Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 28 novembre 2018

Oui, il nous faut des maîtres

À quoi peut bien servir une master class, me demandait l’autre jour un de ces esprits forts qui font les malheurs des réseaux sociaux. À quoi sert d’apprendre ? Le vin, cette culture, est un chemin sans fin où toujours tout est à découvrir, à redécouvrir sans cesse, puisque tout change tout le temps, les hommes, les techniques, le temps justement.

Une master class à la sauce Grand Tasting, c’est d’abord une classe dirigée par un maître. Au tableau, l’homme de l’art, Bettane, par exemple, ou Desseauve, explique un vin, un terroir ou une appellation. Pour leur plus grande surprise, la plupart de ceux qui ont assisté à une master class en ressort subjuguée. Parce que c’est passionnant. Moi, je ne rate jamais les classes de maître sur les vins qui m’enchantent. Ainsi, retrouver sur l’estrade les gens qui font les sauternes et s’en expliquent sous la houlette bienveillante de l’un de nos experts, c’est la garantie d’apprendre encore et toujours quelque chose de plus, voire de nouveau, parfois. Tout ça en goûtant les vins dont on parle, pour comprendre le terroir, l’homme qui travaille, le climat du millésime.

Un bon exemple, c’est cette master class autour du château de Nalys, un châteauneuf-du-pape, une acquisition récente de la maison Guigal. Il n’est pas douteux que la découverte de ce que va devenir ce cru entre les mains de gens aussi talentueux que les Guigal peut être très convaincant. À voir. Idem pour cet autre châteauneuf-du-pape, le château La Gardine. L’appellation est en pleine redéfinition stylistique, un virage entrepris il y a quelques années sous l’impulsion du consultant-star de la vallée du Rhône, Philippe Cambie. Il est évident que ces vins ont gagné en finesse ce qu’ils ont perdu en sauvagerie solaire. Nous aussi, on gagne à déguster ces jus-là. Une fois de plus, il est question d’apprendre, de comprendre. Dans un registre équivalent, plonger dans l’univers d’un château bordelais et réaliser que tout a changé, que les vins sont bien meilleurs qu’il y a quinze ans, que les pratiques culturales ont considérablement évolué et goûter des millésimes récents en se demandant pourquoi on n’en a pas plus dans sa cave. Je parle du grand cru classé Château Marquis de Terme, à Margaux.

Apprendre, comprendre, faire du propre dans sa cave. Voilà à quoi sert une classe de maître. Pardon, une master class.

Quelle chance.

Le Grand Tasting ouvre ses portes vendredi 30 (dans deux jours et pour deux jours) à 10 heures du matin. Il n’y a pas moins de 24 master class. La plupart sont déjà complètes, mais pas toutes. C’est l’occasion ou jamais d’apprendre quelque chose d’intelligent.
Réservations sur grandtasting.com/billetterie/

Le Grand Tasting,
Carrousel du Louvre,
99, rue de Rivoli
75001 Paris


 

lundi 19 novembre 2018

Basile, le bio et la patrouille


Il aura suffi qu’un vigneron explique au reste du monde qu’il mettait un terme à une expérience de culture bio de plusieurs années pour déclencher une de ces paniques dont Facebook a le secret, mélange de mauvaise foi et d’outrance, pratique habituelle de la patrouille des bien-pensants. Et démonstration une énième fois, s’il en était besoin, des grandes difficultés de nos contemporains connectés à comprendre ce qu’ils lisent. Basile Tesseron a expliqué à mon excellente consœur Béatrice Delamotte, rédactrice en chef adjointe de la Revue du vin de France, qu’après des années de tentatives diverses, il mettait un terme à l’usage du cuivre, arguant que celui-ci mettrait des siècles à se dissoudre dans les sols, ce qui le dérange beaucoup. Bref, rien qu'on ne sache déjà. D’autres ont fait ce pas de côté avant lui, pas de quoi affoler la cour et la campagne.
Ben si.

Panique électronique 
Le plus ennuyeux, c’est que la charge est menée par trois vignerons que j’aime beaucoup, autant que leurs vins respectifs, c’est dire. Des garçons intelligents avec des vraies convictions et toute ma considération depuis longtemps. Pour ne pas déclencher une nouvelle panique, je ne mentionnerai pas leurs noms. Il suffit de savoir que l’un est le roi du bordeaux sup’ de haut vol, le second est le king du bio très bon à Pomerol et le troisième, la nouvelle étoile qui brille dans le ciel de Saint-Émilion. Ceux qui savent, savent. Évidemment, leur notoriété et la qualité de leurs productions respectives agrègent autour de leur avis, une foule d’indignés en chewing-gum qui y vont tous de leur aigreur et n’ont pas de mots trop forts pour qualifier les propos de Basile. Je comprends bien que ces garçons défendent leurs convictions, mais Tesseron ne les attaquait pas et ce qu’il dit est mesuré, intelligent, lisible. On peut certainement en débattre, sûrement pas lâcher les chiens. Je connais Lafon-Rochet et Basile depuis plus de dix ans et je l’ai toujours vu se passionner pour plus de propreté dans ses pratiques culturales. Il a été l’un des premiers à acquérir des petits tracteurs légers, par exemple. Et l’exemple du domaine de son oncle Alfred (Pontet-Canet) n’était pas étranger à cet engagement. Il n’a jamais engagé une conversion en bio en termes administratifs, mais n’a jamais cessé de chercher à faire plus, à travailler mieux. Ceci sans alerter tout le monde, posture habituelle pour de nombreux autres. Aujourd’hui, ce qu’il décide est le fruit de dix ans d’expérience. Chacun jugera, l’idéal étant de juger en toute connaissance de cause, ce qui est très difficile évidemment.

« Fils à papa », comme tout le monde ou presque
Dans le vignoble, très peu nombreux sont ceux qui ne sont pas des héritiers. À part François Pinault, Régis Franc, Hervé Bizeul, quelques capitaines d’industrie ou du commerce, quelques audacieux (très peu) qui ont acquis leurs vignes, tous sont des « fils à papa », comprendre des gens qui ont hérité de leur père et, souvent aussi, de leur mère. En soi, traiter Basile de fils à papa est une erreur de jugement. Du coup, c’est toute la critique qui est démonétisée puisque, au fond, tout part de là. Allez, I love you, les gars.

Mise à jour importante :
Celui que je désigne comme le roi du bordeaux sup' (il faut bien dire qu'il produit des bêtes à concours) me précise dans l'oreillette qu'il est d'accord avec Basile, qu'il a publié un fac-similé de l'article de la RVF pour se joindre aux propos tenus, pas pour les dézinguer. En somme, son intention a été dévoyée par le fil de conversation, ce qui arrive souvent  sur Facebook.

Pour que chacun se fasse son opinion, je reproduis ci-dessous l’article de la RVF qui contient les déclarations controversées de Basile Tesseron pour son château Lafon-Rochet. Quiconque sait lire dira comme moi qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat et ceux que le sujet intéresse pour de vrai, comme moi, adorerait lire un vrai débat sur le sujet. Dommage, il n’a pas eu lieu. 

Pour lire mieux, cliquer sur l'image

mercredi 14 novembre 2018

Mes magnums (81)
Un beau corbières en conversion bio

Château de Lastours, Grande réserve, corbières 2013 



Pourquoi lui 
Ce Grande réserve est la cuvée phare d’une maison des Corbières. Carignan, syrah, grenache, de l’épice, du nerf, de la conversation. On ne voit pas si souvent passer ce genre d’article dans mon sac à bouteilles. Et il est très convaincant.

On l’aime parce que 
Lastours déroule ses cent hectares de vignes dans un paysage sec, austère et beau, le pays des Cathares, l’Histoire a un grand souffle par ici. La tramontane, aussi. Ce qui permet d’envisager sereinement la conversion bio entreprise.

Combien et combien 
1 200 magnums, 39 euros le magnum.

Avec qui, avec quoi 
L’élégance de cette cuvée en fait un vin d’été, les soirs de belles tables et de gastronomie raffinée. Et c’est un vin suffisamment tous publics pour éviter les arguties interminables.

Il ressemble à quoi 
Il ne ressemble pas à l’idée fausse qu’on se fait d’un languedoc. C’est un vin raffiné, limpide, suave et frais en finale. Soit à peu près tout ce qu’on demande à un vin.

La bonne heure du bonheur 
Pour une fois, nul besoin de s’armer de patience hyper longtemps. Nous sommes en 2018, 2013 est à point. On le goûtera sur sa finesse et on a bien raison.

Le hashtag
#windyslopes

Le bug 
Il n’a pas une immense visibilité.

Le statut 
En conversion bio depuis 2017.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Pour le 2012 : Superbe nez puissant et raffiné à la fois, grande minéralité, notes grillées et épicées, et évidemment fruit noir bien mûr, la bouche est séveuse, généreuse, parfaitement harmonieuse, avec des tannins mûrs et une bonne vivacité en finale. Bon potentiel. 15/20, à boire avant 2019

Cette chronique a été publiée dans EnMagnum #12 sous une forme différente.
Le numéro 13 est en vente chez votre marchand de journaux.
Voilà la couverture de ce fameux numéro. On y parle d'argent, pour une fois.


 

lundi 5 novembre 2018

Mes magnums (80) un grand coup de soleil avec un bandol pas solaire justement, mais subtil

Domaine de Terrebrune, Terroir du Trias, bandol 2015 

 

Pourquoi lui 
Quand la Provence nous envoie du rouge, on arrête tout et on regarde. Avec le blanc, aussi. Qu’on y ajoute les scintillements du soleil sur la Méditerranée de Bandol et tout est réuni « pour que le diable y soit. » Il y est, ces bandols rouges sont diaboliques.

On l’aime parce que 
La finesse, les épaules et l’épice, le plus beau ménage à trois du cinéma pinardier. Le mourvèdre est à son mieux quand il regarde la mer, dit quelqu’un qui s’y connaît. Les trente hectares de Terrebrune, en restanques, regardent le large avec obstination, le compte est bon. Ce terroir a été planté en 1963 et n’a jamais connu la chimie. Il est bio par défaut, si j’ose dire.

Combien et combien ? 
Quantité non communiqué,
58 euros le magnum.

Avec qui, avec quoi ? 
Une gastronomie provençale haut de gamme, c’est-à-dire sans ail (j’entends d’ici les hurlements des cuisiniers approximatifs). La subtilité d’un bandol à son mieux demande un palais attentif, pas engourdi.

Il ressemble à quoi ? 
À une exécution magistrale du vin de soleil. C’est-à-dire pas solaire, justement. Bandol jouit d’un climat divin, tout s’explique.

La bonne heure du bonheur 
Un bandol, comme tous les rouges de Provence, sachons l’attendre. Dix ans, c’est le tarif de l’amateur exigeant. Soyons exigeants.

Le hashtag 
#mêmepascher

Le bug 
Ce n’est pas le grand bandol qu’on croise le plus.

Le statut 
Bio certifié.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Pour le 2013 : Racé et exquis. L’élégance intrinsèque de ce vin tout en subtilité est impressionnante. 16,5/20

Cette chronique a été publiée dans EnMagnum #12 sous une forme différente.
Le numéro 13 est en vente chez votre marchand de journaux.
Voilà la couverture de ce fameux numéro. On y parle d'argent, pour une fois.