Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 31 mai 2011

Le caberlot, cépage unique


Tout se passe en Italie. La Toscane, ses ciels, Marcello, Monica (Vitti, pas Belluci, pfff), la jolie serveuse de la trattoria et la mer en bas. Là, dans une vigne abandonnée (et pas dans la trattoria, ni dans la mer), un botaniste du nom de Bordini découvre un cépage hybride par croisement naturel qui présente tous les caractères du cabernet et du merlot. L’homme de science en cultive quelques pieds dans sa pépinière. Tout le monde se rendort. Fin du premier acte.
Wolf Rogosky, déjà propriétaire d’une maison alentour depuis 1972, se branche sur l’affaire quelques années plus tard et obtient l’exclusivité de ce cépage unique. La première parcelle est plantée en 1985, la seconde en 1999, la troisième en 2004. Le vin est baptisé Il Caberlot, contraction hasardeuse de cabernet et de merlot. C’est un micro-vignoble à la bourguignonne qui, avec ses trois parcelles, totalise 2,5 hectares. La pratique culturale plus proche de la couture que de l’agriculture, la rigueur exigeante des propriétaires, la nature du climat et voilà un peu plus de 3 000 magnums et double-magnums qui partent à l’assaut du monde chaque année. C’est le choix de Wolf Rogosky depuis la première vendange. Il embouteillle uniquement en grands formats. Ces vins rares se vendent autour de 250 euros le magnum.
Wolf est décédé en 1996. Aujourd’hui, son épouse et son fils veulent raffiner l’aventure. Il s’agit de construire un nouveau chai (très beau, bien sûr) et il faut de l’argent. Moritz, le fils, a une idée. Un peu chère, mais chic.
Moritz propose à cent investisseurs de verser 25 000 euros pour l’édification du chai et, en échange, de recevoir un magnum de caberlot chaque année pendant 99 ans. La rentabilité de l’affaire dépendant du cours de ce vin dans les ventes aux enchères. On peut assez légitimement espérer que le caberlot tiendra une belle cote en raison de sa rareté, de sa curiosité et de son origine géographique, tellement hype. La Toscane parle fort.
L’autre idée est de les boire consciencieusement, un par un, un par an, jusqu’à la fin de vos jours et de céder le solde des millésimes à venir à vos ayant-droits. Un par an, on ne peut pas parler d’addiction, et vous laisserez de vous un souvenir épatant, c’est peut-être votre dernière chance (non, c’est pour rire). Vous pourrez jouer à ne pas en boire pendant quelques années et, par surprise, offrir la verticale sublime à vos amis. Vous pouvez aussi les accumuler, à la manière d’un collectionneur sobre et un rien décevant. Le nouveau chai du caberlot est un jeu sans fin. Et le vin, vous demandez-vous ? Moi aussi. Je n’en sais rien, je n’en ai jamais bu, je le goûte ce soir. La suite au prochain épisode, donc, avec les coordonnées complètes de Moritz Rogosky si vous vous sentez de participer au grand jeu.


La photo : cette croix miraculeuse dans le ciel de Toscane, deux traces d’avions, aurait inspiré la nouvelle étiquette de Il Caberlot, photo D.R.

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dimanche 29 mai 2011

Il a inventé le TupperWine


La scène se passe chez un caviste de la rue Lamarck qui s’appelle comme ça, c’est facile à retenir. Là, une grosse quinzaine de personnes d’âge, de sexe et, même, de nationalité variés sont assis-debout autour d’une grande table en bois. Il a fait beau, les gens sont détendus. Je vais assister à un TupperWine, très bonne idée de Fabrice Le Glatin, aussi blogueur (Vin sur vin, rubrique Tous ceux que j'aime, dans la colonne de droite). Sottement, je pensais que le concept du TupperWare avait été repris tel. Non. En fait, c’est juste une dégustation chez un caviste, animée par un passionné et voilà. À aucun moment, il ne sera question de vendre-acheter du vin. J’ai trouvé ça dommage, mais un jeune homme qui gratte à Bercy, au ministère, m’a expliqué que pas du tout, mon vieux, c’est beaucoup mieux qu’il n’y ait pas de « rapports marchands ». Sans doute, jeune, mais moi, il y avait deux vins dont j’aurais bien emmené un carton de six, puisque, comme souvent, il s’agit de vins à peu près introuvables, à moins d’une longue quête. Bon, vendre du vin chez un caviste, ce ne doit pas être simple non plus.
Retour au TupperWine.
On commence par un, puis deux sauvignons. Fabrice dit les notes de tilleul, la fraîcheur, d’autres parlent de pamplemousse, je trouve ça un peu mou, on ne se parle pas encore beaucoup, mais comme il n’y a pas de crachoirs, ça va s’arranger. On est sur les basiques de la dégustation et c’est ça qui est bien. Fabrice a le bagout et la pédagogie du prof qu’il est. À la fois précis et soucieux d’être compris. Il n’a pas forcément tous les mots (ou alors il ne complique pas), mais tout le monde comprend. Pour expliquer les saveurs et les arômes, il fait appel au vécu, aux souvenirs des gens présents, on en a tous, on avance. Troisième vin. Fabrice parle des cinq sens, « le vin est un spectacle », les têtes opinent. Six retardataires s’encadrent dans le décor, le chiffre d’affaires fait un bond, ya du monde maintenant, ça galvanise le Fabrice, déjà en pleine forme. Et hop, un chardonnay. « D’où ? » Une fille lâche un timide « chablis », elle a gagné. Du coup, ça part en wild, ils parlent tous en même temps et moi aussi. Mais le prof sait faire, il a vu bien pire, les classes de 35 remontés comme des cordes à piano, ce n’est pas une poignée de bobos qui va le mettre en échec. Très vite, sans que personne ne réalise vraiment, le silence se fait, on la ferme. Fabrice en profite pour expliquer le chablisien. C’est limpide. Le vin vient de chez Vincent Laroche, il précise que non, rien à voir avec Michel, on sent presque une onde de ravissement traverser l’assistance qui, pourtant, ne sait pas qui est Michel Laroche, mais vu le ton du prof, c’est mieux que le vin vienne d’ailleurs. J’ai failli intervenir pour dire le beau travail effectué par Derenoncourt avec la grande maison Laroche, tant pis, on s’en tiendra à la petite de Vincent. Fabrice est lancé. Tout y passe. Le bois et comment il se fond ou pas. C’est technique, par moments. Certains suivent, d’autres lâchent. Toujours pas de crachoir, l’ambiance à fond, je parle à ma voisine. Fabrice appuie sur l’accélérateur, nous voilà dans les verres, le pourquoi du comment des formes. Comment on ouvre une bouteille de vin. La conservation en cave. De la température de service, on passe aux rouges. « Le fruit, y en a ou y en a pas ? ». On s’accorde vite fait, y en a, ouf. C’est un anjou, cépage grolleau, la grange-aux-belles, un ou deux ricanements, pas plus, on est aux Caves Lamarck, pas au Sofitel, on glisse. Fabrice sort les plateaux de charcuterie. Il fait tout, ce garçon. Devrait avoir une stagiaire, comme tout le monde. S’en suit un fleurie, un peu raide. Fabrice explique tout, avec des formules faciles à retenir, chacun se sent un peu plus intelligent qu’avant d’entrer. Nous voilà en train d’assimiler le nord et le sud du Beaujolais. Pump up the volume, on ne s’entend plus, Fabrice hausse la voix, il remet la soirée en perspective, résume tout ce que nous avons goûté, les cépages, les régions, il dit « kimmeridgien », l’air inspiré, l’assistance suit, les gens adorent se cultiver. Bon, on ira pas jusqu’au deuxième étage stratigraphique du Jurassique supérieur, ça pourrait être mal interprété. Comme Fabrice a tout compris, il parle de l’intérêt du carafage en passant par la beauté des carafes avant de préciser l’intérêt œnologique. Autour de la table, on est plus attentifs.
Voilà un pomerol, un gombaude-guillot 2004 en magnum. Un vin soyeux, élégant, encore un peu jeune. Fabrice se laisse aller à ses travers anti-bordeaux, pourtant. Comme il est diversement suivi, il explique les rives droite, gauche, le cabernet et le merlot, il fait des impasses, c’est plus simple d’être simple, on ne va pas s’attarder. Place aux chocolats avec un maury du Mas Amiel, et Fabrice reparti dans les commentaires pointus, ce type aurait pu être missionnaire, l’évangélisation des peuples ignorants, il aurait fait ça très bien. Et voilà, c’est fini, les débats s’effilochent sur le trottoir, on pousse un peu la contradiction, pas trop. Chacun paie son écot, vingt euros. Ce n’est pas cher. Pour la même soirée, j’en connais qui vous arrachent quatre fois ça sans mollir. Autant aller au TupperWine.

La photo : dans la lumière, c'est Fabrice Le Glatin, aka Fabrice VinsurVin, qui anime son TupperWine. Florence Andrieu a fait la photo.

samedi 28 mai 2011

Primeurs 2010, les prix, les premiers choix



Peu à peu, les prix des primeurs 2010 sortent des calculettes des propriétaires. C’est une guerre de tranchées où chacun observe les mouvements de l’autre, positionne son prix en fonction du voisin de linéaire, la spontanéité n’est pas le sujet. On constate un certain statu quo, que l’on doit sans doute à une possible atonie des marchés mondiaux, hors premiers crus et autres célébrités. Même si les choses se passent à peu près bien pour le négoce bordelais, ce n’est pas l’hystérie, non plus. Voilà une première volée d’étiquettes que je verrais bien dans ma cave. D’autres suivront très vite.

Château Larrivaux, haut-médoc (8,40 €). Le château de Bérangère, la femme de Basile Tesseron. On ne peut pas dire que Basile soit derrière ce vin, mais on est bien obligé de constater que c’est très bon et qu’on n’aura pas besoin d’attendre vingt ans pour s’en convaincre.
Château Villa-Bel-Air, graves (9,10 €). Une des propriétés de la famille Cazes (Lynch-Bages). Encore un de ces bordeaux qui font dans l’excellence dans des délais assez courts. Celui-là, je l’ai découvert à La Tupina, c’était le moins cher de la carte et un vrai bonheur.
Château Lanessan, haut-médoc (10,55 €). Un domaine qui revient au premier plan grâce aux bons soins d’une sorcière espagnole, Paz Espejo, à qui l’on doit déjà le formidable meyney 2005
Château Belle-Vue, haut-médoc (11,95 €). Le vin du regretté Vincent Mulliez, un type formidable avec une énergie peu commune, mort au bord de la route où il courait, d’un accident cardiaque. Il y a déjà un moment que ces vins sont au top, en toute discrétion.
Château Cantemerle, haut-médoc (25,50 €). Une propriété magnifiquement tenue par Philippe Dambrine et un vin dont les progrès constants ont été salués à juste titre par tous les dégustateurs. Michel Bettane l’a gratifié d’un très beau 16 – 17. Moi, j’en veux.
Château Haut-Marbuzet, saint-estèphe (28,00 €). Son propriétaire est une sorte de dernier des Mohicans. Un vin de très belle qualité, année après année. Le jour où le domaine changera de mains, les prix s’inscriront au championnat du monde de saut en hauteur, c’est Galfione qui sera visé.
Château La Tour-Blanche, sauternes (84,00 € en magnum). L’une des plus grandes émotions pendant la Semaine des primeurs. Ce n’est pas le moins cher, mais trois magnums pour vos vieux jours, c’est un trésor dans votre cave. Et les grands vins, c’est toujours mieux en magnum.

Ces prix viennent tous de La Vinothèque de Bordeaux. Pourquoi ? D’abord, les prix (ici hors taxes) sont les mêmes sur presque tous les sites marchands, à quelques centimes près. Et je crois (je sais) qu’il est indispensable d’acheter en primeurs chez des gens qui sont propriétaires des vins qu’ils vendent. En l’espéce, on dit allocataires. Une allocation, c’est un contrat entre le château qui s’engage à livrer des vins au marchand qui s’engage à les acheter. Étant entendu que si l’un des deux fait faux-bond à l’autre, le deal est rompu. Ceci signifie que le marchand allocataire a les vins qu’il vend, ce qui n’est pas le cas de tous, suivez mon regard. D’autre part, au moment de confier ses sous deux ans avant de recevoir les caisses, autant choisir un fournisseur sûr. La Vinothèque appartient à un grand négociant bordelais dont j’ai visité les chais de stockage (Fort-Knox, en mieux maquillé, en plus discret). Des millions de bouteilles transitent dans cet endroit ou y dorment du sommeil du juste. C’est pas follement rigolo ou fashion, mais moi, ça me rassure plus que les malins qui montent des business hautement improbables avec des plaquettes de pub ultra-léchées et qui ne tiennent que par la grâce d’augmentations de capital à répétition consenties par des investisseurs étranglés par leurs engagements précédents.
Chacun fait comme il veut, bien sûr.

vendredi 27 mai 2011

Vive le Québec du vin


Ce petit texte est venu se blottir discrètement dans les commentaires du billet sur les bourgueils de ma copine Evelyne. À sa lecture, j’ai trouvé qu’il lui fallait un coup de projecteur. Ce genre d’initiative m’enchante, j’adore ces gens qui ne courbent pas l’échine sous les coups puissants et redoublés des lobbies prohibitionnistes. Là-bas, chez les amis du Québec ou ici, dans ma rue, à Paris. Vive celui qui s’arrache pour faire vivre la si raffinée culture du vin, vive Drink Culture TV de Montréal, vive le Québec (c’est Nicolas de Rouyn qui vous le dit*). Allez voir. Pour le nom, déjà. Le vin n’est pas leur culture aux Québecois et, en même temps, si.
Lisez ça :

Amatrices, amateurs de vin, laissez moi vous présenter la Drink Culture TV !
Première Web TV québécoise, le principe y est très simple, notre chroniqueur Pascal Fernand, propose chaque semaine un sujet sur le vin et sa culture à Montréal. Ses chroniques ont pour but de démocratiser le vin au Québec dont la consommation est grandissante.
Intermédiaire entre les vignerons et le grand public, cette Web TV vous permettra de tout savoir sur le monde viticole que vous soyez un connaisseur aguerri ou simple amateur de vin.
Toutes les semaines vous pourrez donc retrouver sur la Drink Culture TV la chronique filmée de Pascal Fernand à la radio Ville-Marie 91.3 FM de Montréal, Planète Jazz 91.9 FM ou encore dans des endroits insolites.
C’est avec humour et dérision que vous est proposé chaque mardi et vendredi un nouveau thème allié au vin allant de la vinothérapie à la conservation de vos vins en passant par les bons tuyaux.
Au programme donc, des chroniques ludiques, des rencontres avec des vignerons, des sorties, des jeux ou encore des apéros entre amis.
Mais aussi, des invités qui vous font partager les douceurs de leur région, les anecdotes de leur pays et les plaisirs de l’œnologie.
Rejoignez nous sur la Drink Culture TV pour partager quelques minutes de bonne humeur autour d’un bon verre de vin et n’hésitez pas à laissez vos commentaires pour nous faire partager votre avis et vos idées !

Voilà, c’est dit. Il est probable que le gars est allé poser son petit texte de promo dans les pages de commentaires de plein de blogs français. Amis blogueurs, faites comme moi, mettez un coup de projecteur sur Drink Culture TV. Ils ne seront jamais aussi jolis que la belle Aurelia Fillion de Bu sur le web, mais peut-être aussi drôles.


* Seuls les Québecois savent pourquoi…

jeudi 26 mai 2011

Vins italiens et vins français, cette chance


Vive l’Italie, Forza Francia, c’est la réunion d’une cinquantaine de vignerons italiens et français. On doit le casting des Italiens au Gambero Rosso, le plus célèbre et le plus fiable des magazines transalpins, et celui des Français à Bettane + Desseauve, les plus aussi. Les uns et les autres forment un habile assemblage de valeurs sûres et d’opportunes découvertes. C’est bien vu. Pour venir, il faut absolument une invitation. Celle-ci est gratuite en cliquant ici.

Vive l’Italie, Forza Francia.
Dégustation GRATUITE de 18 h 30 à 21 h dans le grand hall du quotidien Le Monde, 19, boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris

La liste des domaines présents en cliquant ici.

lundi 23 mai 2011

Les forces du mental n’ont plus de secrets


C’est plus simple d’être fort. Une conviction qui a poussé Juliette Tournand à écrire un bouquin magnifique, Les Secrets du mental. En s’appuyant sur ces types étonnants que sont les coureurs au large, les marins solitaires, à deux ou en équipage, elle décrypte ce qui fait leur force face à l’adversité, concurrents et éléments. Elle en tire des enseignements simples à comprendre et applicables dans la vie de tous les jours, par tout le monde, au boulot et à la maison. Ces 230 pages se lisent d’une traite, c’est édifiant et passionnant.
Aaaah, c’est un plaisir de parler d’autre chose, pour une fois. L’impression de boire un grand verre d’eau claire, quelque chose comme ça.

Les Secrets du mental
, Inter-Éditions-Dunod, 230 pages, 20 euros.
Juliette Tournand a déjà publié La Stratégie de la bienveillance et Sun Tsu, sens dessus dessous, un art de la paix chez le même éditeur.

vendredi 20 mai 2011

Clémentine au grand restaurant


Clémentine, mon invitée que j’ai, a été déjeuner chez Lapérouse et, à l’en croire, c’est nul. Quand on a 24 ans, je comprends que ce lieu extraordinaire ne parle pas une langue très audible. La légende la laisse de glace, la magie n’opère pas. Elle est partie avec le vague sentiment qu’on l’avait prise « pour une quiche », comme elle dit. Mais bon, elle voulait déjeuner, pas aller en cours d’histoire. Lisons.

« "Vivez l'expérience" qu'ils disent sur le site internet. Moi, j’adore les expériences. Donc, j’étais carrément excitée d'y aller. Je m’attendais à des effets spéciaux comme au Futuroscope ou à manger des vers de terre vivants comme dans Koh Lanta. En fait, on n’a pas fait d’expérience bouleversifiante. C’était très convenu tout ça et je me suis ennuyée profond, genre anniversaire de Philip Duc d’Edimbourg à Buckingham Palace.
Avant d'y aller, je me suis un peu rancardée sur le lieu, histoire de pas passer pour l’inculte de service qui connaît rien. J’avais eu ma dose au dernier repas de famille quand papa a dit que « ça fait chier que tricher augmente les taux de la BCE ». Je ne triche pas souvent, mais ça m’arrive, j’étais embêtée que ça puisse perturber mon papa. J’ai promis solennellement à tout le monde d’arrêter, même quand on joue au Monopoly. Quelle idée de s'appeler Trichet.
Bref, j’ai découvert que Lapérouse a un historique chargé, surtout d’histoires pas très nettes. On y venait libertiner comme on passe au Mac Drive chercher son Big Mac. Salons intimes tapissés de miroirs et alcôves coquines lui font une réputation aussi sulfureuse que celle de DSK. Le problème, c’est qu’aujourd’hui tu rentres là-dedans comme dans un magasin de lingerie. T’es pas super à l’aise, même si tu trouves tout hyper glam.
Lapérouse est niché dans un hôtel particulier du XVIIIe. Longtemps, c’était « the place to be ». Tu pouvais tomber nez à nez avec Maupassant en sortant des WC, dîner à côté de la table de Dumas et siroter un mojito au bar avec Victor Hugo. Aujourd'hui, il n’y a guère plus que Pudlo et François Simon pour en parler sur leur blog, de quoi reléguer ce lieu dans la plus profonde has-beenitude.
Dommage pour la vue plongeante sur les quais de Seine. Pour les petits salons aux belles boiseries. Pour les miroirs qui ne tâteront plus les diamants des belles voulant checker que leur prétendants les prenaient pas pour des quiches. Hormis pour les mises en scène convenues des critiques gastronomiques. Parce que Lapérouse à la base, c’est tout de même un restaurant. Et dans un restaurant, on mange, on boit. Rien à dire sur le service. Morgane notre serveuse toute dévouée est aussi bienveillante que charmante, pas hyper à l’aise, ça la rend super touchante. En plus, on a les mêmes goûts pour les desserts. Serais bien repartie avec sous le bras. Surtout qu’on se demande ce qu’elle fiche dans le décor. Avec son joli minois et ses 20 ans, on l’attend plutôt à la terrasse d’un Costes. Le sommelier, Mehdi Zerizer, fait lui aussi bien jeune dans cette atmosphère cérémoniale. Il contrebalance avec un maniérisme exagéré. On doit comprendre qu’on n’est pas dans n’importe quelle maison. Mehdi se veut défenseur des accords mets-vins et travaille, dit-il, main dans la main avec le chef autour d’une carte des vins faite de classiques incontournables et de petits domaines moins connus, mais qu’il pressent comme les stars de demain. Dis comme ça, avec l’enthousiasme du fringant Medhi, ça fait rêver. Avec la carte des vins entre les mains, le fantasme devient réalité. Un book noir épais comme une côte de cochon de chez Louis Ospital. Des pages entières couvertes de noms superbes. Tu sais plus où regarder, la tête te tourne, tu refermes ça comme un grimoire de formules magiques, les yeux qui brillent mais le cœur serré par la peur. Trop de choix, c’est la panique. Alors, tu plonges dans le menu. Mehdi l’a dit, il travaille les accords. Bien, tu vas choisir les plats, Mehdi choisira les vins. Il a l’air ravi par l’exercice, toi t’es ravi de pas avoir à assumer le choix d’un vin parmi 3 000 références, tout le monde est content. Tu composes donc ton menu à la lecture des intitulés à rallonge et à majuscules, ça te fait grave saliver tous ces mots.
« L’Oeuf Mollet Lapérouse - En Croûte de Pain Brûlé, Purée Fine d’Oignon Doux,Truffe Noire, Nuage d’un Lait Réglissé et Jus de Volaille au Soja. »
« Ris de veau - Braisé à la Maniguette de Côte d’Ivoire, Chicorées confites et poêlées, Jus aux Grains de Café de Colombie. »
« Soufflé Lapérouse - Au Pralin et Caramel aux Epices, Glace Malaga. »

A peine ta commande passée, tu sais déjà plus ce que t’as choisi, un truc comme de la réglisse en entrée, du café en plat et des épices en dessert. Mais bon tu t’en fiches parce que tu commences à comprendre que si t’es là, c’est pas plus pour le verre que pour l’assiette. Les plats sont beaux, bons, mais pas assez pour que tu t’en souviennes trois jours après. Le vin se laisse boire, mais les accords sont pas plus percutants qu’une bataille de plumes d’oie. Medhi sait parler des vins, de sa carte, il est plein de bonne volonté. Manque de bol, il nous a servi « en accord » avec les plats choisis, les vins banals, sancerre et savigny-les-beaune 1er cru, proposés au verre avec le menu du jour. Mais sans les plats du jour. Sûrement la politique de la maison. Si t’es là, c’est pour le parquet en bois, les gravures et les peintures comme dans les musées, le calme et la sérénité, la vue imprenable sur la Seine.
Bref, si t’es là, c’est vraiment pour te faire chier. »

Clémentine de Lacombe

La photo : un des petits salons de Lapérouse, où personne n'entre sans frapper, photographié par Clémentine de Lacombe. L'amateur ne manquera pas le canapé de velours rouge devant la fenêtre…


Si vous n'avez pas lu les précédents articles de Clémentine de Lacombe, cliquez sur les titres :
Clémentine est amoureuse de Carole
Clémentine a bu du vin de messe
Mon invitée que j’ai

mercredi 18 mai 2011

Charles, la veuve et le petit Jean-Marc


Grosses dégustations pour le Guide Bettane+Desseauve, la prochaine édition. Thierry Desseauve a goûté des champagnes de grandes maisons. Parmi la foule impressionnante des bouteilles accumulées dans le labo de la maison, deux champagnes bruts au top. Charles Heidsieck rosé et Veuve-Clicquot Carte Jaune, « jamais aussi bons » a martelé Thierry à qui voulait l’entendre. On voulait tous entendre des choses comme ça. L’avantage de ces deux-là (Charles H et Veuve-C, pas Michel et Thierry), c’est qu’on les trouve presque partout.
Du côté de Michel Bettane, grosse émotion autour des vins de Jean-Marc Vincent, à Santenay. Il dit : « c’est exemplaire de ce qu’un bon vigneron peut faire ». Et tout le monde de tout goûter, maintenant. Quel métier.

lundi 16 mai 2011

Obiwine, un beau geste sur le web


Obiwine TV est en ligne sur obiwine.com depuis ce matin, lundi 16 mai 2011. Un genre de chaîne de télé sur internet. Parce que ailleurs, sur le câble ou le réseau hertzien, ce n’est pas permis par la loi française. Comme en Iran, en Irak, en Afghanistan et quelques autres pays sympas comme ça. Très peu de pays, sept en tout avec la France. L’info qui fait plaisir, quoi. On se dit qu’on est vraiment pris pour des crétins par nos autorités et les lobbies qui manipulent lesdites autorités. Ça s’appelle la loi Evin, du nom de son promulgateur, un ministre socialiste. Oui. Ça vous étonne ? Regardez ce petit film, moins de trois minutes, c’est édifiant et c’est ici : http://bit.ly/jF4aQn. Bon, j’arrête sinon je m’énerve. Obiwine donc. Une idée d’un type charmant qui s’appelle Jean-Jérôme Carre. De son site, il dit ceci : « Obiwine est un portail de diffusion de contenus filmés ludo-éducatifs relatifs à la découverte du vin et des appellations, destiné à notre belle communauté de néophytes connectés... Je diffuserai chaque Lundi un nouvel épisode de la série Un verre de terroir, ma première Wine Web Série sur la découverte du vin et des principales appellations françaises. » Moi, j’aime ça. Cette belle passion, cette énergie. Il me fait penser à un vigneron. Cet artisanat de grande précision. Allez voir les films d’Obiwine JJ (son pseudo sur Facebook), c’est vachement bien fait, très éducatif, on devrait montrer ses films dans les écoles tant il est vrai que l’éducation est le meilleur rempart contre l’excès. Il a dépensé beaucoup d’argent pour beaucoup de qualité. Il ne rentrera pas forcément dans ses frais, pas tout de suite, mais il y va, il fait, il fait bien et bravo. On dirait une grande bouteille.

Une bouteille vide en est la preuve


Une bouteille de haut-condissas 99, la cuvée en sélection parcellaire de Jean Guyon, l’efficace propriétaire du Château Rollan-de-By. Au-delà de sa trame tannique serrée, de son ampleur en milieu de bouche, de sa longueur et de tout ce qui en fait une vraie réussite, c’est son fruité franchement délicieux qui caractérise ce grand vin à prix tenu. Si l’étiquette est impossible à photographier, le vin est éminemment buvable, digeste. Il laisse les yeux éblouis, il envoie la nuit vers une pente très douce, il met du bonheur dans les dimanches soirs. On est content de l’avoir connue, celle-là.

dimanche 15 mai 2011

Les fous sont en liberté


Encore un tyranneau de village qui en fait des tonnes. Encore des gens comme vous et moi qui dépensent une énergie folle pour l’arrêter en plein vol. De quoi s’agit-il ? Un préfet, ou ses services, c’est pareil, a décidé d’autoriser la construction d’une usine de traitement de déchets industriels dangereux, sans aucune garantie sur la santé et la sécurité des populations riveraines. Et (j’allais dire : surtout !) sans qu’aucune mesure de protection du vignoble à l’entour n’ait été prise. Ça se passe sur la côte chalonnaise, non loin de Givry. Déjà, qu’un entrepreneur ait des idées pareilles laisse songeur, mais que les autorités battent des mains, c’est consternant. C’est pourtant le rôle dévolu aux autorités que de contenir les appétits de lucre qui pourraient mettre en danger ce qu’on appelle l’existant. La question est posée par le collectif d’associations en lutte contre ce projet inacceptable et elle est terrible :
« Ce combat est emblématique et l’enjeu dépasse largement le cadre géographique de la Côte chalonnaise. Est il possible en 2011 de mener à bien un projet mal conçu en s’opposant au bon sens, au droit et à la volonté unanime d’une population qui se bat pour préserver un cadre de vie ? »
Bonne question à poser aux candidats à la prochaine présidentielle, non ?
L’affaire passe devant le tribunal administratif le 19 mai, c’est demain. Rappelons que la côte chalonnaise produit une kyrielle de très beaux vins qui sont pour l’amateur autant de chances d’aborder le vin de Bourgogne par sa face la moins coûteuse. Goûtez (sans attendre le 19 mai) les vins de ces appellations : Bouzeron, Rully, Mercurey, Givry et Montagny.

vendredi 13 mai 2011

« Le bio, c’est beaucoup d’huile de coude »


Parmi les dizaines de vignerons « bio », j'ai choisi de rencontrer Catherine Le Conte des Floris, du domaine éponyme. Installée dans le Languedoc, elle fait de bons vins, bien notés dans le Grand guide des vins de France. Avec Daniel, son ex-mari, mais toujours associé, ils réalisent plusieurs cuvées en rouge et en blanc. Lisez, c’est édifiant, en plus d’être assez sympa.
Vous avez commencé tout de suite en bio ?
En 2001, quand nous décidons de créer un domaine à Pézenas sur sept hectares, le bio est beaucoup moins pratiqué qu’aujourd’hui. Lorsque je quitte Beaune, j’ai en tête les cours de Jean-Pierre Confuron et les écrits de Claude Bourguignon sur les sols. Je viens de terminer mon stage au domaine Prieur, à Meursault. En face, Dominique Lafon engage sa conversion en biodynamie. Ne pas travailler la vigne avec des produits chimiques résonne comme une sorte d’évidence, une terre travaillée mécaniquement et non chimiquement est plus active, plus vivante. Nous sommes bio aujourd’hui, officiellement, mais, de fait, nous n’avons jamais utilisé de produit chimique. Toutes les vignes sont travaillées sans utilisation de pesticide, herbicide ou engrais
Qu’est-ce qui vous a poussée dans cette voie ?
Ce n’était pas par idéologie, mais par instinct et par culture familiale. Mon père était médecin et quand on avait la grippe, il soulevait le drap, vérifiait la raideur de la nuque pour s’assurer qu’il n’y avait pas de méningite et nous donnait de l’aspirine ayant la plupart du temps dépassé la date de péremption. Chez Daniel, même style, famille nombreuse aussi, père médecin aussi. Sa mère passait l'essentiel de ses jours dans son jardin et n’utilisait jamais de produit de traitement, le compost familial était déjà d'usage permanent.
C’est facile le bio ?
Ah non. Ce matin, en allant finir de dégager les herbes d'un plantier, j’ai été prise d’une sorte de lassitude. Le bio, c’est bien. Le raisin sera meilleur. De même qu’une tomate de jardin est une reine par rapport à sa collègue plombée de l’hypermarché. Mais le bio est très consommateur d'huile de coude. Et de temps. À quelques mètres de ma parcelle, il y a un autre plantier, pas en bio celui-ci, pas du tout. C’est bien rangé là, tout propre nickel, comme une chambre d’hôtel Ibis. Chez nous, cela ressemble plutôt à un bed and breakfast de Londres occupé par des étudiants de Jussieu venu voir un concert des Pink Floyd. Un grand bazar. Des bosses partout, des herbes folles, des chardons qui arrache les mollets et au milieu de tout cela notre jeune roussanne essaie tant bien que mal de résister. On y tient à cette roussanne, c’est la base de notre cuvée Lune rousse, et il y a toujours pénurie sur ce vin. À côté, les vignes ont le même âge mais sont déjà bien costaudes. Les nôtres sont chétives, malingres, perdues au milieu des mauvaises herbes. Il faudra cinq ans pour que les premiers raisins apparaissent, et encore, ils seront coupés bien avant vendange pour favoriser l'enracinement. Première vendange, la sixième année donc, si tout se passe bien. Il faudra trois ans pour la vigne voisine, qui ne connaît pas la concurrence des mauvaises herbes, et qui est dopée aux engrais chimiques. Moi, je m’arme d’une pioche et de ma ceinture Gibaud pour le dos, et je vais tirer les herbes folles pour libérer nos pousses. Elles résistent, parfois il faut fouiller pour les retrouver. Parfois même il m’arrive de leur parler « ah, te voilà toi ». Si on m’avait dit, il y vingt ans, que je parlerai un jour à une feuille… Ne dites pas à ma mère que je parle toute seule dans les vignes, elle croit que je suis assistante parlementaire d’un député UMP.
Et la bio-dynamie ?
Cette année, nous commençons doucement la biodynamie. J’ai suivi une formation sur les purins il y a un mois. Quand certaines font du stretching ou de la chorale, moi j’ai des cours de purin. Nous allons donc nous lancer, progressivement. Il faudra aller chercher l’eau de source à la fontaine de Fontes, trouver les orties, installer une cuve dans le maset, le plus jeune de mes enfants va adorer, les autres vont se dire que, décidément, leurs parents sont allumés.
Vous êtes nombreux en Languedoc ?
En Languedoc, la proportion des vignerons bio est plus importante qu’ailleurs. Il faut dire que le climat s’y prête et que cette région a quelque chose d’une terre de pionniers. On a progressé et il reste beaucoup à faire, sortir définitivement cette appellation de son image de vins « cheap », s’engager dans une démarche grands crus. Mais je suis convaincue qu’on a raison de persévérer dans cet engagement bio. Non seulement parce que le vin est meilleur quand le sol est naturel, mais aussi du point de vue du marketing. Un ami autrichien me racontait qu'à Vienne on ne raisonnait que bio. En France, ce n’est pas une mode, c’est une lame de fond. Nous avons raison si toutefois nous ne sommes pas trahis, si les politiques ne cèdent pas aux lobbies « ogm » et « gaz de schiste ». L’opinion est mobilisée, ça ne passera pas, Nathalie Kosciusko-Morizet est une femme bien. Alors, gardons le cap.
Et les vins ?
Les vendanges sont effectuées en cagettes, après un tri sur pied si nécessaire. Le pressage est réalisé à la main sur un pressoir vertical. Les vinifications se font le plus naturellement possible, avec un usage très modéré du soufre et uniquement des levures indigènes. L'élevage des vins se fait en fûts de chêne durant au moins un an et se prolonge généralement en cuve pendant un ou deux ans pour une plus grande harmonie. L'esprit des vins produits, en essayant d'être le moins interventionniste possible à la vigne comme au chai, est d'exprimer au plus près nos différents terroirs du Languedoc. D'ou des cuvées de rouge où le cépage qui exprime le mieux un terroir particulier est largement dominant. Le grenache pour le villafranchien, la syrah pour les schistes du carbonifère et le carignan pour le basalte. En blanc, nous travaillons surtout autour d'un cépage méconnu et, je le crains, bientôt disparu, magnifiquement adapté a notre climat, le carignan blanc. Son acidité naturelle permet de pousser assez haut sa maturité sans pour autant aboutir à des vins mous. Dominant, voire même quasi-exclusif, il donne la cuvée Lune Blanche. Dans les plus belles années, associé à la roussanne, il prend pour nom Lune Rousse. Enfin, quand la marsanne prend le pas, il donne les cuvées Arès blanc et Blanc Nature.


Pour compléter cet entretien, voici deux notes de dégustation parmi d’autres extraites du Grand guide des vins de France.
Coteaux du Languedoc Arès 2007, blanc
Aromatique et profondément gourmand, obtenu à partir de carignan blanc et de marsanne, Arès est un produit original dans l’univers des blancs langudociens, avec sa finale miellée, mais fraîche. 14,5/20 – 13 euros
Coteaux du Languedoc – Pézenas Homo Habilis 2005, rouge
La matière est magnifique, le boisé se fond et livre un vin élégant, de grand volume, aux tanins très fins. 16,5/20 – 22 euros

mercredi 11 mai 2011

Mort de rire


Je suis tombé sur cette plaque de tôle émaillée, vieux procédé de l’époque où la pub et la propagande étaient faites pour durer. L’idée est géniale. Pour les moins anglophones d’entre nous, elle dit ceci : « je bois pour vous rendre plus intéressant ». Que ce genre de déclaration nous concerne ou pas, vous et moi, n’a aucune importance. Je trouve ça drôle, teigneux, ambigu, caustique, à double sens et bien envoyé. Et ça m’a donné soif puisque j’ai rendez-vous avec vous. À la vôtre, maintenant.

La photo : cette plaque de tôle est solidement vissée sur un mur du bar L’Étage, tenu par mon amie Sophie, à La Trinité-sur-Mer.

mardi 10 mai 2011

Crémant de Loire + campari, c’est bon pour l’été qui est là


Par ce temps trop chaud pour la saison, les apéros désaltérants tombent bien. Un truc que j’ai essayé, c'est très bon, un crémant de Loire et quelques gouttes de campari au fond du verre. Le sucre du campari fait bon ménage avec l’austérité tranchante du chenin à bulles. Et l’amertume du campari trouve son pendant dans le crémant. Une recette déjà essayée avec des champagnes non-dosés, ça marche très bien aussi, en version plus iconoclaste, les grands amateurs de champagne sont scandalisés, c’est très bon quand même. La version de pauvre avec ce langlois-château même pas millésimé, mais non-dosé aussi, a l’avantage d’une certaine raideur qui le rend encore plus désaltérant. Et là, personne ne criera au scandale. Déjà, c’est énorme.

La photo : Langlois 0-125, crémant de Loire de Langlois-Château. Zéro pour zéro dosage (pas de sucre ajouté) et 125, c'est l'âge de la maison.

lundi 9 mai 2011

Trois champagnes


C’est la période dingue des dégustations pour la nouvelle édition du Grand guide des vins de France. Chaque jour des dizaines de bouteilles sont mises à température, ouvertes et goûtées par Michel Bettane, Thierry Desseauve et les autres. Au fil des semaines, j’essaierai de vous faire part de leurs petits bonheurs quotidiens.
Voici trois champagnes dits « de vignerons » que Michel a trouvé splendides.
Françoise Bedel, cuvée "Comme autrefois"
Lancelot-Pienne, cuvée Marie Lancelot
Pierre Bertrand, cuvée Élisée 2004 (Élisée avec un i, oui, c’est sans doute pas un champagne très présidentiel)
Ces vins sont disponibles à la vente chez certains cavistes. Renseignez-vous en appelant les vignerons (un petit coup de Google et hop).

L'homme qui fait des millions de bouteilles de champagne, c'est lui


Ce Breton du pays des abers est un pur produit de la filière champenoise la plus classique. Avec un gros avantage sur d’autres. Benoît Gouez a été formé par Richard Geoffroy, grand maître des vins dans la maison et surtout connu pour être le sorcier qui élabore dom-pérignon. Avec lui, Benoît a parcouru les 28 kilomètres de galeries souterraines de la maison Moët, où dorment des dizaines de millions de bouteilles, pour y apprendre-comprendre ce qui fait le style Moët. C’est parce qu’il l’a intégré que Geoffroy lui a donné les clés de la cave. Pour autant, ce garçon de 40 ans n’a pas décidé de simplement reproduire sans apporter sa touche personnelle. Avec lui, le style Moët a évolué. En très peu d’années, si l’on considère la longueur de temps nécessaire à l’élaboration des champagnes, Benoît Gouez est parvenu à transformer un champagne banal (pour dire le moins) en un bon champagne. La cuvée d’entrée de gamme, le brut-impérial, est un parfait champagne tout-terrain, l’un des moins dosés des bruts non millésimés du marché, dont le positionnement en termes de prix le rend tout à fait intéressant. Ce n’était pas le cas il y a quelques années, quand personne d’un peu averti n’aurait eu l’idée d’arriver chez des amis avec une bouteille de moët. Ce temps est révolu, il n’y a plus de honte à boire du moët. En soi, et compte tenu des lenteurs de réaction du public, c’est déjà une victoire énorme que Gouez peut porter à la boutonnière avec fierté. Ce qu’il fait, d’ailleurs, avec ce qu’il faut de modestie. En acceptant le poste de chef de caves, il a obtenu aussi une plus grande liberté dans les assemblages comme dans la définition du style. En dégustant les moët millésimés, c’est évident. Gouez a sorti le 2003 avant le 2002. Cette petite provocation médiatique (qui a très bien marché à l’époque) était rendue nécessaire par l’état d’avancement des vins de chacun des millésimes. 2003 était prêt avant 2002, voilà tout. Il ne cherche pas à faire un moët millésimé, mais à livrer une interprétation qu’il revendique personnelle du millésime signée Moët. Ce n’est pas exactement la même chose. Aujourd’hui, le 2002 se déploie dans toute sa beauté de constitution. Ce 2002 a bénéficié de l’exigence de Gouez. Il dit : « avec ce millésime, on retrouve les temps de maturation historiques de Moët. En 1910, les millésimes passaient sept ans en cave. Un siècle après, nous y revoilà ». Du coup, nous aussi, les amateurs, nous revoilà.

La photo : Benoît Gouez, photographié à Épernay par Mathieu Garçon.

jeudi 5 mai 2011

Primeurs 2010, une première trie


Les notes des primeurs 2010 sont parues. Voici les bests, une partie au moins, de Michel Bettane et Thierry Desseauve. Il ne s’agit pas, à proprement parler, de découvertes mais de coups de cœur, des vins enthousiasmants pour des raisons très diverses, souvent parce qu’ils signent leur grand retour.
- Fieuzal blanc, on attendait ce come-back parmi les plus grands des grands depuis 1983.
- Lanessan, c’est l’effet Paz Espejo qui fonctionne à plein. Elle a refait le coup de meyney 2005, bravo.
- Grand Puy Ducasse, la belle au bois dormant sort de sa longue nuit et c’est signé Anne Le Naour.
- Château Caillou, un must dans le millésime.
- Doisy-Daëne à Barsac, à son tout meilleur.
- La famille bio. Laroze, Fonroque, Gombaude-Guillot sur la Rive droite, Guiraud à Sauternes, une théorie de petits bonheurs. Il y en a d’autres.
- Le prix du meilleur petit bordeaux au Domaine de Courteillac. Bien joué, encore une fois.
- Citran, haut-médoc, le meilleur citran de l’histoire récente.
- Fourcas-Hosten, le réveil longtemps attendu de la propriété. Enfin.
- Angludet, le margaux, la révélation de notre dégustation à l’aveugle.
- Brane-Cantenac, un sommet du millésime. Vive Henri.
- Siaurac qui n’a jamais été aussi bon. Est-ce l’effet « Docteur Raynaud » ?
- Gloria, le plus charmeur depuis des millésimes…
- Haut-Carles à Fronsac. Quand est-ce qu’on s’apercevra que c’est un grand vin de la Rive droite ?
- Capet-Guillier, le retour aux affaires d’un beau terroir. Très réussi.
- Prix spécial du jury à Michel Rolland, pour l’ensemble de son œuvre. 2010, année du grand Rolland. Tous les vins qu’il suit expriment leur vraie personnalité d’une manière inédite et splendide.
Voilà. C’est une première trie et, comme à Sauternes, il y en aura d’autres.

Les commentaires complets et les notes Bettane+Desseauve des primeurs 2010 à Bordeaux, à découvrir dans le n° 70 de TAST, ici : http://www.bettanedesseauve.com/tast/

mardi 3 mai 2011

Un plaisir très personnel ou le syndrôme du jeu vidéo

Vendredi, j’ai reçu un mail de l’organisation Wikio qui classe les blogs par niveau d’influence. On me proposait les résultats en avant-première. J’ai dit banco, tu penses.
Les voilà. Mon blog, celui-là même que vous êtes en train de lire, passe de la 13e place pour le mois de mars à la 7e pour avril. En décembre, j’étais 280e. En janvier, 66e. En février, 29e. La progression est belle et je suis ravi de rejoindre ce TopTen où se côtoient les vedettes (vraies ou fausses) de la blogosphère. Content de voir la belle progression d’Emmanuel Delmas, dont les efforts redoublés méritent largement mieux. Il échoue au pied du podium, mais juste derrière Miss GlouGlou, il y a pire dans la vie. Le blog d’iDealWine et Œnos se maintiennent dans le TopTen. Ma treizième place du mois dernier échoit à Pauline Boët et son blog Eyes Wine Open, en forte progression depuis la 49e place. Et juste derrière Miss Vicky qui progresse aussi. Voici le classement de mai (établi sur les perfs du mois d’avril) des vingt premiers blogs Vin. Il comporte une injustice criante. Saurez-vous découvrir laquelle ?

1 Bourgogne Live
2 Le blog d'Olif
3 Miss GlouGlou
4 Sommelier-consultant, Paris
5 Oenos
6 Le blog d'iDealwine
7 Le blog de Nicolas de Rouyn
8 Échanges autour d'un verre de vin
9 Vendredis du Vin
10 Chroniques Vineuses
11 Le Blog de Jacques Berthomeau
12 Miss Vicky Wine
13 Eyes Wine Open
14 Sowine
15 Blog Midi-Vin
16 Youwineblog
17 Livr-esse
18 La Pipette aux quatre vins
19 L'Œnothèque
20 Fromage et bon vin

Classement réalisé par Wikio

lundi 2 mai 2011

Jolis vins et petits prix : c'est le consommateur qui le dit


C’est l’époque qui veut ça. La parole est au consommateur dans toute sa joyeuse diversité. Chacun s’exprime avec ses mots, ses approximations, ses envies, ses rancœurs. Pour canaliser ce bel enthousiasme, pour transformer toute cette énergie en quelque chose de vraiment utile, voici le Prix « Élu Prix Plaisir ».
Le principe est de rassembler un grand nombre de consommateurs en plusieurs jurys et de soumettre à ces aréopages toutes sortes de vins dont les prix sont compris entre deux et dix euros. Pas moins de 256 consommateurs ont ainsi formé seize jurys de quatre personnes.
C’est Bettane+Desseauve qui a été chargé de superviser et de contrôler l’ensemble des dégustations et des résultats. Chaque jury était animé par un dégustateur agréé par Bettane+Desseauve. Et ce sont Michel Bettane, Thierry Desseauve, Alain Chameyrat et Guillaume Puzo qui, en tant qu’experts référents, ont validé les résultats.
Les producteurs français ont proposé 950 vins dans les trois catégories (moins de quatre euros, de quatre à sept euros, de sept à dix euros). Seulement 226 vins ont été médaillés (55 or, 95 argent, 76 bronze). Le lecteur intéressé trouvera l’analyse des résultats complets ici : http://eluprixplaisir.fr/resultat/.
Quel intérêt ? Au moment où la critique « vins » s’envole sur tous les blogs, sur tous les forums de discussion, sur Facebook, l’idée de rassembler des vrais gens et de leur faire goûter des vins à des prix de consommation normaux représente un vrai grand pas en avant. Ces consommateurs, tous passionnés de vin, ont jugé à l’aveugle seule garantie de l’impartialité des débats dans ces circonstances. Ils ont goûté des vins de toutes provenances, ceux des plus petits vignerons comme ceux des plus grands groupes pinardiers français. Aujourd’hui, il semble que les résultats de ce concours aient reçu un très bon accueil chez l’ensemble de ceux qui ont été médaillés, comme en témoignent de nombreux sites de vignerons et de producteurs. L’histoire s’écrit tous les jours et elle ne fait que commencer.


Les logos : ce sont ces logos qui vont fleurir sur les bouteilles des lauréats dans tous les points de vente.

dimanche 1 mai 2011

Le vin nature par la racine


Les jeux de mots, c’est comme les rimes, il y a les riches et les pauvres, passons. Le vin, c ‘est pareil. Ainsi, de cette expérience toute récente au restaurant Racines, grand mamamouchi du vin nature à Paris, un havre aussi, pour tous ceux qui souhaitent échanger les maux de tête contre des maux d’estomac. Agréable assiette, bien tapée dans un registre vrai-de-vrai, limite austère, t’as vu mon produit comme il est beau, je connaissais le cochon par son petit nom, plus bio, y’a pas. On rigole, mais ça nous change de certaines afféteries aussi ridicules que peu nourrissantes. Pour les vins, nous commandons un petit blanc pour se dépâter la bouche, quelque chose d’agréable, c’est vous qui voyez. Le serveur en charge de la sommellerie a choisi pour nous un mâcon-chaintré 06 blanc de chez Valette. Comme jus de pomme, c’était top. Toute la Normandie et la Bretagne réunies dans votre verre, des vacances en raccourci, vos premiers congés payés, on sifflote à vélo, un bonheur rustique. Comme vin, en revanche, c’était court, raide, pauvre, ça manquait de gras, on s’embêtait. Parce que nous sommes des amis de la vie et de ses plaisirs, nous avons décidé de ne pas en rester là. Après un rapide conciliabule entre ma chère amie Tara Burton, immense dégustatrice anglaise, mon cher ami Éric Minet, garçon exigeant, et moi-même, nous avons décidé de ne faire confiance qu’à notre goût pour les étiquettes prestigieuses. Direction, l’Italie et ses promesses (c’est vrai, elle promet beaucoup, tient rarement, il faut un peu de chance). Un barolo la rocca e la pira 03 de Roagna, grand du Piémont. Un nez d’arômes évolués glissant doucement vers le cuir d’une Jaguar neuve, si vous voyez ce que je veux dire, précise Tara Burton. Ces Anglaises sont épatantes. En bouche, c’est ample, un côté fumé, blédina au chocolat, cranberry. Je n’ai jamais su vraiment ce qu’était une (ou un ?) cranberry, fruit canadien dont seuls les grands voyageurs connaissent les saveurs, mais je n’ai pas osé poser la question. La finale est belle et voluptueuse, nous sommes ravis, la conversation soyeuse s’étire en douceur, la vie est belle. On a envie d’une Jaguar neuve.
Voilà un Italien qui donne une leçon de vin nature à nos valeureux vitis français. C’est dommage. En même temps, ça nous rappelle que le vin et la peinture, de beaux arts, ont des choses en commun. Pour faire un beau tableau abstrait, il faut savoir dessiner de la manière la plus réaliste. Picasso, Rothko, Haring savaient. Pour faire un grand vin nature, il faut savoir faire un grand vin. Roagna sait.