrouve dans la campagne française, celle qu’on aime, le divin mélange de travail et de tendresse. Doux vallonnements, les champs de toutes les couleurs, ces jours-là ils ont mis le jaune du colza, on monte et on descend dans l’or végétal, les bois ici et là, on ne fonce pas, les fenêtres sont ouvertes sur le printemps balbutiant, c’est ravissant. Les chants, les piailleries des oiseaux envahissent l’habitacle par vagues légères, les moineaux le disputent aux pinsons, nous nous regardons, nous sourions. Il faudrait partager tout ça avec de longues jeunes filles impressionnables. Ici et là, des bouquets de grands arbres signalent les belles maisons, les voûtes des cèdres d’un vert dense, profond, ponctué par le noir immense des sequoïas, le luxe végétal existe, il a toujours été question de toiser le manant, ainsi va la civilisation. Plus loin, nous glissons entre un bois et une vigne. Une biche légère traverse la petite route, le palissage l’empêche de s’enfuir dans la vigne. Elle nous regarde, elle fait front, elle est belle, mais non, elle ne fait pas de l’auto-stop, elle habite ici, nous continuons, l’âme enfuie dans les yeux de cette biche.
Jacques-François Ryst est assez proche de l’idée qu’on se fait de l’hyper-actif. À 55 ans, cet expert-comptable vit plusieurs vies en même temps à un rythme effréné. La maison existe depuis 1850. Elle est connue à Paris pour un très beau magasin, rue du Bac. L’un des cavistes les plus historiques de la capitale. Jacques-François est passionné par le commerce. Dès l’âge de 25 ans, il s’envole pour la Chine alors secrète et troque l’armagnac de la maison contre des meubles et des porcelaines. Il en fera un business. Quand la nouvelle appellation Fine blanche d’armagnac a vu le jour, il a sauté sur l’occasion pour lancer une eau-de-vie blanche intitulée « Just better than vodka », tout simplement. Il a aussi imaginé un armagnac de 1979, fini dans des barriques ayant contenu du rhum à la manière des Écossais et de leurs single malts. Dans la même veine, il en finit un autre dans des barriques ayant contenu du château-d’yquem, mais comme la maison a refusé qu’il se serve du nom d’Yquem, il a juste écrit sur l’étiquette « premier cru supérieur de sauternes » et comme il n’y en a qu’un… À Larressingle, vieux village gersois tapi derrière de hauts murs, qu’on appelle une bastide, il a acquis quelques maisons très anciennes pour y créer un musée de la vie quotidienne à l’époque où l’Anglois faisait des ravages dans la région. L’infatigable Ryst a également créé une maison de négoce de vins à Bordeaux et deux magasins. À ses moments perdus, il se penche sur la reconstitution d’un alcool à flamber pour la gastronomie. Son père l’avait créé pour Raymond Oliver, l’ancêtre de la chef-mania. Il en a retrouvé un flacon oublié dans un coin, c’est un assemblage d’armagnac et de décoctions d’herbes aromatiques assez étonnant. Le nez dans le verre, et vous êtes mort de faim.
Le lendemain, c’est encore vers un autre genre de producteur d’armagnac que notre enquête nous mène. « Nous sommes des paysans » prévient Jérôme Delord, 39 ans, Gersois de souche. La maison Delord possède des vignes, trente hectares, qui couvre la moitié de ses besoins en distillation, le reste est acheté ici et là, à des vignerons. Avec Jérôme, nous visitons la maison et nous tombons sur un joli moment de pur artisanat. C’est jour d’embouteillage, chez Delord. Sur la ligne, le père, la mère, le frère de Jérôme. Un ouvrier qui compte trente ans de maison comme l’armagnac qu’on met en bouteilles aujourd’hui. Et un autre, un jeune, qui s’occupe de l’alambic, d’habitude. On honore une commande de 360 flacons en bouteilles noires pour une chaîne de cavistes. Le père râle un peu : « on passe trente ans à faire attention à tout, le bois neuf, les vieilles barriques, on peaufine la couleur pendant des années et on passe en bouteilles noires, pfff. »
La maison Delord produit 585 hectolitres d’alcool pur, soit environ 210 000 bouteilles à 40°. Jérôme Delord est content de son sort, mais il n’oublie pas d’où l’armagnac revient : « Pendant longtemps, on s’en moquait. C’était la gnôle du Gers, rien d’autre, un truc qui brûlait la gueule. Tout le monde en avait quelques barriques au fond du garage. C’était une sorte d’épargne. On vendait un tonneau au négociant quand on avait besoin d’argent. La donne a changé, maintenant la maison exporte la moitié de sa production. » Jérôme Delord nous expliquera la drôle d’histoire des fiançailles de l’armagnac, ce travail patient et très attentif qui emmène l’eau-de-vie jusqu’à sa formule définitive. On instille peu à peu une eau-de-vie à 17° dans l’armagnac qui titre environ 54° à la sortie de l’alambic. Cette eau-de-vie s’appelle les « petites-eaux » et la réduction dure des mois, degré par degré jusqu’au 40° couramment pratiqué.
Nous quitterons le divin Gers et ses belles eaux-de-vie sur ces paroles d’espoir. Le spiritueux français se porte bien partout, sauf en France. Et encore l’armagnac a proportionnellement plus de chance avec nos concitoyens que le cognac. Un jour viendra où les Français redécouvriront les vertus de ces beaux alcools. Mais quand ?

La photo : une dégustation d'armagnac chez Darroze, photographiée par Mathieu Garçon. Cet article a été publié, sous une forme différente, dans le Hors-série Vin de L'Express.

Lire aussi Carte postale à une amie, sur le cognac.

samedi 11 juin 2011

Vigneron et moi


Et nous, en fait. Mathieu Garçon, mon photographe préféré, et moi on fait 14 pages et la couverture du magazine Vigneron, qui vient de sortir, ce samedi matin. Pas le temps d’attendre qu’on nous l’envoie, vite, un marchand de journaux. Nous signons un grand sujet sur Pierre Seillan, le wonder-vigneron de la Sonoma, épatant avec ses 100 points Parker à répétition. Le reste des pages, 140 en tout, est occupé par une foule de gens à leur meilleur niveau. Les Vranken à Pommery, les frères Foucault du Clos-Rougeard (eux, c’est 20/20 chez Bettane+Desseauve), Marlène Soria, les Perrin à Beaucastel, Catherine Péré-Vergé, très Le Gay friendly, Paul-Henry de Bournazel dans son sublime château de Malle à Sauternes, Clément Fayat, Antoine Arena. De la bonne, de la saine lecture pour un week-end de Pentecôte et son lundi prétendument férié. J’ai tout lu avec un verre ou deux de corton-renardes 09 de Michel Gay, très friendly aussi, et là, je suis très content. Quelle semaine.

Vigneron, 140 pages, 9 euros, chez votre marchand de journaux

jeudi 9 juin 2011

Vient de paraître


Sans faire exagérément le fier, je suis bien content d’annoncer la parution du hors-série Vin de L’Express, que nous avons réalisé chez Bettane & Desseauve. Au sommaire, plein de trucs très lisibles. L’excellence du vignoble français, Saint-Julien, Châteauneuf-du-Pape, la mode des chais nouveaux, des portraits de vignerons et des interviews, un grand sujet sur internet, les blogs et les sites marchands, un autre grand sujet sur le bio, une sélection de primeurs de bordeaux à prix normaux et une autre sélection de vins rosés, blancs avec et sans bulles pour l’été, un peu de tourisme dans le vignoble pourvu qu’il soit culturel. On referme ce hors-série avec une visite en pays d’armagnac. Il faisait beau, c’était sympa. Je suis très fier de dire qu’Ophélie Neiman, aussi connue sous le pseudo de Miss Glou-Glou, the famous blogueuse, a contribué à mener à bien ce sommet de la littérature vinique du XXIe siècle. Me vanter, quoi.
Voilà. Celui qui fait n’est jamais vraiment content de l’œuvre, mais bon, ce n’est pas si mal.

En vente en kiosque pour la modique somme de six euros.

mardi 7 juin 2011

Les règles du jeu par Michel Bettane (Primeurs dernière)


Dernière livraison de Michel Bettane sur les primeur 2010, voici quelques réflexions qu’il est bon d’avoir en tête au moment où l’on consulte les notes et commentaires des uns et des autres. Voyons ce qu’il nous dit.
« Pendant la Semaine des primeurs à Bordeaux, on a beaucoup parlé de l’irresponsabilité voire de l’indécence des producteurs à faire juger des vins aussi jeunes, aussi peu formés, à seule fin de les mettre en vente le plus tôt possible. Mais l’irresponsabilité ou l’indécence se retrouve aussi dans notre camp, celui des journalistes-dégustateurs plus ou moins expérimentés, experts souvent plus auto proclamés que formés à l’exercice et, par la force des choses, un peu complices de l’évènement. Il serait illusoire et même stupide de ne pas participer à ces dégustations. Le devoir d’information du public, l’économie de la presse et l’irréversibilité du type de commercialisation des plus grands crus interdisent tout boycott de la cérémonie. Mais, par compensation, il est plus que jamais indispensable de fixer des règles strictes dans la conduite des dégustations et dans leur compte-rendu. La plus équitable façon de procéder reste la dégustation comparative à l’aveugle (étiquettes cachées) de vins comparables. Par comparables, entendre nés sur la même appellation d’origine contrôlée ou, tout au moins, à partir de choix d’encépagement proches et dans le même état d’avancement. Il faut savoir que la perception d’un vin jeune change en permanence au cours des premiers mois d’élevage, selon l’intégration progressive des éléments apportés par le bois neuf, qui donne des sensations gustatives et tactiles très différentes. Plus important encore, l’addition du vin de presse (jus supplémentaire obtenu par le pressurage du marc, en fin de vinification) qui, à Bordeaux, peut atteindre plus de 10% du volume global, modifie du tout au tout la forme du vin, lui donnant son corps définitif. Cette intégration du vin de presse n’est pas toujours faite au moment de ces dégustations. Un vin qui semble anormalement léger par rapport à d’autres ne le sera plus après l’addition de la presse, mais aura certainement été mal jugé. Il faut donc demander aux producteurs de ne présenter à la dégustation qu’un vin fini ou de signaler qu’il ne l’est pas avec, en contre- partie naturelle, obligation morale pour le journaliste de transmettre l’information au public. Si le journaliste refuse, pour une raison ou une autre, le principe de dégustation à l’aveugle et préfère déguster le vin à la propriété, en présence du propriétaire, ou à partir d’échantillons qui lui sont donnés à titre individuel, il doit aussi le faire savoir. Reste l’épineuse question de la note. Il est difficile de refuser de noter. À partir du moment où un vin est mis en vente dans le public, ce dernier a besoin d’un repère pour guider ses choix, et la note est le plus facile et le plus universel de ces repères. Personne ne le remet en question quand il s’agit de vins mis en bouteille, dans leur état définitif. Mais sur des échantillons de vins en cours d’élaboration, comment noter ? Dans un monde idéal, un commentaire de dégustation précis sur lequel le dégustateur s’engage et un classement par catégorie (du type : vin exceptionnel, vin de grande qualité, bon vin, vin moyen, vin décevant) devrait suffire. On réunirait ainsi sous une même catégorie des vins de niveau semblable, en sachant qu’il est impossible d’aller plus loin dans le détail. Mais le sens du jeu et de la compétition conduit à des notations au point près qui sont vraiment trop absurdes, ou à une échelle de notes très réduite, reconductibles d’un millésime sur l’autre et qui perd ainsi beaucoup de sa crédibilité. Enfin, à quel moment livrer le jugement et la note ? C’est sur ce point que je suis le plus en colère contre de nombreux collègues. Il n’est pas sérieux de donner une note équitable en temps réel, surtout à partir d’un seul échantillon. Il faut avoir tout dégusté pour remettre à sa place respective le vin de chaque cru. La dégustation sur ordinateur, et l’envoi immédiat de la note pour publication commence à se généraliser, chacun voulant être le premier à informer le public. Cette façon de faire décrédibilise notre profession et j’engage le public à se méfier de tous ces jugements expéditifs, souvent rédigés sur un ton péremptoire ou approximatif. Et je préfère ne pas trop insister sur ceux qui donnent une note à des vins officiellement non assemblés ou pire encore ceux qui envoient des « disciples » déguster à leur place des vins célèbres, de qualité remarquable, et rédigent en seconde main des commentaires assassins. »

La photo : Michel Bettane, par Guy Charneau
(Ce texte est paru dans Le Monde Magazine, au mois de mai 2011)

Sur le même sujet, voir aussi Primeurs, le film

lundi 6 juin 2011

Primeurs, le film


Voici un film tourné pendant la Semaine des primeurs, il y a quelques jours. On y découvre Michel Bettane, Thierry Desseauve et quelques autres de l’équipe de dégustation de la maison. Ils sont ici ou là, dans tel ou tel château, à l’aveugle ou étiquette découverte. Bettane y distille ses impressions, ses sensations. Il donne son avis à haute voix. Sur le principe des primeurs, sur les vins dégustés, sur ses confrères. Une grande leçon.
C’est long, quinze minutes ? Combien de temps dure un match de foot ? Un Nadal-Federer ? Un GP de F1 ? Une messe ? Une réunion de parents d’élèves ? Ah. Je le savais. Vous avez le temps de voir ce film.

Ce film a été conçu-tourné-monté par Isabelle Rozenbaum, comme la photo ci-dessus. Grâce lui soit rendue.

dimanche 5 juin 2011

Primeurs 2010, continuons


Voici une nouvelle volée (c’est le jour) de prix pour quelques bordeaux dont j’ai bien envie de faire l’emplette. Ils font partie des vins appréciés par Michel Bettane et/ou Thierry Desseauve, cette année. Ce qui suit est donc une recommandation.
Château Labégorce, margaux (16,30 euros). Ce vin a toujours été bien et la reprise du domaine par la famille Perrodo ne fait que confirmer sa belle qualité.
Chapelle de Potensac, médoc (9,00 euros). Le second vin de Potensac, à ce prix-là, est une aubaine. C’est très bon, vite prêt (cinq ans quand même, pour être à son mieux). Préférez-le en magnum.
Château Guiraud, sauternes (34 ,50 euros). L’excellentissime guiraud est issu d’un grand domaine mené en bio depuis longtemps et certifié cette année. Xavier Planty, le patron de Guiraud est un authentique passionné et un grand vinificateur de liquoreux.
Deux vins de Bernard Magrez, Château Les Grands Chênes, médoc (12,55 euros) et Château Fombrauge, saint-émilion (18,77 euros). Le grand propriétaire bordelais continue sa politique de prix sages et, même, en baisse par rapport à 2009. Bernard Magrez a compris depuis longtemps qu’il ne fallait pas se couper de la clientèle d’amateurs « normaux » et ne pas céder au tourbillon affolé qui caractérise quelques-uns de ses confrères. Bravo.
Château Rollan-de-By, médoc (12.50 euros). Ici encore, un prix très tenu par Jean Guyon, son propriétaire, pour un vin qui sort toujours dans le Top Ten des dégustations à l’aveugle organisée par le Grand jury européen. Ce serait ballot de ne pas en avoir quelques cols à fond de cave. En attendant la sortie du prix de son haut-condissas, une merveille, un très grand vin.
Ces offres ont été relevées comme précédemment, sur le site de La Vinothèque de Bordeaux. Je rappelle que les prix indiqués sont hors taxes, hors transport. D’autres vins à suivre, bientôt, sur ce blog. Et à la fin, c’est Nadal qui gagne.

samedi 4 juin 2011

C'est beau ou c'est moche ?


Le nouveau chai de Cheval Blanc à Saint-Émilion. Là, une interrogation.
C’est beau ?
C’est laid ?
Tout le monde s’en fout ?
Sur le délicat sujet de la beauté de la chose, on nous rappellera à l’envi que la Tour Eiffel, en son temps, n’avait pas fait l’unanimité, les passions déchaînées, les pros et les antis. Bon, on est gentils, on verra ça dans cent ans. Pour régler le débat plus vite, on peut aussi se tourner vers le blog d’Hervé Bizeul qui dit, à peu près, que cet exercice de style dans un vignoble millénaire est « ridicule », on peut décider que la discrétion architecturale voulue par Gérard Perse pour le nouveau chai de Pavie est plus en phase avec le classement du paysage par l’Unesco, on peut se caler dans son fauteuil et se dire qu’on n’a encore rien vu, c’est Jean Nouvel qui s’occupe du chai de La Dominique à cent mètres de celui de Cheval et que là, hein, ça va faire mal. Pas tant que ça, voyez la photo dans le Hors-Série Vin de L’Express, à paraître ces jours-ci, c’est une sorte de cargo qui fend les vagues de vignes, étrange avec une beauté. On peut se souvenir du chai de Faugères, un clocher mystique à flanc de coteau, à cause de la gravité, pas si vilain.
Moi, j’ai vu le bout de béton à Cheval, l’œuvre branchée sur l’infini, c’était il y a quelques semaines sous un ciel bas et les grues des entreprises, j’en ai rapporté cette image. Pas deux à cause du monsieur pas content qui refusait les photos. Il avait des instructions. Celles-ci, mais nous l’avons su après, protégeaient l’exclusivité accordée à Paris-Match, un hebdomadaire populaire. Si vous ne connaissez pas, allez chez le coiffeur. Vous, tous les passionnés de vignes, de vignobles et de vins, devrez donc faire l’emplette d’un exemplaire de cet hebdo si vous voulez voir les photos. À moins de décider que tout ceci ne vous regarde pas, comme à peu près tout le monde. Pourtant, voyez Cos d’Estournel, un nouveau chai a une influence réelle sur la qualité du vin. Cos est meilleur avec. On peut penser que le nouveau chai de Cheval sera décisif dans le retour du cru au premier plan, une démarche engagée depuis quelques millésimes. En même temps, vous vous dites que, nouveau chai ou pas, vous n’en boirez pas, c’est beaucoup trop cher pour nous, et vous vous en foutez complètement. Vous avez raison, soyons lucides, soyons pragmatiques, soyons XXIe siècle.

Sur le même thème, lire aussi "Le chai nouveau est arrivé"

vendredi 3 juin 2011

Ah ! Ces Italiens !


Vive l’Italie, Forza Francia, c’était la bonne idée. Le rassemblement de cinquante vignerons et domaines des deux pays dans une même dégustation a beaucoup plu aux nombreux amateurs qui avaient fait le détour jusque dans le grand hall du quotidien Le Monde. Au passage, le lieu semble fait pour ça, tant il est aéré, vaste, lumineux, et avec une belle acoustique qui n'assourdit personne. Bravo à l’architecte Portzamparc, dont on espère que son nouveau chai à Cheval Blanc est aussi bien « tapé ».
Chacun a pu s’initier aux arômes italiens et conforter sa science auprès des producteurs français. Moi, je me suis beaucoup conforté, on ne se refait pas, avec le clos-haut-peyraguey, seul sauternes présent. J’ai découvert le blanc du domaine Péraldi en Corse. J’ai goûté pour la énième fois et avec le même plaisir le 2002 de Moët & Chandon et le Jacquesson des frères Chiquet. Et puis, avec Miss Glou Glou, fameuse blogueuse, nous avons décrypté quelques beaux vins italiens, dont un vermentino particulièrement aromatique. Des rouges, pleins, avec leurs belles étiquettes si créatives. Des vins de soleil, aux arômes d’épicerie florentine et de forêt toscane, des vins avec des vents chauds, du caramel et du chocolat, des vins à la fraîcheur étonnante parfois aussi, comme castello-di-volpaia, des vins que nous ne connaissions pas, du charnu et de belles persistances. L'Italie et les Italiens (les Italiennes aussi, oui), on adore tous, c'est pour ça que nous étions là. Ce soir-là, certains se goûtaient mieux que d’autres, comme toujours. Miss Glou Glou adore les vins des pays du sud de l’Europe, Italie, Espagne, Portugal. Elle a raison de s’intéresser, c’était aussi pour les curieux de tout que nous avons organisé cet événement avec nos amis du Gambero Rosso, le grand magazine italien.

mercredi 1 juin 2011

Avant-première : le classement des blogs Vins de juin


Comme le mois dernier, voici le classement Wikio des blogs Vins. En avant-première, bien sûr. La bonne nouvelle, c’est que mon blog, oui, celui que vous lisez là maintenant, est toujours en 7e position, malgré une activité franchement ralentie en mai, je le confesse. Trop de tout éloigne du clavier, chacun le sait. Bon, mais pour arriver au podium, c’est un travail de fou. Le fou, en l’espèce, c’est le sommelier-blogueur, Emmanuel Delmas qui, d’un coup de rein qui fait peur aux enfants, est passé de la 4e à la deuxième place derrière l’inébranlable Bourgogne Live. Moi, le succès de Delmas m’enchante particulièrement. Il le mérite, c’est un garçon qui travaille beaucoup et bien. Il est à sa place, enfin. En troisième position, Miss Glou Glou consolide, malgré un voyage en Haïti et des fiançailles annoncées qui, forcément, lui ont mis la tête ailleurs.
Derrière, belle progression pour les Vendredis du vin et spectaculaire bond en avant pour La Pipette aux quatre vins qui double tout le monde en provenance de la 18e place. On applaudit l’arrivée dans le Top Ten de Miss Vicky, elle le vaut bien, so cool.
Voici le classement de juin, les vingt premiers, établi sur les perfs de mai. Il répare une injustice criante, avez-vous fini par découvrir laquelle ?

1 bourgogne live
2 Sommelier-consultant, Paris
3 Miss GlouGlou
4 Vendredis du Vin
5 La Pipette aux quatre vins
6 Le blog d'iDealwine
7 Le blog de Nicolas de Rouyn
8 Oenos
9 Le blog d'Olif
10 Miss Vicky Wine
11 Lost in Wine
12 Le Blog de Jacques Berthomeau
13 Du Morgon dans les veines
14 Fromage et bon vin
15 Chroniques Vineuses
16 WebCaviste.com
17 Youwineblog
18 Sowine
19 Bu sur le web
20 Échanges autour d'un verre de vin

Classement réalisé par Wikio. Le classement complet sera en ligne sur le site Wikio le 5 juin.

Pour comparer avec le classement de mai, cliquez ici.

Il Caberlot (suite)


Hier soir, il y avait la grande dégustation France-Italie organisée conjointement par Bettane+Desseauve et le magazine Gambero Rosso. Énorme, beaucoup d’amateurs, très beaux vins, je suis un peu tombé dans le clos-haut-peyraguey, magnifique. Et aussi, le vermentino du domaine Peraldi. Des Corses, certes, qui ont le don de m'exaspérer ces jours-ci, mais un beau blanc. Et puis, à cinq minutes de scooter du Monde, dans une galerie chic de la rue de Seine, Moritz Rogosky présentait trois millésimes de son il-caberlot dans une ambiance feutrée et happy few. La première fois que je rencontrais ce garçon, ce qui m’a permis de réaliser que j’avais écrit beaucoup de sottises hier, sur ce même blog.
Rectifions.
Ce ne sont pas cent investisseurs qui sont requis, mais quarante et il reste 18 places à pourvoir dans cette sorte de club des amis du caberlot. Ensuite, les investisseurs ne recevront pas un magnum par an pendant 99 ans, mais un salmanazar – ou l’équivalent en magnums, six, ou en double-magnums, trois – pendant 25 ans. Ce qui signifie qu’il est peu probable que vos ayant-droits se gobergent en souvenir de vous pendant très longtemps et que l’heureux récipiendaire reste l’investisseur, ce qui n’est que justice, au fond. Ce qui signifie également que cet investissement n’est qu’une avance sur l’achat d’une verticale de 25 caisses de il-caberlot facturée à -30 %. On ne fait pas autrement quand on achète des primeurs chaque année. C’est ce qui rend l’affaire beaucoup plus attrayante. Que mes lecteurs me pardonnent pour ces confusions d’hier, je ne recommencerai pas, c’est promis.
Le vin, maintenant.
D’abord, ça ne ressemble pas aux grands toscans déjà goûtés. L’expression du terroir est ici beaucoup plus marquée dans ses notes d’épices (pas d’eucalyptus, rassurez-vous) et de garrigue sauvage, de maquis. Un vin puissant, marqué par des tanins fins, des arômes de café, de moka, de réglisse, déjà une pointe de sellerie (là, je m’adresse aux cavalières), une bouche ample et flatteuse, une structure finement articulée, une interminable finale et une impression générale d’élégance longue et forte. Je parle ici du 2007. Le 2004 était plus sur la réserve, le poivre, l’austérité. Grand millésime toscan, il était sans doute dans une phase de fermeture. Et j’ai trouvé le 2006 un peu trop chaud (en température) pour juger de ses qualités.
J’ai aussi compris que le caberlot était le vin inconnu que les grands amateurs s’arrachent. Dans le guide de L’Espresso, il devance tous ses concurrents toscans, Parker l’encense, le Wine Spectator aussi. Cette impression d’arriver le dernier…

La photo : chaque millésime voit son étiquette illustrée d'une croix différente sur un fond d'une nuance chaque fois nouvelle.
Plus d'infos sur cette souscription : moritzrogosky@aol.com