Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 27 mai 2009

Hausse des températures

2009, belle année avec des saisons comme avant. Le bonheur de vivre dans un pays tempéré. Nous, les amateurs de vins fins-bénis-divins, voyons avec volupté la saison des grands machins céder le pas à celle, plus facile, des petites bouteilles. Pas forcément très petites, d’ailleurs. Nous commençons à sortir de cave les rosés entreposés l’an dernier, les 2007, et à rentrer les 2008. Cette seule année d’attente est la garantie de boire ces rosés à leur meilleur. Oui, tout s’attend, dont le plaisir. Laisser tranquilles nos grands champagnes complexes et vineux et se pencher sur les non dosés légers et vifs, les blancs de blancs aériens, les rosés roses. Réfléchir à quels rouges avec la salade, avec les grillades. Et les blancs, cette suavité florale qui va si bien avec les chaleurs. C’est l’été et ses soirs qui traînent en douceur, pas question de rater ça d’une seule bouteille. Faire bien réclame un peu de concentration, ici comme ailleurs. Et le plaisir est un labeur de tous les instants.
Les champagnes.
Le D de Veuve Devaux, dans sa version Ultra (non dosée), le rosé de Piper-Heidsieck, tout facile, les filles adorent. Le blanc de blancs de Billecart-Salmon, léger comme une aurore boréale..
Les rosés.
Bien sûr, tous les bandols, les princes du rosé. Une petite préférence pour ceux de La Bégude et de Pibarnon, qui vieillissent si bien. Aussi, le rosé de Orenga de Gaffory, un vin corse parfait au bout d’un an (ce n’est pas souvent qu’on peut parler en bien d’un truc corse, à part le vin et le jambon).
Les rouges.
Des cairannes de cinq ans (2003), à 16°C. Chez Richaud ou le Domaine de la Présidente. Des touraines 2006 de chez Marionnet (qui d’autre ?). Le château-moulin du Château Moulin Pey-Labrie, un canon-fronsac 2005. Tout ceci autour de 10 euros et moins.
Les blancs.
Les jolis sauternes secs de Doisy-Daene, Malle et quelques autres (S de Suduiraut, par exemple). Les fieuzal, smith-haut-lafitte, domaine-de-chevalier. Les petits bourgognes comme un montagny ou un hautes-côtes-de-beaune. Certains provences comme le sainte-roseline, très réussi.
Et des verres de bonne qualité (forme, matière, …) pour ne rien perdre des affolements olfactifs. Les Riedel sont parfaits, mais ce ne sont pas les seuls.

mardi 19 mai 2009

Les sommeliers deviennent-ils fous ? (2)


Là, nous sommes à 123 mètres d'altitude. L'horizon parisien, vu d'ici, est étonnant. Le point de vue vaut la visite, même si le restaurant, non. Nous sommes huit ou dix à table, nous goûtons des vins argentins cultivés haut sur les pentes de la Cordillère des Andes, d'où l'invitation, haut dans le ciel de Paris, tu mords le concept ? Le soleil se couche dans mon œil, une averse nettoie les carreaux. Le premier vin est bouchonné. Emotion autour de la table. Pas grave, de toute façon, le sommelier n'a même pas mis son nez dans la bouteille. Le quoi ? Le serveur en charge de la sommellerie, d'accord. Il change les verres en faisant la gueule, comme si c'était lui qui faisait la plonge (peut-être, après tout). Deuxième bouteille impeccable. La conversation va bon train ("alors, vous irriguez, en Argentine ?", ce genre de gracieusetés). Profitant de ce qu'on ne le regardait pas, le sommelier remet les verres à niveau avec une troisième bouteille bouchonnée. Re-émotion, viens-là toi, l'autre se rebiffe, renifle un verre d'une moue dégoûtée, le cirque continue. Il faut insister. Ce type a un patron, une icône de la cuisine mondiale et un chef, célèbre dans le mondovino. A l'évidence, ni Alain, ni Gérard ne se préoccuppent de former les jeunes gens employés dans ce sommet de l'art urbain de la fin du XIXe siècle. C'est bien dommage, on n'y reviendra pas.

Ils ne sont pas les seuls. Ici, trois autres aventures avec des sommeliers impossibles.

jeudi 7 mai 2009

La terre est basse, même en Provence


Trois jours magiques entre les vignes et les oliviers. Aller voir comment ça se passe dans les vignobles de Provence. Rassurez-vous, amis lecteurs, tout va bien. Vignelaure, Sainte-Roseline, Roubine, les Demoiselles, Ollières, Dalmeran, Ferry Lacombe, Mentone. Les trois premiers sont nettement devant, les autres pas trop loin derrière. Ces endroits sont des acquisitions récentes de milliardaires passionnés. Souvent, on se dit que ces gens s’achètent une étiquette pour le prix d’une maison. Que la taille de la piscine a plus d’importance que celle du vignoble qui l’entoure. On se prend à croire que l'allée des grands platanes est mieux entretenue que les parcelles de grenache. Il y a même un agent immobilier qui a inventé l’expression ultra-méprisante de
« potager viticole » pour désigner le genre de vignoble qu’il vend, les motivations supposées de ses clients. Il n’a jamais compris comme il se trompe. Presque tous ceux qui ont mené leurs investissements de cette manière s’y sont brûlé les ailes et la Visa Platinum. Ils sont partis se faire voir ailleurs avec leurs illusions et leurs caprices. A un moment donné, on ne rigole pas avec la terre qui, rappelons-le, est basse. Ceux qui restent veulent très fort s’y pencher. A des degrés divers, bien sûr, mais tous ont été piqués par leurs vignobles. Ils ont les yeux qui brillent quand ils parlent, c’est sympa. Ils déclarent tous les plus grandes ambitions pour leurs vins. Ils ne parviendront pas tous au sommet, terroir oblige. Mais quelle débauche de moyens, quelle gourmandise dans l’investissement. Ils ont tous des efforts à fournir et, le plus souvent, vers plus de propreté dans la culture de la vigne, moins de tracteurs, moins de pesticides, insecticides, etc. Au moins, ils le savent, confusément peut-être, mais ils sentent bien qu’une partie des propos de leurs conseillers n’est que pur pipeau, bien loin de l’excellence pinardière qu’ils appellent de leurs vœux. Ils savent que les amateurs de vin se posent des questions, dans le monde entier, les posent à leurs cavistes qui les posent aux grossistes qui les posent aux importateurs qui exigent des réponses et qui, demain, imposeront des normes. Demain, les gars, pas après-demain. Il y a urgence à bien faire. Mais le mondovino que nous fréquentons, celui que nous défendons, a ceci de bien qu’il ne barguigne pas avec la qualité. Tous ces gens, on dit aussi néo-vignerons, viennent du monde des affaires, ce ne sont pas des perdreaux de l’année. Ils savent comment on construit une réussite et si, parfois, ils ont pu amasser quelques millions sur de coupables entourloupes (toi là-bas, ne dis pas le contraire), leur présence dans le vignoble est souvent vécue comme une sorte de rédemption. C’est leur chemin de Damas. En 4x4 intérieur cuir, certes, mais quand même. Bien sûr, ils sont souvent très débutants, mais ils apprennent vite. En Provence, ils regardent comment procèdent leurs homologues bordelais, ces autres milliardaires qui s’amusent beaucoup à faire le mieux possible, un œil sur le Parker, l’autre sur le Bettane & Desseauve. Ils savent déjà qu’ils auront plus de mal à parvenir à la notoriété, c’est-à-dire à la rentabilité, mais déjà ils sont touchés par la langueur provençale alors ce n’est pas si grave. Et, au moment de revendre le vignoble, il n’y a pas photo entre Saint-Rémy-de-Provence et Pauillac. Là, je compare des villégiatures, pas des notes de dégustation…

La photo : Les parcelles de vigne du Château Dalmeran, au cœur des Alpilles, photographiées à Saint-Etienne-du-Grès par Mathieu Garçon