Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



jeudi 27 mai 2010

Les primeurs 09 sans se presser


Et si, pour une fois, on cessait d’envisager le vin en soi ? D’une pichenette légère, faisons-le descendre du piédestal où il se complaît depuis les années bling-bling. Vous vous souvenez ? L’époque où les prix du vin atteignaient des altitudes stratosphériques, le millésime 2005 en objet de toutes les spéculations, les grandes étiquettes en signe extérieur de succès, l’axe petrus-Rolex en fourches caudines, l’amateur en enfer. Tant mieux pour toi et moi, un nuage en forme de crise planétaire a sérieusement obscurci le paysage et le spéculateur de base s’est pris les pieds dans le tapis. Nous, prenons le vin, et le très grand millésime 2009, pour ce qu’ils sont. Un plaisir exceptionnel que nous goûterons dans quelques années. Peu d’années ou beaucoup d’années étant un choix lié aux prix des vins choisis. Pour simplifier, disons que plus le vin est grand, plus il se gardera et plus il sera cher. Revenons aux sources de la civilisation, quelques amis, une table, du vin et du bon. Laissons la frime aux frimeurs et les rêves de profit à ceux que le plaisir laisse froids. Choisissons nos vins comme nous le faisons de nos vacances, des films que nous voyons, des chemises que nous portons. Mêlons désirs, frissons, douceurs, exaltations, enthousiasmes. Levons le nez puisque le ciel est bleu, préparons l’avenir de nos tables (et celui de nos caves), n’oublions pas les préférences de nos amis les plus aimés. Hélène kiffe le pauillac, ayez du pauillac. C’est facile. Faisons des folies, ou pas. Faisons exactement ce qu’on veut. Je n’ai pas encore décidé sur quelles étiquettes se porterait mon choix pour ce millésime 09. Il y a beaucoup de merveilles, un grand millésime est une belle occasion de dépenser moins, de découvrir plus. On en reparle.

mercredi 19 mai 2010

Christophe et les bandits


La tramontane à 130 kilomètres/heure annoncés pour demain matin, on ne peut pas dire que Christophe Bousquet trouve ça très amusant. Il frémit à l’idée des jeunes feuilles torturées par le vent fou alors qu’elles viennent de débourrer sur les vieux ceps cultivés en bio. Là-haut au milieu des garrigues, au sommet du massif de La Clape, nous sommes au domaine de Pech Redon. En fait, à moins de dix minutes de l’agglomération de Narbonne, on est au bout du monde, pas moins. Il faut dire que cet excellent vigneron (et vinificateur) a eu son comptant de malheurs. Il y a des moments dans la vie où ça suffit comme ça. Des voyous (what else ?) ont profité de son goût du rugby pour ouvrir les vannes de ses six cuves à l’heure du match. Presque tout son millésime 2009 est parti à l’égoût. Il y a des gens qui auraient changé de métier sur un coup pareil. Pas lui. C’est de l’acier trempé, ce gars-là. Il ne désigne pas non plus de coupables. Il a son idée, mais motus, il n’en dira rien à des journalistes. Parisiens, en plus. Pas grave, on peut réfléchir tous seuls. Christophe préside aux destinées du syndicat des vignerons de La Clape, il souhaite ne plus être classé en côteaux-du-languedoc, mais obtenir une appellation dédiée à La Clape. Il a de hautes ambitions pour son terroir, pour lui, pour ses pairs. Il a récemment fait voter une résolution qui, à 45 hl/ha, diminue assez nettement les volumes autorisés et augmente dans les mêmes proportions la qualité à venir des vins de La Clape et, donc, leur potentiel sur les marchés. En attendant, travailler bien nécessite quelques sacrifices à court terme (moins de vin à vendre). Sans être grand clerc, on peut raisonnablement penser à la vengeance d’un vigneron stupide, furieux et malfaisant (sont des mots qui vont très bien ensemble). C’est épuisant de voir à quel point la recherche de l’excellence est si mal partagée et même comprise. Face à tant de bêtise, une solidarité s’est mise en place. Des confrères de La Clape lui donnent chacun dix hectolitres, l’institution est d’accord, les douanes et les acheteurs aussi. Bel effort de bienveillance. Il ne perdra pas sa position chez ses clients, c’est toujours ça. Evidemment, nous suivons l’affaire de près et nous raconterons à nos lecteurs les développements attendus. Il y a longtemps que nous suivons ce producteur talentueux. Régulièrement, il obtient de belles notes dans le Grand guide des vins de France de Bettane & Desseauve pour qui la défense des grands vins est une raison d’être. Pas question de laisser le champ libre aux bandits.

La photo : Christophe Bousquet photographié dans une vieille vigne de carignan par Mathieu Garçon

jeudi 13 mai 2010

Lafon-roset, la meilleure de l’année


S’il y a un endroit au monde où l’humour est porté avec infiniment de mesure, c’est bien dans les murs d’un grand cru classé de 1855. Chez les Tesseron, ce n’est pas pareil. Michel, le père, comme Basile, le fils, ont un esprit très particulier, subtil mélange de sensibilité et de farce. De joyeux drilles, de bons vivants et des vrais gentils. Le drapeau de l’Ethiopie devant la chartreuse jaune au milieu des drapeaux des nationalités clientes du château, « pour se souvenir qu’il y a des pays où l’eau n’est pas un droit ». Et le rosé de Lafon-Rochet, très drôlement nommé lafon-roset. Il fallait oser, ils ont osé, les gaillards. Rien à dire, c’est parfait, on ne pouvait pas trouver mieux. Reste maintenant à voir un château-lafuite, par exemple. Mais ça…

lundi 10 mai 2010

Frère Marie-Pâques a un i-phone


Retour des îles de Lérins, en baie de Cannes et en pleine brutalité météo. Même comme ça, l’île Saint-Honorat, qui accueille depuis seize siècles l’abbaye cistercienne de Lérins, est un hâvre de paix. Là, sur ce petit bout de terre de cinquante hectares, une communauté d’une vingtaine de frères gère et administre l’île, sa propriété. Un restaurant au dessus des flots bleus, l’altière bâtisse du XIIe siècle qui servait à la fois de tour de guet et d’abri aux moines de l’époque, l’abbaye immense et ravissante, les parcelles de vignes disséminées au milieu des pins et des chênes verts, le silence, la sérénité, la paix. On n’a jamais vu une congrégation religieuse s’établir dans des endroits moches et l’abbaye de Lérins ne fait pas exception à ce qu’on devrait prendre pour une règle. Avant de poursuivre et pour mieux comprendre, rappelons que les Cisterciens mettent le travail au centre des valeurs. Sur l’île, on travaille et beaucoup. Si Frère Marie-Pâques a un i-phone, ce n’est pas pour être fashion. L’objet sonne sans cesse et il répond toujours. Sauf aux heures de prière, bien sûr. Frère Marie-Pâques est un homme moderne et un chef d’entreprise. Gérant de la société créée par la communauté pour gérer les activités commerciales de l’abbaye, il a surtout la charge d’à peu près tout ce qui est compliqué sur le domaine, le restaurant, l’entretien et la rénovation des bâtiments, la viticulture, la vinification, la commercialisation des vins et spiritueux, etc. Il dit des choses qui pourraient surprendre le païen. Par exemple : « je suis un fervent défenseur de l’entreprise. La vraie spiritualité chrétienne passe aussi par l’entretien de la communauté monastique. Il n’y a pas le sacré d’un côté et le profane de l’autre. Le monde du business ne va pas contre le royaume de Dieu. Faisons des affaires avec toutes les vertus qu’Il nous demande ». Il a fait entrer le capital de la communauté dans un certain nombre d’entreprises, les bateaux qui assurent le passage entre Cannes et les îles, par exemple. Il envoie ses vins dans tous les concours possibles et imaginables et récolte de très belles appréciations. A l’aveugle, son chardonnay est arrivé en troisième position derrière deux montrachets et son pinot noir (190 euros les 75 cl) est un monument dont Michel Bettane loue volontiers les qualités. Des succès qui sont des motifs de légitime fierté pour Frère Marie-Pâques. Il raconte sans se faire prier, bien sûr, que Aubert de Villaine, gérant de la Romanée-Conti, refuse de confronter à l’aveugle son grand vin à celui de l’abbaye, ce qui l’enchante. Il est sûr qu’il dispose d’un grand terroir, en tous points différent de ceux de la Provence qui l’entoure et dont ses étiquettes ne font même pas mention. Il produit également quelques 50 hectolitres de liqueur. Verveine, mandarine, Lerina jaune, etc. et un limoncello baptisé Lerincello qui vaut largement le meilleur de la production italienne. Si Frère Marie-Pâques n’avait pas choisi de vouer sa vie au Seigneur, il aurait été un grand patron. Ce Dieu, quel veinard.

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La photo : Frère Marie-Pâques photographié dans le cloître de l'abbaye par Mathieu Garçon