Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 27 février 2013

Bettane et Desseauve, c'est du chinois (énorme)




Ah, ah, ah.
Voilà un nouveau Bettane & Desseauve dans sa délicieuse livrée réservée à l'Empire du Milliard. Il vient de sortir en kiosque (y a-t-il des kiosques seulement ?) juste avant l'ouverture de la Shanghaï Wine Experience by Bettane+Desseauve qui commence dans quinze jours. Un sens de l'à-propos ébouriffant.
De quoi s'agit-il ? D'un recueil de leçons de dégustation qui devrait faire un tabac chez les 420 000 followers de Michel Bettane sur Weibo, le Twitter chinois.
Le détail qui tue ? Regardez en haut à gauche. On peut lire "Bettane, M et Desseauve, T". J'ai ri pendant une bonne heure, une histoire d'adaptation des nom et prénom par rapport à l'usage en mandarin. 
Cet ouvrage majeur précède la prochaine parution du Guide Bettane & Desseauve attendue ce printemps en Chine.


mardi 26 février 2013

Hollande et le vin. Alors, inquiets ?

 




Le monsieur de l’Élysée a donc été faire sa crâneuse (faire son Chirac) au salon de l’Agriculture. Tout le monde a vu le mini-film multi-diffusé du paysan qui lui conseille de « faire comme le Pape ».
Dans un souci salvateur, il a été caresser l’électeur dans le sens du poil au Pavillon du vin. Ce que, bêtement, Sarkozy avait totalement zappé. Moi, bien sûr, je suis plutôt pour. Pour le vin, hein. Hollande a fait les choses comme il faut. Il s’est assis, a goûté trois vins en grignotant trois trucs. Bon. Claques dans le dos et gentils sourires, les mecs avaient jamais vu ça, ils se trémoussaient de bonheur. Dieu le leur pardonne, ils n’ont pas l’habitude.
Toutes ces singeries prouvent au moins une chose, les politiques semblent avoir percuté sur l’importance de la filière, on avance. Naturellement, il a beaucoup promis et son ministre de l’agriculture aussi. Le ministre a promis des
« surprises » pour hier, lundi. Sauf erreur, on n'a rien vu. Ça commence pas bien.
À un moment, nous raconte La Vigne sur son site, le président du CNIV (Comité National des Interprofessions viticoles) dit : « Il ne faut pas diaboliser le vin ». Réponse de Hollande : « Avec moi, ne vous inquiétez pas ». Aïe.
Étant donné l’estime dans laquelle le président tient à la fois ses promesses et ses électeurs, on a du souci à se faire. Beaucoup. Pourtant, de la simplification administrative réclamée par tous à la refonte de la loi Evin, voire à son abrogation, il y a un chantier immense. « Ne vous inquiétez pas » est une réponse d'hypnotiseur. On n’avait pas besoin de ça.


François, ta cravate



Les photos : récupérées sur internet, photos D.R. Où l'on apprend que le monsieur de l'Élysée ne sait pas tenir un verre de vin proprement. 

Source : l'article de La Vigne, ici

 

dimanche 24 février 2013

Un samedi soir dans le XVI



" Étonne-moi, Benoît ", c'était le mot d'ordre de ce dîner fin chez un collègue de bureau. Petit jeu de rigueur dans ce tout petit monde de dingues des vins épatants. Nous étions six à table, bilan : deux champagnes, deux blancs, deux rouges, un liquoreux et un cognac.
Nous avons commencé avec un blanc de blancs de chez Gimonnet, perfection simple et aérienne, idéale pour se mettre en jambes. Suivi d'un BSA de chez Perrier-Jouët, un vieux machin découvert au fond d'une cave, estimé années 70, si un estimé lecteur a une idée (oui, Laurentg, je pense à toi, là). Un très beau vin, celui-là, fine pétillance, arômes élégants, bouche longue, nous étions déjà ravis.



Sur une entrée iodée, la force de ce montelena 03 a fait merveille. Un vin californien issu d'un domaine historique, un de ceux qui avaient fait des pieds
de nez aux grands vins français lors du Jugement de Paris en 1976.




Sur un plat de viande, nous avons voulu commencer avec un rauzan-ségla 82, bouchonné, évier, remplacé par un léovillle-las-cases 86. Ce vin très jeune confirme l'excellence du domaine, du millésime et la durée de vie presque sans limites de ce vin dans ce millésime. Nous avons débouché un côteaux-champenois 1959 qui, lui, était au bout de ses âges, ce que sa couleur dense pour un pinot n'indiquait pas. Essoufflé, mais de beaux restes.




Pour un accord d'un classicisme éprouvé, un vin jaune sur un vieux comté. Pas d'erreur, c'est épatant. Ce château-d'arlay était sûrement trop jeune (ces vins sont increvables), mais déjà très expressif. Il était à sa place avant un barsac du Château Coutet, très jeune lui aussi, c'est la nouvelle lubie de boire les sauternes et barsacs dans leur prime jeunesse, c'est dommage et pas. Dommage de ne pas attendre les merveilleux arômes du grand âge. Pas dommage parce que ces vins sont élaborés différemment depuis la fin des années 90, ceci étant sans doute le résultat de l'influence de Denis Dubourdieu sur les protocoles de vinification. Les vins sont beaucoup moins lourds et sucrés qu'auparavant.







Pour faire une fin en regardant la neige tomber sur la rue calme, un cognac, un Frapin. À mes yeux, c'est l'une des, sinon la meilleure des maisons de Cognac. Cet Extra est un assemblage qui fait la part belle aux eaux-de-vie de 50 ans, il a rempli son office, pile là où nous l'attendions. Le niveau de la bouteille a accusé le coup. Les garçons sont joueurs et gourmands.









samedi 23 février 2013

Pendant que j’y pense (3)



1 Ce matin, petit déj avec Jancis Robinson, son mari Nicholas Lander, critique gastronomique du Financial Times et Michel Bettane. La raison, Wine Grapes, son gros bouquin sur tous les cépages du monde, une sorte de dictionnaire ampélographique très bien édité, vient de sortir, indispensable. Oui, 1 368 cépages passés en revue. Et oui, Moritz, le caberlot est mentionné, mais ne fait pas l’objet d’une notice complète. Ya toujours du boulot. Elle est drôle et sympathique à la fin, cette Jancis MW. On est voisins à Paris, en plus. D’ici qu’on se retrouve pour dîner à la Mascotte, ya pas loin.
 

2 Lu sur un blog cette phrase dont l’angélisme niais le dispute à la ringardise intense. Un samedi matin pour ricaner, c’est cadeau : " C’est ce qui me plaît chez eux c’est qu’ils dépouillent le vin de ses oripeaux de représentation, de son côté marqueur social : dis-moi ce que tu bois et je te dirai qui tu es, de tout le cinéma que l’on met autour. " Genre on l’a pas déjà lu cent fois il y a cent ans ? Le débat n’aurait pas avancé ? Si, bien sûr. Et ce n’est pas parce que l’époque pédale un peu dans la semoule qu’il faut y aller de son petit élan populiste maquillé en avancée libertaire, la grosse voix et l'indignation de façade.




3 Une belle journée chez Louis Latour à Beaune. Visite des caves du château de Grancey, ce champignon noir qui recouvre inexorablement des milliers de bouteilles de très à très, très anciennes. À table, un magnifique chevalier-montrachet 08, suivi d’un corton-grancey 02 et d’un romanée saint-vivant 90. Évidemment, le dernier a supplanté le deuxième et c’est grand dommage. Le sentiment que nous sommes tous passés à côté de cet admirable corton-grancey. Encore un millésime décrété petit et qui se révèle avec le temps. En revanche, bien sûr, personne n’a raté le romanée-saint-vivant. Mais alors, pas raté du tout. Merci, Louis-Fabrice.

Louis Latour
Après le déjeuner, Louis Latour est venu prendre un café avec nous. Louis est le père de Louis-Fabrice. Chez les Latour, on s’appelle Louis ou Louis-quelque chose de génération en génération. Le fils de Louis-Fabrice s’appelle donc Louis, vous suivez ? Louis Latour a écrit un essai d'œnologie historique passionnant sur la viticulture bourguignonne du premier au XIXe siècle, Vin de Bourgogne, le parcours de la qualité. Et il en parle avec beaucoup d’esprit et autant de science à un âge où la parole se libère. Passionnant et drôle et incisif. Pourquoi s'être arrêté au XIXe siècle ? "Pour ne pas entrer dans les débats contemporains". L'Histoire, pas les polémiques… Comme on le comprend.


4 Déjeuner cette semaine autour des châteauneuf-du-pape Clos de l’Oratoire des Papes de la maison Ogier. L’œnologue travaille bien et ses vins, en rouge comme en blanc, rejoignent peu à peu la tête de l’appellation. J’étais entouré d’acheteurs de grands établissements parisiens et j’ai pu mesurer le décalage entre la réalité des marchés et les débats sur les réseaux sociaux. Ces gens, qui sont tous des salariés de groupes hôteliers, ont une vision du vin d’un pragmatisme rafraîchissant. En même temps, ils adorent ça. Les voilà, comme souvent, tiraillés entre leurs goûts, leurs coups de cœur, les modes, leurs impératifs de gestion, les clients, le vin au verre, le coéfficient multiplicateur, la nécessaire diversité, etc. Ils ne font pas le plus simple des métiers. Respect.




5 Autre déjeuner au Laurent. Là, on a goûté le pessac-léognan du Château Carmes Haut-Brion. Cette maison qui vient d’être reprise affiche une ambition énorme, mais seulement un millésime signé par le nouveau patron, Guillaume Pouthier, ex-Chapoutier (non, ce n’est pas un jeu de mots, c’est comme ça). Du coup, histoire de nous montrer son univers de référence, il avait apporté une cuvée Silex de Dagueneau et un clos-de-tart 01. Mais pourquoi ce grand bourgogne ? "Pour son toucher de bouche".  Le garçon a de l'ambition. Et, quand même, un carmes-haut-brion 86, un âge qui semble idéal, tant le vin est en place dans un équilibre qui laisse penser qu'il en a encore sous le pied. Un grand moment dans le confort parfait du Laurent et de sa sommellerie hors-pair.




6 Un soir de grand froid, nous nous sommes réchauffés l'âme et les pieds avec un côtes-du-lubéron 03 du château La Verrerie, retrouvé à fond de cave à la faveur d'un rangement. Un vin chaud dans un millésime bouillant, ça fait quelque chose d'assez brouillon, mais de belle matière et de grande longueur. Un vin viril, rustique, agricole, pour un peu on ferait appel au catalogue de mots des Tontons flingueurs. Il était là et bien là, en tous cas.


7 Et aujourd'hui, c'est Hollande qui va tenter de gratter des électeurs au Salon de l'agriculture. Une seule question : il y va ou il y va pas au Pavillon des vins ? Les paris sont ouverts. Résultats dans la soirée.



En savoir plus sur le cépage caberlot, ici et


vendredi 22 février 2013

Château Monbousquet serait vendu




Le charmant Gérard Perse a décidé de se séparer de Château Monbousquet, acquis il y a vingt ans. En fait il semble qu’il ait vendu les murs et conservé l’exploitation du domaine et la jouissance du château, sa résidence depuis qu’il en a assuré la restauration. Son associé serait une mutuelle, soucieuse d’acquérir du foncier. Les raisons de cette cession semblent être le souci de Gérard de mettre sa fille à l’abri des soucis inhérents à la transmission.
Tout ceci est très conditionnel au motif qu’on manque sérieusement d’informations. Quelqu’un, quelque part, n’a pas fait le boulot.
On se souvient de l’arrivée de Perse à Saint-Émilion. L’acquisition de Monbousquet avait déclenché quelques railleries sur les supposées terres à maïs sur lesquelles ce Parisien ignorant, épicier de surcroît, avait l’impudence de vouloir faire du vin. La réponse avait été cinglante. Son premier millésime, 1993, avait été jugé extraordinaire par la critique, Michel Bettane ayant été le premier à se prononcer et à apporter son soutien à Gérard Perse. Aujourd'hui, ce monbousquet 93 est jugé comme l'un des vingt meilleurs du millésime.
Depuis, Perse a pu acquérir Pavie et l'a hissé en quinze ans au premier rang. Le classement de Saint-Émilion 2012 l'a promu premier cru classé A en même temps que Château Angélus, à l'égal d'Ausone et de Cheval Blanc. On peut maintenant s'attendre à voir ses deux autres propriétés de la côte Pavie, Pavie-Decesse et Bellevue-Mondotte, rejoindre Pavie. On attend aussi avec impatience de goûter ses premières bouteilles de Pavie blanc.

La photo : Gérard Perse sur le perron du château Monbousquet, photographié par Mathieu Garçon.

Un portrait de Gérard Perse, ici



mardi 19 février 2013

Château Figeac, du nouveau


La cour du château Figeac


La famille Manoncourt a décidé de nommer Jean-Valmy Nicolas co-gérant de la société d’exploitation du Château-Figeac. Sa mission : mettre en place une nouvelle Direction générale, une nouvelle stratégie commerciale en resserrant les liens avec la place de Bordeaux et « renforcer les moyens mis en œuvre au service du rayonnement et de la pérennité familiale de Figeac ».

Jean-Valmy est mieux connu pour être l’un des héritiers et le co-gérant de Château La-Conseillante.
Ce garçon qui est un spécialiste de la gestion des affaires à capitaux familiaux, est à l’origine du spectaculaire redressement du célèbre pomerol. Pour autant, il n’est pas vigneron, il ne peut pas l’être même s’il le souhaitait. Il a l’obligation d’exercer un autre métier comme tous les héritiers Nicolas. En effet, depuis l’acquisition de ce cru par l’ancêtre Nicolas en 1871, aucun membre de la famille (puis des deux branches familiales) propriétaire ne vit à (ou de) La-Conseillante, c’est un élément fondamental des règles édictées depuis le premier jour par le Conseil de famille. Ce qui explique sans doute la pérennité de la dite famille aux commandes du château, 140 ans est une performance.
On comprend mieux que les Manoncourt aient choisi de s’inspirer de ce modèle gagnant.

Valmy Nicolas






lundi 18 février 2013

Philippe Starck fait un chai


Le château Carmes Haut-Brion


Les architectes, designers et décorateurs les plus en vue de la planète se penchent sur le vignoble. Après Mario Botta à Petra en Toscane et à Château Faugères à Saint-Émilion, Christian de Portzamparc à Cheval Blanc, Nouvel à La Dominique, Pinto à Pavie, Wimotte à Cos d’Estournel, Jouin à Montlabert, Calatrava ou Gehry en Espagne, accueillons Philippe Starck au Château Carmes Haut-Brion en binôme avec l’architecte Luc Arsène-Henri.
Naturellement, les esprits chagrins couineront à nouveau en proie à leurs vieux démons anti-tout. Pourtant, l’idée est bonne et légitime, la démarche. Que chaque époque laisse son empreinte architecturale est une envie naturelle, un geste millénaire, reproduit de génération en génération. Que chaque propriétaire veuille laisser une trace de son court passage dans son vignoble ne me paraît pas extravagant ou d’une prétention folle.
Et que le bien triste plateau de Saint-Émilion – Pomerol devienne une sorte de parc d’architecture contemporaine donnera une vraie raison de le visiter aux milliers de touristes qui ne comprenaient pas très bien ce qu’ils venaient y faire (à part boire un coup, bien sûr). Il est classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO, ce paysage de Saint-Émilion ? Raison de plus. L’architecture contemporaine est une nouvelle facette de l’offre œno-touristique ? Très bien.
Maintenant, c’est à Pessac-Léognan que ça se passe. Carmes Haut-Brion est une acquisition récente de Patrice Pichet, acteur important du monde immobilier. À un terroir de grande valeur, il entend donner un outil à la hauteur et confie la réalisation à une star, soucieux qu’il est d’ouvrir la propriété sur le public et sur la ville. C’est tout à son honneur.


Pour voir ou revoir les photos du chai de Cheval Blanc, c'est ici.
Le Château Faugères, c'est .


samedi 16 février 2013

Fricote #10
le magazine qui donne envie d’un magazine




Plus intelligent, plus malin, mieux informé et plus beau que le meilleur des blogs de foodistas, voici Fricote qui claque avec le talent qu’on sait son dixième numéro. Je suis ce jeune canard depuis son apparition dans la galaxie de la presse gastronomique. Chaque numéro est meilleur que le précédent. Tout seul comme un grand, il disqualifie l’ensemble de la presse food.

Tout y est : la nouveauté, les textes en anglais et en français, la qualité des sujets photo, une direction artistique au plus haut niveau, une idée forte au moins par page. Et en plus, c’est drôle à lire.

Rassurez-vous, ce numéro ne publie pas en exclusivité mondiale la liste des nouveaux étoilés du Michelin 2013, c’est reposant.

Bien sûr, comme c’est un journal brillant et décalé, donc qui s’adresse à un lectorat qui fait peur à tout le monde, les annonceurs frileux suivent avec peine. Ça, c’est bien la seule chose pas nouvelle.

Acheter Fricote, c’est une question d’âge. Moi, j’achète. Faites pareil chez le marchand de journaux le plus proche de vous. Ce matin en achetant le JDD, par exemple.

Pendant que j’y pense (2)

Angelina Jolie est drôlement contente de faire son vin
1 Les Jolie-Pitt ont décidé de tenter de faire quelque chose avec leurs vignes du château de Miraval. C’est tout à leur honneur ce genre de préoccupations. Pour ça, ils ont branché les Perrin de Beaucastel à Châteauneuf-du-Pape. Ils sont bien conseillés. Bon.
De l’ensemble des décisions prises pour parvenir à faire un bon vin, seule une info a transpiré. Il y aura écrit « Mis en bouteille par Jolie-Pitt et Perrin ». Nous voilà bien avancés.
La prochaine info, ce sera le look de l’étiquette ?
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2 En faisant du ménage dans ma cave, je suis tombé sur quelques trucs oubliés. Toutes ces bouteilles, à des degrés divers, ce sont révélées bien meilleures des années après que le souvenir rude, et même rêche, que j’en avais. Et particulièrement ce rouge-garance 2001. Vraiment épatant.
Mais qui a encore du rouge-garance 01 ?
Moralité : gardez-les.
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3 Déjeuner épatant à l’invitation des seize crus classés des Graves. J’ai eu la chance d’être assis juste sous le tonneau de haut-brion 95. M’en souviendrai longtemps. L’ambiance était rieuse, faut dire. Et les vins, magiques, mais je n’ai pas tout goûté. Juste un carbonnieux 85 en magnum en plus du haut-brion. Il avait encore des choses à nous raconter dans sa finesse et ses arômes un peu fatigués étaient guillerets quand même en ce jour presque printanier.
Ceux-là aussi, gardez-les. Le tarif, c’est dix ans minimum.
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La couleur de miel des vieux lansons
4 Une journée à Reims, chez Lanson. Formidable, cette volonté de faire le mieux possible et de ressortir du trou une marque-icône qui a traversé toutes les difficultés. J’y reviendrai très vite sur ce blog, c’est passionnant, des projets en foule. Verticale ébouriffante de vieux millésimes de 76 à 97.
Moralité : (oui, vous avez compris)
Rappel : le champagne est le vin qui se garde sans doute le mieux et qui tire le meilleur bénéfice du vieillissement. Avec les grands liquoreux (voir plus bas).
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5 Rencontre du troisième type avec un céleri-rémoulade ducassien apparié à un rosé de Provence élaboré pour la garde. Encore ? Oui, encore. Ce rosé, c’est le « Cirque des grives » du château La Gordonne à Pierrefeu dans le Var, propriété de Nathalie et Paul-François Vranken (Pommery, etc.). Embouteillé seulement en magnum et pas plus de 2 000 de ces gros flacons. Vivement la verticale qui tient toutes les promesses.
Cela dit, grand terroir de rouges et celui du château promet beaucoup lui aussi, mais dans cinq à dix ans.
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6 Et pendant que je mets la dernière main à ce billet, je commence une bouteille de suduiraut 82. Le sauternes à 30 ans est le compagnon idéal de tout, dont l’écriture, les soirées tendres et les pensées mélancoliques. Et j’en ai beaucoup pour celui qui me l’a donné et qui nous a quittés un peu vite, un peu brutal, ce vide.
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7 Et, puisqu’on en parle, voici une photo d’un fargues 1949 qui nous a laissés pantois, mes camarades de jeu et moi-même. Celui-là, on ne l'a pas gardé, il venait précédé d'un 89 et d'un 09 (qu'on pouvait garder). C’était il y a quelques semaines, mais le goût est encore là, sur mes papilles, son souvenir, une autre planète. Ce qu’on appelle une persistance. (vous avez vu la couleur, en plus ?)


vendredi 15 février 2013

Caroline Frey répond à Jancis Robinson




La critique anglaise Jancis Robinson a commis dans le Financial Times de Londres une revue d’effectifs des vins du Rhône septentrional. Où elle porte un jugement que j’ai trouvé très curieux sur l’hermitage la-chapelle de Paul Jaboulet Aîné. J’ai donc demandé à Caroline Frey de commenter le commentaire.

Pour commencer, voici une traduction des propos de Jancis Robinson :
« Pourquoi l’hermitage n’est-il pas aussi célèbre qu’il devrait l’être ? C’est peut-être en raison des prix élevés et des petites quantités des sélections parcellaires de Chapoutier, de la discrétion naturelle de Jean-Louis Chave et des incertitudes qui entourent les vins de Paul Jaboulet Aîné, dont l’hermitage la-chapelle a été la vedette de l’appellation. Depuis 2006, quand la famille Jaboulet a vendu le domaine à la famille Frey, les nouveaux propriétaires n’ont pas établi clairement un style pour ce vin. Rien de surprenant, ces vins étaient loin d’être irréprochables dans les dernières années du règne des Jaboulet et la famille Frey n’a aucune experience de la viticulture dans le Rhône. Mais nous attendons tous un millésime vraiment brillant de la part des nouveaux propriétaires. » 

Le tout suivi d’un shopping dont est exclu la-chapelle, ce qui me semble pour le moins extravagant. Surtout quand on se souvient du niveau d’exigence de Caroline Frey qui n’a pas millésimé 2008 pour cause d’insuffisance qualitative, l’ultime excellence qu’elle attend de ce cru n’était pas au rendez-vous. La pluie… Ce n’a pas été le cas de tous sur la colline de l’Hermitage. Je m’en étais fait l’écho à l’époque, ce qui avait provoqué une certaine crispation chez ceux qui embouteillaient leurs grands vins quand même. Là, en lisant son article, je me suis demandé si Jancis Robinson avait goûté la-chapelle 09, mais bon.

Voici quelques extraits de la conversation que j’ai pu avoir hier avec Caroline.

Sur la dégustation « J’ai reçu Jancis Robinson à Tain avec Jacques Desvernois qui est mon bras droit chez Jaboulet (Caroline Frey a également la charge de Château La Lagune, cru classé du Haut-Médoc, NDLR). Elle nous a félicités pour la qualité de l’ensemble des vins dégustés. Elle a même applaudi à deux mains les blancs et certains rouges. Nous nous sommes quittés en l’écoutant nous affirmer qu’elle était ravie. J’aurais préféré qu’elle me donne son avis, celui que j’ai lu dans le Financial Times, les yeux dans les yeux. Cela dit, c’est son droit le plus strict et il est sans doute difficile de dire la vérité en face. »

Sur l’arrivée des Frey chez Jaboulet « Certes, nous arrivons après six générations. Mais après sept millésimes, j’affirme que nous avons calé un style. Au début, j’ai cherché, mais je n’étais pas paumée, je savais où j’allais. Ici, nous nous investissons énormément et sans cesse. Louis Jaboulet, aujourd’hui disparu, m’a dit que le travail entrepris à la vigne ne l’avait jamais été avant. Ceux qui ont connu l’époque de Gérard Jaboulet et qui sont encore avec nous aujourd’hui sont de précieux témoins de la qualité du projet et de la manière dont il est mené. J’en suis à mon huitième millésime en cours et il y a encore des gens qui parlent de nous en disant " les nouveaux ". Je suis là, je vais rester, je vais continuer à travailler comme je l’ai fait depuis le premier jour et il faudra bien qu’ils se fassent une raison. Je suis têtue, vous savez. »

Sur le style des vins « Pour les blancs, j’ai pris une orientation qui s’éloigne du lourd et du riche, du miel et du nougat. Je cherche des vins cristallins, aériens, plus sur la réduction que sur l’oxydatif. Quand on évite la surmaturité et l’oxydation, on trouve plus de complexité et une meilleure expression. Pour les rouges, l’approche est la même. Je suis contre tous les faux goûts, les bretts en particulier. J’aime les vins purs, équilibrés. Je n’aime pas le côté théâtral de l’excès d’alcool. C’est ça, la garde. Rendez-vous dans trente ans. J’y serai. »

Sur la notoriété des hermitages « Je rappelle que les hermitages ne sont pas sous-estimés. Nous avons une toute petite surface et de tout petits volumes. Installer dans l’esprit du public une comparaison avec Bordeaux est une confusion. Nous mettons en marché quelques dizaines de milliers de bouteilles. Bordeaux, c’est quelques millions. Bien sûr, " hermitage " est moins connu que " bordeaux ", mais c’est plus exclusif et je ne pense pas que l’hermitage souffre d’un deficit de notoriété auprès des amateurs capables de se les offrir. »

Pour donner à chacun l’opportunité de juger, voici ce que le Guide Bettane & Desseauve indique à propos de la-chapelle 09 :
« Un nez typique de la cuvée, méal bien mûr, jus de cassis frais, la bouche est toute en caresse et en velouté, un tanin de soie. C’est ce raffinement tactile qui séduit, plus que sa palette aromatique, ce qui le rend presque atypique pour le cru. C’est indéniablement une grande bouteille. 18/20 »
Un jugement qui s’éclaire à la lumière des propos de Caroline sur le style des rouges.
(pour info, méal est le nom d’une parcelle de la colline de l’Hermitage et également le nom d’une cuvée de M. Chapoutier).



La photo : Caroline Frey et la si fameuse chapelle de l'Hermitage, photographiés par Mathieu Garçon  

Pour ceux qui lisent l’anglais, le texte intégral de Jancis Robinson
dans le FT, ici




mercredi 13 février 2013

La tradition est un mouvement




Paris, l’hiver 2003. Sous la couette, Jean-Jacques et Séverine Bonnie réfléchissent intensément. Alfred, le père de Jean-Jacques vient de leur faire le genre de proposition qui est de nature à provoquer quelques nuits sans sommeil. Le matin, en partant vers leurs bureaux respectifs, la possibilité de Pessac a beaucoup grandi.

Alfred Bonnie a vendu sa société et acquis une belle endormie, le château Malartic-Lagravière, cru classé de Pessac-Léognan, en 1996. Cinquante hectares de vignes, un terroir qui force l’admiration des professionnels, des installations à revoir de fond en comble. Il se met au travail. C’est le départ en retraite du directeur technique qui lui donne l’idée d’appeler son fils à la rescousse. Bien lui en a pris. Jean-Jacques et Séverine arrivent au domaine.
Il enfile des bottes de caoutchouc, elle s’occupe de la communication, son métier d’avant. Dix ans passent, la greffe est un succès. Jean-Jacques, avec de l’humilité et du travail, est devenu un très bon pro, aux commandes d’un portefeuille de marques impressionnant. Après Malartic, Alfred s’est laissé convaincre par son œnologue-consultant, le très fameux Michel Rolland, d’investir dans un projet fou, le Clos de Los Siete, à Mendoza, Argentine. Une winery somptueuse sort de terre, et 650 000 bouteilles arrivent sur les marchés. Plus tard, en 2006, il fait l’emplette d’une petite propriété de 22 hectares, voisine de Malartic, le château Gazin-Rocquencourt. Jean-Jacques et Séverine en profitent pour déménager. C’est une jolie maison, bien restaurée, mais Jean-Jacques s’interroge, ou fait semblant : « La maison est sans doute construite sur la meilleure parcelle du domaine. » On sent que ça l’ennuie. Non, il ne va pas la démolir pour planter du cabernet. Quoique.

Ce grand blond aux cheveux longs, avec ses faux airs à la Jeff Bridges, l’acteur américain so cool, a trouvé sa place aux côtés des vignerons des domaines. L’intégration est réussie. Il a la responsabilité de tous les vignobles Bonnie et préside aux destinées de quatorze étiquettes en tout. Avec deux récoltes par an, hémisphère nord, hémisphère sud, l’expérience s’acquiert deux fois plus vite.
Ici comme là-bas, Michel Rolland est celui qui l’accompagne. Il y a beaucoup gagné. « C’est un palais d’enfer, une leçon de dégustation, de vins comme de raisins, et un assembleur hors-pair. Il n’impose rien. Il accompagne ton travail dans le sens que tu as choisi. Il t’apporte un recul que tu n’as pas, avec une vision très globale de la région. Bien sûr, il ne vient qu’une fois par semaine, mais entre deux visites, il goûte ailleurs, sans cesse, il voit évoluer la plante. Du coup, c’est un regard unique et indispensable. Il cherche toujours le compromis, il est très pragmatique. À mon père, il a apporté un truc énorme : de quoi se faire une opinion. S’il m’arrive de ne pas suivre ses conseils, au moins m’a-t-il aidé à réfléchir à ce qui compte. » Bel hommage de l’élève au maître.

D’entrée, Jean-Jacques Bonnie a pris le pli de la modernité dans l’approche, c’est-à-dire un grand bond en arrière. Herbicides et pesticides sont bannis depuis le premier jour, tout est labouré et Gazin-Rocquencourt est en bio « responsable ». L’expérience se poursuivra à Malartic, si c’est concluant. « Je ne suis sûr de rien et je ne cherche qu’à améliorer la qualité des raisins, pas celle de la communication. Je refuse de céder aux modes. Évoluer, chercher, oui. Il y a un devoir de novation. La tradition est un mouvement. » Il y a de la maturité dans ces propos-là.
Quand il évoque les affaires de la maison Bonnie, Jean-Jacques est aussi net. « C’est évidemment un investissement de long terme. Les affaires viticoles ne sont pas encore rentables. En revanche, si nous vendions les domaines maintenant, la plus-value serait déjà considérable. Oui, nous vendons ce que nous produisons, mais il y a des marchés où j’aimerais que nous soyons mieux implantés, le Royaume-Uni, par exemple. » 
Se voit-il en grand homme de Malartic ou en collectionneur de vignobles ? « Ni l’un, ni l’autre. Sans être dans une recherche active, nous regardons tous les dossiers. Mais il y a une consolidation de l’existant à mener. Une fois que ces bases seront posées, j’aime bien l’idée de faire croître et embellir ce que mes parents ont initié. Cela dit, je ne travaille pas pour ça, cette vision à très long terme m’est assez étrangère. Pourtant, il y a une gestion qui profite de l’effet de taille, il y a des synergies très profitables, nous les sentons déjà à notre niveau. Le management par cellules séparées, c’est bon pour les terroristes, pas pour nos vignobles. » 

En bavardant, nous regardons les vendangeurs s’activer entre les rangs. Dans dix minutes, ils auront fini. La pluie est prévue, on la sent qui menace. Elle aura le bon goût d’attendre que tout soit rentré. Il y a des gens qui méritent un petit coup de pouce du ciel, de temps en temps.


La photo :  Jean-Jacques Bonnie, photographié par Patrick Cronenberger

lundi 11 février 2013

La typicité, pour quoi faire ?




L’un des sports préférés des Français est la chasse à l’excellence. Pas pour la débusquer, l’intégrer, la fêter, mais pour s’en débarrasser au plus vite. Sans chercher mille exemples faciles dans la société civile, la politique, les médias, concentrons-nous sur ce qui nous occupe. Le vin.

Virer les bons est une occupation qu’on croirait à plein temps pour les dirigeants des AOC. Il y a longtemps, on expliquait à Éloi Dürrbach (Trévallon) qu’il fallait qu’il change son encépagement pour continuer à bénéficier de l’appellation. Il a refusé et produit, depuis, l’un des vins de table les meilleurs et les plus chers. Si je mentionne cette notion d’argent, c’est pour montrer que le fait d’arborer une AOC n’est (plus ?) une garantie de revenu. D’autres hérétiques ont été poursuivis sans relâche. Une fois, c’est Marcel Richaud, le meilleur producteur de Cairanne, viré pour « manque de typicité ». Une autre fois, c’est le Domaine de Souch à Jurançon. On connaît l’exemple de Michel Rolland, viré pour avoir étendu sur ses vignes des bâches contre la pluie. L’an dernier, Guillaume Tari à Bandol était cloué au pilori. Manque de typicité, lui aussi. Ces jours-ci, c’est Jérôme Bressy, vigneron au Domaine Gourt de Mautens, qu’on prive de son appellation. Lui, il est simplement le meilleur de Rasteau.

Les exemples abondent. Qu’on perce le plafond trop bas pour s’élever vers les étoiles et la meute des jaloux vous excommunie. On le voit, ce ne sont jamais les mauvais d’une appellation qui sont collés au mur. Jamais. Les mauvais, eux, bénéficient d’un agrément dit « social », comprendre qu’en donnant l’agrément à une pauvre production, on évite les faillites, on sauve les familles de la misère. Mais on ne sauve pas le consommateur et on ne sert ni l’AOC, ni surtout l’idée de l’appellation d’origine contrôlée. Si l’origine peut offrir demain plus de génie, de trouvailles délicieuses, de chances économiques, l’origine a un avenir. Mais une fois le génie, les idées et la chance congédiés, l’AOC reste triste et terne, bête et butée. L’AOC a perdu.

On rêve d’un monde où les tenants des AOC s’intéressent à l’innovation, à l’assemblage inattendu qui fait un vin si bon, au cépage emblématique d’une région et retrouvé par un vigneron curieux, ce beau travail qui ferait avancer les vignobles, les appellations, les amateurs, l’Histoire. Ce concept stupide de typicité est typique surtout de la sclérose d’institutions arque-boutées contre les nécessaires évolutions sans lesquelles « nos appellations périront de médiocrité et de conformisme », comme l’a rappelé récemment Michel Bettane.
Pourquoi vouer un culte aux règlements, aux statuts ? Pourquoi ne pas les changer quand ils s’avèrent un obstacle à l’excellence ? Pour protéger qui et/ou quoi ? Il y a quelque chose de soviétique dans cet acharnement borné.


La photo : est signée Rodney Smith, je l'ai chinée sur l'excellent site TumblR du blog A girl called Georges. Very special Thanks à Sylvie Terrier.

En lire plus sur Jérôme Bressy et son domaine Gourt de Mautens, ici
En lire plus sur Marcel Richaud à Cairanne, ici
En lire plus sur Guillaume Tari et son domaine de La Bégude à Bandol, ici


samedi 9 février 2013

Pendant que j’y pense (1)

En un léger vrac, voici quelques réflexions inspirées par mon actualité du vin et sa périphérie. Avant que j’oublie.





1 Qu’est-ce qu’il a ce monsieur Franck Dubourdieu avec ses emportements à deux balles ? Remettre en cause le classement de Saint-Émilion sur la base d’un argumentaire suranné est pour le moins étrange. Surtout quand on arrive après la bagarre. Ce carabinier du bordeaux n’a pas convaincu, on a surtout l’impression qu’il surfe sur la vague démago du prix des vins chers. Et il déclenche l’hilarité générale avec son classement perso des saint-émilion où ne figurent ni Ausone, ni Tertre-Rotebœuf. Ni, bien sûr, Angélus et Pavie, mais ça, on s’en doutait un peu puisque grosso modo les youyous du chœur des vierges ne concernent vraiment que ces deux-là. C’est quoi, cette flaque ? En plus, je ne sais toujours pas qui est ce Dubourdieu qui n’est pas Denis.

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2 Déjeuner avec une fille ravissante dans un restaurant minable, le Lefty, rue Vivienne à Paris. N’y retournerai jamais, c'est le fuck you de la bistronomie. Carte asthmatique, cuisine de cantine scolaire (d’autrefois), mauvais vin trop chaud, vacarme épouvantable, service so cool, public de blaireaux, prix pas bien serrés, attente des plats interminable (50 minutes vérifiées). Pour un peu, la fille ravissante se tirait. Non, mais oh. Remarque, c’est elle qui avait choisi le resto.

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Les Dentelles de Montmirail de profil
3 Le plaisir d’un, puis deux millésimes épanouis (1998, 99) à la cave coopérative Balma Venitia à Beaumes-de-Venise, dans le Vaucluse. Non seulement les gens sont charmants et les paysages à couper le souffle, là, au flanc des dentelles de Montmirail, mais en plus, ils font bien dans une gamme de prix très grand public. Là, au moins, la case est cochée au bénéfice du plus grand nombre. Le scoop du dîner : les caves de Beaumes et de Vacqueyras fusionnent. Bienvenue à un nouvel acteur important dans la vallée du Rhône qui, en toute discrétion est aussi un exportateur à succès, surtout en Chine. Bravo, les gars. Et encore, je ne parle pas du muscat de beaumes-de-venise, une friandise parfaite (très beau 2003) qui est servi comme apéritif, mais que je préférerai toujours en vin du soir, d’après-dîner.

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Surtout sur Facebook, il faut dire

4 Ah oui, l’épuisant débat en cours sur internet. Bettane contre le reste du monde, puis pas tout-à-fait, voilà qu’émergent des alliés très inattendus (Essa, Légasse, d’autres). Je m’y suis impliqué sans excès, mais je reste sidéré devant l’incapacité de la plupart des intervenants à lire les textes d’un bout à l’autre avant de hurler leur dépit, dédain, mépris, etc. C’est sûr qu’un texte de Bettane, c’est pas un tweet.
Encore plus déconcertant l’aptitude (dont on voit bien la filiation) des tenants du vin « nature » à s’amalgamer sans complexe avec les vins bios ou bio-d, sous la vaste ombrelle du « naturel ». Grosse confusion sémantique très pratique et manipulation qui profite bien entendu aux plus filous.
Et pendant ce temps, un président de fédé qui ne sait plus quoi faire pour assurer sa réélection y va de sa grosse voix jusque dans Decanter. Un animateur de radio s’en mêle en mode « plus c’est grossier et caricatural, plus mon public comprend ». Moi pas. Toutes ces ficelles sont un peu grosses et pour une fois (une seule, c’est promis), je sifflerais volontiers la fin de la récré de concert avec Berthomeau.

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5 Médocs contre poisons, normalement ya pas battle. Eh ben si. D’un côté, les médocs sélectionnés parmi ses clients par le cher Christophe Coupez, patron du labo d’œnologie de Pauillac. De l’autre, le choix d’Antonin Iommi-Amunategui, ses potes : les château-lestignac aux noms bizarres de Mathias Marquet, le gombaude-guillot d’Olivier Techer à Pomerol, un vin so chic, d’ailleurs il n’avait pas apporté son Pom ‘n Roll (à mon avis il a tout bu) et les vins d’Ivo Ferreira, de l’Escarpolette, qui ont de si belles étiquettes.
Le lecteur assidu de BonVivant-le-blog le sait : le blogueur est approximatif. Antonin, ce blogueur, avait juste oublié les crachoirs. Avec une bonne vingtaine de (bons) vins à goûter, c’est un problème de taille, surtout un soir de tempête de neige à Paris et que tu rentres chez toi en scoot. Il a trouvé un vieux seau pourri, mais bon. Donc, on a « goûté » dans l’exagéré. Je me suis réconcilié avec les vins de Mathias, même son sans-soufre était d’un bel équilibre qui le rendait gracieux et les autres cuvées, trois de plus, étaient très bien. Le gombaude-guillot 2005 était une bombe encore trop jeune, mais qui levait bien sa jupe pour nous montrer des trucs prometteurs. Olivier Techer ne s’était pas trompé. Pour moi, c’est lui qui a apporté le plus beau vin de cette dégustation. Les vins d’Ivo étaient comme au salon TupperWine dans un beau registre, calmes et assez parfaits dans un dédale épicé et des longueurs suaves.
Sur la table bleue, les médocs de Christophe Coupez ne reniaient rien de leurs origines et tenaient la dragée haute à la table rouge. Certains étaient d’une rare qualité, comme ce cornélie 2010, ciselé à souhait, ample et tapissant, très beau vin. Un saint-saturnin émergeait bien, lui aussi. Ya pas eu vraiment de battle, on n’était pas à la télé, mais entre un public conquis et les copains-copines blogueurs-euses, on s’est bien marré. Certains ont trouvé judicieux de ne pas venir, erreur, c’était là qu’il fallait être ce soir-là. En partant (avant le dépouillement des votes, on n'était pas non plus à l'UMP), avec Miss GlouGlou, on s’est dit qu’on avait passé une soirée épatante. Le vin, c’est surtout ça.

mercredi 6 février 2013

Comment ils m’ont gâché la Saint-Valentin



Depuis que Dominique Demarville a les clés de la cave de Veuve Clicquot, déjeuner avec lui à l’hôtel du Marc, sublimement restauré, est chaque fois une expérience inattendue. On s'attend à l'hommage habituel aux productions de la maison avec le discours en forme de piqûre, mais pas du tout.
La dernière fois, il avait sorti une étonnante-épatante bouteille de coteaux-champenois, assemblage de quatre ou cinq millésimes du début des années 80. Histoire de montrer que les vinifs en rouge, chez Clicquot, on maîtrise. Bien vu.
Cette fois, pour fêter l’union (civile) entre Joël Robuchon et la grande maison de Reims, son président et lui ont donné un grand déjeuner très instructif. Non pas pour apprendre que Veuve Clicquot dispose de vieux flacons admirables, on le savait déjà ou on s’en doutait. Ce n’est pas non plus pour nous prouver que le champagne vieillit très bien et, sans doute, d’une façon plus homogène que les vins tranquilles. Ça aussi, nous le savons déjà et nous sommes, les uns et les autres, d’ardents défenseurs de cette idée des vieux champagnes si suaves.
Non, Demarville voulait nous emmener en voyage dans le rosé. Le champagne rosé, vous savez, c’est la star des vacances d’été et de la Saint-Valentin.


Après un blanc 1990 en jéroboam, admirable de puissance et de maturité, nous sommes arrivés très vite au rosé 1976, en jéro aussi.
Premier enseignement, les vins issus de millésimes très chauds (1959, 1976, 2003) vieillissent très bien, comprendre qu’ils ont assez d’acidité pour y parvenir ou que d’autres facteurs le permettent. Des mystères, encore.
Deuxième enseignement, le champagne rosé vieillit très bien. Depuis certaine dégustation de Comtes rosé dans les crayères de Taittinger, je le savais aussi. Chez Clicquot, ce vin, dans ce format, ce jour-là, était ébouriffant. L’effervescence champenois avait laissé place à une douce pétillance, la couleur était marquée dans une gamme orangée très éloignée des pâleurs recommandées par le marketing tropézien, le nez était d’une rare subtilité et la bouche somptueuse dans ses notes de kirsch, de coing et, même, de porto. Si, si. Un très grand vin de conversation, de méditation, porté qu’on peut être par une longueur très inhabituelle. Une gourmandise des plus raffinées. Disons-le sans fausse honte, nous nous sommes roulés dedans. En revanche, c'est le genre de vin qui fait monter d’un seul coup votre niveau d’exigence, quel métier.
Comment voulez-vous servir le 14 février un rosé du commerce à votre amoureuse-x ?
Tout se complique.




mardi 5 février 2013

Bargylus et Marsyas, vins de guerre


La Syrie, ce bourbier inextricable, les morts, le chaos, le dictateur délirant ou les barbus fous, tu parles d’un choix. La vie qui continue, qui doit, pas le choix. Dans la région côtière de Lattaquié au nord-ouest du pays, Karim et Sandro Saadé, deux frères dont la famille est originaire de cet endroit, exploitent une dizaine d’hectares sur les pentes du mont Bargylus, à une altitude de 900 mètres. Ils sont Libanais, vivent à Beyrouth et affichent ce fatalisme propre aux gens du Moyen-Orient, une région qui n’a jamais été stable, expliquent-ils.

« Si Dieu le veut » ou, plus prosaïquement, « On verra bien » tiennent lieu de viatiques incantatoires face au maelstrom qui s’est emparée du pays et comment faire autrement ? Que dire ? Comment expliquer que le mont Bargylus a une histoire viticole pluri-millénaire qui vaut qu’on la choie, que les vins étaient envoyés à Rome où ils avaient beaucoup de succès ? À certaines de nos questions, ils n’ont pas de réponse : « On vit au jour le jour, on verra ce qu’il adviendra des blancs. Les rouges ont plus de temps en raison de l’élevage. » Pour le reste, ils se bornent à regretter certains comportements que la situation induit, pas plus. Et sans détail. De toute façon, leur vin s’appelle Bargylus, ce n’est pas délocalisable. Ils racontent les difficultés, ils n’ont pas vu leur vignoble depuis dix-huit mois parce que c’est trop dangereux de voyager. Ils communiquent avec ceux qui sont sur place, se débrouillent pour que les salaires et les fonds nécessaires à l’exploitation soient versés « quand même », ils vendangent par téléphone et reçoivent les échantillons qui filent à Bordeaux pour analyse, rien n’est simple, ils s’en accommodent, mais sur la façon dont ça se passe, on ne les sent pas bavards, bavards. Dangereux aussi de trop en dire. Une partie des stocks a été « sécurisée » au Liban et en Europe, l’autre partie est vendue sur place.
« C’est la communauté alaouite, les chrétiens et la bourgeoisie sunnite qui boivent du vin. » Et si un pouvoir islamiste s’installe à Damas, que va-t-il
arriver ? Je ne sais pas, dit-il en baissant les yeux, le ton est las, on sent qu’il craint le pire. Pourtant, il ajoute « Syrie, Liban ou autre, on est là. Donc, on accepte les risques. Jusqu’à maintenant, on a fait le vin que nous voulions. Après… » On verra. Il faut dire que l’ambiance n’est pas à chatouiller le ventre des coccinelles ou à disserter sur les mérites de telle pratique culturale, ces trucs de pays paisibles. Pour autant, ces deux mecs se tiennent droits, pas le genre à se plaindre, à geindre. Il y a de la détermination dans leur attitude, une force, des objectifs, la vie.

Dans la vallée de la Bekaa, au Liban, c’est une cinquantaine d’hectares qui sont en culture. Pour l’essentiel, il s’agit de jeunes vignes qui ne sont pas encore en pleine production. Le nom ancien de la Bekaa, la plaine de Noé, est Marsyas et c’est aussi le nom de leur domaine. Là, ils font 40 000 bouteilles de rouge et de blanc, comme en Syrie. Le rouge est un assemblage cabernet-sauvignon et syrah avec un peu de merlot et une pointe de petit-verdot. Le blanc, c’est chardonnay et sauvignon blanc. Le pays n’est pas tout-à-fait en guerre, il n’est pas super-cool pour autant. Là encore, nos yeux écarquillés de Parisiens les étonnent un peu, mais comme ils sont bien élevés, ils n’en laissent rien paraître. Tout va bien au Liban. Dans ce monde-là, en tous cas. Karim : « Le Liban est le pays le plus stable de la région. En 1997, mon père a eu le choix. Acquérir un vignoble à Bordeaux ou créer quelque chose au Liban. C’est son caractère de faire au Liban. Si c’était invivable, nous partirions, mais le Liban d’abord. » Pour lui, Beyrouth est le centre du monde, bien sûr. Les vins ? C’est bon, assez chaud. Je laisse à Miss GlouGlou, elle était avec moi, le soin de commenter. Elle dit « Je suis bien contente de ce vin confortable, solaire, boisé, plein, entier, bon à boire. » On ne saurait mieux dire.
Pour en savoir plus, lisez le blog de Miss Glou Glou, tout y est (oui, aussi les cavistes qui vendent ces vins).

Karim Saadé photographié par Miss GG, photographiés par moi

dimanche 3 février 2013

Bernard Pivot et moi, on est très déçu



Voilà que deux ministres toutes gonflées de leur importance nous ont chagriné notre Bernard Pivot qu’on aime tant. Autant le dire tout de suite, il a rejoint un club qui compte des dizaines, voire des centaines de milliers de membres, dont moi.
Mesdames Filipetti (Culture) et Batho (Écologie, etc.) ont décidé du haut de leur savoir immense de ne présenter ni la candidature des « Coteaux, maisons et caves de Champagne » ni celle des « Climats de Bourgogne ». C’est net et sans réplique, les représentants du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO vont avoir à se pencher sur deux autres impétrants : la grotte Chauvet et la chaîne des Puys-faille de Limagne.

Non ne riez pas, c'est vrai et ce n’est pas drôle du tout.
Au lieu de porter haut les couleurs toniques de la France, ces dadames préfèrent une bousculade géologique et quelques peintures rupestres. Je ne néglige pas le fait qu’il s’agit là de choses de la plus haute valeur dont notre pays peut certainement se glorifier à bon droit.

Mais enfin, l’urgence n’est-elle pas de donner de bonnes raisons d’espérer dans des lendemains qui chantent à des régions toutes entières, leur permettre d’asseoir leur succès, de confirmer leur dynamisme, de les honorer pour services rendus ?
Visiblement non. La Champagne et la Bourgogne, grands ambassadeurs de France sur les tables du monde entier, ont un défaut majeur. Elles produisent des produits qui se vendent et ça, c’est trop dégoûtant. Et je ne parle même pas de l’alcool contenu dans ces bouteilles de jus de raisin fermenté, c’est le diable.

Cette décision est simplement honteuse et symptomatique d’un comportement (même pas une politique) qui a coupé tout lien avec le réel. Je connais deux ou trois régions viticoles dans le monde qui s’écroulent de rire et se disent qu’elles ont vraiment beaucoup de chance d’avoir des concurrents comme les Français. Bien sûr, les infatigables animateurs de ces deux candidatures représenteront leurs régions l’an prochain. Ils font bella figura devant tant d’absurdité, tant de dédain. C'est fort.

L’image : capture d’un tweet de Bernard Pivot il y a quelques jours, avant que la décision ne tombe.

Quand Bernard Pivot n’est pas déçu, il est très drôle. Une vidéo où Pivot parle du vin et de l'amour, c'est un truc à oublier l'hiver, le Mali et toutes ces choses fatigantes. Ici.

 

vendredi 1 février 2013

Bettane dans le texte (extraits)

Michel Bettane a publié sur MyBettaneDesseauve.fr un long texte destiné à poser le débat courant. C’est intéressant en ce qu’il remet sur les bons rails quelques fondamentaux ayant un peu tendance à dérailler, ces temps derniers.
J’en reproduis ici deux extraits.



« Le vin, c’est une vigne, un sol, un climat, du ferment et du contrôle humain. Chaque élément n’a pas plus d’importance qu’un autre et seule la chaîne des actions (mais aussi des hasards) qui les relie a du sens. Point par point, reprenons. La vigne d’abord. C’est une plante, un être vivant, avec ses caractères génétiques, davantage de gênes même que l’être humain, et une façon de s’alimenter. On met trop l’accent sur l’alimentation par les racines, qui concerne essentiellement l’alimentation hydrique, et la transmission au raisin d’oligo-éléments contenus dans le sol, le mot oligo indiquant bien que tout cela relève du détail. L’alimentation principale est aérienne, la photo synthèse par la feuille, donc la lumière, le froid, le chaud, la pluie, le vent, selon les hasards de l’année et du lieu, formant le fruit, sa richesse en sucre, sa saveur particulière, ce qui renvoie les fanatiques du terroir et de la géologie et donc tous les faiseurs de trous et dessinateurs de cartes géologiques à leur rôle limité, mais indispensable, de spécialistes, d’historiens. Outre le caractère du cépage et du matériel végétal utilisé, l’importance du millésime saute aux yeux et justifie la sagesse de l’empirisme bourguignon qui préfère le mot « climat » au mot terroir. »

« Je sais que je vais choquer beaucoup d’esprits crédules, mais l’idéal de la fermentation est une fermentation aussi neutre que possible, le ferment, c'est-à-dire les levures, n’ayant comme mission que de transformer en vin aussi exactement que possible les promesses du fruit. Et dans cette promesse, il y a forcément l’expression de l’origine. Le terroir, au sens large, est dans le fruit, pas dans la levure. Même si la levure est présente sur le terroir, ce n’est pas la même chose. Cela réduit à néant le débat byzantin sur l’incompatibilité des levures indigènes ou exogènes, surtout si l’on écarte les levures aromatiques du commerce, pour ne conserver que celles qui ont été sélectionnées pour leur neutralité et leur efficacité. Une levure indigène travaille bien ? Tant mieux, qu’on la garde. Une levure indigène travaillant mal (cela existe aussi) tue le vin et donc l’origine, terroir et climat confondus. Qu’on l’empêche de nuire. On le voit, l’homme doit prendre à un moment donné la relève de la nature et donner une dimension de civilisation par un travail d’élaboration où toute la finesse d’observation et de jugement dont il est capable joue un rôle prépondérant. »

Le texte complet, ici.

La photo : dans le cave du Clos de Tart, quelques magnums de 1995 attendent leur heure, photo Amélie Couture