Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



vendredi 20 mai 2011

Clémentine au grand restaurant


Clémentine, mon invitée que j’ai, a été déjeuner chez Lapérouse et, à l’en croire, c’est nul. Quand on a 24 ans, je comprends que ce lieu extraordinaire ne parle pas une langue très audible. La légende la laisse de glace, la magie n’opère pas. Elle est partie avec le vague sentiment qu’on l’avait prise « pour une quiche », comme elle dit. Mais bon, elle voulait déjeuner, pas aller en cours d’histoire. Lisons.

« "Vivez l'expérience" qu'ils disent sur le site internet. Moi, j’adore les expériences. Donc, j’étais carrément excitée d'y aller. Je m’attendais à des effets spéciaux comme au Futuroscope ou à manger des vers de terre vivants comme dans Koh Lanta. En fait, on n’a pas fait d’expérience bouleversifiante. C’était très convenu tout ça et je me suis ennuyée profond, genre anniversaire de Philip Duc d’Edimbourg à Buckingham Palace.
Avant d'y aller, je me suis un peu rancardée sur le lieu, histoire de pas passer pour l’inculte de service qui connaît rien. J’avais eu ma dose au dernier repas de famille quand papa a dit que « ça fait chier que tricher augmente les taux de la BCE ». Je ne triche pas souvent, mais ça m’arrive, j’étais embêtée que ça puisse perturber mon papa. J’ai promis solennellement à tout le monde d’arrêter, même quand on joue au Monopoly. Quelle idée de s'appeler Trichet.
Bref, j’ai découvert que Lapérouse a un historique chargé, surtout d’histoires pas très nettes. On y venait libertiner comme on passe au Mac Drive chercher son Big Mac. Salons intimes tapissés de miroirs et alcôves coquines lui font une réputation aussi sulfureuse que celle de DSK. Le problème, c’est qu’aujourd’hui tu rentres là-dedans comme dans un magasin de lingerie. T’es pas super à l’aise, même si tu trouves tout hyper glam.
Lapérouse est niché dans un hôtel particulier du XVIIIe. Longtemps, c’était « the place to be ». Tu pouvais tomber nez à nez avec Maupassant en sortant des WC, dîner à côté de la table de Dumas et siroter un mojito au bar avec Victor Hugo. Aujourd'hui, il n’y a guère plus que Pudlo et François Simon pour en parler sur leur blog, de quoi reléguer ce lieu dans la plus profonde has-beenitude.
Dommage pour la vue plongeante sur les quais de Seine. Pour les petits salons aux belles boiseries. Pour les miroirs qui ne tâteront plus les diamants des belles voulant checker que leur prétendants les prenaient pas pour des quiches. Hormis pour les mises en scène convenues des critiques gastronomiques. Parce que Lapérouse à la base, c’est tout de même un restaurant. Et dans un restaurant, on mange, on boit. Rien à dire sur le service. Morgane notre serveuse toute dévouée est aussi bienveillante que charmante, pas hyper à l’aise, ça la rend super touchante. En plus, on a les mêmes goûts pour les desserts. Serais bien repartie avec sous le bras. Surtout qu’on se demande ce qu’elle fiche dans le décor. Avec son joli minois et ses 20 ans, on l’attend plutôt à la terrasse d’un Costes. Le sommelier, Mehdi Zerizer, fait lui aussi bien jeune dans cette atmosphère cérémoniale. Il contrebalance avec un maniérisme exagéré. On doit comprendre qu’on n’est pas dans n’importe quelle maison. Mehdi se veut défenseur des accords mets-vins et travaille, dit-il, main dans la main avec le chef autour d’une carte des vins faite de classiques incontournables et de petits domaines moins connus, mais qu’il pressent comme les stars de demain. Dis comme ça, avec l’enthousiasme du fringant Medhi, ça fait rêver. Avec la carte des vins entre les mains, le fantasme devient réalité. Un book noir épais comme une côte de cochon de chez Louis Ospital. Des pages entières couvertes de noms superbes. Tu sais plus où regarder, la tête te tourne, tu refermes ça comme un grimoire de formules magiques, les yeux qui brillent mais le cœur serré par la peur. Trop de choix, c’est la panique. Alors, tu plonges dans le menu. Mehdi l’a dit, il travaille les accords. Bien, tu vas choisir les plats, Mehdi choisira les vins. Il a l’air ravi par l’exercice, toi t’es ravi de pas avoir à assumer le choix d’un vin parmi 3 000 références, tout le monde est content. Tu composes donc ton menu à la lecture des intitulés à rallonge et à majuscules, ça te fait grave saliver tous ces mots.
« L’Oeuf Mollet Lapérouse - En Croûte de Pain Brûlé, Purée Fine d’Oignon Doux,Truffe Noire, Nuage d’un Lait Réglissé et Jus de Volaille au Soja. »
« Ris de veau - Braisé à la Maniguette de Côte d’Ivoire, Chicorées confites et poêlées, Jus aux Grains de Café de Colombie. »
« Soufflé Lapérouse - Au Pralin et Caramel aux Epices, Glace Malaga. »

A peine ta commande passée, tu sais déjà plus ce que t’as choisi, un truc comme de la réglisse en entrée, du café en plat et des épices en dessert. Mais bon tu t’en fiches parce que tu commences à comprendre que si t’es là, c’est pas plus pour le verre que pour l’assiette. Les plats sont beaux, bons, mais pas assez pour que tu t’en souviennes trois jours après. Le vin se laisse boire, mais les accords sont pas plus percutants qu’une bataille de plumes d’oie. Medhi sait parler des vins, de sa carte, il est plein de bonne volonté. Manque de bol, il nous a servi « en accord » avec les plats choisis, les vins banals, sancerre et savigny-les-beaune 1er cru, proposés au verre avec le menu du jour. Mais sans les plats du jour. Sûrement la politique de la maison. Si t’es là, c’est pour le parquet en bois, les gravures et les peintures comme dans les musées, le calme et la sérénité, la vue imprenable sur la Seine.
Bref, si t’es là, c’est vraiment pour te faire chier. »

Clémentine de Lacombe

La photo : un des petits salons de Lapérouse, où personne n'entre sans frapper, photographié par Clémentine de Lacombe. L'amateur ne manquera pas le canapé de velours rouge devant la fenêtre…


Si vous n'avez pas lu les précédents articles de Clémentine de Lacombe, cliquez sur les titres :
Clémentine est amoureuse de Carole
Clémentine a bu du vin de messe
Mon invitée que j’ai

8 commentaires:

  1. Moi, ce que j'en dis, c'est que quelqu'un qui peut sortir de cette gargotte qui fut glorieuse du temps de Topolinski (t'étais pas né, gamin)et qui écrit comme ça, il n'a pas dû s'enquiquiner grave. Il a dû laisser vagabonder ses neurones dans quelques caches quasi honteuses selon certains points de vue de la hiérarchie catholique.
    J'ai pas dit lubrique, hein ! Pas de faux procès, surtout en ce moment :-)

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  2. François, cesse de confondre la petite Clémentine avec un homme politique ex-chouchou de l'électorat. Et conviens qu'il est assez savoureux de voir cette génération ringardiser les Pudlo et François Simon. Ce sera bientôt ton tour !!!

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  3. Moi, Clémentine, j'adore quand vous dépoussiérez. Tout de suite, l'air est plus frais et je respire mieux. Quant à Nicolas, faudrait qu'il vous traine à Bordeaux, histoire de me faire rire un peu. L'air y est parfois vicié.
    Marilyn

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  4. Marilyn, je négocie ça, mais je ne promets rien du tout !

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  5. Olivier:
    Clémentine, Trichet a augmenté qu'une fois les taux au lieu de deux comme prévu, pour ceux qui pense que le directeur de la BCE est un idéologue inflexible vivant en haut de sa tour d'ivoire c'est loupé....
    Allé la semaine dernière à la Regalade Saint-Honoré, un endroit où l'on est bien: décor élégant et chaleureux, cuisine précise et généreuse, serveuses douces et attentionnées :o)

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  6. On ne dira jamais assez l'importance des serveuses.

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  7. Bonjour. Nicolas m'avait fait part de ses réserves et remarques quant à son dîner chez Lapérouse. Mais tout n'était pas aussi négatif que dans le texte de Clémentine. Et ses remarques, à lui, étaient étayées.
    Clémentine, ce que vous écrivez est tellement "too much" que vous n'en êtes pas crédible ! Dommage. Un peu de mesure et d'argumentation rendrait votre papier plus vraisemblable.
    Entièrement d'accord avec vous sur certains points, ainsi qu'au sujet des majuscules surabondantes sur la carte ; mais êtes-vous vraiment venue pour "manger de la majuscule" ?
    Votre objectif est-il de vous regarder écrire ou de tenter d'avoir la critique constructive ?
    Je me suis occupée des relations presse de Lapérouse et, si je suis intéressée par toutes les critiques - bonnes et mauvaises, car ce sont ces dernières qui permettent le plus d'avancer - la critique systématique et généralisée me semble toujours douteuse...
    A moins d'être le fait de gens qui n'aiment que les cuisines et les endroits au top de la mode (et qui par définition ne le resteront pas longtemps, fatigants qu'ils deviennent vite). Le travail de sape, suitant de mauvaise foi et sans argumentation, du travail et des efforts de tout une équipe ne coûte pas cher à celui (celle) qui s'y livre, mais est dévastateur pour ceux à qui il s'applique.
    Vous écrivez bien, certes, mais ce n'est pas suffisant. Si je puis me permettre un conseil : argumentez, construisez vos papiers - et vos commentaires n'en seront que plus intéressants.
    Perrine Dequecker

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  8. Chère Perrine, accabler Clémentine dans la démesure de ses commentaires est une erreur aussi historique que les beaux murs de Lapérouse. Il est indispensable que les tenants de la gastronomie contemporaine intègrent cette génération qui arrive dans leurs établissements avec des avis et des envies. Si ces gens ratent cette nouvelle clientèle, ils iront dans le mur de leurs certitudes et disparaîtront avec leur clientèle vieillissante.
    J'ajoute qu'on ne peut pas s'élever contre la liberté d'expression d'une dégustatrice. Quand on fait un métier qui requiert l'adhésion du public, on s'expose aussi à des rejets.
    Nicolas de Rouyn

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